M. le Dauphin [2] se porte bien, et M. Vallot [3] aussi, hormis que celui-ci est fort mélancolique ; [4] mais on dit qu’il l’a toujours été depuis qu’il donna de l’opium [5] à la reine d’Angleterre [6] dès l’an passé, joint qu’il est vieux et a pour le moins 74 ans. Jérôme Colot [7] vous salue, il vient de sortir de céans en me parlant d’un enfant qu’il doit tailler [8] un de ces jours pour la pierre qu’il a en la vessie.
M. de Louvois [9] va en Flandres [10] y visiter nos villes et peut-être aussi pour leur demander de l’argent. On dit que depuis deux ans nous y avons perdu 2 000 hommes, de maladie, de pauvreté et de mauvaise nourriture, et surtout de méchante bière [11] qui a fait crever nos soldats, qui ne sont pas accoutumés à ce maudit breuvage. J’aimerais mieux de l’eau bien pure et bien nette de la rivière de Seine [12] que toute la bière du Septentrion. Je suis de l’avis de Buchanan [13] lorsqu’il a dit Salve beata Gallia, etc. Ieiuna miseræ tesqua Lusitaniæ, valete longum etc. ; [1] et de Ioannes Hauvillensis in Architrenio, [14] lorsque, parlant de Paris dans ce bel épigramme, il a dit Dives agris, fœcunda mero, mansueta colonis, etc. [2] Un grand personnage qui a été feu Hugo Grotius, [15] Hollandais, a fait des vers en l’honneur de la bière. Feu M. Guyet, [16] natif d’Angers, en fit contre par un épigramme latin qui commence ainsi : Triticei latices, mensis Borealibus apta Munera, sed Celtis tætra venena meis, etc. [3] Je suis très volontiers de son avis, car je n’aime point la bière ni le vin émétique [17] des chimistes, ni même le vin de cabaret, et même de celui qui est fort bon. J’en bois peu, je m’en tiens à notre Fernel qui a dit que vinum facit vitam iucundiorem, sed breviorem, [4] et cela est fort bien et très véritablement dit. Un autre savant du siècle passé a fait un petit traité latin de vino, [5][18] qui vaut mieux que tous les livres de chimie [19] et d’astrologie. [20]
Le gouvernement de Guyenne [21] était vacant depuis la mort de M. d’Épernon ; [22] enfin, le roi [23] l’a donné à M. le maréchal d’Albret. [6][24] L’hiver nous touche de près, mais il est fort humide. Je souhaite qu’il ne soit pas si froid et si rigoureux que nous en eûmes un l’année passée. Paris se remplit de beaucoup de monde, mais Dieu merci, il n’y a pas de maladie considérable. Jamais les médecins n’eurent tant de loisir, et même ils s’en étonnent tous tant qu’ils sont quoniam mitis annus non est in quæstu. [7] Le bon Ovide, ce gentil chevalier romain, a dit bien à propos [25] Si valeant homines, ars tua, Phœbe, iacet. [8][26] Je viens d’apprendre une nouvelle qui me console, que l’on a pris un des voleurs qui a massacré le pauvre Jean Grimod ; [27] on dit qu’il s’appelle Le Beau. [28] Je dirais volontiers après saint Louis, [29] principalement en tel cas, Fiat iustitia, vel pereat mundus. [9] Cette nouvelle a aujourd’hui couru dans le Châtelet, [30] et vient de M. le lieutenant civil qui n’est point homme à dire faux. Quoi qu’il en soit, omnes boni lætantur, et utinam sit verum ut adimpleantur Scripturæ : [10] que Dieu ne laisse rien d’impuni.
