L. 274.  >
À Charles Spon,
le 4 décembre 1651

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le mardi 21e de novembre par la voie de M. Falconet, je souhaite que l’ayez reçue et qu’elle vous ait trouvé en bonne santé. Le dimanche 26e de novembre, M. Rigaud [2] m’a fait l’honneur de dîner céans, où nous avons bu à votre santé avec quatre de nos médecins ; et après-dîner, ayant à partir le lendemain ou deux jours après, comme il disait et comme il a fait, dans le coche de Lyon, je lui délivrai un des manuscrits que j’avais céans de feu M. Hofmann [3] pour l’imprimer au plus tôt in‑4o de cicéro, comme il me l’a promis. Ce manuscrit contient les trois traités qui avaient été longtemps égarés et presque perdus ; tout au moins ont-ils été cachés fort longtemps chez Jansson [4] en Hollande, qui s’en était chargé en Allemagne de les mettre bientôt sur la presse ; et faute de quoi, ils m’ont été rendus selon le désir de l’auteur, et par l’adresse et le crédit de ses amis, comme aussi par un grand bonheur. Des trois traités le premier est de Calido innato et spiritibus, le deuxième de Humoribus, le troisième est de Partibus solidis similaribus. Je vous supplie très humblement et de tout mon cœur que quand il sera arrivé à Lyon, vous veuillez bien l’assister de votre conseil afin de mettre au jour ce beau livre qui servira à illustrer la mémoire de notre commun ami qui a été un excellent homme. Quand ce tome sera expédié, nous en viendrons ad Chrestomathias physiologicas et pathologicas, desquelles nous ferons, Dieu aidant, un beau volume in‑fo qui sera un très excellent livre ; ha, qu’il y a de belles et de bonnes choses dans les pathologiques ! [1] Depuis Fernel, [5] il me semble que nous n’avons rien de si bon en médecine. Mais de peur qu’il ne m’échappe, je vous prie très humblement de prendre la peine de regarder au traité qu’il emporte de Calido innato et spiritibus, au chapitre auquel, ex professo[2] il a examiné l’opinion de Fernel, et d’en rayer et effacer les injures et les gros mots qu’il dit là-dedans à Fernel. Ces paroles aigres ne sont plus de saison, ils sont morts tous deux. C’est avoir soin de l’honneur et de la réputation de deux grands hommes que d’ôter l’occasion de scandale et de plainte à ceux qui viendront après nous, qui pourraient être mal affectionnés à l’un ou à l’autre. Les injures ont beau être belles, âcres et piquantes, elles ne font jamais que du mal, aux dépens de celui qui les dit ou de celui contre lesquelles elles sont dites. [3] Je vous recommande cette affaire et vous en supplie très humblement. Il faudra imprimer ces trois traités tout de suite en continuant les chiffres et les signatures, [4] et mettre au-devant du livre une belle table des chapitres des trois traités. Il me semble que l’un des trois a une table alphabétique, il en faudra faire faire aux deux autres si vous le jugez à propos. Mais d’autant que ce bel œuvre ne saurait être imprimé à Lyon sans votre conduite, je vous prie derechef de ne la point dénier à M. Rigaud qui me semble bon et sage, et que je trouve fort raisonnable. Imaginez-vous que votre bon ami et le mien (duquel vous m’avez procuré la connaissance et dont je me tiens très particulièrement obligé à votre bonté) vous en prie de l’autre monde. [5] Je voudrais bien, si faire se pouvait, qu’avant que les imprimeurs [6] y travaillent, M. Rigaud voulût faire marquer les mots qui doivent être d’italique, comme cela est aux Instit. du même auteur et au Sennertus[7] J’ai passé un petit accord entre ledit M. Rigaud et moi, par lequel, entre autres conditions, il me promet de retirer de l’imprimeur toute la vieille copie et vous la rendre : cela nous éclaircira quand nous y aurons quelque doute ou qu’il y aura quelque faute typographique. [6]

