[Ms BIU Santé no 2007, fo 40 vo | LAT | IMG]
Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, etc. à Nuremberg.
Très distingué Monsieur, [a][1]
J’attends de jour à autre les livres que vous m’avez achetés et expédiés ; toutefois, à cause des difficultés des chemins et de la rigueur du temps très froid, aucun d’eux n’arrive (mais vous, en attendant, ne soyez pas inquiet de votre débiteur) et bien que la date où ils arriveront ne soit pas encore certaine, je vous écris dès à présent pour vous faire savoir que je suis pas oublieux de tant de bienfaits que je reçois de vous, et que je vous en remercie extrêmement. D’après cette liste des œuvres du très savant Conring, [2] que vous m’avez envoyée, j’apprends qu’il m’en manque beaucoup ; je vous écrirai plus tard pour les obtenir, quand j’aurai reçu ceux qui traînent en chemin. Notre Riolan est en vie et se porte plus ou moins bien, [3] il n’a pas encore vu le nouveau livre de Bartholin contre lui et ne craint rien pour lui venant de ce côté. [1][4][5][6][7][8] Les objections de Bartholin contre notre ami Hofmann ne sont pas non plus si considérables qu’elles méritent réponse. [2][9] La gloire du très éminent Hofmann demeure intacte et le demeurera toujours, appuyée sur sa propre force, et la malveillance de simples particuliers de ce genre ne la renversera jamais ; non plus que la jalousie impuissante qui, sans aucun doute, ne résistera pas aux siècles à venir. Vous connaissez ce vers d’Ovide, Pascitur in vivis livor, post fata quiescit. [3][10] Que bouillonnent donc entre jeunes anatomistes ces luttes, plus curieuses que studieuses, sur des innovations dont je ne me soucie pas, quousque venerit Elias ille qui veritatem nobis patifaciet ! [4][11][12] Je m’en remets quant à moi aux anciens, me reposant sur Galien [13] et sur mon Riolan. Il n’y a aucun intérêt à tant de nouveautés, qui ne font à peu près rien en faveur de notre métier ou du moins apportent peu de chose à l’art de bien remédier. [14] Vous saluerez, s’il vous plaît, de ma part le très distingué Rolfinck, et le remercierez pour le livre qu’il m’a envoyé et que je n’ai pas encore reçu ; cela fait, je lui enverrai quelque cadeau. [15] Notre Gassendi est ici mort le 24e d’octobre, terrassé par une fièvre lente issue d’un poumon usé et desséché. [16][17] On s’occupe ici à une nouvelle édition de ses œuvres complètes en 8 tomes in‑fo, mais ce travail est lent et ne progresse pas aisément.
J’en viens à votre troisième question. Notre ami Spon, médecin de Lyon, n’a pas encore reçu les livres que vous lui avez envoyés à mon intention ; [18] mais recevez, s’il vous plaît, le paiement des livres que vous avez précédemment achetés pour moi : soit par M. Metscher, soit par M. Pomer ; [19] M. Picques le remboursera aussitôt ; il reste, dans les prochains jours, en grande impatience et de marchandises et de livres qu’on lui a envoyés par Hambourg. [20] Voici dix jours que j’ai expédié à Jean Elsevier, imprimeur de Leyde le Théophraste du très distingué Caspar Hofmann, que j’avais ici, et ce qui se rapportait à lui ; il m’a promis qu’il penserait sérieusement à éditer cela avant l’an prochain ; Dieu veuille qu’il exécute ce à quoi il s’est solennellement engagé ; peut-être ne trompera-t-il pas mon attente. [5][21][22][23][24] Je recours à des étrangers puisqu’il n’y a rien à espérer de ceux d’ici, en raison des furieux déchaînements de Bellone [25] qui secouent et déchirent misérablement notre France. Je ne me souviens pas des livres que j’ai achetés pour vous et n’ai rien retrouvé que j’aie copié là-dessus dans mes brouillons. Si vous avez déjà reçus ceux que j’aurais envoyés, tenez-les pour vôtres au nom de notre mutuelle amitié. Jouissez-en donc, utilisez-les et abusez-en même, comme disait cet empereur au philosophe qui ne voulait pas se servir du trésor qu’il avait trouvé, ni le garder pour lui, même avec le consentement du prince. [6][26][27] Au printemps prochain, après que j’aurai reçu les vôtres, que j’attends de jour à autre, tant par Rouen que par Lyon, je vous enverrai un paquet, par l’intermédiaire de notre cher Spon, pour vous et pour nos amis ; au premier rang desquels je place MM. les très savants Nicolaï, [28] Conring et Rolfinck. Pour la grande affection que je leur porte, je voudrais toute ma vie leur être entièrement liés, tout comme à vous. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.