On m’a dit aujourd’hui que le roi fait ôter à MM. de Guénégaud [31] et Jeannin, [32] jadis trésoriers de l’Épargne, [33] les deux charges d’officiers de l’Ordre des chevaliers du Saint-Esprit, et qu’il les donne à MM. le premier président [34] et de Louvois, avec le cordon bleu, [35] avec les cérémonies accoutumées. Le bonhomme Mathieu de Mourgues, [36] abbé de Saint-Germain, jadis aumônier de la reine mère Marie de Médicis [37] et qui fut le grand ennemi du cardinal de Richelieu, [38] est si vieux qu’il n’en peut plus, on dit qu’il passe 87 ans. Cet homme sait une infinité de particularités de la cour depuis 60 ans et en a vu une partie, y étant auprès de la reine mère. L’Histoire qu’il a écrite sera fort belle : il y aura divers mémoires qui ont été cachés jusqu’ici, qui seront révélés ; il y aura des vérités fort sanglantes du gouvernement de ce cardinal qui a régenté la France trop cruellement et in virga ferrea ; [11] mais Dieu soit loué, je pense que je n’y serai plus. Il y a encore en notre histoire beaucoup de choses que l’on ne sait pas bien : comme le fait de la Pucelle d’Orléans ; [39] la mort du roi d’Angleterre Henri v [40] dans le Bois de Vincennes ; [12] la mort de Charles duc de Guyenne, [41] frère du roi Louis xi ; [13][42] le règne de celui qui lui succéda, Charles viii, [43] que l’on dit avoir été un enfant supposé ; [14] la mort du grand roi François ier ; [15][44] la prise et puis la levée du siège de Metz ; [45] la mort d’Anne Du Bourg, [46] conseiller de la Grand’Chambre, qui fut pendu et brûlé en Grève ; [16][47] la conspiration d’Amboise ; [48] le massacre de la Saint-Barthélemy ; [49] la mort du roi Charles ix ; [17][50] la mort des deux guisards dans Blois ; [51][52] la mort du marquis d’Ancre [53] et de sa femme ; [54] la mort du connétable de Luynes, [55] celles de M. de Chalais, [56] de MM. de Montmorency [57] et de Cinq-Mars, [58] etc. [18]
Mme la duchesse de Saint-Simon [59] est ici morte de la petite vérole, [60] âgée de 42 ans. [19] Enfin, M. le lieutenant criminel [61] vengera la mort du pauvre Grimod puisque, par sa vigilance, il a découvert et attrapé un des principaux et des plus méchants assassins qui ont commis un si horrible homicide. Il s’appelle Florin, [62] on dit qu’il est lyonnais. Il a été pris le 9e de décembre bien tard, en soupant dans le faubourg Saint-Germain [63] où il était caché dans une quatrième chambre. [20] On travaille à son procès, Dieu soit loué que les méchants soient punis et la mort des pauvres innocents exemplairement vengée, ce qui en peut retenir d’autres.
Ce 12e de décembre. On parle aujourd’hui d’un ambassadeur des Indes [64] qui vient saluer notre roi comme le premier et le plus grand roi de l’Europe. On croit que c’est pour établir quelque commerce en ce pays-là, malgré les Hollandais qui ont tâché de l’empêcher et de le prendre pour eux-mêmes. [21] On parle à la cour d’un mariage de Mlle de Thianges, [65] qui est encore fort jeune et nièce de Mme de Montespan, [66] avec M. le duc de Nevers [67][68][69] qui est neveu du jadis cardinal Mazarin. [22] On parle ici d’une tragédie célèbre et nouvelle que les comédiens représentent sur le théâtre, c’est la Bérénice, de laquelle Suétone, [70] in Tito, [71] a fait mention, qui invitus invitam dimisit [23][72] et n’osa l’épouser, de peur de déplaire au peuple romain à cause de la diversité de religion : elle était Iudaïcis ritibus addicta, [24] si bien qu’elle ne fut pas impératrice et qu’il lui fallut malgré soi retourner en la Judée. Deux divers poètes y ont travaillé, [73][74] on verra ceux qui y auront le mieux réussi. [25] Nous aurons un livre nouveau en latin fait par M. de La Barde, [75] ci-devant ambassadeur en Suisse, dont le titre est De Rebus Gallicis ; [26] on dit que c’est l’histoire de la régence de notre défunte reine Anne d’Autriche. [76] M. Amelot, [77] premier président de la Cour des aides, [78] est mort d’une pilule que lui a donnée un charlatan nommé Rivière. [27][79] L’apothicaire qui l’a préparée s’appelle Beaurains [80] et est en fuite ; on le poursuit criminellement. Je suis fâché de la mort de M. Amelot, mais pourquoi des juges commettent-ils leur vie à des fripons et à des ignorants ? C’est à eux à les chasser et à les punir.
