[Ms BIU Santé no 2007, fo 106 ro | LAT | IMG]
Au très distingué M. Reiner von Neuhaus, gymnasiarque d’Alkmaar.
Très distingué Monsieur, [a][1]
N’allez pas vous étonner si quelqu’un, que vous ne connaissez pas et peut-être même peu connu dans son propre pays, ose s’adresser à vous et vous écrire. C’est en effet que vous n’êtes pas aussi inconnu que lui : tout ce qu’il y a d’hommes savants dans le monde lettré et qui aiment la plus pure science vous connaît, et Ego nomen lubens profiteor meum. [1][2] Deux livres, publiés il y a 25 ans, m’ont depuis longtemps fait connaître l’immense renom, l’insigne réputation et la singulière érudition de feu M. votre distingué père : ce sont le Theatrum humani ingenii et les Fatidica sacra, que trois autres ont suivi, savoir la Triga artium scholasticarum, le Gymnasium eloquentiæ et l’Infantia Imperii Romani, etc. [2][3] Peut-être en existe-t-il encore d’autres, anciens ou récents, mais je ne les connais pas. Si tel est néanmoins le cas, je me les procurerai dès que j’en aurai été informé. Quant à vous, très docte Monsieur, je possède un bien plus grand nombre de vos livres ; à un ami qui habite Amsterdam, j’ai récemment écrit que, s’il s’y en vend d’autres, il me les achète et me les envoie par une voie sûre que je lui ai indiquée. Je les rangerai dans mon cabinet aux côtés de ceux d’autres savants lettrés, dont j’ai ici les ouvrages en nombre non négligeable puisqu’il dépasse aisément les quinze mille volumes. [4] Je demeure seulement dans le doute au sujet de vos Epistolæ : j’en possède bien sûr l’opuscule unique, imprimé chez Jansson en 1639, [5] mais n’en avez-vous pas publié d’autres pour atteindre le nombre de quelques centuries ? Je crois en avoir entendu dire quelque chose, mais pourtant n’en ai rien vu jusqu’ici. [3] Pardonnez, très distingué Monsieur, l’importune curiosité d’un homme inconnu de vous. Votre bonté, les mânes de votre père et ces Muses qui nous sont communes, mais dont, chacun à notre manière, nous honorons le culte sacré, font que je place de bons espoirs en vous. Pour que vous ne soyez pas plus longtemps en doute sur qui je suis, je vous le dirai brièvement : je m’appelle Guy Patin, je suis natif de Beauvaisis, c’est-à-dire presque de Belgique, et donc presque votre compatriote ; [4][6] docteur en médecine de Paris depuis 40 ans, je suis maintenant sexagénaire et père de deux fils, qui sont tous deux médecins de Paris ; [7][8] je suis aussi professeur royal dans le Collège de Cambrai, [9] où j’enseigne la médecine depuis plusieurs années avec grand concours d’auditeurs. [10] J’ai et connais beaucoup d’amis dans toute l’Allemagne et dans votre Hollande : la famille en est menée par les très savants MM. Vander Linden, [11] Vorst, [12] Sylvius de Le Boë, [13] van Horne, [14] Gronovius [15] et autres à Leyde ; par Christiaen Utenbogard à Utrecht ; [16] par Isaac de La Fontaine, qui a naguère été de mes auditeurs, [17] et autres à Amsterdam. Bien des grands hommes, qui écrivent avec vérité ce qu’on lit dans les facultés, m’ont dédié leurs livres (bien que je ne l’aie jamais en rien mérité), comme l’ont fait Caspar Hofmann, professeur d’Altdorf, [18] Jean Riolan, mon prédécesseur au Collège de France, [19] le Danois M. Thomas Bartholin, [20] M. Marten Schoock, professeur de philosophie [Ms BIU Santé no 2007, fo 106 vo | LAT | IMG] à Groningue, en son livre de Cervisia, [21][22] M. Vander Linden, professeur de Leyde, en son Celse, [23] Fortunio Liceti, professeur de Padoue, en son travail à la chandelle de Lacu Asphaltites, sive Mari mortuo, [5][24] Gabriel Naudé, dans sa Vita Julii Cæsaris Lagallæ, [6][25][26][27] Jacques Martin, médecin de Paris, en son École de Salerne, [7][28][29] Louis de Fontenettes, médecin de Poitiers, en son