Guy Patin qui sera vôtre pour l’éternité.
De Paris, le 25e de février 1656.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 40 vo.
Thomæ Bartholini Defensio Vasorum lacteorum et lymphaticorum adversus Joannem Riolanum Celeberrimum Lutetiæ Anatomicum. Accedit Cl. V. Guilielmi Harvei de Venis Lacteis sententia expensa ab eodem Th. Bartholino.
[Défense des vaisseaux lactés et lymphatiques, de Thomas Bartholin contre Jean Riolan, très célèbre anatomiste de Paris. Avec la sentence du très brillant William Harvey sur les veines lactées, examinée par ledit Th. Bartholin]. {a}
- Copenhague, Melchior Martzan, 1655, in‑4o de 210 pages ; épître dédicatoire à Niels Trolle, gentilhomme danois, datée du 1er février 1655.
La De Lacteis venis Sententia Cl. V. Guilielmi Harvei expensa a Th. Barthelino [Sentence du très brillant William Harvey sur les veines lactées, soigneusement pesée par Th. Bartholin] (pages 169‑195) est une lettre de Bartholin Celeberrimo Viro Dn. D. Joh. Danieli Horstio, nuper Med. Prof. Marpurgensi, nunc Archiatro Darmstadiano meritissimo, Amico suspiciendo [au très célèbre M. Johann Daniel Horst, naguère professeur de médecine à Marbourg, maintenant très méritant archiatre de Darmstadt, son admirable ami]. Bartholin y attaquait la sentence que Harvey (mort en 1657) avait énoncée sur les lactifères dans un ouvrage paru en 1649, deux ans avant la publication des voies du chyle par Jean Pecquet : {a}
Exercitationes Duæ anatomicæ de Circulatione sanguinis. Ad Joannem Riolanum filium ; Parisiensem medicum peritissimum, Anatomicorum Coryphæum : in Academia Parisiensi Anatomes et Herbariæ professorem Regium egregium atque Decanum, Reginæ matris Ludovici xiii. Medicum primarium. Authore Guilielmo Harveo Anglo, in Collegio Medicorum Londinensium Anatomes et Chirurgiæ Professore ; serenissimæque Majestatis Regiæ Archiatro.[Deux Essais anatomiques sur la Circulation du sang. Adressés à Jean Riolan le fils, très habile médecin de Paris, coryphée des anatomistes, distingué doyen et professeur royal d’anatomie et botanique en l’Université de Paris, premier médecin de la reine mère du roi Louis xiii. Par William Harvey, Anglais, professeur d’antomie et chirurgie dans le Collège des médecins de Londres, archiatre de Sa sérénissime Majesté royale]. {b}
Le passage les plus instructif est aux pages 16‑18 :
Præterea addit vir doctissimum Enchirid. lib. 2, cap. 18. quartum genus vasorum menseterio, quæ venæ lacteæ dicuntur ; (inventa ab Asselio,) quibus positis, videtur astruere, omne alimentum ab intestinis extractum per ipsas ad jecur, officinam sanguinis, de rivari, quo inibi concocto et in sanguinem transmutato (dicit lib. 3 ; caput. 8) ad dextrum cordis ventriculum traducitur, quibus positis, inquit, omnes difficultates quæ olim movebantur, de distributione chyli et sanguinis, per eundem canalem cessant ; nam venæ lacteæ vehunt chylum ad Hepar et proinde seorsum isti canales sunt, et seorsum obstrui possunt. Verum enimvero quomodo si lac illud in jecur transfundatur et pertranseat, inde per cavam ad cordis ventriculum (quando sanguinem in ramis portæ, simæ hepatis distributis numerosissimis contentum posse pertransire, ut ita fiat circulatio negat vir doctissimus) unde hoc verisimile demonstretur, scire velim, præsertim cum et spirituosior et penetrativus magis sanguis, quam chylus aut lac in illis lacteis contentum, apparet, et adhuc ab arteriarum pulsu urgetur, ut alicubi viam inveniat. […]Sed enim vir doctissimus si maluisset, in portæ venis et cavæ ramulis, ponere circularem motum sanguinis (uti dicit lib. 3. cap. 8. in venis sanguis perpetuo et naturaliter ascendit sive remeat