L. latine 38.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 23 juillet 1655

[Ms BIU Santé no 2007, fo 35 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine et très célèbre professeur de l’Université de Leyde.

Très éminent Monsieur, [a][1]

Je réponds à votre dernière lettre pour vous faire savoir que je suis en vie et me porte bien, entièrement dévoué et soumis à vous. Aujourd’hui, pourtant, je vous réponds en peu de mots, accablé que je suis par diverses affaires et très occupé à soigner les malades. [2] En premier donc, je vous dirai et préviendrai que je n’ai jamais reçu votre livre de Scriptis medicis, ni par Pierre Le Petit, ni par Elsevier. [1][3][4][5] Cependant, je l’attends et le souhaite de jour en jour ; j’espère qu’il ne restera pas plus longtemps arrêté entre les mains de ces gens cupides, ou qu’ils ne le garderont pas pour eux. Je ne puis vous annoncer aucun progrès pour les excellents manuscrits du très distingué Hofmann que je détiens ici : le fait est que les affaires d’imprimerie sont précaires, en raison tant du manque d’ouvriers que des taxes imposées sur le papier [6] par la plus haïssable espèce d’hommes, j’entends les traitants et leurs suppôts qui, pour le pire malheur de tous, détiennent le pouvoir. Voici trois ans que j’ai envoyé ces trois traités, de Spiritibus et calido innato, de Partibus similairibus et de Humoribus, à un libraire lyonnais nommé Pierre Rigaud ; pourtant, sous divers prétextes, il n’en a pas encore entrepris l’édition. [2][7][8] J’ai ici les Chrestomathiæ qui attendent un imprimeur habile et expérimenté. [3] Les trois traités dont j’ai parlé plus haut ont longtemps été dans les mains de Jansson, imprimeur d’Amsterdam ; je les ai finalement renvoyés à Francfort chez un certain M. Scheffer qui, à la demande de l’auteur, les avait remis à Jansson ; à sa même demande, ils sont passés entre les mains d’un de nos libraires qui, après presque une année entière, me les a rendus sur la requête de M. Scheffer. [4][9][10][11][12] Depuis lors, je n’ai pu faire avancer leur édition, en raison de divers troubles qui ont secoué notre barque française. Si Jansson, que j’ai pour cette raison rencontré ici, comme il revenait d’Italie, avait voulu être de bonne foi à mon égard, et me les avait rendus sur l’ordre de l’auteur, ce que je prouvais lettres à l’appui, ou bien pour de l’argent que j’offrais, nous aurions depuis longtemps imprimé un excellent livre ; mais il n’a pas pu voir le jour depuis huit années, par l’injustice des temps, à laquelle on remédiera quand Dieu lui-même voudra. Quoi qu’il en soit et quoi qu’il en advienne finalement, je prendrai soin que ces manuscrits ne périssent pas ; mais tant que je pourrai et que la destinée le permettra, je favoriserai leur édition ; si pourtant je meurs sans y être parvenu, j’ai deux fils, tous deux docteurs en médecine, âgés de 27 et 24 ans, auxquels je laisserai cette tâche à accomplir. [5][13][14]

Vous n’avez rien à espérer des œuvres d’Hippocrate et Galien, en grec et latin, publiées par les soins de René Chartier : on se tromperait en les disant complètes. Il est mort presque octogénaire, il y a un an, dans de très grandes difficultés familiales et presque indigent. Il avait achevé de publier la partie qui compose le milieu de l’ouvrage entier, et un peu au delà ; faute d’argent, même s’il avait vécu, il n’aurait jamais terminé le reste pour que l’œuvre fût complète. Il a laissé une veuve avec de nombreux enfants et fort obérée par quantité de dettes. [6][15][16][17][18] Nos fourbes libraires ne s’attelleront pas à une tâche d’un tel poids. Que fera-t-on donc de tant de livres inachevés ? Pour parler franc, je n’en sais rien. Les trois fils du premier lit assiègent leur marâtre qui est empêtrée dans de nombreux procès ; c’est certes une excellente femme, mais une marâtre, et mère de six enfants mineurs ; le trop long blocage du procès ayant ruiné les affaires des deux parties, ils s’enliseront dans les chicanes, et l’injustice du Palais dévorera tout ; principalement sous la conduite de Jean Chartier, l’aîné des fils, presque quinquagénaire, un très misérable vaurien qui est plutôt dissipateur que docteur en médecine. [19]

