L. 284.  >
À Charles Spon,
le 26 mars 1652

Monsieur, [a][1]

Si je ne reçois point de vos lettres, je ne laisse point de penser à vous et je n’en attribue cette rareté qu’à faute de matière, vu que les malheurs ne sont pas si communs à Lyon qu’à Paris. La France est dorénavant une Afrique, [1][2] laquelle produit force monstres, mais je pense qu’elle n’en a jamais produit deux si horribles et si détestables que les deux cardinaux-favoris, Richelieu [3] et Mazarin. [4] Le marquis d’Ancre [5] n’était qu’un saint au prix de ces deux bourreaux que Dieu n’a, ce me semble, permis de naître que pour tourmenter la France et détruire l’Europe. Le diable puisse-t-il bien emporter ce dernier comme il fit cet autre premier il y a tantôt dix ans. Et hæc præfationis loco habeas velim[2]

Je vous envoyai ma dernière le mardi 5e de mars. Depuis ce jour-là, le bruit a ici couru qu’un des lieutenants de roi en Languedoc avait surpris pour le duc d’Orléans [6] la ville de Tournon [7] sur le Rhône. [3] Cela est en votre voisinage, vous l’aurez su plus tôt que nous. Le duc de Nemours, [8] après avoir amené ses troupes jusqu’à Mantes [9] et après avoir passé la Seine, les ayant laissées dans le pays chartrain, est ici venu se reposer le mardi 5e de mars, qui était hier. Ses troupes se reposent alentour de Monfort, [10] Houdan-les-Toiles, [11] etc. [4] On dit ici tant de fausses nouvelles que nous ne savons les distinguer des vraies : il se trouve ici quantité de gens qui veulent gager qu’Angers [12] n’est point pris ni rendu au roi [13] et que tout ce qu’on en a dit est faux ; la difficulté d’en savoir la vérité est de ce que toutes les lettres d’Angers sont arrêtées par les mazarins qui sont sur les chemins et que l’on n’en a reçu aucune depuis 15 jours.

Ce 10e de mars. Voilà que l’on nous annonce que les Ponts-de-Cé [14] ont été pris par force par les troupes du roi ; que ceux de dedans y ont tous été tués, mais qu’ils ont bien vendu leur peau et qu’ils en ont beaucoup tué de la part du Mazarin ; [5] que le roi s’en va à Richelieu [15] et delà qu’il viendra à Blois [16] sans passer à Tours, [17] où on lui a fait dire qu’il ne serait point reçu avec le Mazarin ; de sorte qu’il passera outre sans le demander, afin de n’être point refusé. On dit aussi que M. le prince de Condé [18] laisse la Guyenne [19] à son frère le prince de Conti [20] et à ses deux lieutenants, Marsin [21] et Balthazar, [6][22] et qu’il part avec 2 000 hommes de cheval pour venir en deçà commander l’armée du duc d’Orléans qui est devers le Perche et le Vendômois, à laquelle sont tout prêts de se joindre les 7 000 hommes que M. de Nemours a amenés et qui ont passé la Seine à Mantes il y a plus de huit jours. Je voudrais que cette nouvelle fût vraie, la présence du prince de Condé réjouirait ici bien du monde et fortifierait merveilleusement ce parti ; sa présence seule vaudrait 10 000 hommes.

Mais à propos, dites-moi, je vous prie, êtes-vous retourné en Bourgogne pour le petit troupeau et le sacré parti, [7] ou bien êtes-vous tombé malade ? Avez-vous été absent de Lyon, êtes-vous fâché contre moi, quid feci ego, quidve sum loquutus ? [8][23] N’aurai-je plus de vos nouvelles ? Si vous ne me voulez plus faire tant de bien, faites-moi mander par quelqu’un que vous ne me voulez plus écrire, et qu’entre vous et moi il n’y a plus de commerce de lettres et d’amitié ; sinon, si vous avez pitié de moi, écrivez-moi donc et ne me faites plus tant attendre. Je ne vous demande que trois mots de votre main, Vivo et valeo, tu vale ? [9]

M. Bouthillier le père, [24] jadis secrétaire d’État [25] et surintendant des finances, père de M. de Chavigny, [26] mourut hier âgé de 72 ans ; et M. Bataille, [27] avocat fort célèbre, le même jour, âgé de 64 ans, d’une apoplexie. [10][28] C’est lui qui plaida contre notre Faculté il y a huit ans, pour le Gazetier[29] et qui perdit aussi son procès. [30] C’est lui qui avait été prédit par ce quatrain que l’on attribue faussement à Nostradamus. [31][32]

Quand le grand Pan quittera l’écarlate,
Pyre venu du côté d’Aquilon,
Pensera vaincre en Bataille Esculape,
Mais il sera navré par le Talon, qui est M. l’avocat général
[11]

On est ici en attente tous les jours de Normandie, savoir si M. de Longueville, [33] qui est dans Rouen, se déclarera pour les princes ou s’il tiendra le parti du roi qui n’est odieux aux gens de bien qu’en tant que le Mazarin en est et que tout va à ses intérêts. Ledit M. de Longueville avait promis de se déclarer contre le Mazarin quand les troupes de M. de Nemours auraient passé la Seine ; mais aujourd’hui il allègue qu’il est mal avec sa femme [34] et le prince de Condé, qu’il a besoin d’être bien à la cour pour avoir la survivance qu’on lui a promise de son gouvernement de Normandie pour son fils. [35] Nonobstant tout cela, il n’y a rien de certain de part ni d’autre, et adhuc sub iudice lis est[12][36] Nous ne savons pas quel parti il prendra, peut-être que lui-même n’en sait rien.