ad cor, sicut is in omnibus arteriis descendit sive discedit a corde) non video, inquam, quin hoc posito, omnes difficultates, quæ olim movebantur de distributione chyli et sanguinis per eosdem canales, æque cessarent ; ut et ultra non necesse haberet seorsum vasa chyli inquirere aut ponere. Quandoquidem, sicut venæ umbilicales ab ovi liquoribus succum alimentativum absorbent, de feruntque ad nutriendum et augmentandum pullum, adhuc embryonem existentem, ita venæ meseraicæ ab intestinis chylum sugunt, et in jecur deferunt, idemque officium adulto præstare qui prohibet asseverare ? cessant enim omnes motæ difficultates, cum in iisdem vasis non duo contrarii simul motus supponuntur, sed eundem continuo motum in mesaraicis ab intestinis in jecur supponimus.
De venis lacteis quid sentiendum alibi dicam, cum de lacte tractavero in diversis recens natorum partibus reperto præsertim humano : reperitur enim mesenterio et omnibus ejus glandulis, in thymo quoque, axillis etiam et mammis infantum ; lac obstetrices emungunt, ut putant, in salutem.
[Le très savant homme ajoute aussi, au livre 2, chapitre 18 de son Encheiridium : {c} dans le mésentère existe une quatrième sorte de vaisseaux (découverts par Aselli) ; {d} ils semblent être là pour conduire tout l’aliment extrait par les intestins jusqu’au foie, qui est la fabrique du sang ; et après y avoir été digéré et transformé en sang (dit-il au livre 3, chapitre 8), il est conduit au ventricule droit du cœur. Ainsi, dit-il, cessent tous les difficiles questions qu’on agitait jadis sur la distribution du chyle et du sang par un même canal : {e} les veines lactées amènent le chyle au foie, d’où s’ensuit que ces canaux sont séparés et peuvent s’obstruer séparément. Sans doute, mais si ce lait se déverse dans le foie et le traverse puis, de là, gagne le ventricule du cœur par la veine cave {f} (quand ce très savant homme nie la circulation, qui permet au sang contenu dans les rameaux de la veine porte de traverser le foie, à la face inférieure duquel ils sont extrêmement nombreux), je voudrais savoir comment il démontre la vraisemblance de son propos, en particulier parce que le sang apparaît à la fois plus limpide et beaucoup plus pénétrant que le chyle ou le lait contenu dans lesdits lactifères, et parce qu’il est en outre poussé par la pulsation des artères pour trouver partout son chemin. {g} (…)
Si le très savant homme avait préféré placer un mouvement circulaire du sang dans les rameaux des veines porte et cave {f} (ne dit-il pas, au livre 3, chapitre 8, que dans les veines, en permanence et naturellement, le sang monte ou revient au cœur, de même que dans toutes les artères, il descend ou s’éloigne du cœur ?), {h} alors je dirais ne pas voir comment ne cesseraient pas aussi bien les difficiles questions qu’on agitait jadis sur la distribution du chyle et du sang par les mêmes canaux ; sans qu’en outre, le chyle ait à se chercher et s’établir des vaisseaux propres. {e} Les veines ombilicales extraient le suc nutritif des humeurs de l’œuf et le transportent au petit poulet, dont l’existence n’est encore qu’embryonnaire, pour assurer son alimentation et sa croissance : pourquoi alors n’affirmerait-on pas sérieusement que les veines mésentériques pompent le chyle dans les intestins et le transportent-vers le foie, pour remplir le même office chez l’adulte ? Cesseraient alors aussi toutes les difficiles questions qu’on a agitées, parce que dans ces vaisseaux {i} ne coexistent pas deux mouvements contraires, mais que nous supposons l’existence continuelle d’un même mouvement dans les vaisseaux mésentériques, allant des intestins au foie.