Hippocrate, [8][30][31] Louis Ferrant, médecin de Bourges, en ses Aphorismes, [9][32] Philippe Labbe en sa Vita Galeni, [33][34] Louis Jacob, en sa Bibliographia Parisina, [10][35] un autre dans la Pathologie de Fernel, [11][36] un anonyme dans la Chirurgie d’Hippocrate, [12][37][38] un autre dans la Methodus generalis de Francisco Valles, médecin espagnol, [13][39] un autre dans le livre de Bruno Seidel de morborum incurabilium causis, récemment publié à Leyde ; [14][40] et quantité d’autres dont on ne finirait pas d’énumérer les noms. [41] Je n’ai cité ces quelques ouvrages qu’en témoignage, et non pas du tout par orgueil (péché dont Dieu veuille me garder), mais comme ce Romain, mera morum fiducia, [15][42] et pour vous faire entendre que je vis non sans quelque renom ni quelque gloire à Paris, d’où je vous offre tout ce que vous pourrez souhaiter si vous me faites connaître vos vœux. Je veux véritablement être tout à vous aussi longtemps que je serai sur terre. C’est pourquoi je désire et souhaite ardemment votre amitié, et je chercherai dorénavant à la mériter par tout genre de services. Vale donc, très distingué Monsieur, vive et vale, soyez-moi favorable et aimez-moi, moi qui vous suis très attaché et très dévoué, plusquam Solduriorum lege, [16][43]
Guy Patin, docteur en médecine et professeur royal.
De Paris, ce jeudi 18e de mai 1662, nouveau style. [17]
Brouillon autographe de la première lettre que Guy Patin a envoyée à Reiner von Neuhaus, ms BIU Santé no 2007, fo 106 ro et vo ; imprimée dans Neuhaus, Centuria vi, Epistola xvi (pages 23‑25), avec quelques variantes.
« j’avoue volontiers en faire moi-même partie. »
Pour montrer à Reiner von Neuhaus qu’il était initié et peut-être adhérent à la pensée de William Perkins (1558-1602, théologien anglican anglais), Guy Patin avait pu emprunter l’expression à l’hérétique Jacobus Arminius (v. note [7], lettre 100), au début de son Examen modestum Libelli, quem D. Guilielmus Perkinsius, apprime doctus Theologus, edidit ante aliquot annos de Prædestinationis modo et ordine, itemque de Amplitudine gratiæ divinæ… [Humble examen du petit livre que M. William Perkins, fort savant théologien, a publié il y a quelques années sur la modalité et la disposition de la Prédestination, ainsi que sur l’ampleur de la grâce divine…] (Leyde, Godefridus Basson, 1612, in‑8o, pages 1‑2) :
Quod eo facio libentius et confidentius, quia tu libelli tui pagina secunda ad id audendum mihi animum addis, quum isthac sine hæc scripsisse testaris, ut à Theologiæ studiosis (inter quos et ego nomen lubens profiteor meum, nisi illa nolente hoc sit) sine præjudicio et absque animi acerbitate legerentur, expenderentur, et ex verbo Dei puro dijudicarentur.
[Ce que je fais très volontiers et très hardiment, {a} parce que vous-même m’incitez à m’y oser à la deuxième page de votre petit livre, quand vous y attestez avoir écrit que les théologiens (j’avoue volontiers en faire moi-même partie, à moins que ce soit sans le vouloir), sans préjugé et sans amertume, vous ont lu, jugé et discerné conformément à la pure parole de Dieu].
- Commenter votre livre.
Ces livres d’Edo Neuhusius (Edon i von Neuhaus, père de Reiner) sont :
Guy Patin possédait le R. Neuhusii, IC. et Gymn. Alcm. Rectoris, Epistolarum familiarum lib. i. Cui addita Oratio Inauguralis de recte informanda iuventute et Oratio triumphalis de liberata Hispanorum Tyrannide Alcmaria Ao mdlxxiii. 8. Oct. [Premier livre des Épîtres familières de Reiner von Neuhaus, jurisconsulte et recteur du Collège d’Alkmaar. Auquel on a ajouté son Discours inaugural sur la manière de bien former la jeunesse et son Discours triomphal sur Alkmaar libérée de la tyrannie des Espagnols le 8 octobre 1573] (Amsterdam, Jan Jansson, 1639, in‑12 de 275 pages).