Ce 18e de mars. Le roi a couché deux nuits dans Tours et deux nuits dans Amboise, [37] puis est venu à Blois, où il est de présent. On dit que delà il viendra à Orléans [38] pour y faire faire un maire et des échevins [39] à sa mode, et y renverser la brigue du duc d’Orléans ; mais après cela, reviendra-t-il à Fontainebleau [40] comme l’on dit ? Les plus fins disent que non et que l’on croit qu’il s’en retourne vers Bourges [41] à cause du choc que va produire le rencontre de l’armée du roi avec celle des princes. Je ne sais en quel état est le prince de Condé et ce qu’il prétend de faire en Guyenne, mais il n’a su prendre Miradoux [42] et Saintes [43] s’est rendue au roi : [13] voilà comment les affaires du Mazarin prospèrent et vont de mieux en mieux depuis qu’il est remonté sur sa bête. M. de Longueville n’est point encore déclaré, tous les deux partis espèrent en lui. Sunt bona mixta malis, sunt mala mixta bonis[14][44] On nous apprend ici que le roi n’a pu entrer dans Orléans et qu’on lui a refusé les portes s’il voulait y faire entrer le Mazarin ; [15] que le duc de Beaufort [45] y a été reçu au nom du duc d’Orléans et que les deux armées vont chercher à se joindre pour se battre. Les troupes du duc de Lorraine [46] sont sur la frontière de Champagne vers Saint-Dizier, [47] toutes prêtes d’entrer ; elles seraient déjà jointes aux troupes conduites par le duc de Nemours si le duc d’Orléans ne les eût contremandées. Enfin, voilà grosse guerre pour un coquin et pour la passion d’une femme. Je ne sais combien durera encore ce traîne-malheur de cardinal, [16] mais il mériterait bien la fortune du maréchal d’Ancre, qui était un saint au prix du Mazarin. On dit que la généreuse résolution de ceux d’Orléans fera rebrousser le roi devers Bourges ou Poitiers, [48] et que Chartres [49] se va déclarer pour les princes à l’exemple d’Orléans.

Enfin, j’ai reçu la vôtre tant désirée, datée du 15e de mars, pour laquelle je suis tout réjoui. Je suis bien aise que Dieu ait augmenté votre famille d’une belle fille [50] qui porte le nom d’une de mes sœurs [51] qui mourut il y a environ trois mois. [17] Je vous supplie de corriger sur le manuscrit de M. Hofmann [52] ce qu’il y a contre Fernel [53] avant que la copie en soit délivrée au compositeur, [18] M. Rigaud [54] ne vous la refusera point. Le petit Bauhin [55] s’est ici débauché. Je ne sais ce qu’il deviendra, mais il a dit à quelqu’un que, malgré tous ses parents, il ne serait point médecin, qu’il voulait venir demeurer en France. Tout ce qu’il vous a dit de sa famille est très vrai, mais il ne vous a pas dit que M. Bauhin, [19][56] conseiller de la quatrième des Enquêtes, est le plus brutal de tous les hommes et aussi sot que le portier des chartreux[57] dom Butor ; [20] ses compagnons disent qu’il est la partie honteuse de ce grand corps que l’on nomme le Parlement.

Obligez-moi de faire mes recommandations à M. Ravaud, [58] lequel je remercie du soin qu’il a pris de m’envoyer mes livres de Gênes, [59] et vos deux Sebizius [60] aussi. Je vous donnerai avis de l’un et de l’autre dès que je les aurai reçus, comme aussi de ceux que vous avez délivrés à M. Rigaud. J’aurais bien regret que M. Garnier [61] eût mal, je vous prie de lui présenter mes vœux pour sa convalescence. Vous aurez de nos thèses [62] ce qu’il y aura de bon. Le Theatrum vitæ humanæ [63] avance-t-il, sera-t-il bien achevé dans deux ans ? [21] Imprimera-t-on le livre de Sebizius, de curandi ratione per sanguinis missionem, à Lyon, cet auteur ne vous a-t-il point écrit ? [22] Hier, qui était le 23e de mars, fut ici pendu et brûlé dans la Grève [64][65] un certain fripon italien nommé Bonaventure Nano, [66] Napolitain. Il s’est dit capitaine dans un régiment du Mazarin, il était en prison pour des fourberies et voleries, il est grand filou et affronteur ; il a été surpris dans la prison même, in crimine της παιδεραστιας [23][67] avec un petit garçon qu’il avait enlevé, qui venait de voir son père qui était aussi en prison. Comme il passait par les rues pour être mené au gibet, le peuple criait qu’il était parent du Mazarin. Toute cette race d’Italiens ne vaut rien et ne viennent en France que pour y voler, mais il se trouve toujours quelque papillon qui se brûle à la chandelle. Nous serions bien heureux si le Mazarin avait été arrêté de la sorte, combien pourtant que ce ne serait pas assez de lui, vu qu’il faudrait ôter aussi la reine [68] d’auprès du roi ; autrement, les princes ne s’y fieront jamais et auront aussi raison de s’en défier toute leur vie, vu qu’il y a grande apparence qu’elle ne leur pardonnera jamais de lui avoir voulu ôter son cher Mazarin. On commence ici à vendre le Socrate chrétien de Balzac [69] et un Horace traduit en français avec le texte latin de l’autre côté, par M. de Marolles, abbé de Villeloin, [70] en deux tomes in‑8o, qui s’en va faire imprimer le Juvénal de même. [24]

