Je ne fus jamais si empêché comme j’ai été dans l’attente de vos lettres. Non solum mihi nervos restituisti, sed etiam animam reddidisti : [1] j’ai enfin reçu la vôtre datée du 12e d’avril, laquelle m’a consolé véritablement bien fort. Mais néanmoins elle m’a laissé en peine, d’autant que je ne l’ai reçue que le mercredi 4e de mai, combien qu’elle soit datée du mardi 12e d’avril ; j’ai peur de quelque friponnerie du côté des commis de la poste ; joint aussi qu’elle a été décachetée, et votre cachet tout changé et effacé, et que je ne l’ai reçue que trois semaines après sa date. [2] Mais je vous en ai écrit encore une autre, savoir une cinquième, ce même 12e d’avril, laquelle j’enfermai dans celle de M. Ravaud, et ainsi je ne doute point que ne l’ayez reçue. Maintenant je vous envoie la sixième, datée du 3e de mai que je n’envoyai point ce même jour : un scrupule me retint qui me fit croire qu’il valait mieux ne la pas envoyer, ne quid humanitus tibi contigisset, [2] de laquelle seule appréhension j’étais merveilleusement affligé ; maintenant je vous l’envoie, cum mihi certo constet te vivere, [3] afin que vous sachiez ce qui s’est passé durant ce temps-là ; et celle-ci présente que j’écris sera la septième. Pour celle que n’avez point reçue, que j’avais délivrée à M. Bachelier, [4][3] il l’a enfermée dans son paquet qu’il a envoyé à M. Ranvier, [4] marchand de Lyon, rue de Flandres, près ou devant la poste. Prenez la peine de vous en informer, je m’étonne comment vous ne l’avez reçue. Je l’estimais la plus assurée et peut-être qu’elle ne sera point perdue ; sic voveo, sic opto. [5]
Le livre français de M. de Saumaise [5] est sur la presse, in‑4o de gros romain ; mais il va fort lentement, l’auteur l’a augmenté en le traduisant. Les Mémoires de M. de Sully [6] et ceux de M. de Rohan, [7] son gendre, sont fort différents en temps, en matière et en style. Les Mémoires historiques du ministère du cardinal de Richelieu [8] font un in‑fo d’environ 200 feuilles qui ne contient que des flatteries au cardinal de Richelieu, depuis 1624 jusqu’en 1633. On disait qu’il serait brûlé de la main du bourreau par arrêt qui n’a pas été rendu. Je pense que c’est qu’ils l’ont négligé, en quoi ils ont mieux fait. Il est de ces livres comme des injures : si irascare agnita videntur, spreta exolescunt. [6][9] Le vrai auteur en est le P. Vialart, [10] supérieur des feuillants, [11] qui en est devenu évêque d’Avranches [12] et qui mourut au bout de deux ans avec grand regret de quitter son évêché si tôt. Le fait de l’histoire n’y est point, c’est un sot ouvrage et à vrai dire, un livre qui sent fort le capuchon d’un moine et le faquin.
Si le Mazarin [13] eût été tué d’une mousquetade devant Bellegarde, [14] il fût mort au lit d’honneur comme un vaillant homme. [7] J’ai bien ouï dire qu’il était bon postillon et qu’il poussait bien un cheval, [8] mais non pas grand homme de guerre, si ce n’est peut-être en duel et in ea palæstra, [9] par laquelle il a fait fortune. Ne feignez point de dédier votre Feyneus [15] à M. Moreau, [16] nous en avons parlé, il en sera bien aise ; je vous prie aussi de me mander en quel an cet auteur est mort. [10] J’ai reçu le Sennertus [17] le 11e d’avril et dès le lendemain, je vous en ai écrit et remercié comme je fais derechef, et à Messieurs vos libraires pareillement. Nos libraires en vertu de leur privilège n’ont pas su le secret de la balle que je reçus, ni le sauront jamais, Dieu merci et l’ordre que j’y apportai ; sans quoi tout était perdu. Je tiendrai bon compte de ce que j’ai reçu à M. Ravaud. On m’a donné avis que les libraires et le syndic épient et prennent fort garde à ce qui viendra de Lyon, mais ils ne savent pas ce qui est arrivé : sero sapiunt Phryges. [11][18][19] Avertissez, s’il vous plaît, vos Messieurs qu’ils n’envoient point ici du Sennertus sitôt ; ce qui n’est pas nécessaire puisque j’en ai céans. [12] Je trouve votre M. de Serres [20] bien neuf au métier et bien grossier pour un homme qui a traduit la Pharmacie de notre M. de Renou [21] en français il y a 27 ans. [13] Il ne s’est guère amendé depuis ce long temps, ce que vous me mandez de ses ordonnances me fait horreur. Nous avons ici quelques charlatans, [22] lucro invigilantes, etiam cum aliqua turpitudine, [14] mais ils sont bien plus fins et plus déliés que votre collègue, et ordonnent aussi plus raisonnablement. Ces grandes, fréquentes et importunes ordonnances de tant de drogues en faveur des apothicaires sont tout à fait ici décriées parmi nous. Il n’y a guère des nôtres que M. Guénault [23] qui en fasse ; encore ne rougit-il de rien, tout lui est bon, modo faciat rem : Habet frontem meretricis, nescit erubescere. [15][24] L’Apulée [25] de M. Pricæus, [26] Anglais, n’a pas encore été vu de deçà, hormis deux qui ont été envoyés en présent, l’un à Monsieur notre coadjuteur [27] et l’autre à un ami. [16] Je fais grand état de l’Apulée aussi bien que vous et ne suis nullement de l’avis de L. Vivès [28] qui hic ut et alibi gravissime et fœdissime erravit. [17] Feu M. Piètre [29] louait fort l’esprit d’Apulée et tous ses écrits. Ses Florides ne me déplaisent nullement, il y a de fort belles choses à mon avis ; je ne suis point assez savant pour savoir contrôler ces opuscules qui me semblent si polis et qui ont été si hautement loués par les plus savants jusqu’à présent. [18] Je vous remercie de la peine qu’avez prise de m’indiquer les passages de Galien, [30] de lacte muliebri ; [19][31][32] je savais bien qu’il y en a dans Galien, je vous en demande quelque chose des médecins qui ont écrit depuis cent ans. Notre M. Des François [33] est ici, et y sera, à la sollicitation de quelques procès, qui est une matière de chicane qu’il a toujours chérie. Mon fils deuxième, l’avocat, [34] dit qu’il le voit tous les jours au Palais. [20] Vous trouverez toutes les bonnes thèses [35] de ce cours dans le premier paquet que j’espère de vous envoyer dans un mois. M. Sauvageon [36] n’est point mort : je vous l’ai mandé par ci-devant, la première nouvelle a été fausse ; il est en son pays natal, à Decize, [37] petite ville de Nivernais. [21] M. de Longueville [38] avait trois enfants, deux fils [39][40] et une fille ; la petite fille [41] est morte à Chantilly [42] depuis quatre jours. Il y en a une autre prête à marier, [43] mais elle est de la première femme. [22][44] Depuis que Mesdames les princesses, mère [45] et fille, [46] sont hors de Chantilly, les Suisses [47] et autres gens du roi y sont entrés, qui y ont fait beaucoup de désordres. Mme la Princesse la mère est au Bourg-de-la-Reine [48] à deux lieues d’ici. Depuis que la reine [49] est de retour, elle lui a envoyé faire commandement qu’elle eût à se retirer à Montrond en Berry. [23][50] La princesse a répondu qu’elle ne le pouvait pas et qu’elle était malade. La reine a envoyé la visiter par M. Vautier, [51] savoir si elle était malade ; il a rapporté qu’elle l’était effectivement et qu’elle pouvait mourir de ce mal-là s’il était négligé. Un conseiller de la Grand’Chambre nommé M. Deslandes-Payen [52] voulut hier rapporter une nouvelle requête pour Mme la Princesse ; le premier président [53] la refusa et dit que cela était hors de saison. Ce premier président a jusqu’ici favorisé le prince de Condé, [54] mais il en a été repris aigrement par M. le duc d’Orléans, [55] de sorte qu’il est obligé de se retenir. [24] Les Hollandais ont ramassé des troupes et en ont fait une armée qu’ils envoient vers l’Espagne pour y attaquer le Portugal même, étant fort mal avec les Portugais. [25] Nos gens ont pris vers Monaco [56] quelque vaisseau espagnol dans lequel on a trouvé le paquet du roi d’Espagne [57] pour la Flandre, [58] où