M. Riolan, notre vénérable vieillard, est en vie et se porte bien ; et autant que son loisir le lui permet, il étudie et écrit. Voici trois jours qu’il a donné à imprimer à son libraire un opuscule de réponse contre Pecquet. [20][21] Cela achevé, il en en fera encore imprimer d’autres, en particulier son Encheiridium anatomicum et pathologicum, augmenté d’une troisième partie. [7][22] On n’a rien ajouté du tout au Valles sur les Épidémies d’Hippocrate, hormis quantité de fautes d’imprimerie, comme ceux de chez nous en ont l’habitude. [8][23][24][25][26]

Toute la controverse au sujet de l’antimoine est presque éteinte et réduite au silence, tant les gens ont ici compris sa nature vénéneuse, et à fort juste titre tous les malades et des familles entières le fuient avec horreur. Je vous enverrai sous peu tout ce que notre parti écrit contre un tel poison. Je ne reprendrai pas les propos de nos honnêtes et savants hommes qui publient contre un tel venin : vous découvrirez tout cela en lisant. Trois d’entre eux, personnages très éclairés et bien disposés en faveur de l’intérêt public, ont écrit contre la nature venimeuse de l’antimoine, savoir MM. Germain, Merlet et Perreau ; [9][27][28][29][30][31] mais en français, langue dont je me réjouis vivement que vous l’entendiez car, si j’avais su plus tôt que vous la connaissiez, je vous les aurais plus vite expédiés. Jusqu’ici, je croyais en effet devoir ne vous envoyer que des livres en latin. Un autre savant traite de la même matière en italien, [Ms BIU Santé no 2007, fo 35 vo | LAT | IMG] il hait très farouchement l’antimoine, mais nous n’aurons pas son livre avant un an parce qu’il travaille à un autre ouvrage historique de très grand mérite ; et ce n’est ni un homme commun, ni un écrivain de bas étage. [10] Pour la distinction que vous établissez entre les natures physique et médicale de l’antimoine, personne n’ignore que Galien l’a jadis utilisé en collyres, et ce sans inconvénient. [11][32][33] Nul n’a jamais jugé que l’antimoine natif, et tel que la Nature l’a produit, soit vénéneux ; mais nul ne l’a employé en cet état pour soigner les maladies. Quant à l’antimoine chimystique, la question demeure entière de savoir si, quand il est à l’état pur, il possède quelque malignité vénéneuse ; mais puisque personne ne nie cela, ne nions pas, quant à nous, qu’une malignité est cachée dans l’antimoine. Elle est telle que les vauriens qui le défendent, si irréductibles soient-ils, conviennent et admettent volontiers qu’aucun artifice ni aucune préparation ne peuvent la supprimer. Nous nous en tenons à un ancien décret contre les fripons et les souffleurs chimiques qui ont promis merveilles avec leur antimoine au petit peuple ignorant, et ce mensongèrement, à la légère et au préjudice de nombreux malades. Nous avons jusqu’ici pieusement observé ce décret prononcé en 1566 sous le décanat de l’éminent M. Simon Piètre ; [12][34][35] quelques arrêts du Parlement l’ont même renouvelé et confirmé. Nous ne manquons pas d’arguments, les faits et l’expérience quotidienne confirment notre conclusion : les chefs de la troupe stibiale ont eux-mêmes connu une misérable mort en buvant de leur vin émétique, à vrai dire énétique ; [36] d’autres ont misérablement réduit la taille de leur famille à l’aide du même poison, flétrissant leur maison. L’antimoine ne tue pourtant pas toujours et n’est donc pas vénéneux : cela ne s’ensuit pas logiquement, mais passe pour bien vrai. L’opium non plus ne tue pas toujours, c’est pourtant un poison ; [37] je l’ai bien prescrit quelquefois en 32 ans, et n’en ai pas été mécontent, mais seulement en cas de nécessité : ne disposant d’aucun autre narcotique, nous