Je vous supplie d’assurer M. Rigaud le libraire que j’ai ici reçu des mains de M. Béchet, [25][71] libraire, les deux < livres > qu’il m’a envoyés de Lyon, savoir le Petrarcha redivivus [72][73] et Albanesius in Aphorismos Hippocratis[26][74] Le premier est curieux et beau, le second ne vaut rien. M. le duc de Beaufort est ici arrivé en poste le 24e de mars, on dit qu’il vient tâcher d’emmener M. le duc d’Orléans en leur armée, où sa présence servirait ; d’autres disent qu’il ne doit bouger d’ici et ne point abandonner Paris. On parle aussi d’une perte de 300 hommes qu’a faite le prince de Condé en retirant son armée pour la mettre en garnison. M. le duc d’Orléans ne bouge d’ici, mais il envoie sa fille aînée [75] à Orléans avec le duc de Beaufort afin que de sa présence elle puisse faire passer quelques troupes au travers de la ville pour faire soutenir le parti des princes. Elle est partie aujourd’hui à dix heures du matin, ce 25e de mars. [27] Il y a ici un plaisant procès entre le Gazetier Renaudot et sa femme : [76] cet homme âgé d’environ 68 ans, tout paralytique et tout crochu, s’est remarié il y a environ trois mois à une belle jeune veuve de 21 ans ; elle était veuve d’un officier de la reine, mais elle n’avait rien ; aujourd’hui, elle plaide contre lui, et lui contre elle, à l’Officialité ; [28][77] il se plaint qu’elle ne veut point coucher avec lui, et elle, qu’il a la vérole, [78] qu’elle sait bien toutes ses débauches et que sa première femme [79] en est morte. [29]

Vous m’obligerez de faire rendre les lettres ici incluses à leurs adresses pour ce coup ; une autre fois, ils vous rendront la pareille. Les Messieurs du Parlement s’assemblent si souvent pour les affaires politiques que l’on ne peut avoir le temps d’une audience, combien que plusieurs placets m’en aient été signés par les présidents : voilà la cause pour laquelle l’affaire de Chartier [80][81] n’est point terminée ; joint que lui-même recule tant qu’il peut. Il est chassé de nos Écoles et ne jouit de rien, c’est plus à lui qu’à moi à poursuivre. On nous promet audience après Pâques et j’espère bien d’en voir la fin devant la Pentecôte ; [82] ou au moins, il ne tiendra pas à moi. [30] Il a un autre procès à la Grand’Chambre, au rapport de M. Saintot : [31][83] lui et un autre sont obligés solidairement à un marchand de vin nommé Le Juge pour 4 500 livres ; pour se délivrer de ladite dette, il a supposé une quittance dont la fausseté est reconnue et avérée. Si on lui fait bonne justice (ce qui, véritablement est fort rare aujourd’hui), voyez où cela va. Un autre temps, cela vaudrait la corde ; mais quoi qu’il lui en arrive, toujours faudra-t-il qu’il paie. Il est accablé de procès et persécuté de créanciers à qui il doit en diverses sommes plus de 30 000 livres, et ne sait guère où il prendra le premier denier. On dit qu’il espère en M. Vautier, [84] premier médecin du roi, duquel il s’est rendu le grand flatteur ; mais néanmoins, cet homme n’a jamais fait de bien à personne et quelque moyen qu’il en ait, je pense qu’il ne lui donnera rien, vu que jamais il n’aura de quoi rendre et que ce serait autant de perdu. On parle ici d’une défaite du prince de Condé, mais tout ce qu’on en dit est si fort douteux qu’il n’y a nulle apparence. Le roi, la reine et le rouge marmouset [32][85] sont à Blois avec toutes sortes d’incommodités et de pauvreté. M. de Nesmond [86] est prêt de partir avec les conseillers députés qui n’attendent qu’après un passeport et < une > escorte pour commencer leur voyage. [33] La reine a fait trois ministres d’État nouveaux, savoir MM. de Vendôme, [87] de Bouillon-Sedan [88] et le maréchal Du Plessis-Praslin, [89] afin qu’ils contrepointent [34] hardiment dans le Conseil votre maréchal de Villeroy [90] qui fronde perpétuellement contre le Mazarin et les malheurs que son retour cause en France. Voyez la malice de cette femme. Et en attendant qu’elle s’amendera, croyez que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 26e de mars 1652.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 25‑26, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon. » ; Jestaz no 65 (tome ii, pages 852‑861). Note de Charles Spon au revers : « 1652/ Paris 26 mars/ Lyon 30 dud./ Rispost./ Adi 9 avril. »

1.

V. note [33], lettre 246.

2.

« Et je voudrais bien que vous acceptiez cela en guise de préambule. »

3.