Le P. Ménestrier [81] parla hier dans l’académie de M. le premier président [82] et fit fort bien en parlant de l’éloquence. L’évêque de Condom, M. Bossuet, [83] harangua fortement de l’éloquence divine qui est dans la Bible, surtout dans la Genèse et dans les Prophètes. Il loua fort David, [84] Salomon, [85] et l’éloquence des patriarches, surtout celle de Moïse. [86] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.
De Paris, ce 15e de décembre 1670.
Bulderen, no dxxxi (tome iii, pages 408‑413) ; Reveillé-Parise, no dcccxxi (tome iii, pages 769‑773).
Mélange des quatre premiers vers de l’Adventus in Galliam [Arrivée en France] de George Buchanan fuyant l’Inquisition portugaise en 1552 : {a}
Ieiuna miseræ tesqua Lusitaniæ,
[Adieu pour longtemps au désert aride de la misérable Lusitanie, et à sa glèbe si féconde en disettes. Et salut à toi, bienheureuse France, douce nourrice des arts raffinés].
Glebæque tantum fertiles penuriæ,
Valete longum. At tu beata Gallia
Salve bonarum blanda nutrix artium.
- Fratres fraterrimi [Les frères très fraternels] (v. note [16], lettre 488), Poemata, page 305 (Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65).
Jean de Hauteville (ou d’Hauville), poète du xiie s., aussi appelé Joannes Annævillanus et Johannes de Hauvilla, naquit probablement en Normandie. Il a laissé un poème en neuf livres, intitulé Archithrenius [L’Archipleureur], qu’il dédia à Gautier de Coutances, archevêque de Rouen, vers 1184. Il s’y lamente sur les misères et les vices de l’humanité, passant en revue les diverses classes de la société, et faisant un curieux tableau des mœurs de son temps (G.D.U. xixe s.). Guy Patin donnait ici le premier des six derniers vers du chapitre xvii, livre ii, intitulé Architrenius Parisium venit, et de eius laude [Architrenius vient à Paris, et sur sa louange de cette ville] : {a}
Dives agris, fœcunda mero, mansueta colonis,
Messe ferax, inoperta rubis, nemorosa racemis,
Plena seris, piscosa lacu, volucrosa fluentis.
Munda domo, fortis domino, pia regibus, aura
Dulcis, amœna situ, bona quælibet, omne venustum,
Omne bonum, si sola bonis fortuna faveret.[Tu es riche en champs, féconde en vin, douce pour tes habitants, fertile en moissons, dénuée de ronces, couverte de vignes, gorgée de bon lait, tes eaux sont remplies de poissons et ton ciel plein d’oiseaux. Propre à habiter, solide pour ton seigneur, pieuse envers tes rois, pure pour ton air, charmante pour ton site, bonne pour qui veut, tu es tout entière élégante, tout entière bienfaisante, si la chance veut toujours être favorable à tes qualités]. {b}
- Architrenius summa diligentia recignitus [L’Architrenius revu avec le plus grand soin] (sans lieu, Ascensius, 1517, in‑4o de 188 pages), page xx vo.
L’humaniste et imprimeur Jodocus Badius (Josse Bade) Ascensius (Gand vers 1461-Paris 1535) a publié des livres à Lyon puis à Paris. Il a dédié cette édition à patri Ioanni a Vepris domus clarævallis clarissimo et modestiæ et prudentiæ specimini [au Père Jean de La Véprie de l’abbaye de Clairvaux, modèle de modestie et de sagesse].
- Je conviens que ma traduction honore médiocrement la beauté de ce latin. J’ai simplement voulu n’y pas faire de contresens
François Guyet (Guietus, Angers 1575-Paris 12 avril 1655) monta à Paris en 1599, fit deux voyages à Rome, dont le second comme précepteur du futur cardinal de La Valette (v. note [12], lettre 23), qui voulut plus tard l’attacher à sa personne ; mais Guyet chérissait son indépendance, il préféra aller loger dans le Collège de Bourgogne et cultiver les belles-lettres en compagnie de ses anciens amis : les frères Pierre et Jacques Dupuy, l’historien Jacques-Auguste i de Thou, Nicolas Bourbon, Gilles Ménage, Jean-Louis Guez de Balzac, etc. Il s’était fait prêtre à un âge déjà avancé. Le cardinal de La Valette lui donna le prieuré de Saint-Andrade (près de Bordeaux) dont le modique revenu suffisait à ses besoins. Il a laissé de nombreuses éditions commentées des auteurs latins et des poésies latines. « Mais afin de le convaincre que pour le moins en quelques rencontres il avait le goût dépravé, et qu’il passait les bornes du delicati fastidii [dédain élégant] qu’on lui imputait, il ne faut que voir les vers qu’il a composés contre la bière, où il parle avec un si grand mépris de tous les poètes de Hollande. Grotius lui répondit fort pertinemment » (Bayle).