Le jeudi 30e de décembre, [7] il arriva ici une chose étrange : M. Varin, [8][8] qui a fait de si belle monnaie, avait tout fraîchement marié une sienne fille fort belle, âgée de 23 ans, et moyennant 25 000 écus, à un correcteur des comptes nommé M. Ourly, [9][9] fils d’un marchand de marée, mais fort riche. Il n’y avait que dix jours qu’elle était mariée, on lui apporta un œuf frais pour son déjeuner, elle tira de sa poche un papier dans lequel était une poudre qu’elle mit dans l’œuf et l’avala, et en mourut trois quarts d’heure après sans faire d’autre bruit, sinon Il faut mourir, puisque l’avarice de mon père l’a voulu ainsi[10] On dit que c’est le mécontentement qu’elle avait d’avoir épousé cet homme, qui était boiteux et bossu, et crochu, et duquel le corps est fort puant ; ce que l’on attribue aux écrouelles [11] dont on dit que le corps est tout plein. [10] Elle fut enterrée dès le lendemain sans grande cérémonie ; elle est morte dans la rue de la Truanderie, près des Halles, [12][13] au logis de son mari. [11]

Ce 4 de décembre. Les femmes de la Halle, qui sont les muettes de Paris (mais qui ne laissent point de babiller plus que tout le reste du monde), [12] disent que cette pauvre jeune femme est morte vierge et martyre. C’est que son mari n’a jamais couché avec elle car, dès le soir de ses noces qu’elle vit quatre hommes déshabiller son époux qui s’en allait coucher avec elle, elle étant déjà au lit, et qu’elle vit démonter le corps de son mari comme à vis et lui ôter une jambe d’acier qu’il avait, et le reste du corps tout contrefait, elle s’écria, se mit à pleurer et se retira dans un cabinet où elle demeura enfermée le reste de la nuit. Le lendemain matin, comme son mari et ses parents ne purent avoir aucune raison d’elle ni la fléchir en aucune façon, pas même son père, le mari, dont la présence était fort odieuse à cette nouvelle épouse, monta à cheval et s’en alla à Châlons [14] pour affaire d’importance, à ce que l’on dit. Néanmoins, la vérité est qu’il n’a bougé de Paris, mais c’est qu’on l’a fait retirer de peur que l’imperfection de son corps ne gâtât, ou au moins n’empirât le marché. Quoi qu’il en soit, elle est morte. De quel poison ? [15] on ne le sait point : de sublimato, vel arsenico, non constat[13][16][17] Quand elle aurait pris, de la main de Guénault, [18] de l’antimoine [19] préparé à la mode de la cour, elle n’en serait pas plus tôt morte. On a ici parlé de la confiscation du bien ; même le lieutenant criminel [20] en a proposé quelque chose au Châtelet, [21] je ne sais pas ce qui en arrivera. [14]

Mais voilà votre lettre qui m’est rendue du 28e de novembre, de laquelle je suis bien réjoui. Je m’étonne que n’ayez reçu qu’en un même jour, savoir le 24e de novembre, les deux miennes du 3e et du 10e de novembre. Je les avais délivrées à M. Rigaud pour les faire tenir à son associé à Lyon, qui les devait rendre à M. Falconet. Quoi qu’il en soit, vous les avez eues tard, mais Dieu soit loué.

