L. latine 232.  >
À Johann Daniel Horst,
le 8 mars 1663

[Ms BIU Santé no 2007, fo 139 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Daniel Horst, docteur en médecine à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Votre lettre m’a fait grand plaisir parce qu’elle m’a rassuré sur votre santé : j’en redoutais quelque funeste nouvelle, mais vos propos ont effacé toute inquiétude de mon esprit. Dieu fasse que vous, qui êtes né pour le profit du public, ne souffriez jamais de maladie ou, du moins, pas avant d’être bien vieux. Je me réjouis fort que notre ami Pentz jouisse d’une santé d’athlète ; [2] puissent les dieux le préserver, tout comme son excellent fils ; je les salue tous deux de tout cœur. [1] J’aurai soin de la santé de M. Sebastian qui m’est très cher, [3] et œuvrerai même à l’améliorer si je puis. Nous n’avons ici rien de nouveau en librairie : le mois prochain, le Cardan complet paraîtra en 10 tomes in‑fo ; [4] après Pâques, nous aurons le remarquable livre de Animantibus sacræ Scripturæ de Samuel Bochart, pasteur de Caen, excellent homme qui est très versé dans la lecture des rabbins. [2][5][6] C’est l’aboutissement de 30 années d’un travail qu’on désire de longue date et qu’on attend impatiemment. Je connais personnellement cet auteur depuis de nombreuses années, c’est un homme extrêmement savant. Vers le mois de juin, un autre très bon livre nous arrivera aussi d’Angleterre, bien que de nature fort différente, qui sera le Diogenes Laertius de Vitis philosophorum[7] avec les annotations de Henri Estienne, [8] d’Aldobrandi, [9] d’Isaac Casaubon, [10] de Ménage [11] et d’autres, livre dont je ne pense que beaucoup de bien ; [3] cet auteur mérite en effet d’être tenu pour le meilleur des hommes, tant il a réuni de bons textes sur les anciens philosophes, que les autres écrivains semblent avoir tus ou ignorés.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 139 vo | LAT | IMG] On imprime ici un grand livre de thérapeutique in‑fo qui est le Jacobus Hollierus de Morbis internis avec ses propres scolies[12] les commentaires et annotations de Louis Duret, [13] et les exercitations d’Antoine Valet, [14] qui furent tous trois médecins de Paris. Ce livre a précédemment été publié en de nombreux endroits, l’édition la plus complète de toutes a été celle de Genève in‑4o en 1635. [15] Pour enrichir remarquablement ce si grand ouvrage, s’y ajouteront les commentaires et observations choisies de Jean Haultin, [16] docteur en médecine de notre Faculté, dont les manuscrits étaient demeurés cachés chez ses héritiers. Il mourut en 1616, très vieux et doté d’une immense érudition. [4] Il tenait le premier rang en notre pratique, avec Jean Duret, [17] fils de Louis, et Simon Piètre, [18] excellents hommes, très brillants praticiens et véritables Roscius en l’art de bien prescrire. [19] Ils ont eu des successeurs, mais peu les ont égalés et beaucoup leur ont été fort inférieurs. L’attrait pour la nouveauté rend bien des gens sots et je redoute particulièrement ces vauriens qui, ayant rejeté et ignoré la doctrine des Anciens (j’entends Hippocrate, Aristote et Galien), [20][21][22] acceptent trop aisément de se laisser fasciner par tant de sornettes et de rêves qui se déversent dans le peuple par la porte d’ivoire ; [5][23] à moins que des hommes vertueux et bons, tels que vous, n’interviennent puissamment contre des entreprises si hardies, et défendent l’honneur intact de notre sacrée et sainte médecine, et la vengent du mépris dont on veut l’accabler. En soi notre métier est absolument éminent et divin, je supporte mal de le voir exposé à tant de nouveautés et pâtir de tant de fourberies, de fraudes et d’impostures, par lesquelles le monde veut être trompé et l’est souvent.