Tournon (Ardèche) se situe sur la rive droite du Rhône, en face de Tain.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 43 vo) :

« Le comte de Roure, {a} lieutenant général en Bas-Languedoc, s’est saisi pour S.A.R. {b} de la ville de Tournon sur le Rhône et y a arrêté des barques chargées de marchandises, qui font beaucoup crier les marchands de Lyon ; mais S.A.R. lui a envoyé ordre de le rendre. Cependant, il lève des troupes et de l’argent, et se fortifie journellement. »


  1. Scipion de Grimoard de Beauvoir.

  2. Son Altesse Royale, le duc d’Orléans.

4.

Ces deux villes distantes d’une vingtaine de kilomètres sont aujourd’hui respectivement Monfort-l’Amaury (Yvelines, arrondissement de Rambouillet), à l’est, et Houdan (Yvelines, arrondissement de Mantes-la-Jolie), à l’ouest.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 35 vo et 38 ro et vo) :

« La cour ayant su {a} que le duc de Nemours faisait état de passer la Seine sur le pont de Mantes, avait envoyé ordre aux trésoriers de France de le faire rompre, ce que les habitants qui y sont en armes ont empêché, et < ont > fort bien reçu le duc de Sully, gouverneur, qui y est pour le service de Son Altesse Royale. Les troupes du duc de Nemours vivent avec beaucoup de règle. M. de Beaufort fait contenir les siennes en quelque façon, quoiqu’avec peine et difficulté ; mais celles de la cour font tous les désordres imaginables, ayant forcé un couvent et violé les religieuses auprès d’Angers quoiqu’il y eût un garde de la reine pour l’empêcher. […]

La ville de Mantes ayant toujours été divisée sur la résolution du passage de M. de Nemours, quelques habitants assemblés par un trésorier de France qui est créature du maréchal de L’Hospital résolurent […] de rompre leur pont suivant les ordres qu’ils en avaient de la cour et commencèrent même le 29 à défaire le pavé ; mais le duc de Sully, leur gouverneur, y accourut promptement et leur fit quitter prise, disant qu’il fallait délibérer quelle arche l’on romprait pour la faire rétablir avec moins de dépense, et qu’on tiendrait le lendemain une assemblée de ville pour ce sujet. Cette assemblée fut éludée le 2 {b} parce que ce duc amusa les habitants et n’y s’y trouva pas ; et dans ce temps-là, le sieur de Saint-Quentin y étant arrivé avec les gentilshommes et gardes de Son Altesse Royale, publia qu’elle y venait en personne le lendemain ; et afin qu’on ajoutât plus de foi à ce qu’il disait, il fit marquer tous les logements pour Son Altesse Royale et pour sa Maison, en sorte que les habitants n’en doutant plus, ne touchèrent pas davantage au pont où les gardes de Son Altesse Royale se postèrent ; et cependant l’avant-garde de M. de Nemours s’étant avancée, 500 chevaux y arrivèrent le 2 et on en fit passer 200 pour faire publier delà la rivière que toute la cavalerie était passée, à cause que le maréchal d’Aumont et milord Digby avaient passé la rivière à Poissy pour tâcher de se jeter dans Mantes où ceux qui en avaient voulu rompre le pont leur devaient favoriser l’entrée. Le 3, le reste de l’avant-garde de M. de Nemours y arriva et passa ce jour-là sans aucune résistance. Le reste ne passa que le 4 au matin sans y loger et sans y faire le moindre désordre, ayant vécu avec cette règle depuis 27 jours qu’ils sont en marche. Ils font le nombre de 7 000 combattants effectifs, sans leurs valets, savoir 4 000 chevaux et 3 000 fantassins, tous vieux soldats et fort lestes, avec quatre pièces de canon, et tout compris, l’on y a compté environ 30 000 bouches. {c} M. de Saint-Quentin s’en revint le 4 avec les gentilshommes et gardes de Son Altesse Royale, et mena ici {d} le maire de Mantes qui ne se croyait plus en sûreté par-delà parce qu’il avait favorisé ce passage. Le duc de Sully suivit M. de Nemours et ils arrivèrent ici ensemble le 5 avec le baron de Clinchamp, son lieutenant général, et quelques autres des principaux officiers de cette armée, escortés par 100 chevaux, pour conférer avec Son Altesse Royale. »


  1. Le 26 février 1652.

  2. Mars.

  3. À nourrir.

  4. À Paris.

5.

Les Ponts-de-Cé (v. note [38], lettre 280) étaient entre les mains des princes depuis le 24 décembre précédent. Après avoir obtenu la capitulation d’Angers (v. note [36], lettre 282), les troupes royales avaient assailli ce faubourg de la ville le 3 mars ; Journal de la Fronde (volume ii, fo 42 ro) :

« et il y eut 200 hommes tués qui étaient dedans, commandés par le sieur Alexandre ; lequel s’étant retiré dans le donjon, il demanda quartier, qu’on ne lui aurait pas accordé sans le maréchal d’Hocquincourt qui le connaissait. Le comte de Rieux avait voulu s’y jeter dedans avec 600 mousquetaires, mais Alexandre ne l’y voulut pas recevoir de peur qu’il voulût s’emparer de la place. Depuis, les soldats des gardes qui sont dans Angers y ont fait des désordres qui ont obligé les habitants à se repentir de s’être réduits si tôt et l’on n’y demande pas moins de 50 000 écus d’arrérages. »

6.

