[Ms BIU Santé no 2007, fo 102 vo | LAT | IMG]
Au très distingué M. Johann Daniel Horst, à Darmstadt.
Très distingué et affectueux Monsieur, [a][1]
Aussi bien que tout mortel, vous tenez pour absolument certain que la conception ne se fait pas hors de l’utérus. [2] C’est pourquoi ce qu’ont vu les excellents Digby et Pentz, soit était sorti de l’utérus, soit n’était pas un fœtus : [3][4] si cela était sorti de l’utérus, alors il s’agissait d’un fœtus pétrifié, comme divers auteurs en ont observé avant eux ; [5] si cela était sorti d’ailleurs que de l’utérus, alors il ne s’agissait pas d’un fœtus, mais d’un sarcome, de quelque formation, etc. [1][6][7][8] Le fœtus que Riolan a décrit dans une trompe de l’utérus n’était pas hors de l’utérus, et lui-même n’y a pas cru ; mais il l’a pourtant décrit pour ne pas paraître enlever tout crédit à l’homme de la cour qui jurait l’avoir vu. [2][9][10][11] Si la conception se faisait hors de l’utérus, alors la chylose se ferait aussi bien dans l’utérus, l’hématose dans l’estomac, etc. [3][12][13] Puisse pourtant la paix régner en notre sein, afin que chaque petite partie de nos corps s’acquitte de sa fonction et que se dissipe entre vous et moi, ou plutôt loin de nous, cette manière chicaneuse de débattre. Vous louer ne me suffit pas, je vous aime, vous honore et vous vénère comme un homme d’immense érudition, qui appartient vraiment à la race des Horst.
[Ms BIU Santé no 2007, fo 103 ro | LAT | IMG] Dieu veuille que nous voyions un jour les réponses de divers médecins qu’a recueillies M. votre gendre ; je ne doute pas qu’elles seront excellentes, puisqu’elles ont été choisies par un savant homme et surtout rédigées par de doctes personnages, particulièrement en ces temps où nous revenons pour la plupart à de meilleurs procédés et à de plus saines études qu’auparavant. [4][14] M. Pentz n’aura à acheter ni les Opérations de chirurgie en français, [5][15] ni les deux livres de Bourgeois et les deux autres de Pierre Petit, deux desquels chauffent encore sous la presse, [6][16][17], ni deux petits livres qu’on m’a dédiés : [7] c’est moi qui vous les procurerai et vous les enverrai ; je n’exige de vous rien d’autre que d’accepter un petit présent pour témoignage de ma reconnaissance. Cet Aubry [18] est un impur, je dirai même un pur, vrai et franc vaurien, empirique et chimiste famélique, qui gagne sa vie en faisant le maquereau, et non le machaon ; [19][20][21] ivrogne et imposteur, il est digne d’être accablé de la haine générale. Il n’y a pas à s’étonner de l’approbation du roi : nos nomophylax approuvent tout au nom du roi, [8] ayant acquitté les droits accoutumés, mais ne gardant que ce qui est bon pour eux, c’est-à-dire l’argent avec lequel ils conservent ces privilèges. Quant à Borri, il est parti en Hollande, où il ne fera pas de meilleures affaires qu’en Allemagne, car là-bas vivent de très savants hommes qui découvriront sans tarder les fourberies et les artifices de cet Italien. Ses Consilia ne sont pas ce que vous m’enverrez et je vous en saurai gré. [9][22] Je hais les novateurs d’une haine plus que vatinienne, [10][23] s’ils ne se montrent pas honnêtes et n’accomplissent pas ce qu’ils promettent. Je n’ai besoin d’aucune innovation, je ne souffre d’aucune pénurie de médicaments. Si je désirais quelque chose en ce domaine, je demanderais à Dieu tout-puissant que nous ayons en France, ou ici dans nos campagnes, du séné aussi bon et doucement purgatif que celui qui pousse en Arabie. [24] Avec une livre du meilleur séné nouveau, je purgerais plus de malades que la chimie ne peut le faire avec 200 livres de ses purgatifs. [25] Le malheur de notre médecine est pourtant que tant de souffleurs ignorants y accourent, qui n’ont d’autres vœux que de faire rapidement fortune par quantité de fraudes et d’impostures, sous couvert de nouveauté et de diversité des remèdes ; à tel point que notre art très sacré semble parfaitement semblable à cette noire terre d’Homère, qui nourrit quantité d’imposteurs et de charlatans. [11][26] En vérité, je me plains en vain quand il n’y a aucune place pour la reconnaissance des fautes commises, tant cette corruption universelle a poussé de profondes racines dans tous les métiers ; mais après le Mazarin, le pire des vauriens politiques, qui a quitté le monde des vivants, [27] nous viendront peut-être des temps meilleurs et plus doux ; puisse Dieu accomplir cela ! En attendant, vous, très distingué Monsieur, vive, vale et continuez de m’aimer comme vous l’avez fait jusqu’alors, et l’avez prouvé à celui qui n’en est peut-être pas digne, mais qui n’en est pas ingrat à votre égard. Je salue M. votre très distingué gendre et lui offre toute sorte de services. Ayez soin, je vous prie, de remettre rapidement la lettre ci-incluse à M. Sebastian Scheffer, [12][28] médecin de Francfort. Vale, encore et encore, très éminent Monsieur.