Nempe omnis ordo exercet histrioniam,
Venalium grex, rex, sacerdos, plebs, eques, etc.
 [6][24]

Je vous envoie un livre d’Honoré Marie Lauthier, médecin d’Aix-en-Provence, que j’ai ici de Fœtu Mussipontano[7][25][26][27] que l’auteur m’a lui-même envoyé jadis, et puisque vous l’avez souhaité, vous le garderez pour vous. Si j’avais quelque chose de mieux pour votre agrément, je vous l’expédierais facilement et de bon cœur. En attendant, vous aurez aussi deux autres opuscules : le Paranymphus medicus de Robert Patin, mon fils aîné, [28][29] et l’Itinerarium de M. le comte de Brienne ; [8][30][31] chacun est en deux exemplaires, dont le premier sera pour vous et dont j’offre le second à votre gendre M. Strauss, [32] avec mes profondes salutations. J’y ai adjoint quelques thèses de chez nous, dont j’espère qu’elles vous plairont. [33] Pierre Petit, [34] médecin de Paris, hâte sa nouvelle édition d’Arétée, très ancien médecin, avec sa traduction et ses annotations ; [9][35] je vous l’enverrai dès qu’il aura paru, avec le Hollierus de Morbis internis[4] que je vous promets sans faute. Si vous désirez autre chose venant de Paris, demandez et vous l’aurez ; mais on imprime ici peu de livres de médecine, car nos libraires semblent les tenir en horreur, comme s’ils devaient en tirer moins de profit que d’autres ouvrages, ce ne sont que des chasseurs d’écus. Ne vous souvenez-vous pas [Ms BIU Santé no 2007, fo 140 ro | LAT | IMG] d’avoir jadis vu et connu un certain jeune médecin de Hambourg nommé Christian Buncken, [36] qui a vécu ici il y a 15 ans, quand il était l’un de mes auditeurs ? [37] Il a obtenu son doctorat puis a enseigné la médecine en Allemagne, où il est mort depuis. Je vous écris à son sujet pour une seule raison : il a publié une disputation publique, dont il m’avait écrit et qu’il m’avait envoyée, mais que je n’ai jamais reçue ; dites-moi, je vous prie, de quelle manière je puis la voir ou la récupérer. [10] Ne trouve-t-on pas à vendre chez vous ce genre de disputations ou thèses publiques, médicales ou philosophiques, in‑4o, venant des diverses universités de votre Allemagne. Si vous en trouvez, achetez-les-moi, qu’elles aient été publiées à Altdorf, [38] Wittemberg, [39] Leipzig, [40] Marbourg, [41] Tübingen, [42] Iéna, [43] Helmstedt, [44] Strasbourg [45] ou Bâle, [46] ou en n’importe quel autre lieu, pourvu qu’elles soient curieuses ou savantes. Je vous en rembourserai de très bon cœur le prix, tel que vous l’ordonnerez ; et ce, argent comptant que vous versera notre ami Sebastian Switzer ; en récompense de la peine que vous vous serez donnée, je vous promets et offre quatre fois les dépenses que vous aurez faites, sous forme de ce que vous voudrez venant de notre France, livres ou autres marchandises. Ces publications peuvent se trouver de temps en temps soit chez les libraires, soit après la mort de quelque docteur dont les livres sont mis à l’encan ; je vous supplie encore et encore d’y penser, chaque fois que l’occasion s’en présentera. Des thèses de cette sorte, j’ai les sept Decades que Genath a publiées à Bâle ; [47] j’en ai aussi d’autres de Thomas Éraste, [48] éminent homme qui a écrit contre Paracelse ; [11][49][50] ainsi que de Scherbius, [51] d’Hofmann, [52] de Conring, [53] de Sebizius [54] et d’autres savants ; mais je sais que quantité d’autres me manquent ou m’ont échappé, et je souhaite bien en avoir. Je choisirai les meilleures de cette multitude et les réserverai à mon usage ; s’il en existe d’autres, même de moindre qualité, j’en userai et abuserai, et elles ne m’embarrasseront pas, quelles qu’elles soient. Veillez donc à cela, très éminent Monsieur, songez sérieusement à me faire cette grande faveur, vous me tiendrez alors pour votre éternel serviteur. On ne parle plus ici de guerre à mener en Italie contre le pape, [55] on dit qu’il n’y en aura aucune ; mais on agit contre l’engeance des partisans et contre les autres voleurs publics, sangsues et pillards du trésor royal. Pour notre plus grand malheur, ils ont misérablement et honteusement tondu notre France aux temps de Richelieu et de Mazarin. [56][57]. Vale et aimez-moi.