Relâché quelques mois après son arrestation en janvier 1650, Jean-Gaspard-Ferdinand de Marsin (v. note [7], lettre 221) était retourné en Catalogne en qualité de vice-roi. En octobre 1651, il avait abandonné Barcelone, alors que la ville était assiégée par les Espagnols, pour rejoindre Condé en Guyenne en lui amenant quatre régiments de soldats (« mille hommes de pied et 300 chevaux des meilleures troupes de Catalogne » dit La Rochefoucauld). Il devint l’un des meilleurs lieutenants des armées condéennes en Guyenne.

Johann Balthazar von Simeren, dit le colonel Balthazar, originaire du Palatinat, avait servi la Suède puis la France durant la guerre de Trente Ans. Il était alors un autre des lieutenants de Condé, avant de rejoindre le parti du roi pour être nommé lieutenant général en 1654. Le 14 mars, le comte d’Harcourt allait obliger Condé à lever le siège de Miradoux (v. note [38], lettre 282), ce qui décida M. le Prince à quitter la Guyenne pour gagner l’Orléanais où se concentrait la guerre civile. Il partit d’Agen le 28 mars avec huit compagnons pour arriver à Châtillon-sur-Loire (Loiret, près de Briare) le 1er avril, soit une distance de quelque 600 kilomètres en cinq jours (v. note [7], lettre 285).

7.

V. note [48], lettre 156, pour le « petit troupeau », ici les protestants.

8.

« qu’ai-je donc fait, ou qu’ai-je dit ? » (Catulle, Poèmes, xiv, vers 4).

9.

« Je suis vivant et me porte bien, et vous, allez-vous bien ? » D’après ses annotations au revers des lettres de Guy Patin, Charles Spon avait reçu la lettre du 5 mars le 11 et y avait répondu le 15 ; mais cette réponse valait aussi pour la lettre que Patin lui avait envoyée le 30 janvier et qu’il avait reçue le 4 février. On verra plus loin dans la lettre que Patin allait bientôt être récompensé de sa patience.

10.

V. notes [8], lettre 85, pour Claude Bouthillier, ancien surintendant des finances, disgracié en août 1643, et [65], lettre 101, pour l’avocat Gilles Bataille.

11.

V. note [64], lettre 101, pour l’explication du quatrain qui était vraisemblablement de la plume de Guy Patin.

12.

« et la cause n’est pas encore jugée » : grammatici certant et adhuc sub iudice lis est [les grammairiens se disputent et la cause n’est pas encore jugée] (Horace, L’Art poétique, vers 75).

V. note [8], lettre 166, pour Jean-Louis-Charles d’Orléans, comte de Dunois, fils aîné du duc de Longueville.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 47 vo et 48 ro) :

« M. de Longueville a levé sous main {a} 2 000 fantassins et 1 500 chevaux, sous commission de Son Altesse Royale, auxquels il a donné son attachement, et prétend de ne se déclarer ni pour la cour, ni pour les princes, mais de contraindre les deux partis à s’accommoder, puisqu’il n’y a pu réussir par la médiation qu’il a offerte ; mais sa déclaration ne peut être qu’avantageuse au parti des princes. Cependant on lui accorde à la cour les commissions qu’il demandait pour lever les gens de guerre, et donne des brevets de duc à MM. de Matignon et de Beuvron, avec promesse du cordon de l’Ordre du Saint-Esprit. »


  1. En cachette.

Pour gagner l’alliance du duc de Longueville, la cour alla jusqu’à lui envoyer « un brevet du roi pour être dorénavant traité et considéré comme prince du sang » (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome ii, page 189, 23 mars 1652).

13.

Attaqué par l’armée du comte d’Harcourt, le prince de Tarente s’était réfugié le 25 février dans Saintes qui fut aussitôt assiégée.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 47 ro) :

« La ville de Saintes s’est rendue à composition à M. du Plessis-Bellière ; {a} et la garnison en étant sortie au nombre de 1 200 hommes, a été escortée à Bourg ; et les troupes qui étaient devant sont allées assiéger Taillebourg, où le prince de Tarente n’ayant pu s’y jeter, s’est retiré à Brouage. M. du Plessis-Bellière voyant qu’il n’y avait point de troupes de M. le Prince de ce côté-là capables de faire lever ce siège, en a détaché 2 200 hommes des siennes, suivant les ordres de la cour, pour venir joindre le maréchal d’Hocquincourt. »


  1. Le 12 mars 1652.

14.

« Ce sont de bonnes choses mêlées à des mauvaises, et de mauvaises choses à de bonnes » ; Sénèque le Jeune (Questions naturelles, livre ii, chapitre 50, § 3) :

Mixta aut partem habent boni, partem mali, aut mala in bonum, aut bona in malum vertunt.

[Les affaires mitigées sont partie bonnes, partie mauvaises ; ou le mauvais se transforme en bon, ou le bon en mauvais].