De Paris, ce jeudi 16e de juin 1661.
Votre Guy Patin de tout cœur.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a envoyée à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fo 102 vo‑103 ro ; un fragment en a été imprimé dans la Resolutio observationis singularis Mussipontanæ… [Réfutation de l’observation singulière faite à Pont-à-Mousson…] de Lorenz Strauss, gendre d’Horst (Darmstadt, 1661, v. notes [2], lettre 717, et infra note [3]).
Les deux témoignages que mentionnait Guy Patin se lisent au début des Illustrissimorum et Excellentissimorum Virorum Judicia [Avis de très illustres et brillants hommes] de la Resolutio observationis singularis Mussipontanæ… [Réfutation de l’observation singulière faite à Pont-à-Mousson…] de Lorenz Strauss (Darmstadt, 1661, v. note [2], lettre 717). Probablement adressés à Johann Daniel Horst, beau-père de Strauss, ils se complètent l’un l’autre et encadrent celui de Patin sur le même sujet, dont on trouve trois fragments dispersés entre la lettre du 22 octobre 1660 (v. la fin de sa note [4]) et la présente (v. infra note [3]).
Illustrissimus Comes Dn. Kenelmus Digbæus Reg. Angliæ Cancellarius, et Eques. {a}
« Quand je passai par Pont-à-Mousson, frère Barbillat (l’apothicaire des jésuites) {b} m’apporta en mon hôtellerie l’enfant que marque le cas {c} que vous m’avez fait la grâce de m’envoyer, et me fit un narré tout au long du fait. J’ai peine à croire que l’enfant en partie pétrifié puisse être le jumeau de la vieille où il se trouva. {d} Mais aussi de quel {e} côté que je me tourne pour en faire jugement, je trouve des difficultés insupérables. {f} Au moins, celui qui a écrit le cas l’a fait avec beaucoup d’érudition et force d’esprit. Certainement c’est un grand génie qui s’est si bien acquitté d’un affaire si plein de perplexités ; {g} et il l’a fait dans un très beau style, et avec des merveilleuses gentillesses, etc. {h}
Lutetiæ Parisior. 26. Augusti, Anno 1660. » {i}
- « Le très illustre comte Kenelm Digby [v. note [19], lettre 237], chancelier d’Angleterre et chevalier. »
- La BnF conserve une lettre manuscrite du P. Claude Barbillat, jésuite, sur le fœtus de Pont-à-Mousson : Ms‑2890. lxiiie portefeuille de Philibert de La Mare (v. note [3], lettre 393), tome 1er, fol. 60.
V. notes [22], lettre 701, pour l’emprise des jésuites sur l’Université de Pont-à-Mousson, et [16], lettre 901, pour la personnification de ce pouvoir des bons pères sous le nom d’Acignius dans l’Euphormion de Jean Barclay.
