L. 490.  >
À Hugues II de Salins,
le 14 septembre 1657

Monsieur, [a][1]

J’ai reçu la vôtre des mains de monsieur votre beau-frère, qui est un fort honnête homme. Je vous remercie du souvenir que vous avez de moi. Je ne manquerai point de vous acheter les deux livres que vous me demandez quand ils se rencontreront. Je vous envoie deux thèses [2][3] auxquelles a présidé mon fils aîné. [1][4] Il y a bien ici de la petite vérole, [5] où le grand remède est de saigner [6] au plus vite, ante, inter et post eruptionem, ut subtrahatur materia tot pustularum[2][7] La décoction de lentilles [8] n’y vaut rien, c’est une erreur populaire qui vient des Arabes [9] avec plusieurs autres. Si on leur étuvait le visage avec une décoction de grains de lin et de fenugrec [10] tiède, cela y servirait davantage ad rarefactionem cutis et aperiendos meatus[3] Je me sers en ce cas-là ordinairement d’eau tiède de rivière ; personne ne se sert ici de décoction de lentilles, c’est un pur abus, en ce cas-là elle est astringente ; [11] vide Sennertum in Instit. lib. 4, part. i, cap. 3. De nido hirundinum in angina idem censeas velim : tibi dictum puta illud Poetæ : [12][13][14]

Si sapis, ignotum noli præponere notis :
Cognita iudicio constant, incognita casu
[4]

In anginioso affectu cito secanda venit utraque basilica, et postea veniendum ad iugularium sectionem : et hæc omnia intra biduum, ne tertio die suffocantur ægri. In tam præcipiti affectu nidus hirundinum et alia eiusmodi, sunt empiricorum nugæ bullatæ, quas vir bonus debet aspernari, et alto supercilio negligere. In vomitu sanguinis copioso, etc. [5][15][16][17] Il faut saigner hardiment des deux bras, si vires ferunt, et ea arte sunt deplenda maiora vasa ; imminuta plethora, ad revulsionem[6][18] on peut saigner du pied, et non autrement, nec unquam initio morbi. In morbis chronicis licet sensim declinare et ascendere ad validiora, suntque sæpius immutanda, ne tandem lenioribus assuescat natura[7]

Ce qu’a fait M. de Primerose [19] est passablement bon, mais le meilleur de tous est son livre de vulgi erroribus in medicina qui a déjà été plusieurs fois imprimé. J’apprends aussi qu’il a fait de morbis mulierum, que je n’ai point encore vu. [8] Il fait la médecine en une certaine ville septentrionale d’Angleterre. Son père [20] était un ministre de Bordeaux que le roi Jacques vi [21][22] appela vers soi à Londres pour l’Église française. Il haïssait fort les moines et a fait contre eux un ouvrage intitulé le Vœu de Jacob en quatre tomes in‑8o que j’ai vus autrefois. [9][23] In præfocatione hysterica movetur uterus in proprio loco, sed non extra illum : vide Riolanum in Anthropographia[10][24][25]

On dit ici que le roi [26] s’en va à Metz. [27][28] Le cardinal Antoine [29] s’en est allé à Rome ubi nutat valetudo Iovis Capitolini[11][30] et c’est la vraie cause pour laquelle il s’en retourne, quoi qu’on en allègue d’autres. La peste [31] est cruelle à Gênes [32] et < il y a > grande assemblée à Francfort [33] pour l’élection de l’empereur. [34]

Je vous baise les mains, à mademoiselle votre femme, à monsieur votre père et à monsieur votre frère, et à toute la famille.

Le Varandæus [35] est tout nouvellement achevé à Lyon. Je ne l’ai point encore vu in‑fo, mais je puis vous assurer qu’il a été un grand personnage. Mandez-le hardiment à Lyon, il se vend chez M. Fourmy. On y commence l’édition de toutes les œuvres de Io. Heurnius [36] in‑fo, ce sera un bon livre. [12]

Ce même M. Fourmy a aussi imprimé les Mémoires de Gaspard de Saulx, maréchal de Tavannes, [37] grand seigneur de votre province de Bourgogne. Ce sont des mémoires qu’il a écrits lui-même depuis le temps de François ier [38] et Henri ii[39] jusqu’à la mort du roi Charles ; [13][40] il y a là-dedans d’assez étranges choses qu’il fait bon voir et savoir.