15.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 46 vo) :

« La cour étant arrivéee à Tours, {a} les évêques qui y étaient, au nombre de 8 ou 9, eurent audience de Leurs Majestés le 12, où l’archevêque de Rouen {b} fit une belle harangue en faveur du cardinal Mazarin, dans laquelle il n’y épargna pas le Parlement de Paris, dont il qualifia les arrêts donnés contre le cardinal Mazarin de téméraires et de barbares, et compara le Parlement à Caïn après qu’il eut tué son frère Abel ; ce qui fut reçu avec applaudissement de tous les mazarins. Il voulut ensuite faire imprimer cette harangue, mais ses confrères ne le voulurent pas souffrir. Pendant les deux jours que la cour y demeura, l’on remarqua que le cardinal Mazarin et M. de Châteauneuf s’entrevisitèrent 2 fois, mais qu’ils ne tinrent que des discours de compliment ou autres indifférents, sans parler d’affaires du tout. Il y arriva des députés d’Orléans, lesquels y apportèrent la lettre que Son Altesse Royale leur avait écrite, suivant la teneur de laquelle ils assurèrent le roi qu’il serait le très bienvenu dans Orléans, et le supplièrent de n’y point mener le cardinal Mazarin à cause de la grande aversion que le peuple avait contre lui, qui pourrait (disaient-ils) donner sujet à quelque rumeur, de n’y mener point aussi des troupes ; mais on leur répondit que le roi y voulait entrer sans aucune condition. Leurs Majestés en partirent {c} le 12, comme vous avez su, et en passant à Amboise, y laissèrent le sieur d’Ortis, lieutenant aux gardes, pour y commander avec deux compagnies des gardes, une française et l’autre suisse. Étant arrivés à Blois, elles étaient disposées à en partir le 17 au matin, mais cette résolution fut changée sur ce que la ville d’Orléans y envoya derechef des députés pour le même sujet qu’elles avaient fait auparavant ; ce qui obligea le cardinal Mazarin d’envoyer à Orléans M. Le Gras, maître des requêtes, pour y négocier son entrée ; mais Son Altesse Royale en ayant eu avis, y envoya le comte de Fiesque et M. de Gramont pour y tenir les esprits dans cette disposition de ne recevoir ni cardinal, ni troupes. »


  1. Le 10 mars 1652.

  2. François ii de Harlay de Champvallon.

  3. Partirent de Tours.

La cour avait séjourné à Amboise du 12 au 15, pour se rendre à Blois où elle demeura jusqu’au 27, sans aller à Orléans (Levantal).

16.

Traîne-malheur : gueux, misérable (Trévoux).

17.

Charlotte Spon avait été baptisée le 10 mars 1652, elle était le septième enfant de Charles (dont six alors en vie) et mourut le 10 janvier 1653.

L’une des cinq sœurs de Guy Patin (v. note [11], lettre 106) devait avoir porté ce même prénom, mais Vuilhorgne ne l’a pas individualisée et aucune autre source n’a permis de le vérifier. On le retrouve chez deux des petites-filles de Patin, filles de Charles : Gabrielle-Charlotte et Charlotte-Catherine, qui brillèrent dans l’Académie des Ricovrati de Padoue (v. note [165] des Déboires de Carolus).

18.

V. note [26], lettre 277.

19.

« Le petit Bauhin » qui se débauchait était Johann Caspar ii, fils aîné de Johann Caspar i (v. note [28], lettre 229).

Prosper ii Bauhin (Bauyn dans Popoff, Boüyn dans Tallemant des Réaux ; mort en 1661), troisième fils de Prosper i, magistrat au Parlement de Paris, et d’Étiennette Goret, était petit-fils de Jean Bauhin (v. note [2], lettre latine 145), fondateur de la dynastie médicale bâloise des Bauhin. En 1632, Prosper ii avait été reçu conseiller au Parlement de Paris (quatrième des Enquêtes) en survivance de son père (Popoff, no 536). Hieronymus Bauhin a confirmé son lien de parenté (cousinage) avec son père, Johann Caspar ii, dans une lettre qu’il lui a écrite en 1660 (v. notule {e}, note [1], lettre 594).

20.

« On dit figurément d’un homme stupide et maladroit que c’est un gros butor, parce que cet oiseau est sot et paresseux » (Furetière).

Je n’ai pas élucidé l’allusion monastique de Guy Patin. Jean-Charles Gervais de Latouche (1715-1782) publia vers 1741 un célèbre roman licencieux intitulé Histoire de Dom B…, portier des chartreux (Rome, Philotanus, sans date, in‑8o illustré de 318 pages), mais le portrait des chartreux s’y nommait Dom Bougre.

21.

V. note [36], lettre 155, pour le « [Grand] Amphithéâtre de la vie humaine » de Laurens Beyerlinck.

22.

V. notes [10] et [11], lettre 273, pour le livre de Melchior Sebizius sur les facultés des aliments, dont les deux exemplaires destinés à Guy Patin étaient égarés dans les embarras de la poste, et pour son autre livre « sur la raison de soigner par la saignée », alors en cours d’édition à Strasbourg.

23.

« en flagrant délit de pédérastie ». Je n’ai pas trouvé d’autre témoignage sur cette funeste affaire.

24.

Michel de Marolles, abbé de Villeloin (v. note [72], lettre 183) :

V. note [18], lettre 270, pour le Socrate chrétien de Jean-Louis Guez de Balzac (Paris, 1652).

25.