Ces précisions ajoutent un élément passionnel à l’acharnement de Patin contre le fœtus pétrifié de Pont-à-Mousson : sa haine aveugle des jésuites pouvait lui faire soupçonner qu’ils avaient forgé cette histoire ; cela le poussait même, contre toute évidence, à nier l’existence de la grossesse extra-utérine (v. infra note [2]).
- L’observation écrite.
- Pour expliquer le fœtus pétrifié (lithopædion) trouvé à l’autopsie dans le ventre d’une femme qui était morte passé l’âge de 60 ans (v. infra notule {g}), certains supposaient qu’elle y avait porté toute sa vie le cadavre de sa propre sœur, après qu’elles eurent été conçues ensemble, mais que l’embryon d’une des jumelles se fut implanté vicieusement dans la cavité abdominale de l’autre, pour y former une môle (v. note [21], lettre 419) partiellement viable ; soit un cas de fœtus in fœtu par superfétation, semblable à la première des trois observations de Thomas Bartholin rapportées dans la note [33] de la lettre latine 154 (notule {e}).
Dans son Anatomie de l’homme suivant la circulation du sang et les dernières découvertes… (Paris, 1690, v. note [2] de Thomas Diafoirus et sa thèse), Pierre Dionis a relaté son examen du fœtus de Pont-à-Mousson en 1678 et son entretien avec le frère Barbilart, qui était partisan obstiné de la superfétation (Troisième histoire d’une grossesse rare, pages 312‑314).
Patin considérait, au contraire, que si elle siégeait hors de l’utérus, il ne pouvait s’agir que d’un sarcome, tumeur qui a la consistance de la chair, « volumineuse, dure, indolente, qui survient quelquefois au bas de la cavité des narines, aux parties naturelles de la femme, au fondement et en d’autres lieux » (Académie) ; dénomination qu’on réserve plutôt aujourd’hui aux tumeurs cancéreuses du tissu conjonctif, principalement celui du squelette et des muscles. Ce genre de tumeur germinale (embryonnaire) porte à présent le nom de tératome.- Quelque.
- Anglo-latinisme pour « insurmontable ».
- Étymologie du substantif affaire (Littré DLF) : « Ce mot était nécessairement, à l’origine, du masculin, puisque c’est un infinitif [à faire], et que tous les infinitifs pris substantivement sont de ce genre. »
- V. note [4], lettre latine 146, pour Christophe Pillement, professeur de médecine à Pont-à-Mousson, qui avait consigné l’observation du lithopædion, faite en 1659, et avait conservé le fœtus dans son armoire à pharmacie, baigné dans une solution de sel et d’eau-de-vie, avant d’en confier la garde au frère Barbillat.
- « De Paris, le 26 août 1660. »
Nobilissimus ac Strenuus Vir Dn. Joh. Henricus Pents à Pentsenaw, Consil. Hass. et Nassoicus, atque ad Regem Christianissimum Legatus.
Barbillotus Fœtum Mussipontanum in aqua Salis spiritu vegetata, ne putredine exedatur, asservatum, mihi videndum et tangendum pronuper exhibuit. Visus sum mihi oculis usurpare Virbium in Poetarum spectaculis, vel constitutus in tristi cujusdam Medæ culina, ubi mactari Peliæ membra ostentarentur. Vidi apprime noscenda faciei lineamenta, auriculas, nasum, brachia, manus, digitulos, crura, pedes, in unguiculos, qui rotundum ovi oblongum referebant, desinentes. Extremitates lapidescentis materiei duritiem tactui offerebant. Accurate adeo omnia designabat ut et sexûs fæmini in tam pusillo corpore notanda non negligeret : sed non demortuæ fœtum, at sororculam fuisse, cujus vitæ fil um, non ante, quam cum illa suum violentia præcipitatione rupisset, ruptum esse testatbatur ; nutriciam illam huic, hanc illi alumnam asseverabar, traxisse imitamentum illud hominis vitam eo modo quo fœtus ; quoque modo ante aliquot annos Juvenem perfectarum virium facultatumque vidimus Francofurti, qui fraterculum tristis et fœdi satis aspectis ventri accretum alumnum circumferebat, quo modo hanc pusillam alteri, quibus in loculis intra corpus adcrescere contigisset, apte videbatur enarrare, etc. Lutetia Parisior. 