M. Rigaud est parti d’ici et a emporté le manuscrit de M. Hofmann contenant les trois traités de ci-dessus. Je suis bien aise que vous ayez le bon dessein de nous aider à l’édition de cet ouvrage, je vous prends au mot de votre bonne volonté et vous en remercie. Pour ce qui est de la condition avantageuse que vous souhaiteriez pour mes dédommagements du passé, je ne m’en soucie point et n’y ai point pensé. Hoc unum curo atque opto[15] que le public jouisse des laborieuses et doctes veilles de ce savant personnage. Quand ce volume in‑4o sera achevé, nous penserons à l’in‑fo qui contiendra les Chrestomathies φυσιολ. et παθολ. Puissions-nous voir bientôt ce temps-là. Je vous remercie de ce que vous avez écrit de moi à M. Sebizius, [22] utinam brevi ms. suum ad te mittat[16] Je suis bien aise qu’ayez découvert où sont vos deux exemplaires de alimentorum facultatibus, je les recommande à leur bonne fortune. [17] Pour les deux livres du P. Th. Raynaud [23] que vous avez pour moi, je vous prie de les mettre entre les mains de notre nouvel ami M. Rigaud, qui les enfermera dans le premier paquet qu’il enverra à Paris avec l’épreuve du premier traité qu’il a emporté pour mettre sur la presse. Mandez-moi ce qu’ils vous ont coûté afin que je le mette sur mon mémoire et que j’en compte avec M. Du Prat, [24] et que je lui donne tout ce que je vous en devrai, il y a quelque chose de vieux dont je m’acquitterai, nous avons déjà parlé de nous deux et compté ensemble ; et que je lui remettrai comme à un autre vous-même ce que je vous devrai.

Ce matin, le premier président[25] garde des sceaux, l’a emporté par-dessus le crédit du duc d’Orléans [26] et toute la brigue de M. le Prince, [27] et a fait passer la déclaration contre ledit prince ; mais c’est à la charge qu’elle n’aura effet que dans un mois, pendant lequel temps Sa Majesté [28] sera suppliée de revenir à Paris et d’aller en ce temps-là au Parlement y faire prononcer cet arrêt contre un prince du sang royal, à quoi sa présence est requise. [18] Nouvelles sont ici arrivées que la dernière tour de La Rochelle, [29] qui tenait pour le prince de Condé, a été réduite au service du roi par la menace que l’on a faite aux soldats de là-dedans, lesquels ont poignardé le capitaine qui les commandait et ont jeté son corps dans la ville, de peur d’être pendus. On avait tâché de gagner ce capitaine, il avait fait connaître sa fidélité inviolable envers le prince, voilà d’où vient son malheur et sa perte. [19] On dit que le prince de Condé va retirer ses troupes et les mettre en leurs quartiers d’hiver vers le Quercy. Cela pourra être cause que le roi [30] reviendra de deçà.

Nous sommes ici menacés d’un autre grand malheur, c’est que notre rivière est si fort et si furieusement grossie que tout le monde en tremble. [31] Le vent s’est changé ce matin à la bise ; [20][32] ce qui nous fait espérer que s’il continue ainsi trois jours, nous verrons la rivière désenfler et le froid sec venir, qui fera diminuer les eaux. J’ai bien envie de voir le livre du P. Théophile Raynaud intitulé Hoplotheca[21] Je m’étonne comment je n’ai rien entendu de l’impression de ce livre qui fut dès l’an passé à Lyon, je vous remercie de me l’avoir recouvré. J’apprends que M. de Saumaise [33] est arrêté à Lübeck [34] de la goutte, [22][35] et que c’est ce qui l’a empêché jusqu’ici d’arriver à Leyde [36] où le sieur Bourdelot [37] l’attend, selon l’ordre qu’il a reçu de Suède. [23] Je pense que M. Rigaud, notre nouvel ami et libraire, sera à Lyon plus tôt que la présente, je vous prie de lui faire mes très humbles recommandations. M. Ravaud, [38] qui est encore en son grand voyage, sera bien affligé de la mort de son père ; [24][39] puisse-t-il retourner à Lyon bientôt. Je l’ai trouvé fort sage et bien raisonnable, je me fierais mieux à lui qu’à M. Huguetan. [40] Enfin, je cesse la présente en vous assurant que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce lundi 4e de décembre 1651.