On a ici condamné à la Tournelle [41] un prêtre d’Auxerre [42] à être brûlé pour avoir débauché et engrossé des religieuses dont il était le confesseur. [43]

Les œuvres de feu M. Gassendi [44] seront achevées à Lyon, en six tomes in‑fo, au commencement de l’an prochain. Nanteuil, [45] excellent graveur, travaille ici à faire son portrait en taille-douce qui y sera mis ; la planche que Nanteuil doit rendre coûtera 100 écus, le marché en est fait, j’en ai été un des stipulants. [14]

Ceux de Rotterdam [46] en Hollande ont délibéré de faire une nouvelle édition de toutes les œuvres d’Érasme [47] pour honorer la mémoire de celui qui a tant fait d’honneur à leur ville par sa naissance, son bon esprit et son érudition singulière ; cette nouvelle édition se fera aux dépens de leur ville. Voilà une nouvelle qui me réjouit et qui me fait croire qu’il y a encore de l’honneur et de la vertu au monde. Le collège des cardinaux n’en oserait tant faire pour Frideric, cardinal Borromée, [48] qui a mieux valu que le saint (j’entends saint Charles [49] son oncle) et qui a laissé de beaux ouvrages. [15]

Ce 11e de septembre. Hier lundi, fut pendu [50] et brûlé un prêtre breton nommé Jean Coiraut, [51] pour avoir débauché, engrossé et enlevé une religieuse d’Auxerre. Il avait été secrétaire et aumônier de M. l’évêque d’Auxerre, [52][53] c’est lui qui a été sa partie et qui l’a poursuivi jusqu’à la mort. La religieuse est fille d’un procureur d’Auxerre, elle est condamnée le reste de ses jours à demeurer dans les Madelonnettes. [16][54] Ô saint et sacré célibat, [55] que tu damnes de prêtres et que tu fais de cocus ! Cette religieuse est grosse, n’avez<-vous > point peur que l’Antéchrist [56] ne naisse ex tali concubitu [17] d’un prêtre et d’une vestale ? hac præsertim tempestate qua dominantur impietas et improbitas, cum manifesta sæculi impunitate[18]

M. Servien, [57] surintendant des finances, est aujourd’hui parti d’ici pour se rendre à Metz près du roi. Il mène quant et soi grand train pour paraître ; on croit que c’est pour être envoyé à Francfort, touchant l’élection de l’empereur, d’autant qu’il est fort habile homme dans les négociations étrangères et qu’il a autrefois été à Münster [58] où par ses subtilités, il empêcha la paix générale. M. Le Tellier, [59] secrétaire d’État, est retourné en cour avec M. Servien ; il était ici venu pour son fils [60][61] qui était malade de la petite vérole et qui en est guéri après douze saignées. [19][62] On dit aussi que le nonce du pape [63] et l’ambassadeur de Venise [64] s’en vont en cour pour présenter au roi des articles de pacification, si on y veut entendre, quod non puto futurum[20]

Le prêtre breton qui fut ici pendu et brûlé il n’y a que quatre jours, après avoir enlevé cette religieuse, s’en vint demeurer à Paris, logé en chambre garnie avec elle ; mais ne sachant de quel bois faire flèche, il s’avisa de se dire médecin de Montpellier [65] et chimiste ; [66][67] il faisait donner des billets dans lesquels il promettait la guérison de toute sorte de maladies. Il vendit des pilules [68] à un épileptique [69] que je connais, lui promettant entière guérison, moyennant 6 pistoles que cet homme lui avança ; ab assumpta prima dosi pilularum, cum pessime cessisset ægro[21] il n’en voulut pas prendre davantage et mit le charlatan en procès pour ravoir son argent. Comme ils furent en train de plaider, ce malade découvrit quelque chose de lui et se rendit son accusateur ; il eut des mémoires d’Auxerre d’où l’évêque même fit intervenir son promoteur, [22] à la poursuite duquel son procès lui a été fait. On fit venir en témoignage des religieuses d’Auxerre qui l’ont fort chargé. Il s’appelait Jean Coiraut, mais il avait changé de nom par plusieurs fois. Voilà la métamorphose d’un prêtre en chimiste, quod non capit Christus, rapit fiscus[23][70] Il court ici un bruit de la mort du pape, [71] qui est le premier alchimiste du monde : il change le plomb en or. On imprime en Hollande un nouveau livre de feu M. Vossius, [72] de Philosophia et philosophorum sectis[24] On imprime en Angleterre, un nouveau Aristote grec-latin. [73] Vale et me ama.