Je dirai ailleurs ce qu’il faut penser des veines lactées, quand je traiterai du lait dans les diverses parties des nouveau-nés, notamment chez l’homme : on en trouve en effet dans le mésentère et dans toutes ses glandes, ainsi que dans le thymus, et même les mamelles des enfants, d’où les sages-femmes croient salutaire de le soutirer]. {j}
- Experimenta nova anatomica… [Expériences anatomiques nouvelles…] (Paris, 1651, v. note [15], lettre 280).
- Rotterdam, Arnoldus Leers, 1649, in‑12 ; réédition à Paris, Gaspard Meturas, 1650, in‑12.
- Jean ii Riolan, que Harvey qualifiait ici respectueusement de vir doctissimus, « très savant homme » : Encheiridium anatomicum et pathologicum… [Manuel anatomique et pathologique…] (Paris, 1648, v. note [25], lettre 150).
- V. note [10], lettre latine 15, pour Gaspare Aselli et sa découverte publiée en 1627. Les trois autres sortes de vaisseaux étaient les artères, les veines et les nerfs.
- Riolan se réjouissait que la découverte d’Aselli ait mis fin aux débats sur le déplacement du chyle depuis le mésentère jusqu’au foie, en montrant qu’il emprunte des vaisseaux distincts de ceux qui conduisent le sang. Harvey, au contraire, croyait que le sang et le chyle empruntent les mêmes vaisseaux pour gagner le foie, dans le mouvement circulatoire général qu’il avait découvert.
- Fonctionnellement, le foie est un organe veineux placé entre deux systèmes : la veine porte lui apporte le sang venu de l’estomac, de l’intestin grêle (mésentère), le la rate et du pancréas ; la veine cave inférieure draine (par les veines sus-hépatiques) le sang qui en sort, dont il a modifié (digéré et purifié) la composition liquide (plasma, v. note [33], lettre latine 4).
- Autrement dit : comment un liquide aussi épais que le chyle cheminerait-il dans ses vaisseaux propres et, qui plus est, sans jouir de la force propulsive de la circulation sanguine ? Harvey en déduisait à tort que, pour gagner le foie, le chyle devait se mêler au sang veineux porte.
- Parenthèse ironique pour signifier que Riolan, en dépit de ses objections obstinées, était contraint d’admettre implicitement la circulation du sang démontrée par Harvey.
- Les veines sanguines et les veines lactées (lactifères) du mésentère.
- Exercitationes de Generatione animalium… [Essais sur la reproduction des animaux…] (dernier ouvrage publié par Harvey, Amsterdam, 1651, v. note [22], lettre 252), Exercitatio lvi, De ordine partium in generatione, ut ex observationibus constat [L’ordre de formation des parties dans la reproduction, tel qu’il ressort de ce qui est observé], pages 365‑366 :
Notandum hic obiter, in omni fœtu humano vegeto et sano, lac perfectum passim reperiri ; eodemque maxime thymum glandulam abundare. Reperitur etiam in pancreate, et per totum mesenterium, in quibusdam quasi venis lacteis, glandulisque inter divaricationes venarum mesaraicarum positis. Quinetiam ex infantium recens natorum uberibus aliquando exprimitur, imo sponte effluit : idque ad sanitatem facere, obstetrices aliquæ opinantur.[Il faut ici noter, en passant, qu’on trouve partout du lait parfaitement formé chez tout fœtus humain sain et bien vivant : il abonde surtout dans la glande thymique ; {i} mais on en trouve aussi dans le pancréas et dans la totalité du mésentère, dans certaines veines d’aspect lacté {ii} et dans les glandes placées aux confluences des veines mésentériques. Et même bien plus, chez les nouveau-nés, il s’en tire parfois des mamelons, {iii} voire il s’en écoule spontanément ; et certaines sages-femmes croient sain de le traire]. {iv}
- Vulgairement appelé fagoue (et ris, chez le veau), le thymus est une grosse glande des jeunes mammifères, située dans le thorax, à la base du cou, qui s’atrophie au cours de la croissance. Il joue un rôle capital dans le développement de l’immunité.