Eo ipso die quo ante annos novem migravit ad plures Ementissimus Cardinalis, et sævissimus tyrannus Richelius, qui si numquam natus fuisset, optime nobis fuisset[25][41]

Avec votre permission, je baise les mains à mademoiselle votre femme, [42] laquelle me connaît, ce dit M. Du Prat, comme si elle m’avait nourri, et qui parle souvent de moi ; je lui ai bien de l’obligation de vouloir seulement s’en souvenir. Vous témoignerez la même chose, s’il vous plaît, à MM. Gras, Garnier et Falconet, duquel dernier j’attends quelques lettres, mais ce sera quand il lui plaira.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fo 10 ; Jestaz no 56 (tome ii, pages 790‑796). V. lettre suivante pour l’adresse et l’accusé de réception.

Lettre en partie reprise dans Du Four (édition princeps, 1683), no xxxvii (pages 128‑132) et Bulderen, no lxv (tome i, pages 190‑183), mais datée du 22 décembre.

1.

Guy Patin persistait dans son intention de faire imprimer à Lyon les Chrestomathies physiologiques et pathologiques de Caspar Hofmann avec trois traités inédits : de la Chaleur innée et des esprits, des Humeurs et des Parties solides semblables (v. note [14], lettre 150).

V. note [3], lettre latine 28, pour le contrat signé en novembre 1651 par Patin et le marchand libraire lyonnais Pierre Rigaud pour qu’il imprime ces trois traités d’Hofmann, au plus vite et au mieux.

2.

« professoralement ».

3.

Tant de mansuétude paraît excessivement pateline sous la plume de celui qui a tant traîné de gens dans la boue, leur y enfonçant de surcroît la tête avec une intense jubilation : Théophraste Renaudot, Élie Béda des Fougerais, François Guénault, François Vautier, Jean Chartier… pour ne parler que de médecins. Ménager ceux qu’on respecte (ici Jean Fernel malmené par Caspar Hofmann, v. note [26], lettre 277) et assassiner les autres qu’on méprise, voilà bien toute la mécanique de la censure qu’exerçait Guy Patin ; on peut à juste titre l’exécrer en de telles lignes.

4.

Tout de suite veut dire l’un à la suite de l’autre. Le chiffre correspond à la numérotation des pages. La signature « est une lettre qu’on met au bas de chaque feuille pour marquer l’ordre de chaque cahier qu’on doit observer en le reliant [v. note [49], lettre 240]. Il est relatif aux lettres de l’alphabet. On vérifie promptement si un livre est complet par le moyen de la signature » (Furetière).

5.

La première lettre qu’on ait conservée de Guy Patin à Charles Spon, datée du 21 octobre 1642 (lettre 71), parlait en effet déjà de récupérer des manuscrits inédits de Caspar Hofmann (mort en 1648, v. note [5], lettre 71), ce qui fut à l’origine d’une correspondance (latine et aujourd’hui perdue) entre Patin et Hofmann.

6.

V. notes [12], lettre 92, pour les Institutiones de Caspar Hofmann (Lyon, 1645), et [20], lettre 150, pour les Opera de Daniel Sennert (Lyon, 1650).

Comme d’autres indices (fournis par Théophraste Renaudot, v. 2e notule {a}, note [9], lettre 96), le souci méticuleux de Guy Patin pour les détails typographiques accrédite son passé de correcteur (et sans doute compositeur) d’imprimerie à Paris.

7.

Lapsus calami : il s’agissait du jeudi 30 novembre, et non du 30 décembre qui fut, en 1651, un samedi. L’erreur de mois commise par Guy Patin a mené les précédents éditeurs à emprunter le passage (remanié et mutilé) sur l’affaire Ourly dans une pseudo-lettre, datée du 22 décembre 1651, adressée à Charles Spon pour Bulderen (lxv, tome i, pages 190‑193) et à André Falconet pour Reveillé-Parise (cccii, tome ii, pages 601‑603).

8.