Tuus ex animo, Guido Patin[25]

Ce 14e de septembre 1657.


a.

Ms BnF no 9357, fos 262‑263, « À Monsieur/ Monsieur de Salins le puîné,/ Docteur en médecine,/ À Beaune » ; Chéreau no xiii (pages 26‑27).

1.

V. note [1], lettre 471, pour les deux thèses, quodlibétaire et cardinale, présidées par Robert Patin depuis le début de l’année 1657.

2.

« avant, pendant et après l’éruption, pour soustraire toute la matière des pustules. »

Une pustule est une petite tuméfaction cutanée qui suppure au sommet. C’est, entre autres, la lésion élémentaire de la variole (petite vérole).

3.

« pour la dilatation de la peau et l’ouverture des méats » : pour favoriser l’ouverture des pores de la peau et laisser s’échapper le contenu malfaisant des pustules varioleuses. Rarefactio est ici un néolatinisme scientifique pour désigner la raréfaction qui désignait alors la dilatation provoquée par la chaleur.

Le fenugrec est une « herbe qu’on appelle du senegré, en latin fenugræcum » {a} (Furetière). « La farine de ces semences […] est employée en médecine dans les cataplasmes maturatifs et résolutifs, pour ramollir, pour digérer, pour mûrir. {b} On en met dans les cataplasmes et dans les clystères ramollissants ; on en tire aussi un mucilage dont on se sert dans l’inflammation des yeux {c} et en plusieurs autres occasions » (Trévoux).


  1. Foin grec.

  2. Les vésicatoires de moutarde (v. note [45] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii) ressortissaient au même principe.

  3. Ophtalmie, v. note [10], lettre 271.

4.

« voyez Sennert dans les Institutions médicales, au chapitre 3 de la 1re partie du livre 3. {a} Je désirerais que vous ayez le même avis sur le nid d’hirondelle {b} dans l’angine. {c} Méditez sur ces vers du poète : “ Si tu as du bon sens, alors refuse de préférer l’inconnu aux choses connues. Le connu se fonde sur le jugement et l’inconnu sur la conjecture ” ». {d}


  1. Le chapitre iii de la partie i (De Rebus ad sanitatem tuendam necessariis [Les Choses nécessaires à la préservation de la santé]) du livre iv (De Hygiene [Hygiène]) des Institutiones Medicinæ de Sennert (publiées pour la première fois en 1611, v. note [21], lettre 6), s’intitule De Cibo [La Nourriture] (Sennerti Operum tomus prior [tome premier des Œuvres de Sennert], Lyon, 1650, page 580, colonne de droite, en regard de la mention marginale Lentes) :

    Lentes tandem fere pessimi cibi sunt, frigidæ et siccæ, crassi, malique et vitiosi succi, ac difficilis coctionis : caput crassis vaporibus replent, oculis nocent. Sanguinem crassum efficiunt, et inprimis melancholicis noxiæ sunt : menses et urinas sistunt. Atque hæc illorum malitia vix ulla arte corrigi potest.

    [Enfin, les lentilles sont presque la pire des nourritures : froides et sèches, elles produisent des sucs épais, mauvais et corrompus, et de digestion difficile ; elles emplissent la tête de vapeurs épaisses et sont néfastes pour les yeux. Elles font un sang épais et sont surtout nuisibles aux mélancoliques ; elles arrêtent les règles et l’urine. Mais aucune ressource de l’art ne peut corriger leur malignité].