ne pouvons nous passer d’opium dans certaines circonstances. Nous avons pourtant quantité de purgatifs autres que l’antimoine, et bien supérieurs à lui : il provoque un choléra, il purge par le haut et par le bas, c’est-à-dire par colliquation, [13][38][39] il fait seulement sortir de la sérosité, etc. ; soit les pires qualités des médicaments purgatifs. [40] Loué soit Dieu tout-puissant qui, par sa singulière bonté, nous en a procuré de meilleurs et de plus sûrs. L’antimoine est moins nuisible pour les Allemands et les Suisses car ils vomissent facilement ; les émétiques ne conviennent pas à nos Français, en particulier à ceux de Paris, car ils sont bilieux, [41] doux et fragiles, surtout au regard des poumons et du cerveau, qui sont deux parties auxquelles le vomissement est puissamment contraire. [42] Vous en découvrirez plus dans les livres que je vous envoie. Quant à cette préparation d’antimoine qui y est réfutée, on répand de pures balivernes en l’élevant au rang de grand secret. Je ne pense pas qu’il puisse être dans la nature des choses de donner un plus efficace poison que n’est leur vin énétique : il a tué tant de gens que les promesses des chimistes ont appâtés et que la nouveauté du remède a séduits ; [43] et qu’ils n’aillent pas se chercher quelque bonne excuse que ce soit. On ne fait ici absolument aucun cas du livre de Van Helmont : je le juge vraiment ustuletur lignis dignum ; [14][44][45] ô l’infâme et sot vaurien ! J’attendrai avec impatience votre livre de Selecta Medica[15][46] Si vous avez en tête une édition de Celse, je vous promets toute mon aide et tous mes services : j’ai ici un exemplaire du Celse de l’édition des Alde, avec quantité de commentaires divers, et je le mets à votre disposition. [16][47][48][49] J’ai porté votre consultation au très distingué M. René Moreau, [50] professeur royal ; il l’a publiquement louée, ainsi que vous ; il vous salue et vous assure ses services en même matière. J’ai ici les Isagogæ de Carpi à l’Anatomia de Mondini, in‑4o, de Bologne ; je vous la propose, mais elle est de l’an 1521 ; s’il s’en trouve ici un exemplaire de l’autre édition, telle que vous la demandez, je ne le laisserai pas échapper. [17][51][52] Je n’ai jamais reçu votre livre de Scriptis medicis[1] non plus que cette lettre que vous lui aviez donnée pour compagne ; je les recevrai pourtant quand il aura plu à ceux à qui incombe la charge de me les faire parvenir de votre part. La semaine prochaine je confierai au libraire qui m’a remis votre lettre un paquet de livres que je vous ai destinés ; puissiez-vous le recevoir promptement. En attendant, très distingué Monsieur, vale et aimez-moi.

Vôtre de toute mon âme, Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et professeur royal.

De Paris, ce vendredi 23e de juillet 1655.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 35 ro et vo. Le bord droit du recto présente une lacune dans sa partie supérieure. Les deux pages sont écrites dans des sens différents : de la marge supérieure à la marge inférieure de la feuille pour le recto, et de la gauche à la droite pour le recto (sans amputation du texte par la lacune).

1.

V. note [3], lettre latine 26, pour la deuxième édition des deux livres de Johannes Antonides Vander Linden « sur les Écrits médicaux » (Amsterdam, 1651), trésor de bibliographie médicale que Guy Patin attendait avec extrême impatience depuis décembre 1653.

2.

V. notes :

3.

Pour donner son sens à la phrase, j’y ai remplacé operiuntur (indicatif présent passif du verbe operire [cacher], à la 3e personne du pluriel) par opperiuntur (indicatif présent du verbe opperiri [attendre], à la même personne).