il y a quantité d’instructions et d’ordonnances de ce roi basané qui trouble toute la terre de son ambition. [26] On dit ici que M. de Saint-Micaut, [59] gentilhomme de Bourgogne qui était dans Bellegarde, ayant été reconnu passant dans Chalon-sur-Saône, [60] que l’on se jeta sur lui, qu’il eut bien de la peine d’en échapper ; mais que tout son bagage en a pâti et qu’il a été jeté dans la Saône par le peuple qui l’accuse d’être cause de cette dernière guerre de Bourgogne qui a ruiné la province. On dit que le roi [61] sortira de Paris dans huit jours et qu’il s’en ira à Compiègne [62] afin de faire passer les troupes en Flandres et qu’après cela, il fera un grand voyage d’un autre côté. [27]
Enfin, la reine a permis à Mme la Princesse la mère de se retirer à Vallery, [63] maison à elle appartenant près de Fontainebleau. [28] On dit ici que le comte Du Dognon [64] se révolte avec beaucoup d’autres seigneurs du Poitou ; que ce seigneur est considérable à cause de son gouvernement et du sel qui va en toute la France. [29] Je me souviens que ma lettre que je donnai à M. Bachelier n’était pas souscrite de ma main ;[4] ce fut lui-même en ma présence qui l’enveloppa, la cacheta et écrivit votre adresse ; il y mit même son cachet, n’ayant pas le mien, d’autant que j’étais alors chez eux. Son cachet est marqué de trois paons. Je souhaite qu’elle vous ait été rendue. Je vous baise les mains de tout mon cœur et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
Patin.
De Paris, ce vendredi 6e de mai 1650, à neuf heures du soir.
Ms BnF no 9357, fos 92‑93, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Reveillé-Parise, no ccxxvi (tome ii, pages 9‑12) ; Jestaz no 32 (tome i, pages 664‑668).
« Vous m’avez non seulement redonné des forces, mais aussi ranimé l’esprit ».
« craignant que vous ne fussiez mort », imitation d’Apulée (Apologie [Pro se de magia] chapitre 100) : si quid ei humanitus attigisset [s’il venait à mourir].
« puisque me voilà assuré que vous êtes vivant ».
V. note [1], lettre 223, pour Michel Bachelier. Guy Patin parlait ici de sa lettre égarée du 22 mars 1650 (lettre 222).
« tel est mon désir, tel est mon souhait. »
« si on s’en irrite, on laisse croire qu’elles sont fondées, mais elles se fanent si on les dédaigne » : Namque spreta exolescunt ; si irascare, agnita videntur (Tacite, Annales, livre iv, chapitre xxxiv).
V. notes [4], lettre 224, pour l’Apologie royale… de Claude i Saumaise, traduction en français de sa Defensio regia…, [4], lettre 208, pour les Mémoires de Sully, [9], lettre 49, pour ceux de Henri de Rohan, et [24], lettre 220, pour l’Histoire du ministère de Richelieu, par le P. Charles Vialart.
« Les braves vont mourir au lit d’honneur, à la guerre » (Furetière).
Chalon-sur-Saône (aujourd’hui sous-préfecture du département de Saône-et-Loire) était un important lieu d’échanges et de passage entre Lyon et Paris. La ville était le siège d’un évêché supprimé en 1801.
Postillon : « palefrenier, ou valet du cocher, qui monte sur le premier cheval d’un attelage quand il y a six ou huit chevaux » (Furetière). « On dit pousser un cheval, pour dire, le faire galoper » (ibid.).
« dans cette palestre ». La palestre « était le nom que les Grecs et les Latins donnaient aux lieux publics où les jeunes gens se formaient aux exercices du corps. On appelait aussi de ce nom les exercices mêmes » (Académie). Il faut sans doute ici comprendre palæstra dans son sens cicéronien de « souplesse, habileté (politique) » (Gaffiot).
V. note [12], lettre 252, pour François Feynes (mort à Montpellier en 1573) et sa Practica medica dont le manuscrit, édité par René Moreau, était sur le point de paraître à Lyon.
« Les Troyens sont lents à comprendre. »
Proverbium est natum a Troianis, qui decimo denique anno velle coeperant Helenam, quæque cum ea erant rapta, reddere Achivis.