    Suit un long développement contre l’emploi des lentilles dans le traitement de la variole et de la rougeole. Le tout est strictement conforme à ce qu’en a ultérieurement (1632) écrit Guy Patin dans son Traité de la Conservation de santé (v. note [31] de son chapitre ii), mais sans citer sa source.

  2. Nid d’hirondelle (Panckoucke, 1819) :

    « Mélange de plusieurs espèces de terre, mais surtout d’alumine, avec lequel les hirondelles bâtissent des nids sous les abris de nos maisons, dans les cheminées, etc. On a attribué à ces nids la propriété d’être résolutifs étant appliqués sur des tumeus inflammatoires. L’alumine qui y prédomine peut, à toute force, les rendre un peu résolutifs des tumeurs insensibles ; mais il est certain qu’ils seraient nuisibles sur des parties enflammées, ne fût-ce que par leur poids et leur dureté ; ils sont inusités aujourd’hui dans la saine médecine. »

  3. Angine (angere, « étrangler » en latin) est ici à comprendre comme une laryngite aiguë (esquinancie), maladie de la gorge qui rétrécit le larynx et le pharynx, et empêche d’avaler ; et non pas comme l’angine de poitrine, affection d’origine cardiaque qui est réputée n’avoir été reconnue qu’au xviiie s.

  4. Dionysius Cato (Distiques moraux, livre i, 32) :

    Ignotum tibi tu noli præponere notis ;
    cognita iudicio constant, incognita casu
    .


5.

« Dans l’angine, la nécessité de saigner des deux veines basiliques {a} se présente vite et on doit en venir ensuite à la saignée des jugulaires ; et tout cela dans les deux jours pour que les malades ne suffoquent pas le troisième. Dans une maladie si violente, le nid d’hirondelles et autres choses de ce genre ne sont que bagatelles bullées {b} des empiriques, qu’un homme de bien doit repousser et ignorer d’un haussement de sourcil. Dans le vomissement abondant de sang, etc. »


  1. L’hépatique au bras droit et la splénique au bras gauche, v. note [3], lettre 144.

  2. Avérées, à la manière dont une bulle est authentifiée par un sceau.

6.

« si les forces {a} le supportent et de manière à vider les grands vaisseaux ; quand la pléthore {b} a diminué, en vue de la révulsion ». {c}


  1. Du malade.

  2. V. note [8], lettre 5.

  3. V. note [8], lettre 673.

7.

« ni jamais au début de la maladie. Dans les affections chroniques, il est permis de diminuer le traitement peu à peu puis de l’augmenter en se tournant vers remèdes vigoureux ; et il en est qu’il faut changer très souvent pour éviter que la nature ne finisse par s’habituer aux remèdes doux » : je ne suis pas certain d’avoir bien compris et traduit ce que voulait dire Guy Patin.

8.

V. note [41], lettre 104, pour James Primerose et son traité de « sur les erreurs du peuple en médecine » (première édition à Amsterdam, 1639). Guy Patin attendait les :

Jac. Primerosii Doctoris Medici de Mulierum morbis et symptomatis Libri quinque. In quibus plurimi tum veterum, tum recentiorum errores breviter indicantur et explicantur. Cum duplici tam Capitum quam rerum et Verborum Indice.

[Cinq livres de James Primerose, docteur en médecine, sur les symptômes et les maladies des femmes, où sont indiquées et expliquées de très nombreuses erreurs, tant des anciens que des modernes. Avec un index des chapitres, ainsi que des matières et des mots]. {a}


  1. Rotterdam, Arnold Leers, 1655, in‑4o de 390 pages.

9.