Denys Béchet avait été reçu libraire en 1632. Apprenti en 1626 chez son oncle Jérôme Drouart, il avait été élu adjoint en 1646 ; il devint syndic de la communauté en 1657, puis consul en 1669 et juge-consul en 1682. Membre de la Compagnie des Usages (détentrice du monopole d’édition des ouvrages liturgiques réformés après le concile de Trente), il fut nommé administrateur des hôpitaux de Paris en 1689. Il mourut avant 1701. Sa librairie se trouvait rue Saint-Jacques, à l’enseigne de L’Écu du soleil. Héritier de Drouart, il compléta son fonds par le rachat de celui de Sonnius (1650), dont il avait été un temps l’associé, et donna pour adresse, rue Saint-Jacques, Au Compas d’or. Sa première femme, Élisabeth Mulez, qui lui donna cinq enfants, mourut en avril 1652 et Béchet se remaria avec Françoise Legendre. Une de ses filles prénommée Anne, née en 1645, épousa Nicolas Liénard, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris (v. note [8], lettre 579) (Renouard).

26.

V. note [28], lettre 277, pour le Pétrarque ressuscité de Giacomo Filippo Tomasini.

Guy Patin désirait aussi la :

Guidi Antonii Albanesii Patavini in Patrio Lyceo Medici Theorici Ordinarii. Aphorismorum Hippocratis expositio peripatetica…

[Explication péripatétique des Aphorismes d’Hippocrate, par Guidus Antonius Albanesius, {a} natif de Padoue, lecteur ordinaire de médecine théorique en l’Université de sa patrie…] {b}


  1. Guido Antonio Albanese, médecin de Padoue, y avait occupé successivement plusieurs chaires de médecine à partir de 1621 ; il mourut assassiné par un de ses étudiants le 17 janvier 1657 (v. note [9], lettre de Charles Spon, le 28 août 1657).

  2. Padoue, Paulus Frambottus, 1649, in‑4o de 163 pages.

27.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 51 ro, 26 mars 1652) :

« Le 24 on tint conseil au palais d’Orléans pour délibérer si Son Altesse Royale irait à Orléans. Elle y était toute disposée, mais la résolution fut prise qu’elle y enverrait Mademoiselle avec le duc de Rohan, le comte de Fiesque et quelques autres, pour y tenir les esprits affectionnés à son parti ; et à cette fin Mademoiselle partit hier d’ici pour y arriver aujourd’hui. »

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, page 189, lundi 25 mars 1652) :

« Sur le midi, carrosses de Mademoiselle en la cour du palais d’Orléans prêts pour la campagne, et elle en habit gris tout couvert d’or pour s’en aller à Orléans.

Elle est donc partie à trois heures, menant avec elle les ducs de Beaufort et de Rohan, et la dame de Bréauté, la comtesse de Fiesque et dame de Frontenac. Force cavalerie a été envoyée sur le chemin pour l’escorter.

Le duc de Beaufort n’est parti de Paris que le lendemain, mardi 26, avant jour afin de se trouver à joindre Mademoiselle à son délogement du premier gîte de Linas ou Châtres. {a} Elle est sans relais et n’arrive que mercredi à Orléans. »


  1. Arpajon, v. note [8], lettre 149.

La Grande Mademoiselle, cousine germaine de Louis xiv, a elle-même consigné les hésitations et le grand espoir qu’elle mettait dans cette aventure guerrière (Mlle de Montpensier, Mémoires, première partie, volume 1, chapitre ix, pages 348‑349) :

« Après avoir été quelques heures à Luxembourg {a} à entretenir tout le monde, je connus les sentiments de tous sur mon voyage : les amis du cardinal de Retz le trouvaient ridicule ; ceux de M. le Prince en étaient ravis. Comme je n’avais point encore la dernière confiance aux derniers, ce que m’avaient dit les autres me troublait un peu. M. de Chavigny me dit qu’il témoignerait à M. le Prince l’obligation qu’il m’avait ; qu’il était assuré que dorénavant il prendrait mes intérêts comme les siens propres, c’est-à-dire avec le dernier emportement, et que, si pendant mon absence l’on faisait quelque traité, je verrais comme les amis de M. le Prince me serviraient.

Pour montrer comme tous les amis de M. le Prince étaient bien intentionnés pour moi, je vous dirai que Mme de Châtillon, pendant que M. de Nemours était ici, me dit : “ Vous savez les obligations que j’ai à être attachée aux intérêts de M. le Prince et l’inclination que j’ai pour vous, qui m’a toujours fait souhaiter de vous voir bien ensemble. Vous y voilà, mais je souhaite que vous soyez encore mieux, si que {b} M. de Nemours, qui a la dernière passion pour votre service, et moi aussi, comme vous savez, parlâmes hier deux heures de vous faire reine de France. Ne doutez point que M. le Prince n’y travaille de tout son cœur ; et comme la paix ne se négociera jamais que par M. de Chavigny, Monsieur {c} l’ayant promis à M. le Prince, nous lui en avons parlé. Il trouve que rien n’est si à propos, si utile pour la France, pour le bien public comme pour votre famille et pour vous ; que cela est tout à fait avantageux à M. le Prince. C’est pourquoi, quand le comte de Fiesque partira (qui sera bientôt), faites-lui en dire deux mots. ” Je n’avais garde de lui dire que le comte de Fiesque m’en avait parlé, ni que j’avais fait réponse à M. le Prince là-dessus. Elle appela M. de Nemours qui m’entretint fort longtemps sur ce chapitre et me fit mille protestations de service, et continua depuis à m’en parler, aussi bien que Mme de Châtillon et M. de Chavigny. »


  1. Au palais du Luxembourg.

  2. Au point que.

  3. Gaston d’Orléans, père de Mademoiselle.

28.