V. note [1], lettre 929, pour les « Chrestomathies » physiologiques et pathologiques de Caspar Hofmann dont Guy Patin ne put obtenir la publication qu’en 1668 à Lyon.

4.

Guy Patin a aussi partiellement expliqué ces méandres dans sa lettre du 18 juin 1649 à Charles Spon :

5.

Robert Patin, fils aîné de Guy, était docteur régent de la Faculté de médecine de Paris depuis 1651 ; mais Charles, son frère puîné, n’en était encore que licencié et n’allait devenir docteur qu’en décembre 1656.

6.

V. notes :

7.

V. notes :

8.

V. note [17], lettre 280, pour les commentaires de Francisco Valles sur les Épidémies d’Hippocrate, réédités par Samuel Gaude (Orléans, 1654).

9.

V. notes :

10.

Je n’ai pas identifié cet Italien qui devait écrire contre l’antimoine, dans le sillage de son compariote Girolamo Mercuriali (v. note [1] de l’Observation ii sur les us et abus des apothicaires).

11.

Ce passage de Galien se trouve dans son traité De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus [Des tempéraments et facultés des médicaments simples], livre ix, chapitre iii, De metallicis medicamentis [Des médicaments métalliques], § 29 (Kühn volume 12, page 236, traduit du grec) :

Stimmi. Ad facultatem desiccantem adjunctam habet hoc medicamentum astrictionem. Quamobrem et ocularibus medicinis commiscetur, et illis scilicet, quæ conformantur in collyria quæ vocant, et siccis quæ utique sicca collyria cognominant.

[Antimoine. Outre sa faculté dessicante, ce médicament possède un pouvoir astringent. C’est pourquoi on le mêle aux remèdes ophtalmiques, ainsi qu’à ceux dont on prépare ce qu’on appelle des collyres, et surtout aux médications sèches auxquelles on donne le nom de collyres secs].

12.

V. note [8], lettre 122, pour la sentence de la Faculté de médecine de Paris contre l’antimoine, le 30 juillet 1566, confirmée par un décret du Parlement.

13.

V. notes [24], lettre 222, pour le choléra (au sens premier de purge violente de la bile), et [15], lettre 468, pour la colliquation, ou liquéfaction des parties solides avec excrétions abondantes.

14.

« digne d’être livré aux flammes des bois maudits », Catulle (v. note [19], lettre 209).

V. note [4], lettre 340, pour la réédition lyonnaise (1655) de l’Ortus medicinæ [Naissance de la médecine…] de Jan Baptist Van Helmont.

Ce dernier assaut conclut une longue attaque de Guy Patin contre l’antimoine et la médecine chimique. Elle devait réagir à une réponse contradictoire que Johannes Antonides Vander Linden avait donnée à sa lettre du 27 avril 1655, où Patin avait déjà abordé le sujet (v. ses notes [3][7]).

15.

V. note [29], lettre 338, pour les « Morceaux médicaux choisis » de Johannes Antonides Vander Linden (Leyde, 1656).

16.

Alde l’Ancien (Aldo Manuzio ou Alde Manuce, Bassiano 1449-Venise 1515) avait fondé en 1494 la célèbre imprimerie de Venise qui a depuis porté son prénom. Son fils Paolo (Paul Manuce, 1512-1574) avait pris sa suite en 1533, suivi par son fils, Alde Manuce le Jeune (v. note [38] du Patiniana I‑1). Les Alde ont donné deux éditions de Celse. {a}

  1. In hoc volumine hæc continentur. Aurelii Cornelii Celsi Medicinæ libri viii. quam emendatissimi, Græcis etiam omnibus dictionibus restitutis. Quinti Sereni liber de Medicina et ipse castigatiss. Accedit index in Celsum, et Serenum sane quam copiosus.