De Paris, le 8e de mars 1663.

Vôtre comme sien, [12] votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fos 139 ro‑140 ro.

1.

Seule mention d’un fils de Johann Heinrich Pentz von Pentzenau (v. note [1], lettre latine 146).

2.

V. notes [8], lettre 749, pour les Opera omnia de Jérôme Cardan (Lyon, 1663), et [14], lettre 585, pour le livre de Samuel Bochart « sur les Animaux de la Sainte Écriture » (Hierozoïcon, Londres, 1663).

3.

V. note [17], lettre 750, pour l’édition de « Diogène Laërce sur les vies des philosophes [de l’Antiquité] » (Londres, 1664), commentée par d’érudits auteurs.

4.

V. note [14], lettre 738, pour la réédition (Paris, 1664), dédiée à Guy Patin, de « Jacques Houllier sur les Maladies internes » avec ses propres commentaires, et ceux de Louis Duret, Antoine Valet et Jean Haultin.

V. note [9], lettre 131, pour l’édition de Genève, 1623, par les soins de René Chartier, sans les commentaires de Haultin, tout comme celle qui l’avait suivie :

Iacobi Hollerii Stempani, Medici Parisiensis Omnia Opera Practica, doctissimis eiusdem scholiis et observationibus : Deinde Lud. Dureti Med. Regii ac Professoris, in eundem enarrationibus, annotationibus, et Antonii Valetii D. Medici exercitationibus luculentis illustrata. Acessit etiam ad calcem libri Therapeia Puerperarum Ioan . le Bon Medici Regii ; cum Indice Rerum et verborum locupletissimo. Quid in hac omnium postrema editione præstitum sit, proxima post Capitulorum Indicem pagina docebit.

[Œuvres pratiques complètes de Jacques Houllier, {a} médecin de paris natif d’Étampes, enrichies de ses très savantes scolies et commentaires, puis des développements et des annotations de Louis Duret, {b} médecin et professeur du roi, et des importantes dissertations d’Antoine Valet, docteur en médecine, sur ces textes. On a aussi ajouté à la fin du livre la Thérapeutique obstétricale de Jean Le Bon ; {c} avec un très riche index des matières et des mots. La page qui suit la table des chapitres {d} exposera ce que cette édition a de remarquable]. {e}


  1. V. note [9], lettre 131.

  2. V. note [10], lettre 11.

  3. V. note [14], lettre 738 pour Antoine Valet et Jean Le Bon.

    Les commentaires de Jean Haultin (v. note [19], lettre 181) n’ont été ajoutés que dans l’édition de 1664, établie avec l’aide de Guy Patin. Le titre de 1664 dit que ce supplément inédit provenait de la bibliothèque de J.M., initiales que j’ai interprétées comme étant celles de Jean Merlet (v. notule {e}, note [14], lettre 738).

  4. Lectori Philiatro [Au lecteur qui aime la médecine].

  5. Genève, Petrus et Iacobus Chouët, 1635, in‑8o de 315 pages ; édition établlie par René Chartier (v. note [13], lettre 35).

5.

Dans le chant vi (vers 895‑898) de l’Énéide, la porte d’ivoire [porta eburnea] est une des deux issues qui permettent de quitter le monde souterrain :

altera candenti perfecta nitens elephanto,
sed falsa ad cælum mittunt insomnia Manes.
His ibi tum natum Anchises unaque Sibyllam
prosequitur dictis portaque emittit eburna
.