En revanche, Patin semblait n’avoir qu’entendu parler de ses Epistolarum familiarium centuriæ tres [Trois centuries d’Épîtres familières] (Amsterdam, 1651, v. note [4], lettre latine 72).
V. note [5], lettre latine 213, pour les deux centuries parues en 1662.
Mort en 1672, Patin n’eut pas le plaisir de voir sa présente lettre imprimée dans les Epistolarum Familiarum Centuriæ quatuor, novæ [Quatre nouvelles centuries d’épîtres familières, jurisconsulte] de Neuhaus (Amsterdam, 1678, v. supra note [a], et Bibliographie) ; mais était alors loin de songer à un tel honneur car il entamait timidement sa correspondance avec lui.
Dans l’Empire romain, le nord et l’est de la France, incluant le Beauvaisis, formaient la partie méridionale de la grande province qui portait le nom de Belgique (Belga) ou Gaule belgique (ou belge, Gallia Belgica) ; mais Guy Patin l’étendait trop au nord car les Pays-Bas appartenaient à la Germanie inférieure.
Ces ouvrages dédicacés à Guy Patin étaient :
Il n’y a pas trace du nom de Patin dans la Disputation Hydrologiæ peripateticæ [Discussion d’hydrologie péripatéticienne] de Fortunio Liceti (mort en 1657) sur « le Lac asphaltite ou mer Morte » (Udine, 1655, v. note [38], lettre 372), ouvrage dédicacé au pape Alexandre vii. Il est difficile de concevoir que Patin ait été aveuglé par la vanité au point d’y avoir vu son patronyme dans les mots Patavii et Patavino (pour désigner la ville de Padoue, Patavium) qui se lisent dans les pièces liminaires. Toutefois, je ne suis pas revenu entièrement bredouille de mes recherches sur cette étrange énigme, car elle m’a mené à la lettre de Jean-Alcide Musnier à Liceti, datée du 5 novembre 1652, où il est question de Patin et des vertus thérapeutiques de la ciguë, qui est transcrite et traduite dans la note [12], lettre 803.
Gabriel Naudé a édité la Julii Cæsaris Lagallæ, philosophi Romani, Vita, a Leone Allatio conscripta [Vie de Giulio Cesare La Galla, philosophe de Rome, écrite par Leo Allatius (v. note [1] du Naudæana 1)] (Paris, Jean Bessin, 1644, in‑8o de 23 pages), avec épître dédiée à Clarissimo Doctissimoque Viro Guidoni Patino Bellovacensi, Doctori Medico Parisino et Scholarum Censori meritissimo [Au très distingué et très docte M. Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et très méritant censeur des Écoles], datée du 6 mai 1644. On y lit ce vibrant hommage de Naudé aux qualités de son ami :
Et sane quantum ad me attinet, palam hac in Præfatione testari non verebor, Te unum esse, cuius eximiam doctrinam, miram probitatem, fidem in amicos, diligentiam in Arte, studium instruendæ Bibliothecæ, voluntatem de bonis omnibus bene merendi, conatum egregias aliorum actiones promovendi ; animum denique præclaris de rebus informatum, Poseritas ipsa in exemplum ducere possit. Quid Plura ? In tuorum etiam meritorum partem aliquam veniet, quod istius libelli editione, et expressa in eo Cæsaris Lagallæ vitæ ac studiorum ratione, quæ neglecta hucusque a Gallis nostris fuerunt, aut ab unico dumtaxat Carpentario cum aliqua felicis progressus laude diligenter exculta, sanioris, operosiorisque Philosophiæ documenta, velut excusso postea negligentiæ veterno, incrementum sumant, non minus imperii nostri magnitudini, quam Academiæ Parisiensis convenientissimum. Hunc igitur, consultissime Patine, Tibi veteris amicitiæ, necessitudinisque lege coniunctissimo libenter oblatum, lubens etiam, volensque ut accipias, oro Te maiorem in modum atque obtestor.