- Le quasi d’Harvey traduit bien son refus de tenir les lactifères pour des vaisseaux à part, distincts de veines sanguines.
- Lait dit de sorcière, en lien facultatif avec la poussée hormonale qui accompagne la naissance. Il s’y attachait quantité de superstitions.
Le mot uberes, que Harvey emploie en 1651, autorise, dans son texte de 1649, à traduire par « mamelles » le mot axillæ, qui signifie proprement « aisselles ».
- Quant il ne s’agissait pas d’une production tardive des glandes mammaires, ce lait omniprésent chez le fœtus était de la lymphe riche en corps gras circulant dans les vaisseaux lymphatiques.
En somme, Bartholin reprochait légitimement à Harvey de nier l’existence d’un réseau lymphatique, anatomiquement et fonctionnellement distinct des réseaux sanguins veineux et artériel, dont l’immortel anatomiste anglais avait si brillamment élucidé la circulation. Pour lui, la découverte d’Aselli était factice : ses vaisseaux lactés du mésentère n’étaient autres que des veines sanguines remplies de chyle après un repas (lymphe digestive postprandiale, v. note [26], lettre 152) ; contrairement à Riolan, Harvey ne concevait pas que les lymphatiques mésentériques, distincts des veines sanguines, véhiculent séparément le chyle. À ma connaissance, aucun texte imprimé de Harvey n’a réagi à la publication par Pecquet en 1651 (v. supra seconde notule {a}) : en démontrant le mouvement du chyle, il y confirmait et développait brillamment la découverte des lactifères mésentériques (1627), mais en leur donnant l’organisation et la destination que nous leur connaissons depuis lors. En médecine, le xviie siècle a véritablement été celui des deux circulations, mais Harvey n’a cru qu’en la sienne.
V. note [4], lettre latine 11, pour les Anatomicæ Vindiciæ [Revendications anatomiques] (Copenhague, 1648) de Thomas Bartholin contre Caspar Hofmann, qui avait attaqué les travaux anatomiques de Caspar i Bartholin, père de Thomas, mais qui ne pouvait plus lui répondre lui-même, étant mort en novembre de la même année.
« Vivant, on sert de pâture à l’Envie, elle ne vous quitte qu’à votre mort » (Ovide, v. note [12], lettre 1011).
Même pour défendre la mémoire de Caspar Hofmann, dont il chérissait les œuvres, Guy Patin devait bien savoir qu’il n’avait pas la compétence anatomique requise pour batailler contre son ami Thomas Bartholin. Son renom posthume a dépassé celui de Jean ii Riolan et Hofmann, victimes douillettes du corset galénique qui leur a fait rejeter toutes les idées nouvelles.
« jusqu’à ce que vienne cet Élie qui nous dévoilera la vérité » : Évangile de Matthieu, v. note [3], lettre 417.
V. note [1], lettre 44, pour l’exemplaire de la Botanique de Théophraste d’Érèse annoté par Caspar Hofmann, que Guy Patin avait expédié en Hollande à l’intention d’Adolf Vorst, par l’intermédiaire de Jean Elsevier.
Patin y avait joint « ce qui se rapportait à lui » [quæ ad illum pertinebant], c’est-à-dire ses autres manuscrits hofmanniens (Chrestomathies et autres traités), dans l’espoir (qui s’est avéré vain) d’inciter les Elsevier à les publier (v. note [4], lettre latine 44).