Le Vœu de Jacob {a} opposé aux vœux des moines. Par Gilbert Primerose ministre de la parole de Dieu en l’Église de Bordeaux. {b}
Pasume cxxxix. 21. Éternel, n’aurai-je point en haine ceux qui te haïssent ? et ne serai-je point dépité contre ceux qui s’élèvent contre toi. 22. Je les ai haïs d’une parfaite haine, ils m’ont été pour ennemis
. {c}


  1. Vœu exprimé par Jacob (v. note [38] du Grotiana 1) dans la Genèse (28:20) :

    « Si Dieu est avec moi et me garde en la route par où je vais, s’il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, si je reviens sain et sauf chez mon père, alors Yahvé sera mon Dieu et cette pierre que j’ai dressée comme une stèle sera une maison de Dieu, et de tout ce que tu me donneras, je te paierai fidèlement la dîme. »

  2. Gilbert Primerose, prélat britannique (Perthshise, Écosse vers 1580-Londres 1643), père de Jacques (v. supra note [8]), exerça les fonctions du ministère évangélique (calviniste) dans plusieurs Églises françaises : à Mirambeau en Aquitaine (Charente Maritime), en 1601, puis à Bordeaux. L’Église d’Édimbourg le rappela, mais sur l’invitation pressante du synode de La Rochelle, Primerose consentit à rester en France où il faisait beaucoup de bien et jouissait d’une grande considération ; mais en 1621, le gouvernement de Louis xiii le bannit de Bordeaux, et du royaume deux ans après. Réfugié à Londres, y devint pasteur de l’Église française, chapelain de Jacques ier, roi de Grande-Bretagne (d’abord roi d’Écosse sous le nom de Jacques vi, v. note [17], lettre 287).

  3. Bergerac, 1610, Gilbert Vernoy, en deux volumes in‑4o, totalisant 864 pages :

    1. tome premier, dédié à Jacques Nompar de Caumont de La Force (v. note [45], lettre 226) ;

    2. tome second, dédié à Claude de Gontault de Biron, fille du maréchal de Biron (v. note [15], lettre 551).

10.

« Dans la passion hystérique, l’utérus est mis en mouvement dans l’emplacement qui lui est propre, mais sans en sortir ; voyez Riolan dans l’Anthropographie. »

La passion (strangulation, ou suffocation) hystérique était le « sentiment de suffocation ou d’étranglement qui est un des caractères de l’hystérie [v. note [14], lettre 97] » (Nysten).

Blancardus (tome 1, page 463) :

Hysterica Passio, dicitur et Suffocatio hypochondriaca, uterina, uteri ascensus etc. est motus convulsivus, in quo respiratio valde læsa et imminuta est, cum sensu ac si fauces nod stringeretur, vel bolus ab inferioribus in eas insurgeret, hisce accedit Anxietas, et quasi animi deliquium, sæpe cum lapsu corporis in terram, absque tamen convulsivis motibus artuum, nisi Epilepsia quoque adfuerit. Jam viri perinde ac fæminæ hos morbo, ses hæ frequenter, illi rarissime laborant : hæ de murmure ventris, de globo ascendente et in latere subsistente, aut in fauces evolante conqueruntur. Porro Paroxysmus gravior est vel levior, nonnunquam habet periodes suas ; cum solvitur paroxysmus, lassitudo, pallor aut æstus in facie cum rubore genarum, capitis, artuumque dolor, languor virium, cordis palpitatio, pigritia, ructus, suspiria, anhelatio, ciborum fastidium, nausea, etc. accidere solent. In paroxysmo sæpe vociferantur, aut, ranarum instar coaxant, vel rident, vel lachrymantur. Denique paroxysmum antecedunt Oscitatio, Pandiculatio, Imbecillitas, Tristitia, Terror, Ira, Amor, Odor rerum suavium, a quibus momento citius sæpe excitatur hoc malum, uti a fætidis lenitur.