Ces deux poèmes latins se trouvent dans les Lettres choisies du sieur de Balzac, {a} lettre xxxviii « À Monsieur de Morin, conseiller du roi en la Chambre de l’édit de Guyenne » (sans lieu, ni date), seconde partie pages 371‑384 :
« Monsieur,
Je ne voudrais point passer pour ingrat ; mais je ne voudrais point aussi me déclarer moi-même homme de débauche. Que faut-il donc que je fasse en cette occasion ? Je n’ose nommer en public le présent que j’ai reçu de vous : je ne puis dire qu’il y a céans une charge {b} de muscat, sans hasarder la bonne réputation de ma vie passée. Je ne saurais louer votre libéralité, qu’à même temps je ne fasse blâmer mon intempérance. Pour sortir de cet embarras, il faut chercher quelque expédient de rhétorique et déguiser la chose, oratoirement ou poétiquement, comme il vous plaira. Sans employer le terme scandaleux de muscat, je dirai, si vous le trouvez bon, que c’est un présent digne d’être fait au duc de Savoie ; que c’est le souverain remède de la tristesse et des mauvaises pensées ; que c’est le véritable népenthès, chanté par Homère ; {c} que c’est un fard et une peinture admirable pour colorer les visages blêmes ; que c’est un moyen de devenir tout d’un coup vaillant, de rendre subitement des oracles, de parler des langues inconnues, voire à Monsieur de Saumaise. En un mot, je dirai, Monsieur, que c’est une charge d’enthousiasme et d’inspiration, que vous m’avez fait la faveur de m’envoyer. […] Mais pour changer de matière, j’ai trouvé enfin les trois pièces de la bière que je vous avais promises, et qui s’étaient égarées parmi mes papiers. Ne vous semble-t-il pas qu’il y ait du jeu dans cette rencontre et dans ce changement de matière ? Je prétends en effet d’être fondateur d’un nouveau proverbe ; et si j’en suis cru, on dira à l’avenir de la bière pour un muscat, aussi bien que du cuivre pour de l’or. Les pièces sont courtes, comme vous verrez, et par conséquent, j’ai bien plus longtemps à boire que vous à lire. »
Suivent les poèmes de Guietus, In Cervisiam (dont Guy Patin citait ici les deux premiers vers), et de Grotius (Hugo de Groot, v. note [2], lettre 53), Pro Cervisia pour défendre le breuvage batave, qu’il disait bien aimé des Muses.
Triticei latices, mensis Borealibus apta
Munera, sed Celtis tetra venena meis,
Quæ vos sacra tulit tellus, quæ Numinis ira
Æmula lethæis pocula finxit aquis ?
Qui vos odit, amat Musas, Bacchumque Cyprinque
Et superos odit si quis amare potest.
Vos vitiata Ceres temeratis devovet undis,
Nais, et aversis Cynthius horret equis.
Cui sapitis, nihil ille sapit, dignusque suillo
Iure sit, et socios glandis habere sues.
Qui bibet, irato tentabit Apolline carmen,
Arcadicosque dabit rusticus ore sonos.
Hinc Batavi, fumis Cerealibus ebria turba,
Carmina tot Musis inficianda vomunt ;
Et miseri placuere sibi, gaudentque profanas
Frondibus æternis implicuisse comas.
At Deus e Pindo crassæ deliria gentis
Ridet, et has pœnas impietatis habet ;
Ducite damnatos, gens Barbara, ducite succos,
Nectareus nobis proluet ora liquor.
Humor dulcis aquæ sed igne coctæ,
Quam succo Ceres imbuit salubri,
Qui corpus vegetas, nec impotente
Commotam furias vapore mentem,
Quo potu fruitur Batava tellus,
Neptuni domus horreumque Mundi,
Et quotquot populos mares ab alto
Cœli culmine conspicatur Arctos,
Ipsæ se sitiunt novem Sorores,
Nec Permesside proluuntur unda,
Ex quo Græcia Barbaro sub hoste est,
Nec Bacchi cyathos amant puellæ,
Sed Rheni Vahalisque temperatos
Almis pastibus hauriunt liquores.