[Ce proverbe est venu des Troyens à qui, au bout de dix ans, le désir était enfin venu de rendre aux Grecs Hélène et tout ce qu’ils avaient capturé avec elle]. {a}
L’adage a été commenté par Érasme (no 28) :
Hoc proverbium ex vetustissima tragœdia Livii Andronici mutuo sumptum est, quæ inscribitur Equus Trojanus : Sero sapiunt Phryges. Usurpatur a Cicerone in Epistulis familiaribus : In equo, inquit, Trojano scis esse : sero sapiunt Phryges. Convenit in eos, quos stulte factorum sero pænitet. Siquidem Trojani tot jam acceptis cladibus vic decim demum anno de restituenda Helena consultare cœperunt ; quam si statim initio reposcenti Menelao redidissent, innumerabilibus sese calamitatibus subduxissent.
[Ce proverbe est emprunté (ou inversement) à une très ancienne tragédie de Livius Andronicus, intitulée Equus Troianus : {a} “ Les Troyens {b} sont lents à comprendre. ” Cicéron l’a employé en ses Lettres familières : Les Troyens sont lents à comprendre, tu sais, dit-il, que c’est dans l’Equus Trojanus {c} Il convient à ceux qui regrettent trop tard les folies qu’ils ont commises. Il a ainsi fallu presque dix ans d’incessants malheurs aux Troyens pour commencer à se demander s’ils devraient libérer Hélène ; {d} alors que s’ils l’avaient rendue aussitôt que Mélénas l’avait réclamée, ils se seraient épargné d’innombrables calamités].
- « Le cheval de Troie » ; Livius Andronicus est un poète latin du iiie s. av. J.‑C., dont il ne reste que des fragments.
- Priam, roi légendaire de Troie, était phrygien.
- Livre vii, lettre 16.
- V. note [4] du Mémorandum 4 pour la volage Hélène qui fut cause de la guerre de Troie.
V. note [55], lettre 219, pour le Privilège du roi qui mettait les libraires lyonnais en infraction dans leur réédition des Opera de Daniel Sennert en 1650. Guy Patin en avait réceptionné sans encombre plusieurs exemplaires qu’il s’apprêtait à écouler clandestinement (v. note [8], lettre 229). Ces pratiques illicites allaient lui coûter fort cher sur la fin de sa vie, et bien plus encore à son fils Charles (v. les Déboires de Carolus).
V. note [37], lettre 104, pour les Institutions pharmaceutiques de Jean de Renou traduites en français (1626, soit 24 et non 27 ans auparavant) par Louis i de Serres, agrégé au Collège des médecins de Lyon.
« veillant au grain, et même avec une certaine infamie ».
« pourvu qu’il fasse ses affaires : “ Il a l’impudence d’une putain, il ne sait plus rougir ” [Jérémie, v. note [2], lettre 90]. »
« qui, ici tout comme ailleurs, s’est fort profondément et fort odieusement trompé ».
Juan Luis Vives (v. note [3], lettre 125) n’a pas laissé d’ouvrage spécifiquement consacré à Apulée, mais il a critiqué son goût et son style dans ses De Disciplinis (v. note [2] du Patiniana I‑1 pour l’édition de Lyon, 1551).Contrôler : « examiner les actions d’autrui, les critiquer, y trouver à redire » (Furetière).
Les Florides d’Apulée (v. note [33], lettre 99) sont un florilège, en quatre petits livres, de ses conférences.
« sur le lait de femme ».
Galien a disserté en divers endroits de son œuvre sur l’emploi du lait de femme pour soigner la phtisie (v. note [19], lettre 223). Ce passage du De marcore Liber [Livre sur le marasme] (Kühn, volume 7, page 701, traduit du grec), par exemple, éclaire sur la raison pour laquelle les médecins du temps de Guy Patin recouraient si volontiers au lait d’ânesse dans les cas désespérés et terminaux de cachexie (ou marasme) de la tuberculose ou des cancers :
Mihi porro nihil ad hæc omnia lacte videtur esse præstantius, præcipue quidem si quis muliebrem mammam ore apprehendens id ipsum mulgere toleret, quemadmodum sane Euryphon et Herodicus in phthisicis præcipiunt ; sin minus, at saltem asininum adhuc calidum assumat, quod brevissimo temporis spatio ambienti aeri fuerit expositum. Hic igitur alimentorum scopus non iis solum, qui similem senectuti affectionem, vel etiam marcorem syncopalem habent, confert, verum etiam iis, quos marcor a Philippo retorridus appellatus occupat.