[Et pour ce qui me concerne vraiment, je ne craindrai pas de témoigner publiquement dans cette Préface que vous êtes le premier de ceux dont la postérité pourra prendre exemple pour votre remarquable science, votre admirable probité, votre fidélité aux amis, votre diligence dans l’exercice du métier, votre soin à constituer une bibliothèque, votre volonté de bien mériter de tous les honnêtes gens, votre dessein de promouvoir les heureuses actions des autres. Que dire de plus ? Puissiez-vous tirer quelque mérite de la publication de ce petit livre relatant la vie et les travaux de Cesare La Galla, {a} choses que nous Français avons jusqu’ici ignorées, à la seule exception de Charpentier, {b} lui qui a diligemment cultivé les enseignements de la plus saine et plus difficile philosophie, et ce avec quelque mérite de louable amélioration. La torpeur de l’indifférence semble l’avoir frappé depuis, mais ces préceptes mériteraient d’être fort opportunément repris, pour la grandeur tant de notre gouvernement que de l’Université de Paris. Je vous prie et conjure donc, très avisé Patin, d’accepter volontiers et de bonne grâce ce livre, que je vous dédie au double nom de notre vieille amitié et des liens qui nous unissent].
- Giulio Cesare La Galla (Padola, Campanie 1576-Rome 1624) était un philosophe péripatéticien, médecin et astronome italien ; v. notes [16], [17] et [18] du Naudæana 2, pour d’autres renseignements à son sujet (en particulier sur son tabes dorsalis).
- En France, le philosophe et médecin Jacques Charpentier (v. note [51], lettre 97) avait précédé La Galla dans la défense et la rénovation du péripatétisme (aristotélisme).
L’épître dédicatoire est suivie d’une épigramme de Guillaume Sauvageon, Nivernensis, Lagallæ discipulus, ex Academia Romana Doctor, et Lugduni Aggregatus [natif du Nivernais, disciple de La Galla, docteur en médecine de l’Université romaine, agrégé au Collège de Lyon] (v. note [2], lettre 36), intitulée De Docto Quadrumviratu hic occurente [Des quatre savants hommes présents dans ce livre] :
Lagallam, Allatium, Naudæum, teque Patinum
[Hormis Dieu, qui eût jamais pensé voir La Galla, Allatius, Naudé et vous, Patin, réunis par le sort ? Voulant façonner un cube de solide doctrine, notre quadrige exhibe au monde entier ce glorieux ouvrage].
Sorte coisse videns quis putet absque Deo ?
Nempe volens solidæ doctrinæ fingere cubum,
Quadratum toto publicat orbe decus.
V. note [5], lettre 203, pour L’École de Salerne en vers burlesques de Louis Martin (Paris, 1650), avec épître dédicatoire du libraire Jean Hénault à Guy Patin (qui donnait ici à Martin le prénom de Jacques). Quand on voit Patin tirer gloire de cette dédicace, on lit en souriant cette remarque d’Antoine-Augustin Bruzen de La Martinière (1662-1746) dans L’Art de conserver sa santé, par l’École de Salerne. Traduction nouvelle en vers français par M. B.L.M. (Paris, Compagnie des libraires, 1760, in‑8o, pages 91‑92) :
« Du temps de la Fronde, durant la minorité de Louis xiv, le burlesque, mis à la mode par Scarron, était devenu une espèce de maladie épidémique. Un médecin de Paris, nommé Martin, s’avisa de travestir l’École de Salerne à sa façon. […] La traduction est dédiée à Guy Patin […].
Il y a plus de trente-six ans qu’un vieillard, qui avait été contemporain de Guy Patin, m’a assuré que ce fameux médecin lui-même était le véritable auteur de l’École de Salerne en vers burlesques, et que le nom de Martin est supposé. Je ne donne cette anecdote que pour ce qu’elle vaut. »
V. note [13], lettre 376, pour l’Hippocrate dépaysé (Paris, 1654) de Louis de Fontenettes, et [17], lettre 384, pour son épître dédicatoire à Guy Patin (qui lui donnait ici le nom latin de Fontanetus).