Duræ mentis, iners, merumque rus est,
Si quem Basia non movent Secundi,
Et quos Dousa canit parente maior
Cœlo sydereos rotante cursus,
Et quæ spicula Baudio vibrante
Non unum sibi destinant Lycamben,
Et quos dat numeros nihil vetustis
Cedens vatibus Heinsii Thalia.
At me (sentio) larga cum sequatur
Vini copia, frigidique fontes,
Heu Musæ fugiunt. Venite quondam
Dilecti latices: nec esse crudum,
Nec contra decet ebrium Poetam.
À la fin, Balzac a transcrit une troisième pièce en prose d’Erycius Puteanus (v. note [19], lettre 605), De Cervisia [De la Bière] qui vante la bière et explique la manière de la bien conserver et consommer.
« le vin rend la vie plus agréable, mais plus brève ».
Le chapitre iii du Traité de la Conservation de santé donne un avis de Guy Patin sur la bière : v. ses note [17]‑[20].
Peut-être le traité De Vino et pomaceo [Du Vin et du cidre] de Julien Le Paulmier (Paris, 1588, v. note [17], lettre 79).
V. note [5], lettre 317, pour le comte César-Phébus de Miossens, maréchal d’Albret, qui devait ce gouvernement de Guyenne à la faveur de Mme de Montespan, sa cousine.
« parce qu’une année douce ne procure guère de bénéfice. »
« Si les hommes se portaient toujours bien, ton art, ô Apollon, ne serait rien non plus » : Ovide, Les Tristes, livre iv, iii, vers 78.
Apollon (chez les Grecs) ou Phébus (chez les Romains) était (Fr. Noël) : {a}
« fils de Jupiter et de Latone, {b} et frère de Diane. {c} Sa naissance est marquée par un prodige : Latone, poursuivie par le courroux implacable de junon, se réfugie dans l’île flottante de Délos, que Neptune rend stable en sa faveur ; c’est là qu’elle donne le jour à ses deux enfants. {d} Le premier usage qu’Appollon fait de ses traits est de venger sa mère du serpent Python, dont la peau lui servit à couvrir le trépied prophétique, {e} sur lequel s’asseyait la pythonisse. Furieux de la mort de son fils Esculape, foudroyé par Jupiter, Apollon tue les Cyclopes qui avaient forgé la foudre dont le maître des dieux avait frappé son fils. {f} Chassé du ciel en punition de cet attentat, il se réfugie chez Admète, roi de Thessalie, dont il garde les troupeaux, ce qui le fit depuis honorer comme dieu des bergers. Du service d’Admète, il passe à celui de Laomédon {g} et s’occupe avec Neptune à bâtir les murailles de Troie, travaux dont les immortels architectes ne reçurent aucun salaire. L’exil et les malheurs d’Apollon fléchissent enfin Jupiter, qui le rappelle dans l’Olympe et le charge du soin de répandre la lumière. Dieu de la poésie, de la musique, de l’éloquence, de la médecine, des augures et des arts, il présidait au concert des Muses et tantôt habitait avec elles les monts Parnasse, Hélicon, Piérius, tantôt prêtait un nouveau charme aux festins des dieux par les accords harmonieux de sa lyre. »
- « Phébus, le même qu’Apollon, allusion à la lumière du Soleil et à sa chaleur qui donne la vie à toutes choses. Quand Ovide parle de l’un et de l’autre Phébus, utroque Phœbo, cela doit s’entendre du Soleil levant et du Soleil couchant » (ibid.).
- Léto en grec, v. note [34] de Guy Patin éditeur des Opera omnia d’André Du Laurens en 1628.
- Artémis, v. notule {a}, note [16] du Borboniana 5 manuscrit.
- Apollon et Artémis.
- V. note [8], lettre latine de Christiaen Utenbogard, datée du 21 août 1656
- V. note [5], lettre 551.
- Roi de Troie, père de Priam, son successeur au moment de la guerre de Troie (v. note [19], notule {d}, du Grotiana 1).
« Que justice se fasse, dût le monde en périr » : devise de l’empereur germanique Ferdinand ier (1503-1564), dont je n’ai pas su faire remonter la source jusqu’à saint Louis (Louis ix, 1214-1270).