    [Ce volume contient : les huit livres de la Médecine de Celse purgés de leurs fautes, avec aussi la restitution de tous les mots grecs ; le livre de la Médecine de Quintus Serenus, {b} entièrement corrigé. Avec un index extrêmement copieux sur Celse et Serenus]. {c}


    1. V. note [13], lettre 99.

    2. Quintus Serenus Sammonicus est un érudit romain du iieiiie s. de notre ère. Son court traité de médecine en vers occupe les pages 149 ro‑164 ro de ce recueil.

    3. 1528, in‑4o de 164 pages.

  2. La note [2] de la lettre latine 44 détaille l’autre édition vénitienne de Celse publiée en 1547 dans une anthologie intitulée Medici Antiqui omnes, qui Latinis literis diversorum morborum genera et remedia persecuti sunt… [Tous les médecins de l’Antiquité qui ont exposé en langue latine les catégories et les remèdes des diverses maladies…] (in‑fo de 634 pages).

Guy Patin ne proposait ici à Johannes Antonides Vander Linden que unum exemplar Celsi, Aldinæ editionis, cum varijs lectionibus quamplurimis [un exemplaire du Celse de l’édition des Alde], La suite de sa correspondance avec Linden a pourtant plusieurs fois parlé de deux éditions aldines et des savants médecins qui les avaient annotées (Jean Fernel, Jean Chapelain, Jacques Charpentier, Jules-César Scaliger et Nicolas de Nancel). Dans sa lettre latine du 18 février 1656 (v. sa susdite note [2]), Patin a annoncé l’envoi à Leyde non pas d’un, mais de deux Celse vénitiens, et cette discordance dénonce une intrigante fourberie de sa part.

Linden a publié son Celse à Leyde en 1657 (v. note [20], lettre de Charles Spon datée du 28 août 1657), en le dédiant à Patin.

17.

Ces titres correspondent à deux des plus anciens ouvrages italiens d’anatomie :

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 35 vo.