Jean Varin (ou Warin, Liège 1604-Paris 1672), élevé dans la religion protestante, avait débuté comme peintre et sculpteur. Employé par le comte de Rochefort dans l’atelier de monnaie qu’il avait ouvert à Cugnon sur la frontière du Luxembourg, on l’avait arrêté pour fausse monnaie, mais Richelieu, qui appréciait ses compétences, avait commué sa peine en exil. Rappelé d’Angleterre, Varin était revenu en France travailler à la Chambre des monnaies. Il avait perfectionné en vitesse et en facilité les machines d’Aubin Olivier, en récompense de quoi Louis xiii avait créé pour lui la charge de garde et conducteur des engins de la Monnaie du moulin de Paris (1629). Il avait succédé à Jean d’Armand, dit l’Orfelin, dans l’office de graveur général des poinçons des monnaies de France. Chargé de graver le sceau de l’Académie française, il regagnait la confiance de Richelieu qui le choisissait pour garde général des Monnaies, dirigeait la refonte des monnaies légères d’or et d’argent, et gravait les nouveaux poinçons, ainsi que la suite des médailles frappées pour perpétuer le souvenir des événements du règne de Louis xiii. Nommé l’un des premiers membres de l’Académie de peinture et de sculpture (1664), Varin exécuta la statue en marbre de Louis xiv et entreprit l’histoire métallique de son règne, que la mort l’empêcha d’achever. Son influence fut considérable et son talent remarquable, bien qu’il ne l’eût pas toujours honnêtement exercé. Varin s’était converti au catholicisme et fut enterré à Saint-Germain-l’Auxerrois (G.D.U. xixe s. et Jestaz).

Varin est cité dans le Catalogue des partisans (page 11) comme « un entrepreneur de la Monnaie au moulin ; y a fait plusieurs falsifications et malversations par le moyen desquelles il s’est puissamment enrichi ».

9.

Les correcteurs de comptes sont « des officiers de la Chambre des comptes qui marchent entre les maîtres et les auditeurs, et qui sont établis pour réformer les erreurs qui se sont glissées dans les comptes lors de leur premier examen » (Furetière).

Michel Ourly avait été reçu correcteur en la Chambre des comptes le 17 octobre 1648 à la charge laissée vacante par Antoine Guérapin. Il resta en exercice jusqu’en 1657 (Adam).

10.

Écrouelles ou scrofules (Furetière) :

« sont des tumeurs sanguines faites aux parties glanduleuses, comme aux mamelles, aux aisselles et aux aines. Elles sont presque toujours enveloppées dans une membrane propre, engendrées de pituite gypsée, {a} grasse et visqueuse. {b} Lorsqu’il s’y mêle de l’humeur mélancolique, elles s’échauffent et deviennent malignes, et font un ulcère corrosif et chancreux qui ronge la substance des glandes. Et quand cette humeur court par le corps, elle altère et pourrit les os où elle s’assied ; alors c’est une maladie incurable par art. Les Latins les appellent scrophulæ, du mot scropha qui signifie une truie ; et les Grecs choirades, du mot grec choiros, qui signifie un pourceau, parce que les pourceaux sont sujets à avoir de ces tumeurs sous la gorge, et ceux qui mangent de leur chair y ont aussi plus de disposition. Le roi de France a le don de guérir des écrouelles en touchant les malades ». {c}


  1. Sérosité plâtreuse.

  2. Description qui correspond au caséum ou pus tuberculeux, ressemblant à du fromage blanc (caseum en latin).

  3. V. note [8], lettre 524.

En termes modernes, ce sont des tuméfactions (adénopathies, ganglions) suintantes des lymphonœuds (relais lymphatiques), ordinairement d’origine tuberculeuse et qui ont alors une heureuse propension à guérir souvent toutes seules (qu’un roi les ait touchées ou pas).

11.

La rue de la Truanderie est devenue rue de la Grande-Truanderie, dans le ier arrondissement de Paris, non loin des anciennes Halles.

Tuand (Furetière) :

« mendiant valide qui demande l’aumône, et qui aime la fainéantise, qui fait un métier de gueuser. […] Borel {a} dit que ce mot signifiait autrefois gens de pied, {b} et des gens malpropres et sales, comme qui dirait des tripiers, {c} qui ont donné le nom à la rue de la Truanderie à Paris, où demeuraient les tripiers ».