[Il me semble d’ailleurs que dans tous ces cas rien n’est plus souverain que le lait, surtout si le malade supporte de le téter directement de la mamelle d’une femme, comme Euryphon et Herodicus {a} l’ont fort recommandé ; sinon, à défaut, le lait d’ânesse chaud peut remplir le même office, à condition d’avoir été très brièvement exposé à l’air ambiant. Cette sorte d’aliments convient non seulement à ceux qui ont une affection semblable à la vieillesse, ou même une cachexie syncopale, mais aussi à ceux qui souffrent d’un marasme desséché, {b} comme l’appelle Philippus].
- Deux des maîtres d’Hippocrate.
- Μαρασμος περιφρυγης, marasmos périphrugês (marasme entièrement consumé, terminal).
V. note [43], lettre 223, pour François Des François. Charles, le deuxième fils de Guy Patin, était alors avocat.
Du premier mariage de Henri ii d’Orléans, duc de Longueville, avec Louise de Bourbon-Soissons (morte en 1637, v. note [6], lettre 35), était restée Mlle de Longueville, Marie d’Orléans (née en 1625, v. note [1], lettre 111), « prête à marier », future duchesse de Nemours. Du second mariage du duc avec Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, étaient nés deux fils, Jean-Louis-Charles (en 1646, v. note [16], lettre 750) et Charles Paris (en 1649, v. note [68], lettre 166) ; leur sœur, Marie-Gabrielle, venait de mourir, âgée de trois ans.
À Montrond (Saint-Amand-Montrond, Cher) se trouvait une puissante forteresse appartenant aux Condé ; on a corrigé le lapsus de Guy Patin qui a écrit Mouzon, nom d’une ville des Ardennes (v. note [26], lettre 216).
Journal de la Fronde (volume i, fos 210 vo, 211 ro et 214 ro) :
« Le même jour, {a} Mlle de Longueville arriva ici incognito, pensant y trouver Mme la Princesse douairière, {b} qui est encore au Bourg-la-Reine où elle la fut voir, et s’en retourna le lendemain à Coulommiers. La petite fille de Mme de Longueville mourut à Chantilly deux jours après. On remarqua le 19 que Mme la Princesse demanda faveur et protection à M. de Beaufort à l’entrée du Parlement. Il lui fit cette réponse, après lui avoir fait des grandes soumissions, “ Madame, M. le Prince, votre fils, nous a appris il y a un an d’obéir au roi ”. […]
Le maréchal de L’Hospital fut envoyé au Bourg-la-Reine {c} pour dire à Mme la Princesse douairière que Leurs Majestés avaient approuvé tout ce que M. le duc d’Orléans avait fait dans son affaire et lui porter ordre de partir après les trois jours que Son Altesse Royale lui avait accordés pour se retirer en Berry ; cependant sa requête fut imprimée le même jour et publiée par Paris, après qu’on en eut donné des exemplaires à tous les conseillers du Parlement. […] Le 3 du courant, {d} Mme la Princesse douairière ayant reçu les ordres de la reine, qui lui furent apportés par le maréchal de L’Hospital, de se retirer pour deux mois seulement à Vallery {e} (où est enterré le corps de feu M. le Prince) suivant le tempérament {f} qu’on avait apporté aux ordres précédents, elle écrivit une lettre à la reine et une autre à M. le duc d’Orléans, lesquelles elle leur envoya par le président de Nesmond, qui rendit premièrement celle qui s’adressait à Son Altesse Royale, à laquelle elle continuait ses prières, accompagnées de larmes, de faire en sorte qu’on ne lui ôtât pas, par cet éloignement, la seule consolation qu’elle avait de recevoir souvent des nouvelles de ses enfants. Ensuite, il fut porter celle qui s’adressait à la reine, laquelle ne la voulut pas recevoir, mais se contenta de demander au président s’il en savait le contenu, duquel il lui en fit le récit à peu près ; et ayant achevé, Sa Majesté lui commanda de l’aller dire à M. le cardinal, ce qu’il fit, et ensuite se retira. Sur cela, M. le cardinal envoya M. Le Tellier chez M. le premier président pour lui dire qu’il avertît le lendemain le Parlement que l’affaire de Mme la Princesse était accommodée ; et cependant l’on publia dans le Palais-Royal qu’elle avait envoyé faire satisfaction à Son Éminence. Le lendemain au matin le premier président ne manqua pas à suivre les ordres que M. Le Tellier avait apportés et le président de Nesmond ne confirma point ce que celui-ci disait ; mais à cause qu’il ne dit mot, on crut que son silence valait confirmation ; mais Mme la Princesse les envoya désavouer aussitôt qu’elle le sut, notamment le président de Nesmond, de ce qu’il avait été voir M. le cardinal, le priant de désabuser tout le monde de la croyance qu’on avait qu’elle eût envoyé faire satisfaction à Son Éminence. Elle partit du Bourg-la-Reine le lendemain et fut coucher à Chilly, où elle est encore ; mais hier on lui envoya des carrosses afin qu’elle partît aujourd’hui pour aller à Augerville, {g} maison du président Perrault, et delà {h} à Vallery. »
- 30 avril 1650.