Stibij osor acerrimus, sed ejus librum ante annum non habebimus, quoniam aliud opus historicum summæ dignitatis habet in manibus : nec est ille vulgaris homo,
nec proletarius scriptor. Quod spectat ad illam tuam distinctionem de Stibij natura Physica et Medica : neminem latet Galenum eo olim usum fuisse in collyrijs, idque sine damno.
Stibium crudum, et quale Natura produxit, nemo unquam venenatum sensit, nec enim quisquam ad morborum curationem tale usurpavit : tota de chymistico Stibio remanet quæstio ; an
sit alicujus venenatæ malignitatis particeps, mere : imò, quia nemo negat istud, non negamus nos latentem in Stibio malignitatem, quam ipsi nebulones etiam invicti
agnoscunt et lubentes admittunt, ulla arte, ullo apparatu deleri posse. Veteri Decreto stamus, lato anno 1566. in decanatu M. Sim. Pietrei, viri maximi, hactenus
religiosè servato, imò et renovato, et aliquot Senatuconsultis confirmato, adversus nebulones quosdam et sufflores Chymicos qui de suo Stibio imperitæ plebeculæ mira-
bilia pollicebantur, idque falso, temere, et insigni, mutorum ægrorum damno. Ratio nobis non deest : conclusionem nostram confirmat eventus, et quotidiana
experientia : ipsimet stibialis catervæ duces, hausto vino suo emetico, verè enetico, miserè perierunt : alij familiam suam infeliciter eodem veneno truncarunt, et domum
suam funestarunt. Sed non semper necat ergo non est venenatum stibium : non sequitur sed enim transeat : nec opium semper necat, et tamen est venenum : imò, ab annis 32.
aliquando fuit à me exhibitum, nec pænitet, sed in casu dumtaxat necessitatis ; cùm nullum aliud nobis suppetat narcoticum, in quibusdam casibus
requisitum ; sed tot alia habemus purgantia, stibio longè præstantiora : facit choleram, id est susque deque purgat : idque per colliquationem : serum dumta-
xat educit, etc. quæ sunt pessimæ medicamentorum purgantium conditiones. Deo sit laus optimo maximo qui plura, meliora et tutiora nobis singulari sua
benignitate subministravit. Germanis et Helvetijs minùs nocet stibium, qui facilè vomunt : Gallis nostris, et præsertim Parisinis civibus vomi-
toria non competunt, sunt enim biliosi, molles et imbecilli, præsertim ratione pulmonum et cerebri ; quibus partibus potissimùm vomitus adversatum. Ex tam
Plura videbis in libris quos ad Te mitto. Quod spectat ad exutam illam, et quam magni secreti loco habent Stibij præparationem, meras nugas effutiunt : neque tamen
puto in rerum natura dari posse præsentius venenum, vino illorum enetico, ex quo tam multi, Chymistarum pollicitationibus inescati, et remedij novitate
illecti tam miserè perierunt : nec est quod ìure sibi quidquam expetent excusationis. Helmontius hîc admodum negligitur : sanè qui infelicibus ustu-
landumletur lignis dignum eum judico : ô infamem et insulsum nebulonem ! Librum tuum Selectorum Medicorum avidè præstolabor. Si appellas animum ad editionem
Corn. Celsi, omnem opem ac operam Tibi polliceor : hîc habeo unum exemplar Celsi, Aldinæ editionis, cum varijs lectionibus quamplurimis, quas
Tibi offero. Consiulium illud tuum detuli clarissimo viro et Professore regio, D. Renato Moreau : quod ipse palam tecum laudavit : Ille Te salutat,
et in eamdem rem officia sua promittit polliceatur. Isagoges Carpi in Anatomiam Mundini hîc habeo, quam Tibi offero, in 4. Bononiæ, sed anni 1521. Si alius
editionis exemplar quamlem postulas hîc occurrat, elabi non sinam. Librum tuum de Scriptis Medicis numquam accepi, nec illas literas quas libro tuo comites
dedebas : accipiam tamen quando placuerit illis quibus ex officio incumbit ut eum tuo nomine accipiam. Hebdomada proxima librorum Tibi destinatorum
fasciculum tradam illi Bibliopolæ qui tuas mihi reddidit ; utinam citò accipias. Interea, vir clarissime, vale, et me ama.

Tuus ex animo Guido Patin, Bell.
Doctor Med. Paris. Et Prof. Regius.

Parisijs, die Veneris, 23. Iulij, 1655.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 35 ro.

Clarissimo viro D. Io. Ant. Vander Linden, Doctori Medico, et in Academia
Leidensi celeberrimo Professori.

Postremis tuis respondeo, vir præstantissime, ut scias
me Tibi addictissimum ac obsequentissimum vivere et valere : paucis
tamen hodie respondeo, varijs oppressus negotijs, et ægris curandis occupatissi-
mus. Primùm itaque dicam, Teque monebo, me librum tuum de Scriptis Medici[s]
numquam accepisse nec per Petrum le Petit, nec per Elzevirium ; eum tamen me in di[es]
expectare et optare, ne in ejusmodi lucrionum manibus diutius hæreat, aut ab ijs
retineatur. Riolanus noster vivit et scribit adversus Pecquetum, Ms. j[am]
Typographio traditurus ante finem mensis.
De clarissimi Hofmanni Ms. op[timis]
quæ hîc habeo, nullum progressum Tibi possum indicare : adeo sunt apud nos pr[ecariæ]
res typographicæ, tum propter operarum penuriam, tum propter vectigal chartæ [impo-]
situm, ab odiosissimo hominum genere, publicanos intelligo, eorumque fautores, qui pessimo o[mnium]
fato, hîc rerum potiuntur. Tres illos Tractatus, de Spirit. et cal. innato, de partib. si[milaribus]
et Humoribus
, Lugdunensi cuidam Bibliopolæ dicto Petro Rigaut, ante triennium commisi, quorum tamen editio[nem]
varijs de causis nondum inchoavit : Χρηστομαθειας illas hîc habeo quæ Typographu[m]
solertem et peritum operiuntur. Tres illi Tractatus, de quibus suprà, diu fuerunt in man[ibus]
Ianssonij, Typographi Amstelodamensis : tandem remissi Francofurtum ad quemdam D. Scheffer[um,]
qui nomine Authoris illos Ianssonio tradidebat : eodèmque nomine traditi fuerunt nostrati cuidam Bibliopolæ,
qui post annum penè integrum mihi non nil amplius cogitandi trareddidit nomine D. Schefferi : ab eo tempore, eorum
editionem promovere non potui, propter 2 turbas 1 diversas quibus vexata est cymba nostra Gallica. Si
Ianssonius, quem ideo hîc ex Italia reducem conveni, bona fide, mecum agere voluisset, eósque mihi
redidisset nomine Authoris, quod per præsentes literas probabam, vel pro pecunia quam offerebam,
jamdudum typis mandatum haberemus optimum librum, qui ab annis octo non potuit lucem videre,
propter iniquitatem temporum, quibus medelam adferit cùm volet ipse Deus. Quidquid sit, et quidquid
tandem contingat, dabo operam ne pereant ista Ms. sed quantum in me erit, et per temporum conditionem
licebit, eorum editionem promovebo : sin minus, et aliquid humanitas mihi contingat, Filiumos habeo
duos, ambo Doctores Medicos, 27. et 24. annorum, quibus hunc laborem relinquam.