Dans ses lettres à Hugues ii de Salins, Guy Patin a parlé à deux reprises (v. notes [1], lettre 515, et [38], lettre 544) d’un commentaire sur les Aphorismes d’Hippocrate que lui avait dédié son auteur, Louis Ferrant (v. note [26], lettre 469) ; mais le décès de l’imprimeur parisien, Jean Pocquet, en 1658, semble n’avoir pas permis la parution de ce livre qu’on ne trouve dans aucune bibliographie.
Dans l’énumération exhaustive de ses dédicaces, Guy Patin allait omettre la Sybilla medica, traduction en vers latins du Pronostic d’Hippocrate par Charles Spon (Lyon, 1661, v. note [6] de sa lettre datée du 15 janvier 1658).
R.P. Ludovici Iacob, Cabilonensis, Carmelitæ Bibliographia Parisina, hoc est, Catalogus omnium librorum Parisiis, anno 1645. inclusive excusorum.
[Bibliographie parisienne du R.P. Louis Jacob, {a} carme natif de Chalon-sur-Saône, qui est le catalogue de tous les livres imprimés à Paris jusqu’à l’an 1645]. {b}
- Louis Jacob de Saint-Charles, v. note [5], lettre 108.
- Paris, Rolet Le Duc, 1646, in‑4o de 52 pages.
Ce livre est dédicacé au Clarissimo et Eruditissimo Viro DD. Guidoni Patino Bellovacensi, Doctori Medici Parisiensi, etc. [très brillant et très savant M. Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris, etc.], le 1er janvier 1646, avec ces chaleureuses louanges :
Meminisse vero potes (Vir eruditissime) quoties in communibus nostris de re litteraria semonibus, suavissimisque colloquiis Tibi probatum maxime consilium meum non modo testatus sis, verumetiam (quæ tua bona est indoles, et indefessum juvandæ rei literariæ studium) me quoque valentissimis rationibus ad susceptum laborem prosequendum accenderis, obtestatus etiam atque etiam ne hunc ardorem meum laboris operosi sane et difficilis tædio sinerem defervere. Tuis igitur adhortationibus et consiliis non parum in hoc stadio decurrendo adjutum me fuisse fatear necesse est ; ingratissimus vero sim mortalium, si alium a Te eiusdem Operis defensorem et Protectorem quæram, quandoquidem se totum Tibi iure merito ita consecratum. Tibi, inquam, cui tanta inest ; tamque absoluta Medicinæ et aliarum scientiarum cognitio, ut non tantum cujuslibet controversiæ Medicæ, rei natura sua difficillimæ et intricatissimæ, in qua tamen feliciter et optimis ægrorum rebus supra Medicorum vulgus excellis ; verumetiam totius rei litterariæ præstantissimum arbitrum et æquissimum Censorem in Te iure optimo possint omnes agnoscere. Ut hic præteream adeo exactam literarum quas humaniores vocant peritiam, ut eo nomine apud exteros, Anglos, Germanos, Italos, Belgas, Batavos, totam denique Europam, sese tui nominis fama diffuderit. Mirantur sane omnes in eodem homine exquisitam Antiquitatis et omnium retro sæculorum notitiam, quæ Medicinæ perfectissimam scientiam, et sermonis gratam cum verborum proprietate perspicuitatem secum involuit.