  1. Pierre Borel, v. note [35], lettre 387.

  2. Va-nu-pieds.

  3. « Celui qui achète toutes les entrailles des bêtes que les bouchers tuent, et qui les fait cuire pour les vendre à des femmes qu’on appelle tripières » (Trévoux).

12.

« On appelle, proverbialement et par antiphrase, une muette des Halles, une harengère ou une femme insolente qui chante pouilles, qui a coutume de dire beaucoup d’injures » (Furetière).

13.

« de sublimé ou d’arsenic, ça n’est pas évident. »

Sublimé : « poison violent qui se fait en sublimant du mercure avec des sels violents dans un alambic, comme du sel ammoniac et du vitriol ; et alors on l’appelle le sublimé corrosif [deutochlorure de mercure] ; mais quand il est mêlé avec du mercure coulant, il est appelé sublimé doux [calomel ou protochlorure de mercure, v. note [11], lettre 435] et on s’en sert dans la cure de diverses maladies, et surtout des vénériennes » (Furetière et Littré DLF pour les ajouts entre crochets).

V. note [4], lettre latine 371, pour l’arsenic et ses anciens emplois médicaux.

14.

Tallemant des Réaux a consacré une historiette à l’événement (tome ii, pages 738‑739) :

« < Varin > fit fortune à la Monnaie, et est fort riche. On l’a accusé aussi d’avoir empoisonné le premier mari de sa femme et on dit que la fille du premier lit était sa fille. Cette fille, qui était bien faite, a eu une étrange destinée. Varin la voulut marier à un homme dont je n’ai pu savoir le nom. Elle y témoigna de la répugnance. Depuis, il l’accorda à un auditeur des comptes, fils d’un vendeur de marée, en titre d’office (de 300 000 livres). Cette fille voyant que cet homme était fort mal fait, pria son beau-père de lui donner plutôt le premier. Il dit qu’il était trop engagé. Le soir des noces, le marié, qui est fort ivrogne, s’enivra. Je pense que cela désespéra cette pauvre fille en deux jours qu’elle fut avec lui car, pour un mal de garçon, il s’absenta aussitôt. Elle reconnut qu’il était bordelier {a} et stupide ; car pour ivrogne, elle ne pouvait pas l’ignorer. Avec cela, il n’avait qu’une bonne jambe ; l’autre était de bois, mais chaussée à l’ordinaire. On a dit que la veille des noces, elle avait voulu s’empoisonner, mais qu’elle ne put. Si cela est, apparemment elle savait tous les défauts de cet homme. Au bout de huit ou dix jours, elle en vint à bout : le jour de devant, elle parut la plus gaie du monde ; ce fut avec du sublimé {b} qu’elle mit dans ses œufs comme du sel. Après, elle envoya quérir Varin, mais c’était si tard qu’il n’y avait plus de remède. Elle eut pourtant le loisir de se confesser. Chez lui, on a dit que ç’avait été par mégarde, que le sublimé sert à la monnaie et qu’elle le prit pour du sel. »


  1. « Vilain, débauché, qui hante les femmes de mauvaise vie » (Furetière).

  2. « Poison violent qui se fait en sublimant du mercure avec des sels violents dans un alambic, comme du sel ammoniac, et du vitriol » (ibid.).

15.

« Je n’ai qu’un seul souci et un seul désir ».

16.

« plaise à Dieu qu’il vous envoie rapidement son manuscrit » : manuscrit de Melchior Sebizius sur la saignée qui allait être publié en 1652 (v. note [11], lettre 273).

17.

V. note [10], lettre 273, pour le livre de Sebizius « sur les facultés des aliments » dont les deux exemplaires destinés à Guy Patin s’étaient égarés dans les embarras de la poste.

18.