[l’autre {a} est faite d’un ivoire éclatant et resplendit, c’est par elle que les mânes {b} envoient vers le ciel des songes trompeurs. Tout en parlant ainsi, Anchise reconduit là son fils et la Sibylle, {c} et les fait sortir par la porte d’ivoire].


  1. Porte.

  2. Les âmes des morts.

  3. Anchise était le père d’Énée (v. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661) ; v. note [10], lettre 81, pour la Sibylle de Cumes.

6.

« De fait, chaque ordre joue la comédie : troupeau des esclaves, roi, clergé, peuple, noblesse, etc. » : pour conclure sa vibrante apologie du dogmatisme, Guy Patin citait Dominicus Baudius (qui, elle, concluait une satire de la pédérastie, v. notule {e}, note [37] du Patiniana I‑3).

7.

V. note [9], lettre 662, pour le Prodigium unum et multiplex… [Unique et immense Prodige…] d’Honoré-Marie Lauthier (Aix, 1660) « sur le Fœtus de Pont-à-Mousson », cas remarquable de lithopædion (fœtus pétrifié dans le ventre de sa mère) qui avait animé les plumes de quelques savants d’Europe (comme en attestent plusieurs passages des lettres et des notes de la Correspondance de Guy Patin).

8.

V. note [2], lettre 157, pour le discours de paranymphe médical de Robert Patin prononcé en 1648 et publié bien plus tard (Paris, 1663), avec un touchant témoignage de piété filiale.

L’autre livre était le Ludovici Henrici Lomenii Itinerarium… [Voyage de Louis-Henri, comte de Brienne…] édité par Charles Patin (Paris, 1662, v. note [40], lettre 488). Laissant découvrir à Johann Daniel Horst qu’il était de son autre fils, Guy Patin a évoqué la solide amitié qui liait Carolus à Loménie, comte de Brienne, au début du dernier paragraphe de sa lettre du 29 janvier1664, quand il a annoncé à André Falconet que le secrétaire d’État quittait la vie laïque pour devenir père de l’Oratoire.

Hormis son nom dans le titre, la seule trace patente que Charles a laissée de lui dans ce livre est un distique congratulatoire :

Multa brevi gaudes, Lomeni, inclusisse libello,
Nempe viatorum debet hic esse comes
.

[Tu te réjouis, Loménie, d’avoir inclu quantité de choses en ce court petit livre ; c’est qu’il doit tenir dans la sacoche des voyageurs].

9.

V. note [3], lettre 731, pour l’édition d’Arétée de Cappadoce par Pierre Petit, parue incomplète à Londres en 1726 (mais dont Gabriel Cramoisy avait alors commencé une impression à Paris, v. note [2], lettre latine 209).

10.

V. note [10], lettre latine 98, pour la thèse de Rheumatico affectu [sur la Maladie rhumatismale] que Christian Buncken avait disputée et publiée à Iéna en 1649. Il avait été auditeur de Guy Patin en 1646-1647, quand il professait la chirurgie à la Faculté (v. note [14], lettre 504).

11.

V. notes [14], lettre 1020, pour les sept « Décades » de thèses médicales bâloises imprimées par Johann Jakob Genath dans les années 1620, et [6], lettre 71, pour les dissertations de Thomas Éraste contre Paracelse (Bâle, 1572-1573).

Ce passage, parmi quantité d’autres, illustre la passion de Guy Patin pour les thèses académiques : il les collectionnait et lisait avec une avidité sans pareille car, en l’absence de journaux médicaux spécialisés (apparus au xixe s.), ces opuscules suivaient, sous un format commode, condensé et peu onéreux, les progrès des idées avec une actualité plus immédiate que les livres. Patin a généralement donné de lui l’image d’un indéniable dogmatique borné (v. supra note [6]), mais on ne peut lui reprocher d’avoir méprisé les incessants bouillonnements de son art.

12.

Ce suus [sien] était une salutation à Lorenz Strauss (v. note [7], lettre de Charles Spon, datée du 23 avril 1658), gendre de Johann Daniel Horst (v. note [9], lettre latine 247), à qui Guy Patin expédiait les livres de ses deux fils.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 139 ro.