[La Passion hystérique, qu’on appelle aussi Suffocation hypocondriaque ou utérine, remontée de matrice, etc., {a} est un mouvement convulsif où la respiration est profondément altérée et diminuée, avec l’impression que la gorge est serrée par un nœud ou qu’une boule y est montée depuis les parties inférieures, d’où provient une angoisse, et comme une absence de sens, souvent avec une chute du corps au sol ; mais toutefois, sans mouvements convulsifs des membres si une épilepsie ne s’y associe pas. La maladie frappe de la même manière les hommes et les femmes, mais elle est très rare chez eux et fréquente chez elles : elles se plaignent d’un rugissement du ventre, d’une boule ascendante, qui s’arrête dans le flanc ou monte jusqu’à la gorge. Le paroxysme qui survient ensuite est plus ou moins violent ; parfois il évolue par vagues successives. Tandis que le paroxysme se résout, il est habituel d’observer une lassitude, une pâleur ou, au contraire, un échauffement du visage, avec rougeur des joues, de la tête, une douleur des membres, une langueur des forces, une palpitation du cœur, {b} une lassitude, des rots, des soupirs, une gêne respiratoire, un dégoût de la nourriture, des nausées, etc. Souvent, durant le paroxysme, elles poussent des cris ou coassent comme des grenouilles, rient ou pleurent. Bâillement, besoin de s’allonger, faiblesse, tristesse, frayeur, colère, pusion amoureuse, perception d’odeurs agréables précèdent le paroxysme et sont autant de prodromes annonçant l’imminence de ce mal, bien que les odeurs fétides l’atténuent].


  1. Les dénominations françaises, données en fin d’article sont : « vapeurs, suffocation de la matrice, affection hystérique ».

  2. V. note [5] de l’Observation viii de Guy Patin et Charles Guillemeau.

Guy Patin renvoyait ici à la page 184 du chapitre xxxv (Partium genitalium mulieris Enarratio [Description des parties génitales de la femme]), livre ii des Opera anatomica vetera… de Jean ii Riolan : {a}

Cum igitur Uterus sit in suo situ firmiter alligatus, non est verisimile in præfocationibus hystericis ad Umbilicum ascendere. Crederem potius motum illum oberrantis et convoluti corporis, quod hystericæ mulieres sentiunt circa Umbilicalem regionem, proficisci non ab Utero ad eas partes elato, sed a  Testibus, et Tuba Uteri. Quum enim Testes sint penduli, et corpus Tubæ fistulosum, laxum et vagum, simul volutari possunt per Hypogastrium, et tracta ad Umbilicum vique assurgere, cum semine putri trugescunt, cuius orgasmo et impetu, huc et illuc violenter agitantur. Nam Uterus etiam vi magna superne tractus, vix supra Os sacrum efferri potest : quippe præter quatuor ligamenta quibus firmiter adstringitur, etiam recto Intestino, et pudendis partibus externis adnascitur et cohæret. Quas quidem partes, nempe pudendum et podicem dolorifice retrahi et convelli opporteret, si ad Umbilicum usque Uterus ascenderet.

Præterea dubitari potest, An Uterus sponte aut vi ad Hepar assurgat ? Si sponte, non potest motu proprio eo ferri : si superne vi quadam rapiatur, necessum est partibus superioribus adesse convulsionem, non Utero, qui tum a supernis partibus attrahitur ratione nervorum : tumque Cerebrum ipsum convulsionem parietur : Nam raro convulsiones adsunt in hystericis affectibus. Eleganter Valesius, comment. ad particulam illam lib. 7. Epidem. plurimas Uteri affectiones status faciunt, signum sunt ructus et strepitus circa ventrem et lumborum tumores et dolores circa renes, et coxas. Probat etiam Uterum non moveri sua sede, neque aberrare in hypogatrio : propterea dum flatu vasa spermatica, locorum muliebrium venæ et arteriæ hypogastricæ turgescunt et distenduntur, vapor seu flatulentus spiritus per venam causam sensum convulsionis inferet Hepati, permetque diaphragma : si ulterius feratur, et ascendat ad pulmones, præfocationem pariet, et fauces strangulabit, si Thymus Venæ cavæ subiectus intumuerit : si Iugulares effundatur, collum intumescet, et attonitæ reddentur feminæ.

[Puisque donc la matrice est fermement attachée en sa place, il y a fort peu d’apparence qu’au cours des suffocations hystériques elle monte jusqu’au nombril. Et je croirais volontiers que les mouvements que les femmes hystériques ressentent autour du nombril ne sont pas des secousses de la matrice elle-même, mais des ovaires et de la trompe : ceux-là sont suspendus, et celle-ci creuse en sa partie intérieure, abaissée et flotte de tous côtés sans attache ; ils pourront donc fort aisément être diversement agités de toutes parts dans le fond du ventre, ou même monter jusqu’au nombril lorsqu’ils sont pleins de semence corrompue, dont la poussée les jette çà et là avec violence. De fait, quelque vigueur qu’on mette à la tirer, la matrice ne passe presque jamais le haut de l’os sacrum, car quatre ligaments la tiennent fermement en place, ainsi que le boyau droit et tout le reste des parties honteuses. {b} Et il faudrait que les parties que sont l’anus et la vulve eussent à souffrir de violentes tractions si la matrice était poussée jusqu’à l’ombilic.