- Sa grand-mère.
- Le 3 mai.
- Mai.
- V. infra note [28].
- L’adoucissement.
- Augerville-la-Rivière, Loiret.
- Ensuite.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 256, jeudi 5 mai 1650) :
« Le sieur Deslandes-Payen, conseiller en la Grand’Chambre, va par toutes les chambres du Parlement les solliciter de se trouver en la Grande, pour l’assemblée de demain, où il y aura une seconde requête de Mme la Princesse.
Sa première requête, en deux feuillets in‑4o, a été imprimée et publiée ces trois jours derniers, et le factum des princes prisonniers {a} avec une autre pièce intitulée Avis aux Parisiens, servant de réponse aux impostures du cardinal Mazarin, mdcl, de neuf feuilles ou cahiers in‑4o, se sont vendus assez librement par les colporteurs ; ce qui montre que la Fronde est partagée en Paris, et qu’une partie tient aux princes. »
Journal de la Fronde (volume i, fos 215 vo et 220 ro) :
« Le < 10 mai >, M. le duc d’Orléans envoya un de ses gardes à Dammartin et à d’autres terres de M. le Prince situées aux environs de Chantilly, avec des ordres bien précis pour faire déloger les troupes qui y étaient et commettaient des ravages extraordinaires. L’on a envoyé à Chantilly, la semaine passée, M. de Bragelonne, enseigne des gardes du corps, pour y faire inventaire de tout ce qui y était appartenant à Mme la Princesse.
[…] Le < 17 mai > Mme la Princesse douairière partit de Chilly et fut coucher à Essonne et de là à Augerville, maison du président Perrault. »
Depuis longtemps, Hollandais et Portugais rivalisaient farouchement pour la domination des colonies d’Orient et d’Occident. Cependant, en 1641, ils avaient conclu entre eux une trêve de dix ans pour se solidariser contre les Espagnols. Je n’ai pas trouvé que ce pacte eût été rompu en 1650.
Basané (Furetière) :
« qui a le teint olivâtre et tirant sur le noir. Les Espagnols sont basanés. Un voyageur revient ordinairement tout basané, tout hâlé du soleil. Les paysans sont ordinairement hâlés et basanés. Ce mot vient du grec basanos, qui signifie proprement Lapis Lydius ou Herculeus, la pierre de touche, {a} qui est noire, ou d’une couleur noirâtre, dont la basane peut aussi avoir pris son nom, parce que les premières basanes étaient des cuirs qu’on préparait avec peu de soin et qu’on teignait d’un mauvais noir. »
La cour quitta Paris pour Compiègne le 2 juin 1650, pour revenir à Paris le 29 et entreprendre le voyage de Guyenne le 4 juillet (Levantal).
Les Condé possédaient un château et des terres à Vallery dans le Gâtinais. L’église de ce pays leur servait de sépulture. Henri ii de Bourbon-Condé, époux de la princesse douairière, y avait été inhumé en 1646. La commune se situe à l’extrême nord du département de l’Yonne, limitrophe de la Seine-et-Marne, à une trentaine de kilomètres de Fontainebleau.
Le comte Du Dognon (v. note [3], lettre 207), gouverneur de Brouage, n’avait pas encore ouvertement adhéré au parti des princes.
Le Journal de la Fronde (volume i, fo 218 vo) le dit alors en train de prendre les eaux en Périgord. Le duc de La Rochefoucauld était celui qui manœuvrait pour soulever le Poitou (v. note [42], lettre 226) dont on lui avait ôté le gouvernement. Du Dognon ne se dévoila qu’en juillet 1650 en faisant fortifier Brouage sans en avoir reçu l’ordre du roi.