Cl. viro D. Io. Dan. Horstio, Medicinæ Doctori, Francofurtum.

Gratissima mihi fuit Epistola tua, Vir Cl. quæ me de tua valetudine
aliquid sinistri suspicantem, certum fecit, et tandem mentis meæ tumultum
omnem delevit. Utinam Te bono publico natum morbus numquam attingat, aut
saltem nisi antea senex admodum fueris. Quod Pentzius noster pancraticè
valeat, admodum gaudeo : servent eum Superi, cum Filio optimo : et utrumque
ex animo saluto. Domini Sebastiani mihi carissimi valetudinem curabo, imò si
possim adaugebo. Nihil hîc habemus novi de re literaria : mense proximo
Cardanus totus in lucem prodibit, x. tomis in folio. Post Paschalia habebimus
Sam. Bocharti, Ecclesiastæ Cadomensis, viri optimi, et in Rabbinorum
lectione versatissimi librum eximium, de Animantibus sacræ Scripturæ :
Opus 30. annorum, jamdiu desideratum, et avidè expectatum : ipsum
Authorem ante annos multos novi, virum apprime eruditum. Circa Iunium
mensem ex eadem Anglia ad nos devehetur liber alter optimus, quamvis
longè disparis naturæ : is est Diogenes Laertius, de vitis Philosophorum, cum
Notis Henr. Stephani, Aldobrandi, Is. Casauboni, Menagij, et aliorum
 :
de quo libro nihil nisi magnificè sentio : meretur enim Author iste inter
bonos optimus habebi, adeo bona multa de veterib. Philosophis scripta continet,
quæ alijs Scriptoribus indicta et incognita fuisse videntur.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 139 vo.

Hîc currit sub prælo magnus liber Therapeuticus, in folio, nempe
Iacobus Hollerius, de morbis internis, cum ejusdem Scholijs ; Lud. Dureti
Ennarationibus et Annotationibus ; Ant. Valetij Exercitationibus :

qui tres fuerunt Medici Parisienses : hoc Opus antehac fuit editum
multis in locis : amplissima omnium Editio fuit Genevensis, in 4. anni 1635.
cui superadditur in hac postrema, ad insignem locupletationem tanti
Operis, nobilis accessio, nempe Io. Hautin, Doct. Med. Paris. Commen-
taria et Observationes selectæ :
quæ apud heredes, MS. manuscriptæ latebant. Obijt
ille valde senex, et multæ eruditionis anno 1616. Primus Ille tenebat
in Praxi nostra, cum Io. Dureto, Lud. filio, et Sim. Pietreo, viris
optimis, artificibus præstantissimis, et planè Roscijs, in bene agendo : qui
tamen successores habuerunt paucos sibi pares, sed multos longè impares. Studium
novitatis multos infatuat ; plurimúmq. metuo ab istis nebulonibus, qui
spreta et neglecta veterum doctrina, (Hipp. Aristotelem et Galenum intelligo,) nimis
facilè se patiuntur effascinari per tot nugas et insomnia, quæ in vulgus
effunduntur per portam eburneam : nisi viri fortes ac boni, Tui similes,
tantis conatib. fortiter intercedant, et sacrosanctæ nostræ Medicinæ
dignitatem illibatam tueantur, et à contemptu vindicent. Ægrè
fero quod Ars nostra præstantissima et per se divina, tot sit novitatibus
obnoxia, tot technis, fraudibus ac imposturis pateat, per quas mundus vult
decipi, et sæpe decipitur : Nempe omnis ordo exercet histrioniam : Vænalium
grex, Rex, Sacerdos, Plebs, Eques, etc.
Mitto ad Te librum quem hîc habe-
bam de fœtu Mussipontano, Honorati Mariæ Lautier, Medici Aquensis,
quem ipse Author antehac ad me misit, et qualem optasti : habeas igitur
illum Tibi : si quid haberem melius, Tibi commodum, lubens 2 mitterem 1 et facilè.
Interim habeas quoque duos alios libellos, nempe Paranymphum
Medicum Roberti Patin
, Filij mei majoris natu, et Itinerarium Domini
Comitis de Brienne :
utriusq. duo sunt Exemplaria, ex quib. unum tuum
erit, alterum genero tuo Dno Straussio offero, cum plurima salute : quib.
aliquot Theses adjunxi de nostris : quæ utinam Tibi placeant. Petrus
Petitus, Med. Paris.
novam urget editionem Aretæi, vetustissimi Medici,
cum sua Versione et Notis : quamprimum lucem videre poterit, eum ad Te
mittam, cum Hollerio de morbis internis, quem bona fide Tibi polliceor.
Si quid aliud ex hac Urbe cupias, pete et impetrabis : sed pauci libri Medici
hîc excuduntur, à quib. abhorrere videntur nostri Bibliopolæ, meri
lucriones, quasi minus distrahantur quàm alij. Nónne meministi Te