En allant plus loin, on peut se demander si la matrice est capable de monter d’elle-même vers le foie, ou d’y être attirée par quelque autre force. Si elle y va d’elle-même, ce n’est pas de son propre mouvement ; si quelque activité des nerfs l’y attire, il faut que les parties supérieures de l’abdomen, et non pas elle-même, soient en un état de convulsion qui devrait se propager jusque dans le cerveau ; mais cela n’arrive presque jamais car les convulsions sont extrêmement rares dans les affections hystériques. En son commentaire sur le passage du livre vii des Épidémies où il est dit que les vents suscitent beaucoup de maux dans la matrice, et s’y font connaître autant par des rots importuns et des rugissements continuels du ventre que par des gonflements des lombes, et des douleurs des reins et des cuisses, Vallesius {c} a fort bien montré que la matrice ne change pas de place et qu’il est donc faux qu’elle flotte çà et là dans le fond du ventre. C’est pourquoi, lorsque les veines et artères des parties des femmes viennent à se remplir de vents, il en émane aussitôt des fumées qui s’emparent de la veine cave et, de là, vont gagner le foie à qui elles donnent des atteintes de convulsion, en le contraignent à presser le diaphragme. Quand elles passent outre, elles montent jusque dans le poumon, causant des suffocations ; et au pire, elles étranglent misérablement les malades lorsqu’elles remplissent le thymus, qui est attaché à la veine cave. {d} Si elles se saisissent des veines jugulaires, alors le cou enfle et les femmes en deviennent étourdies]. {e}


  1. « Ouvrages anatomiques anciens… » de Riolan, avec la réédition de son Anthropographie, Paris, 1649, v. note [25], lettre 146.

  2. Le rectum, le plancher pelvien et ses deux orifices ; l’utérus est attaché aux parois du bassin par les deux ligaments larges et les deux ligaments ronds.

  3. V. notes [6], lettre 245, et [17], lettre 280, pour les commentaires de Franciscus Vallesius (Francisco Valles) sur les Épidémies d’Hippocrate.

  4. Le thymus est une glande située à la base du cou, sous la thyroïde, et qui descend dans le haut du médiastin (milieu de la cavité thoracique), devant la jonction des troncs veineux qui forment la veine cave supérieure. On ignorait alors tout de son rôle dans le développement de l’immunité au cours de l’enfance, suivi de son involution à l’âge adulte.

  5. Ma traduction s’est inspirée de celle qu’a donnée Pierre Constant (Paris, 1629, v. note [8], lettre 307 ; pages 425‑426), que j’ai simplifiée et modernisée.

On n’imagine plus aujourd’hui de tels remuements des organes dans la cavité abdominale, mais le syndrome d’hystérie y a longtemps été rattaché, sur l’autorité d’Hippocrate : les doutes de Riolan et de Vallesius étaient parfaitement fondés. V. note [2] du Traité de la Conservation de santé, chapitre viii , pour l’avis de Galien sur l’hystérie et des détails complémentaires sur sa pathologie.

11.

« où la santé du Jupiter capitolin [le pape] vacille ».

12.

V. note [12], lettre 446.

13.

Charles ix de Valois a régné de 1560 à 1574. V. note [5], lettre 467, pour les mémoires du maréchal de Tavannes.

14.