Guy Patin complétait ce qu’il savait sur le meurtre du banquier Jean Grimod par le dénommé Florin : v. l’avant-dernier paragraphe de sa précédente lettre à André Falconet et la note [20] infra.
« tous les hommes de bien se réjouissent, Dieu fasse que ce soit vrai, pour que ce que disent les Saintes Écritures s’accomplisse » : Nil inultum remanebit [Rien ne restera impuni] (3e vers du 6e verset du Dies iræ).
La charge de lieutenant civil du Châtelet était vacante depuis la mort d’Antoine Dreux d’Aubray, le 17 juin 1670 (v. note [3], lettre 987), et n’allait être pourvue que le 4 septembre 1671 avec la nomination de Jean Le Camus. Sans doute Guy Patin voulait-il parler, ou ses premiers éditeurs lui ont-ils fait parler, du lieutenant criminel, Jacques Defita. Quoi qu’il en soit, il a lui-même corrigé l’erreur plus loin dans sa lettre.
« sous une verge de fer ». V. note [4], lettre 100, pour l’Histoire de Mathieu de Mourgues, sieur de Saint-Germain, qui est restée inédite. Elle portait sur le règne de Louis xiii, et dénonçait la politique et les procédés de Richelieu.
Après avoir pris Meaux le 2 mai 1422, Henri v, roi d’Angleterre (v. note [4], lettre 980), décéda à Vincennes le 31 août suivant, victime d’une dysenterie qu’il aurait contractée lors de ce siège. Ce trépas inopiné le privait de la Couronne de France dont il aurait dû hériter de son beau-père, Charles vi, mort deux mois après lui. Certains ne manquèrent pas d’attribuer au poison ce dénouement heureux pour le trône de France.
V. note [16], lettre 925, pour Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans.
Frère de Louis xi, Charles de France, duc de Guyenne, mourut le 24 mai 1472 âgé de 25 ans, rongé par la tuberculose et, dit-on, la vérole (pour autant qu’elle eût sévi en Europe avant la toute fin du xve s.). Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire (v. note [5], lettre 869), dont il était le pantin, cria à l’assassinat « par poison, maléfices, sorcelleries et invocations diaboliques », et rompit la trêve qu’il avait conclue avec le roi de France.
Charles viii (1470-1498), roi de France en 1483, était le fils unique de Louis xi et de Charlotte de Savoie, mais on a dit qu’il y avait eu substitution d’enfant : à la place d’une fille mourante, on aurait mis le fils d’une maîtresse de Louis xi, ou celui d’un boulanger.
Son règne a surtout été marqué par son mariage avec Anne de Bretagne en 1491 et pour sa tentative malheureuse de reconquérit le royaume de Naples, qui marqua le début des onze guerres qui opposèrent la France à l’Italie (1494-1559), avec l’éclosion de la première épidémie de syphilis (v. note [20], lettre 211).
François ier est mort au château de Rambouillet le 31 mars 1547, âgé de 52 ans, en conséquence d’un abcès du périnée avec fistule vésicale.
V. notes :
V. notes [13], lettre 113, pour la conjuration d’Amboise (mars 1560), et [30], lettre 211, pour le massacre de la Saint-Barthélemy (août 1572).
Charles ix, petit-fils de François ier, mourut le 30 mai 1574, âgé de 23 ans, après avoir craché du sang pendant plusieurs mois. L’autopsie constata une abcédation du poumon gauche (v. note [1] du Borboniana 7 manuscrit), ce qui écarta résolument les soupçons d’empoisonnement (qu’Alexandre Dumas a hardiment exploités trois siècles plus tard dans La Reine Margot).V. notes :
Diane Henriette de Budos (1629-1670) était la première épouse de Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon. Il se remaria avec Charlotte de l’Aubespine pour engendrer, en 1675, Louis, le célèbre mémorialiste.
Quatrième chambre est une locution aussi obscure que l’endroit qu’elle peut désigner, sans doute une arrière-salle d’auberge, à laquelle on accédait après avoir franchi quatre portes. V. supra note [9] pour le meurtre du banquier lyonnais Jean Grimod.