u.

Ms BIU Santé no 2007, fo 140 ro.

olim vidise et novisse quendam juvenem Medicum Hamburgensem, dictum
Christianum Buncken, qui hîc vixit unus ex Auditorib. meis ante annos
xv. Factus est Doctor, et postea docuit Medicinam in Germania, ubi postea
mortuus est : de re una ideo ad Te scribo ; Edidit ille Disputationem aliquam
publicam, de qua ipse ad me scripserat, miserátque, sed eam numquam
accepi : dic quæso, quis modus ejus videndæ aut recuperandæ ? Nónne
vænales prostant apud vos ejusmodi Disputationes vel Theses publicæ,
Medicæ aut Philosophicæ ex varijs Academijs vestræ Germaniæ, in 4. Si quæ
occurrant, emas mihi quæso, sive fuerintAltorphinæ, Vittebergenses, Lipsiacæ,
Marpurgenses, Tubingenses, Ienenses, Helmstadienses, Argentoratenses aut Basilienses,
aut quo-
libet alio loco editæ, modo fuerint curiosæ, vel eruditæ. Earum pretium
quale jusseris, Ego statim refundam magno animo : et idque præsentib. nummis,
quos Tibi satisfaciet repræsentabit Amicus noster Seb. Svitzerus : et pro laboris tui præmio,
quater impensas à Te factas, quidquid ex Gallia nostra volueris, librorum
aut aliarum mercium, Tibi polliceor, et offero. Possunt isthæc interdum
occurrere, vel apud Bibliopolas, vel post obitum alicujus Doctoris,
quem in auctione publica ejus libri distrahentur : de qua re ut cogites,
quotiescumque sese dabit occasio, etiam atque etiam rogo. Ex ejusmodi
Thesibus habeo Decades 7. editas Basileæ, apud Genathium : alias quoque habeo
Thomæ Erasti, viri maximi, qui scripsit in Paracelsum : ut et Scherbij, Hof-
manni, Conringij, Sebizij,
et aliorum eruditorum : sed scio multas alias esse
privatas mihiq. invisas, quas utinam habere possim : ex magno turba numero melio-
res seligam, eásq. in usus meos seponam : alijs etiam deterioris notæ, si quæ
sint, utar vel abuntur nec me gravabunt qualescumque sint. Vide igitur, vir præstantissime,
et ac de tanto beneficio mihi conferendo, seriò cogita, pro quo in æternum me
Tibi devinctum habebis. ^ Vale, et me ama. Parisijs, 8. Martij, 1663.

Tuus ut suus, tuus ex animo Guido Patin.

^ Non hîc amplius agitur de bello in Italia gerendo, contra Papam, quod
nullum futurum esse dicitur : sed agitur contra Publicanorum gentem, et alios
fures publicos, regij ærarij sanguisugas atque deprædatores, qui Galliam
nostram Richelianis ac Mazarinicis temproibus miserè ac turpiter, pessimis
nostris rebus, expilarunt. Vale, etc.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 8 mars 1663

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(Consulté le 26/04/2024)

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