[Vous pouvez vous rappeler (très savant Monsieur) combien de fois, lors de nos si plaisantes discussions et conversations sur les livres, vous m’avez témoigné fort approuver mon dessein, mais surtout (vous qui avez si bon caractère et mettez un soin inlassable à aider la production littéraire) m’avez donné de très solides raisons pour persévérer avec acharnement dans ma tâche ; à maintes et maintes reprises aussi, vous m’avez supplié de ne pas permettre que la lassitude d’un labeur pénible et fort difficile ne refroidisse mon ardeur. Je dois donc bien avouer que vos exhortations et vos conseils ne m’ont pas peu aidé à parvenir au bout de cette course. Je serais vraiment le plus ingrat des mortels si je cherchais un autre protecteur et défenseur de cet ouvrage que vous, et voilà donc pourquoi je vous l’ai entièrement et légitimement dédié. Vous, dis-je, à qui il doit tant : votre connaissance de la médecine et des autres sciences est si absolue que vous surpassez avec bonheur le commun de vos collègues, que ce soit dans toutes les controverses de leur art qui, par leur nature, sont des débats difficiles et fort embrouillés, ou dans le mieux-être des malades ; en outre, tous pourraient à très juste titre reconnaître en vous le plus brillant arbitre et le plus équitable censeur de toute la république des lettres. Qu’il me soit permis de passer ici sous silence votre connaissance de ce qu’on appelle les belles-lettres ; elle est si précise que votre renom s’est répandu chez les Anglais, les Allemands, les Italiens, les Flamands, les Hollandais, et enfin sur l’Europe tout entière. Absolument tout le monde admire votre intime connaissance de l’Antiquité et de tous les siècles qui se sont écoulés depuis ; elle enveloppe en une seule et même personne le plus parfait savoir de la médecine et la clarté du discours, agrémentée par la justesse des termes employés]. {a}
Juste après la dédicace à Patin se trouvent deux pièces grecques en vers signées Κλαυδιος Μαυγεριος [Claudius Maugerius]. La première des deux propose une anagramme du nom de Patin : γιδων πατινοσ, ασωτιαν πνιγω (gidôn patinos, asôtian pnigô [Guy Patin, étouffeur des débauches]).
Ce Claude Mauger, linguiste français, maître de langue française et anglaise à Blois en 1645, puis à Londres vers 1650, est auteur d’une Grammaire française (dont la 11e édition est disponible sur Gallica). Il est sûrement distinct du médecin de Beauvais nommé Mauger (v. note [7], lettre 202).
Louis Jacob a dédié la seconde édition de sa Bibliographia Parisina, incluant les années 1647 et 1648 (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1649, in‑4o), aux frères Dupuy, Pierre et Jacques (v. note [5], lettre 181).
V. note [5], lettre 612, pour la « Vie de Claude Galien » par le P. Philippe Labbe (Paris, 1660), avec sa dédicace à Guy Patin.
V. note [1], lettre 36, pour l’Universa Medicina [Médecine universelle] de Jean Fernel, connue en français sous le titre de Pathologie ; mais je n’en ai pas trouvé d’édition latine ou française dédiée à Guy Patin.
Les anciens et renommés Auteurs de la médecine et chirurgie. Hippocrate, des Ulcères, des Fistules, des Plaies de la tête, avec les commentaires de Guy Vide sur chacun livre. Hippocrate, des Fractures, des Articles, de l’Officine du chirurgien, avec les commentaires de Galien. Galien, des Bandes. Oribase, des Lacs, des Machines et engins. Le tout traduit fidèlement du grec et du latin en français par un docteur en médecine, et illustré de figures, par lesquelles la chose est au vif représentée. Avec une table très ample de toutes les matières principales (Paris, Eustache d’Aubin, 1634, in‑8o) ; avec épître dédicatoire « À Monsieur Maître Guy Patin, docteur régent en la Faculté de médecine à Paris, et professeur ordinaire en chirurgie » datée de Paris le 4 novembre 1634, signée par les libraires et Eustache d’Aubin et Jean Gesselin :
« Monsieur,
Bien que toutes les bonnes choses soient assez recommandables d’elles-mêmes, si est-ce {a} que pour se maintenir en estime au siècle où nous sommes, elles ont extrêmement besoin de l’assistance d’autrui. Cette considération, jointe à votre mérite, nous oblige de recourir à vous pour appuyer cet ouvrage que le divin esprit de son auteur a rendu fameux par toute la terre. C’est la Chirurgie du grand Hippocrate, qu’on a traduite il y a longtemps du grec et du latin en français, et que nous avons remise sous la presse à nos dépens par le conseil de plusieurs habiles hommes, qui nous ont assuré qu’elle serait très utile à quantité de personnes, et particulièrement aux jeunes gens qui se portent d’inclination à la connaissance de ce bel Art, pour en servir le public. Obligez-nous donc, Monsieur, de permettre que cette nouvelle édition paraisse au jour sous la protection de votre nom, qui lui suffira pour la mettre à couvert des traits de l’envie, quelque peine qu’elle prenne pour s’opposer à l’éclat d’un si beau livre, malgré la haine et la rage des médisants qui, ne pouvant approuver que ce qu’ils font, s’attaquent malicieusement aux ouvrages les plus utiles. Tous ces efforts ne laisseront pas d’être vains, pourvu qu’en acceptant ce petit présent avec la même passion que vous avez d’ordinaire pour toute sorte de bons livres, desquels avez une si parfaite connaissance, vous nous fassiez la faveur de croire que nous sommes, Monsieur, vos très humbles et très affectionnés serviteurs. »
- Le fait est.