Mme de Motteville (Mémoires, page 426) :

« Le roi envoya au Parlement de Paris une déclaration contre M. le Prince ; mais l’esprit de la révolte régnait si fortement dans cette grande ville qu’on ne pouvait pas y punir le crime de lèse-majesté ; et par une terrible révolution, {a} la rébellion y tenait lieu de fidélité. Le premier président, qui était bon serviteur du roi, voulut faire enregistrer cette déclaration, mais elle ne le put être qu’avec de certaines modifications, et on murmura contre lui de ce qu’il obéissait aux volontés de son souverain. »


  1. Par un terrible retournement des affaires.

Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome ii, page 136, décembre 1651) :

« Lundi 4, M. d’Orléans n’est point allé au Parlement, mais y a envoyé son chancelier, M. de Choisy, pour l’excuser et lui dire que l’on eût à faire ce qui serait expédient. {a}

La requête de récusation contre M. le premier président n’a point paru. Il y a eu 37 ou 38 voix contre l’enregistrement ; le reste a été pour et a passé. {b}

L’arrêt porte que si ensuite il y a lieu de faire le procès aux dénommés en cette déclaration, les formes anciennes y seront gardées et ne pourra celui des princes du sang être fait que les pairs, les autres princes et le roi présents ; celui des complices, par le Parlement. »


  1. Utile.

  2. 120 voix pour l’enregistrement de la requête, qui est donc passée.

19.

La Gironde étant bloquée par une flotte espagnole placée sous les ordres du baron de Vateville (v. note [2], lettre 702), les troupes condéennes étaient remontées depuis Bordeaux vers le nord pour occuper Saintes et se rendre maîtresses de la Charente jusqu’à Angoulême. Seule Cognac, située à mi-chemin entre ces deux dernières villes, leur avait résisté car le comte d’Harcourt, général des troupes royales, était parvenu à déjouer les plans de Condé pour la prendre.

La Rochefoucauld (pages 227‑230) :

« Harcourt se contenta d’avoir sauvé cette place et laissa retirer M. le Prince sans le suivre. Bien que ce succès fût de soi peu considérable, il augmenta néanmoins les espérances du comte d’Harcourt ; il se crut même en état de faire des progrès et sachant que le marquis d’Estissac avait remis La Rochelle à l’obéissance du roi, excepté les tours qui ferment le port, il fit dessein d’y aller avec ses troupes, s’assurant de la bonne volonté des habitants qui pouvaient être bien disposés, non seulement par leur devoir, mais encore plus par la haine qu’ils portaient au comte Du Dognon, leur gouverneur. Il {a} avait fait fortifier les tours et y tenait une garnison suisse, se défiant presque de tout le monde et croyant trouver plus de fidélité parmi cette nation que dans la sienne propre ; mais l’événement lui fit bientôt voir que ses mesures étaient fausses ; car la peur et l’intérêt fournirent des prétextes aux Suisses de faire encore plus que ce qu’il avait appréhendé des Français. »


  1. Du Dognon.

Les tours de la Lanterne et de la Chaîne étaient tombées les 13 et 19 novembre, mais celle de Saint-Nicolas résista jusqu’au 27.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, pages 135‑136, décembre 1651) :

« Dimanche 3 au matin, courrier de M. de Brienne, secrétaire d’État, arrive de la cour à M. du Plessis de Guénégaud, autre secrétaire d’État, restant à Paris, qui tout aussitôt est allé chez le maréchal de l’Hospital et de là chez le garde des sceaux. Le paquet porte que le comte d’Harcourt, étant arrivé dans La Rochelle, a fait passer en un bateau un mineur vers les 150 officiers et soldats gardant la tour de Saint-Nicolas, et leur dire que la mine étant prête à jouer, il les faisait avertir, étant marri s’ils se perdent, qu’après cela il n’y avait plus de quartier ; lequel il leur offrait cependant s’ils se rendaient et contraignaient le commandant d’en faire autant ; ce qu’eux n’ayant pu gagner sur lui, ils l’ont tué et jeté par une ouverture dans le fossé, d’où le peuple l’a retiré et traîné par les rues, et mis en pièces. »

Comme tout le parti condéen, La Rochefoucauld (ibid.) s’est scandalisé de la conduite d’Harcourt et des Suisses à La Rochelle :