Guy Patin empruntait son allusion la Ηρωδου Βιος (Vita Herodes [Vie de Hérode]) par Philostrate d’Athène : {a}
Nam avi quidem ipsius Hipparchi, bona ob tyrannicas accusationes subhastata publicataque sunt, quas neque Athenienses induxerunt, neque Imperatores ignorarunt. Atticum vero illius filium, et Herodis patrem, ne e divite quidem pauperem factum fortuna despexit : quin thesaurum immensum in una domo reconditum ipsi patefecit, ex iis quas prope theatrum possidebat. Cuius quidem magnitudine, magis cautus quam lætabundus factus est. Quare ad Imperatorem epistolam misit, his verbis contextam : Thesaurum, Imperator, domi meæ inveni ; quid de eo faciendum esse iubes ? At Nerva Imperator qui eo tempore regnabat : Utere (inquit) quæ invenisti. Et cum Atticus in eadem cautione persisteret, scriberetque se thesauri magnitudine superari : Abutere (inquit ille) invento lucro, quando tuum est. Hinc magnus effectus est Atticus, et longe maior Herodes ; cuius paternis opibus maternæ advenerant, quæ non multo minus affluebant. Accedebat etiam magnanimitas illustris, paterna longe maior.[Les biens de son grand-père, Hipparchus, avaient été confisqués et vendus à l’encan sur des accusations souveraines, que les Athéniens n’avaient pas sollicitées, mais que les empereurs n’avaient pas ignorées. La bonne fortune avait néanmoins empêché son fils Atticus, le père d’Hérode, ne tombât dans la pauvreté : {b} il mit au jour un énorme trésor caché dans une des maisons qu’il possédait près du théâtre. Son immensité le rendit pourtant beaucoup plus méfiant que fou de joie, car là-dessus il envoya une lettre à l’empereur contenant ces mots : « Ô César, j’ai découvert un trésor dans ma maison. Qu’ordonnes-tu que j’en fasse ? » L’empereur Nerva, {c} qui régnait alors, lui répondit : « Use donc de ce que tu as trouvé ! » Et comme Atticus demeurait sur ses gardes, il lui écrivit que la grandeur de son trésor le surpassait : « Abuses de l’argent que tu as trouvé, puisqu’il est à toi ! », lui repartit-il. C’est ainsi qu’Atticus devint opulent, et bien plus encore Hérode, car aux richesses de son père s’ajoutaient celles de sa mère, qui n’étaient gère moindres. Sa magnanimité s’illustra aussi bien plus que celle de son père].
- V. notes [41], lettre 99, pour Philostrate, et [26] du Faux Patiniana II‑7 pour Hérode Atticus (Claudius Vibullius Hipparchus Tiberius Claudius Atticus Herodes), avec un autre extrait de sa Vita.
Ignorant le grec, Patin dut lire le deuxième livre des Flavii Philostrati Vitæ Sophistarum [Vies des sophistes, de Flavius Philostratus], aux pages 546‑547 des :
Philostrati Lemnii Opera quæ exstant…Græca Latinis e regione posita ; Fed Morellus Professor et Interpres regius cum mnss. contulit, recensuit, et hactenus nondum Latinitate donata, vertit.[Toutes les Œuvres connues de Philostrate de Lemnos… Texte grec te latin juxtalinéaire établi par Fédéric Morel, {i} professeur et interprète royal, qui les a conférés avec les manuscrits, révisées et traduites en latin pour la première fois]. {ii}
- Richissime banquier athénien, Tiberius Claudius Hipparchus aurait mis fin à ses jours après sa ruine. Il serait parvenu à en confier une partie à son fils, le consul Tiberius Claudius Atticus. On est enclin à supposer qu’il inventa la fable du trésor trouvé dans une maison afin de pouvoir jouir légitimement de cette fortune, mais Patin ne semblait pas sous-entendre un tel soupçon quand il parlait à Johann Georg Volckamer des livres dont il lui faisait cadeau.
- V. note [47] du Borbonniana 6 manuscrit.
Ms BIU Santé no 2007, fo 40 vo.
Clarissimo viro D. Io. G. Volcamero, etc. Noribergam.