Le commentateur de ces traités hippocratiques était Guy Vide, nom francisé du médecin italien Vidus Vidius, Guido Guidi (Florence 1509-Pise 1569), qui fut premier médecin de François ier et le premier titulaire, en 1542, de la chaire médicale du Collège de France.
V. note [4], lettre 245, pour la réédition de la Methodus medendi [Méthode pour remédier, ici qualifiée de « générale »] de Francisco Valles (Paris, 1651) et sa dédicace à Guy Patin (qui aurait bien pu en avoir été lui-même auteur).
V. note [7], lettre de Claude ii Belin, datée du 31 janvier 1657, pour la réédition du livre « des maladies incurables » de Bruno Seidel (Leyde, 1662), dédicacé à Guy Patin par Hadrianus Foppens, l’un de ses anciens étudiants hollandais.
« plus que par la règle des solduriers ».
Dominicus Baudius (v. note [30], lettre 195) a développé cette formule d’affection dévouée dans la lettre lxxxiii de la première de ses Epistolarum centuriæ tres [Trois centuries d’Épîtres] (Amsterdam, Jan Jansson, 1642, in‑12 ; lettre adressée à Maximilian Vriendt, datée de Leyde le 18 octobre 1609, page 312) :
Sed quoniam sanctæ necessitudinis vinculum, quod mihi tecum intercedere pateris, non est æstimandum ritu et modo vulgarium amicitiarum, segregabo proletarium sermonem, et uno verbo dicam me vel Solduriorum lege tuum semper futurum.
[Comme le lien de sainte amitié, que vous me permettez de nouer avec vous, ne saurait s’exprimer à la mode et à la manière des affections communes, je choisirai la langue populaire et dirai en un mot que je serai toujours attaché à vous comme par la règle des solduriers]. {a}
- Solduriers : « gens qui suivaient les anciens chevaliers afin de courir la même fortune » (Thomas Corneille).
Le nouveau style était celui du calendrier grégorien, avec dix jours d’avance sur le calendrier julien, alors encore en vigueur dans les pays protestants (v. note [12], lettre 440).
La réponse de Reiner von Neuhaus à Guy Patin est datée du 13 juin 1662 (ancien style julien, 23 juin grégorien).
Ms BIU Santé no 2007, fo 106 ro.
Cl. viro D.D. Reinero Neuhusio, Gymnasiarchæ Alcmariano.