Robert Nanteuil (Reims 1623-Paris 1678) avait fait ses études chez les jésuites de Reims qui, pas plus que ses parents, n’avaient apprécié son talent artistique naissant. Réfugié chez les bénédictins, le jeune homme avait pu laisser libre cours à son goût pour le dessin, qu’il mit au service du portrait gravé. Installé à Paris depuis 1647, Nanteuil y jouissait d’une immense réputation. Chaque célébrité de la cour et de la ville le payait fort cher pour se faire immortaliser par lui, mais il n’a pas ainsi envoyé à la postérité que des hommes célèbres (G.D.U. xixe s.) ; ce qui a donné lieu à la boutade de Nicolas Boileau-Despréaux (Art poétique, chant ii) :

« Souvent, l’auteur altier de quelque chansonnette
Au même instant prend droit de se croire poète :
Il ne dormira plus qu’il n’ait fait un sonnet ;
Il met tous les matins six impromptus {a} au net.
Encore est-ce un miracle, en ses vagues furies,
Si bientôt, imprimant ses sottes rêveries,
Il ne se fait graver au-devant du recueil,
Couronné de lauriers par la main de Nanteuil. »


  1. V. notule {a}, note [53] du Borboniana 7 manuscrit.

15.

Cousin (et non neveu) de saint Charles Borromée (v. note [20], lettre 183), Frédéric Borromée (Frederico Borromeo, 1564-Milan 1631, cardinal en 1587) lui succéda comme cardinal archevêque de Milan en 1595. Il a laissé quelques ouvrages de piété et d’histoire ecclésiastique. Ce cardinal est surtout célèbre pour avoir fondé en 1602, en souvenir de saint Ambroise, la Bibliothèque ambrosienne de Milan (v. note [5], lettre 827), ce qui lui valait sans doute l’admiration de Guy Patin.

16.

Madelonnettes est le nom qu’on donnait aux femmes de mauvaise vie qui étaient détenues, de leur plein gré ou par ordre supérieur, dans un couvent consacré à sainte Madeleine. Ce nom a été porté par plusieurs fondations qui servaient d’asile aux filles repenties. Celui de Paris, situé rue des Fontaines dans le quartier du Temple, avait été inauguré en 1629. Trois classes de filles y séjournaient : la première, la plus nombreuse, comprenait les filles mises en réclusion pour faire pénitence, elles gardaient l’habit séculier ; la seconde se composait de filles éprouvées par la pénitence, on nommait cette classe la congrégation et ses membres portaient l’habit gris ; la troisième classe renfermait les vraies converties, celles qui avaient donné des preuves certaines de retour au bien (G.D.U. xixe s.).

L’évêque d’Auxerre, depuis 1639, était Pierre de Broc, mort le 7 juillet 1671.

17.

« du tel accouplement ».

18.

« surtout à présent que dominent l’impiété et la malhonnêteté, avec l’impunité scandaleuse de ce siècle. » V. note [9], lettre 127, pour l’Antéchrist.

19.

François-Michel, marquis de Louvois, le fils de Michel Le Tellier, secrétaire d’État à la Guerre, allait lui succéder dans cette fonction en 1677 (v. note [5], lettre 728) ; il était alors âgé de 16 ans. Ministre d’État en 1672, il succéda à Colbert en 1683.

20.

« ce que je pense ne pas devoir se produire de sitôt. »

21.

« après une première dose de pilules, comme tout allait beaucoup moins bien pour le malade ».

22.

Promoteur : « celui qui est la partie publique dans une Cour ecclésiastique, en une Assemblée du Clergé, en un concile, en une Chambre des décimes, en une officialité. Il requiert pour l’intérêt public comme le procureur du roi dans les cours laïques » (Furetière).

23.

« ce que prend l’Église [le Christ], le fisc ravit » : emblème d’André Alciat, v. note [5], lettre 198.

24.

Joj. Gerardi Vossii de Philosophia et Philosophorum Sectis libri ii.

[Deux livres de Gerardus Johannes Vossius {a} sur la Philosophie et les Sectes des philosophes]. {b}


  1. V. note [3], lettre 53.

  2. La Haye, Adrianus Vlacq, 1658, in‑4o, édition établie par Isaac Vossius, fils de l’auteur.

25.

« Vale et aimez-moi. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. » je n’ai pas trouvé trace d’un Aristote paru en Angleterre à cette époque.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 14 septembre 1657

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(Consulté le 25/04/2024)

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