Officialité : « Cour ou justice d’Église dont le chef est l’official » (Furetière).

29.

En 1608 (v. note [6], lettre 57), Renaudot avait pris pour première épouse Marthe Dumoustier (1582-février 1639). Dubuisson-Aubenay avait noté dans son Journal des guerres civiles (tome ii, page 128), en date du 1er novembre 1651 :

« Le vieux Gazetier Renaudot se remarie à une jeune et agréable femme, ayant depuis quelque temps remis à son troisième fils. {a} le soin de son Bureau d’adresse et de l’imprimerie des nouvelles et gazettes. Cette femme est veuve du sieur Noiron, exempt des gardes de la reine, vieillard, père d’une belle et jolie fille, femme de chambre de la reine en la place de sa défunte mère, qui l’était. {b} Renaudot fait don de dix mille livres en argent à son épouse et lui assure mille livres de rente viagère dès à présent, pour entretenir une chaise à la porter en ville et autres siens menus plaisirs. »


  1. Eusèbe Renaudot.

  2. Avant elle.

Cette seconde femme de Théophraste Renaudot, épousée le 20 octobre 1651, se nommait Louise de Mâcon (veuve Noiron) ; elle avait alors 39 ans (selon Delavault, pages 105‑106). La brouille s’installa rapidement dans le couple, dont la séparation de corps et de biens, alors en litige, fut prononcée le 28 août 1652 par l’Officialité. Loret n’a pas manqué de s’en gausser dans sa Muse historique (v. Georges Gilles de la Tourette, pages 294‑296) : livre ii, lettres lii du 31 décembre 1651 (page 193, vers 135‑152), et livre iii, lettre xxv du 8 septembre 1652 (pages 283‑284, vers 51‑152). V. note [18] du Voyage de Théophraste Renaudot pour d’autres détails sur les infortunes de son remariage.

30.

L’audience pour le procès de Jean Chartier contre la Faculté de médecine de Paris (v. note [19], lettre 277) était sans cesse différée. Il eut lieu en juillet 1653 et, malgré l’optimisme de Guy Patin, il aboutit à la condamnation des antistibiaux et annonça le triomphe de l’antimoine.

31.

Étienne Saintot, frère aîné de Jean-Baptiste, maître des cérémonies (v. note [10], lettre 197), avait été reçu conseiller clerc au Parlement de Paris en la cinquième Chambre des enquêtes en 1624, puis était monté à la Grand’Chambre. Prieur de Saint-Rémi-sur-Brême, aumônier du roi et abbé de Saint-Pierre de Ferrière, il mourut en 1691 (Popoff, no 2215).

32.

Mazarin, v. note [21], lettre 273.

33.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 50 ro, mars 1652) :

« Le 23, le Parlement étant assemblé et Son Altesse Royale y étant, on lut les remontrances par écrit qui avaient été corrigées, lesquelles se trouvèrent très fortes ; et l’on arrêta que l’on insérerait au bas la déclaration donnée à la majorité pour l’exclusion du cardinal Mazarin, avec toutes les lettres de cachet envoyées au Parlement pour le même sujet et la déclaration faite par Son Altesse Royale après le retour de ce cardinal. L’on résolut ensuite de les envoyer au roi par députés qui furent choisis par Son Altesse Royale. Ce sont le président de Nesmond, MM. Meusnier et Benoise de la Grand’Chambre, MM. Bitault et Lottin des Enquêtes et un des Requêtes. Il fut arrêté que ce président, qui portera la parole, ferait un petit discours pour préparer l’esprit du roi à entendre la lecture de ces remontrances, et qu’au cas que le cardinal y voulût assister, représenterait à Sa Majesté qu’étant criminel, il ne doit pas paraître devant la justice, il la supplierait de le faire retirer ; qu’au reste, ils ne pourraient avoir aucune communication avec lui directement ni indirectement, ni avec aucun de sa part, ni le voir quand même ils en recevraient commandement exprès. MM. Doujat, Sevin et autres, qui ne sont pas frondeurs, proposèrent de charger les députés de demander la paix au roi en excluant le cardinal Mazarin ; mais il leur fut répondu que cela était inutile puisque si le roi accordait ce qu’on demande par les remontrances, il accorderait sans doute la paix. À la sortie, le peuple cria “ Son Altesse Royale ! point de Mazarin, point de L’Hospital ! ” »

34.

Contrepointer : « être contraire en avis, en sentiment à un autre et le choquer en toutes occasions » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 51 ro, mars 1652) :

« Le 24, on eut avis de Blois qu’on y avait fait trois nouveaux ministres d’État, savoir les ducs de Vendôme et de Bouillon, le maréchal du Plessis-Praslin, et qu’on parlait de donner la même qualité à M. de Turenne ; […] que M. de Vendôme n’était pas encore arrivé à Blois où l’on le voulait attirer par la nouvelle qualité de ministre d’État qu’on lui avait donnée ; et que le prince d’Harcourt y en sollicitait fort une pareille pour Monsieur son père. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 26 mars 1652

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(Consulté le 26/04/2024)

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