In dies expecto quos mihi emisti misistique libros, Vir clariss. sed quia
propter difficultates itinerum et sævitiam frigidissimæ tempestatis,
nulli accedunt, (tu v. inter illas moras de debitore tuo ne sis sollicitus) nec adhuc certum sit
quandonam sint accessuri, ecce ad Te scribo, ut scias me pro tot acceptis à Te
beneficijs memorem gerere animam, id eóque Tibi gratias ago amplissimas. Ex illo
Indiculo Operum clariss doctiss. Conringij, quem ad me misisti, multa mihi desse
agnosco, de quibus recuperandis post hac ad Te scribam, quando ea accepero
quæ adhuc hærent in via. Riolanus noster vivit, et quodammodo valet : nedum
vidit novum Bartholini librum adversus se : nec ab illa parte quidquam sibi
metuit : nec sunt tanti, 2 Bartholini objectiones 1 adversus amicum nostrum
Hofmannum, ut responsionem mereatur : stat enim, et in posterum stabit Cl.
Hofmanni gloria, propria vi nixa, nec eam unquam subrueret ejusmodi
privatorum malevolentia, nec livor impotens, qui haud dubiè venturis
cedet sæculis : nosti Ovidianum illud : Pascitur in vivis livor, post fata quiescit.
Dum fervent istæ contentiones curiosæ magis quàm studiosæ juniorum Anato-
micorum inter se, super ejusmodi novitatibus, quas ego nihil moror, quousq.
venerit Elias ille qui veritatem nobis patifaciet, ego ad veteres recurro,
et in Galeno meòque Riolano quiesco, nulla habita tot novitatum ratione,
quæ vix ad rem nostram quidquam faciunt, aut saltem parum conferunt
ad artem bene medendi. Clariss. Rolfinckio salutem si placet meo nomine,
nuntiabis, et de libro transmisso, necdum accepto gratias ages : post hac illi
mittam aliquod αντιδωρον. Gassendus noster febre lenta confertus
ex attrito et exsiccato pulmone hîc obijt 24. Octobris : hîc agitur de nova
ejus Operum omnium editione, 8. tomis in folio, sed lentum negotium non facilè
procedit. Ad tertiam tuam venio. Sponius noster Lugdunesis Medicus, libros
pro me tuos nondum accepit : at pretium librorum pro me antehac emptorum accipe
si placet, vel à D. Metschero, vel Pomero, quod statim refundam D. Picques :
qui in dies magna versatur in expectatione et mercium et librorum per Hamburgum
transmissorum.<*> Librorum à me pro te emptorum non memini, nec quidquam de ea
re in meis Adversarijs exscriptum deprehendi ; si quos antehac accepisti, quos
miserim, habeas tibi 2 amicitiæ 1 mutuæ nomine : fruere ergo, et utere imò abutere,
ut ajebat ille Imperator ad Philosophum, qui repertumo thesauro nolebat uti, neque
sibi retinere, etiam consentiente Principe. Vere proximo, post acceptos vestros,
quos in dies expecto, tam per viam Rothomagensem quàm Lugdunensem, mittam
ad Te fasciculum, per Sponium nostrum, pro Te et amicis nostris : in quibus
potissimum repono D.D. Nicolaum, Conringium et Rolfinckium, viros eruditissimos,
quibus singulis ut et Tibi pro amore tanto tota vita obstrictissimus esse
velim. Vale, vir clariss. et me ama.
Tuus æternùm futurus Guido Patinus.
Parisijs, 25. Febr. 1656.
<*>
Clariss. viri Casp. Hofmanni Theophrastum, quem hîc habebam, et quæ ad illum pertinebant,
ante dies decem singula tradidi Io. Elsevirio, Leidensi Typographo, qui mihi pollicitus
est de ejus editione ante annum proximum seriò cogitaturum : utinam præstet quod
mihi sanctè promisit : fortassis expectationem meam non fallet : ad exteros
illos recurro, cùm in nostratibus nihil quidquam sit speri, propter insanos
Bellonæ furores qui Galliam nostram miserè concutiunt atque divellunt.