« Au lieu de répondre à ce qu’il {a} en attendait {b} et après avoir seulement résisté trois jours, le comte d’Harcourt leur ayant mandé qu’il ne leur ferait point de quartier s’ils ne poignardaient leur commandant, nommé Besse, un tel ordre ne leur donna point d’horreur et ils se mirent en devoir de l’exécuter ; mais lui, croyant trouver plus de compassion près du comte d’Harcourt que parmi ses propres soldats, se jeta, tout blessé qu’il était, du haut des tours dans le port, demandant la vie sans la pouvoir obtenir ; car le comte d’Harcourt fit achever de le tuer en sa présence sans pouvoir être fléchi, ni par les prières de ses officiers qui demandaient sa grâce, ni par un spectacle si pitoyable. La perte de cette place, qu’on n’avait pas seulement essayé de secourir, nuisit à la réputation des armes de M. le Prince, et on attribua au peu de confiance qu’il avait en ses troupes ce qui n’était en effet que le ménagement qu’il était contraint d’avoir pour les soupçons continuels du comte < Du > Dognon. Cette perte les augmenta encore et le comte Du Dognon s’imaginant que toutes ses autres places suivraient cet exemple, il se retira à Brouage et n’en sortit plus qu’après avoir fait son traité avec la cour. »


  1. Du Dognon.

  2. Des Suisses.

20.

Bise : « vent froid soufflant du côté du Septentrion. Il s’appelle Nord sur l’Océan et Tramontana en italien, chez les anciens Boreas, Aparctias. C’est un air froid qui gèle les vignes, qui sèche les fleurs » (Furetière).

21.

R.P. Theophili Raynaudi Societatis Iesu Theologi, Hoplotheca contra ictum calumniæ. Robur et æs triplex circa pectus, a Patientia et Fide Sanctorum. Lucubratio, qua sancti Dei homines tetris quibusque calumniis, citra noxam, nec nisi cum labe temporaria, patuisse demonstrantur.

[Arsenal du R.P. Théophile Raynaud, {a} théologien de la Compagnie de Jésus, contre l’attaque de la calomnie. Cuirasse et triple airain autour du poitrail, {b} procurés par la patience et la foi des saints. Élucubration {c} démontrant que les saints hommes de Dieu ont souffert toute sorte de hideuses calomnies sans en subir de préjudice, mais non sans souillure conséquente]. {d}


  1. V. note [8], lettre 71

  2. Ce livre traite moralement et théologiquement de la calomnie en général qu’il classe en trois rubriques :

    • quibus falso imponitur noxa in Deum [celles qui préjudicient faussement à Dieu] ;

    • quibus falso imponitur culpa in proximum [celles qui imputent faussement un péché à son prochain] ;

    • quibus falso imponitur labes spectans illum ipsum, cui infertur [celles qui souillent celui-là même qui les profère].

  3. Fruit des veilles nocturnes.

  4. Lyon, Philippe Borde, Laurent Arnaud et Claude Rigaud, 1650, in‑4o de 527 pages.

22.

Lübeck (Schleswig-Holstein), port allemand de la Baltique, était la capitale de la Ligue hanséatique (v. note [16], lettre 392).

Revenant de Suède, sans doute par voie de terre, Saumaise rentrait à Leyde en passant par Schleswig, Lübeck puis Hambourg.

23.

V. la lettre de l’abbé Bourdelot à Guy Patin qui, en chemin pour Stockholm, datée du 17 décembre 1651, lui rapportait fort flatteusement son entrevue avec Claude i Saumaise.

24.

Pierre Ravaud (v. note [9], lettre 97), le père de Marc-Antoine qui voyageait alors en Europe, était mort le 25 novembre.

25.

« Ce même jour il y a neuf ans [le 4 décembre 1642] l’éminentissime cardinal et le très cruel tyran Richelieu est parti pour l’autre monde ; s’il n’était jamais né, ç’aurait été le mieux pour nous. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 décembre 1651

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(Consulté le 26/04/2024)

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