Non est quod mireris, Vir Cl. si quis Tibi ignotus, et forsan inter suos
parum notus, Te compellare, et ad Te scribere audeat : neq. enim ideo ignotus es ;
optimè Te novunt omnes quotquot sunt in Orbe literato viri eruditi, et purioris
disciplinæ amantes, in quib. et Ego nomen lubens profiteor meum. Cl. viri
D. Parentis tui του μακαριτου nomen eximium, fama insignis et eruditio
singularis jampridem mihi innotuerunt per duos libros ante 25. annos in
lucem emissos, nempe Theatrum 2 ingenij 1 humani : et Fatidica sacra :
quib. alij duos tres succeserunt, nempe Triga artium scholasticarum : et Gym-
nasium Eloquentiæ : cum et Infantia Imperij Romani, etc. præter quos
si qui sint alij, veteres aut novi, certè non novi : si tamen et alij fuerint ejusdem
Authoris, edoctus eos mihi monitus statim comparabo. Quod ad Te spectat, Vir
eruditissime, longè plura de Tuis habeo : et nuper ad Amicum scripsi
Amstelodami degentem, ut si quid illic tuum vænale prostaret, illud mihi
emeret, ac per viam idoneam quam indicavi mitteret, ut eos in Musæo
meo reponam, et cum alijs collocem viris eruditis ac literatis, quorum
Opera hîc habeo numero non exiguo, quiq. voluminum millia quindecim facilè
superat. De tuis dumtaxat Epistolis dubius hæreo, de quib. nimirum unicum
libellum habeo, apud Ianssonium typis mandatum 1639. Annon alios
edidisti usque ad aliquot Centurias ? de quibus puto me aliquid inaudivisse,
nec tamen quidquam hactenus vidi. Ignosce, Vir Cl. hominis Tibi ignoti importunæ
curiositati ; hoc ut à Te sperem facit humanitas tua, paterni Manes, et
nobis co[mmun]es illæ Musæ, quarum sacra diverso stylo colimus : ne v. quis sim
diutius ambigas, dicam paucos : vocor Guido Patin, patria sum Bell. et penè fere
Belga, ideóq. et fere tuus popularis : ab annis 40. Doctor Med. Paris.
nunc v. sexagenarius, et duorum filiorum Parens, qui sunt ambo Medici Parisienses.
Sum quoque Professor regius in Aula regia Cameracensi, ubi Medicinam doceo à
plurib. annis, magna Auditorum frequentia. Amicos multos habeo et agnosco,
in tota Germania, et in vestra Hollandia ; in quib. familiam ducunt eruditissimi
viri D.D. Vander Linden, Vorstius, Delboe Sylvius, Van Horne et Gronovius, et alij,
Leidæ : Ultrajecti, Christianus Utenbogardus : Amstelodami, Isaacius
Fontanus, antehac auditor meus, et alij. Multi quoq. viri magni, et verè classici Scriptores, Nomini
meo Libros suos inscripserunt, (licet nihil unquam tale promeruerim,) quales fue-
runt Caspar Hofmannus, Prof. Altorfinus : Io. Riolanus, Antecessor
meus : Thomas Bartolinus, Danus : Mart. Schoockius, Groningensis,
Ms BIU Santé no 2007, fo 106 vo.
Philosophiæ Professor, librum suum de Cervisia : D. Vander Linden, Professor
Leidensis, suum Cornelium Celsum : Fort. Licetus, Prof. Patavinus, Elucubrationem suam de Lacu Asphaltites, sive Mari mortuo : ^ Gabr. Naudeus, vitam/ Iul. Cæs. Lagallæ : Iac.
Martinus, Med. Paris. suam Scholam Salernitanam : Lud. Fontanetus, Med. Pict.
suum Hipp. Lud. Ferandus, Med. Bituric. suos Aphorismos : Phil. Labbe,
Vitam Galeni : Lud. Iacob, Bibliographiam Parisinam : alter Patho-
logiam Fernelij : quidam Chirurgiam Hippocratis : alter Methodum generalem Fr. Valesij, Med. Hispani : alius nuper Brun. Seidelij librum, de morborum in-
curabilium causis, Leidæ nuper editum : et alij permulti, quorum nomina
recensere laboris esset infiniti : nonnullos dumtaxat quasi in testimo-
nium produxi, nulla mea superbia, (quod absit) sed et ille Romanus, mera
morum fiducia : ut intelligas me non planè ignotum et inglorium vivere
Lutetiæ Parisiorum, unde Tibi offero quidquid optaveris, si votum tuum intellexero.
Verum quotus et quantus hîc sim, totus tuus esse volo : ideóq. amicitiam tuam
ambio ac fervide expeto, quam omni obsequiorum genere in posterum demereri
conabor. Vale igitur, Vir Cl. vale, vive, fave, ac me ama, qui sum plusquam
Solduriorum lege Tibi addictissimus atque deditissimus,
Guido Patin, Doctor Med. Paris. et Prof. regius.
Parisijs, stylo novo, die Iovis,
18. Maij, 1662.