De Hipp. et Gal. operibus Græco-Latinis, Renati Charterij cura evulgatis non est
quod aliquid speres : frustra enim essent omnia. Obijt ille prope octogenarius ante annum, in summa
rei familiaris difficultate, et prope mendicus : totius Operis dimidiam partem, et aliquid suprà
perfecebat : quod superest ad perfectionem complementum operis, per inopiam, numquam perfecisset, quidquid vixisset : Viduam
reliquit cum multis liberis et multo aere alieno admodum impeditam. Væcordes nostri Biblio-
polæ tanta molis onus non attingent : quid fiet ergo tot libris inchoatis ? candidæ mentis verbum pro-
feram, Nescio. Tres filij primæ uxoris multis litibus implicitam obsident novercam, optìmam
illam quidem feminam, sed Novercam, et sex liberorum pupillorum parentem ; tandem longo sufflamine litis
res eorum utrinque attritæ, cedent in partes pragmaticorum, et omnia devorabit fori iniquitas :
auspice præsertim Io. Charterio, prope quinquagenario, majore natu filio, non tam Medici Doctore
quàm decoctore, et miserrimo nebulone.

Venerandus noster Senex D. Riolanus vivit ac valet ; et quamdiu licet per otium, ali-
quid meditatur et scribit. A triduo 2 suo 1 Bibliopolæ tradidit excudendum libellum responsorium
adversus Pecquetum : quo perfecto, alia quoque prælo subjecturus : ^ præsertim Enchiridium/ suum Anat. et Pathol./ tertia parte auctum. Valesio in Epidem. Hist.
nihil quidquam additum, præter errata multa typographica, pro more nostrorum.

De Stibio controversia tota penè jacet ac silet. Venenatam ejus naturam tam multi
senserunt, ut omnes hîc ægri, et integræ familiæ ab eo summo jure abhorreant. Quæ adversus
tale toxicum ex parte nostra scripta sunt, singula ad Te mittam brevi. Nihil hîc repetam eorum
quæ adversus tale venenum allata sunt à nostris, viris probis ac eruditis : aperto libro Tibi paterunt
omnia : tres ex nostris viri intelligentissimi, et in rempublicam bene animati adversus venenatam
Stibij naturam scripserunt, nempe D.D. Germain, Merlet et Perreau : sed vernaculo idiomate, quod
quia intelligis vehementer lætor : quod si priùs scivissem, longè citiùs ad Te misissem : antehac enim de
Latinis dumtaxat ad Te mittendis cogitabam : eamdem naturam tractat eruditus alter Romano sermone,


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 23 juillet 1655

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(Consulté le 07/10/2024)

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