Abraham de Wicquefort (v. note [19], lettre 402) en a parlé dans L’Ambassadeur et ses fonctions… (Amsterdam, Jan Jansson van Waesberge, 1730, tome i, livre i, section xix, page 254) :
« En < décembre de > l’an 1670, arriva à Paris un ambassadeur du roi d’Ardes {a} en Guinée. Il s’appelait Matthieu Lopès, et était âgé de 72 ans ; mais en cet âge, il ne laissait pas de se faire accompagner de trois femmes dont il avait autant de fils, et il était d’ailleurs < autrement > assez bien suivi. Lorsqu’il fit son entrée à Paris, il était dans un carrosse à six chevaux, ses femmes étaient dans un autre, et ces deux carrosses étaient suivis de ceux du roi, de la reine et des princes. Il faisait marcher à la tête de son carrosse douze Nègres, dont le capitaine sonnait du cor au lieu de trompette. Il fit habiller ses femmes et ses fils à la française, et les faisait manger en public. Il était logé à l’hôtel de Luynes et traité aux dépens du roi. La Compagnie des Indes Occidentales, qui ne se promettait pas des avantages médiocres de cette ambassade, fit faire des vestes de brocard d’or pour l’audience. {b} L’ambassadeur, en s’approchant du roi, le salua à la mode de son pays, en se couchant le ventre à terre. Il offrit au roi l’accès et l’entrée de tous les ports et havres du royaume d’Ardes ; de sorte que les Français se flattaient fort de l’espérance du riche commerce de cette côte, et croyaient posséder déjà tout l’or et tout l’ivoire du pays ; mais on n’en a point ouï parler depuis. Les singes de ces pays-là passent en malice et en infidélité ceux des Indes et de tous les autres quartiers du monde. » {c}
- Précurseur du Dahomey, le royaume d’Allada était centré sur la ville d’Abomey (actuel Bénin).
- Louis xiv accorda son audience à Mathéo Lopès le 19 décembre à Paris.
- Lopez repartir en Afrique à la mi-janvier 1671. Cette ambassade a amorcé la traite négrière française.
Diane Gabrielle Damas de Thiange (1656-1717) était la fille de Gabrielle de Rochechouart, marquise de Thiange et sœur de Mme de Montespan. La jeune fille allait épouser Philippe-Julien Mancini, duc de Nevers.
« qui la renvoya malgré lui, malgré elle » ; Suétone, Vie de Titus, livre xi de la Vie des douze César, chapitre vii :
Berenicen statim ab urbe dimisit, invitus, invitam.
[Il {a} renvoya Bérénice {b} malgré lui et malgré elle].
- Titus, qui a régné sur l’Empire romain de 79 à 81.
- Bérénice (née en l’an 28 ou 29 de notre ère) était la fille du roi de Judée, Hérode Agrippa ier.
« adepte des rites judaïques ».
Sa Bérénice vaut à Jean Racine (La Ferté-Million 1639-Paris 1699) cette unique mention anonyme dans notre édition. La pièce avait été jouée pour la première fois le 21 novembre 1670 à l’hôtel de Bourgogne (v. note [46], lettre 516), et Tite et Bérénice de Pierre Corneille, le 28 du même mois au théâtre du Palais-Royal. Le thème fut peut-être inspiré en partie par l’amour impossible de Louis xiv pour sa belle-sœur, Madame la duchesse d’Orléans, qui venait juste de mourir.
Joannis Labardæi Matrolarum ad Sequanam Marchionis, Regis ad Helvetios et Rhætos extra ordinem Legati, de Rebus Gallicis historiarum libri decem, ab anno 1643. ad annum 1652.
[Dix livres d’histoires sur les Affaires françaises, de l’an 1643 à l’an 1652, par Jean de La Barde, marquis de Marolles-sur-Seine, {a} ambassadeur du roi auprès des Suisses et des Grisons]. {b}
- V. note [7], lettre de Charles Spon, datée du 20 mars 1657 pour La Barde, dont le marquisait était à Marolles-sur-Seine, en Brie (Seine-et-Marne).
- Paris, Denis Thierry, 1671, in‑4o de 780 pages.
Jacques-Charles Amelot, marquis de Mauregard, fils aîné de Jacques (v. note [12], lettre 193), exerçait effectivement la charge de premier président de la Cour des aides depuis le 28 février 1668 (charge dont son père lui avait accordé la survivance en 1656). Il ne mourut (sans alliance) que quelques semaines plus tard, le 6 janvier 1671, selon Popoff (no 426).