12. octobr. 1660. [Le diligent et très noble comte Johann Heinrich Pentz von Pentzenau, conseiller de Hesse et de Nassau, {a} et ambassadeur auprès du roi très-chrétien. Tout récemment, Barbillot {b} m’a fait voir et toucher le fœtus de Pont-à-Mousson, conservé dans l’eau-de-vie salée pour éviter sa putréfaction. En le regardant, j’ai cru contempler le Virbius qu’ont chanté les poètes, {c} ou être assis à la sinistre table de quelque Médée, où on aurait exhibé le corps déchiqueté de Pélias. {d} J’y ai très exactement discerné les traits d’un visage, des oreilles, un nez, deux bras, deux jambes, deux mains et deux pieds, avec de petits doigts terminés par des ongles qui rappelaient la courbure oblongue d’un œuf. Au toucher, les extrémités avaient la dureté d’une matière pierreuse. Tout y était si exactement dessiné qu’on ne pouvait pas même manquer de remarquer que ce tout petit corps était de sexe féminin. Ce n’était pourtant pas le fœtus de la défunte mère, mais sa petite sœur, dont tout attestait que le fil de la vie ne s’était pas rompu avant que la mère n’eût elle-même rompu le sien en se précipitant violemment à terre. {e} J’affirmerais que la première était la nourrice de la seconde et que la seconde était le nourrisson de la première ; cette imitation de personne humaine a contracté la vie de la même manière que le fait un fœtus. De semblable façon, voici quelques années, nous avons vu à Francfort un jeune homme doté d’une vigueur et de facultés parfaites, portant un enfant qui lui était attaché au ventre, son petit frère d’aspect morne et assez hideux. On semblait pouvoir expliquer convenablement comment ce nabot s’était formé chez l’autre et en quelles niches de son corps il avait grandi, etc. {f} De Paris, le 12 octobre 1660]. {g}
- V. note [1], lettre latine 146. La Hesse (principale ville Darmstadt) et le Nassau (Wiesbaden) étaient deux duchés voisins situés au cœur de l’Empire.
- Sic pour Barbillat, v. supra première notule {a}.
- Virbius : « nom [latin] que Diane [v. notule {a}, note [16] du Borboniana 5 manuscrit] fit porter à Hippolyte [v. première notule {a}, note [6], lettre latine 83] lorsqu’elle l’eut rappelé à la vie, comme si l’on disait deux fois homme » (Fr. Noël).
- Pélias, « fils de la Nymphe Tyro et de Neptune, usurpa le trône d’Iolchos sur Éson, son frère de mère, et fit assassiner sa femme et ses enfants, excepté Jason, son neveu, qu’il chercha à faire périr en l’envoyant à la conquête de la Toison d’or. Médée [magicienne follement éprise de Jason, v. note [13], lettre 695] ayant eu le secret de rajeunir le père de Jason, les filles de Pélias, étonnées de ce prodige, la prièrent de vouloir user du même secret pour leur père ; et à sa persuasion, l’égorgèrent et le mirent en morceaux. Ces malheureuses princesses, honteuses et désespérées de s’être si cruellement abusées, s’allèrent cacher dans l’Arcadie, où elles finirent leurs jours dans les larmes et dans les regrets » (Fr. Noël).
- Défenestration d’une grande hauteur dans la relation de Pillement.
- Cas de gémellité conjointe (enfants dits siamois) asymétrique (gémellité parasite) : perturbation de la genèse embryonnaire de même ordre, mais plus aboutie que le fœtus in fœtu dont Pentz pensait (comme Digby et le fère Barbillat, v. supra) que le lithopædion de Pont-à-Mousson était une illustration, alors qu’il s’agissait sûrement d’un rare cas de croissance avancée d’un fœtus hors de l’utérus.
- Traduction laborieuse et parfois approximative d’un latin très souvent fautif (dont ma transcription est rigoureusement fidèle et vérifiée).
Dénigrement ridicule de l’impeccable et authentique observation de grossesse extra-utérine qui se lit dans le livre ii de l’Anthropographie de Jean ii Riolan publiée en 1649 (Opera anatomica vetera, v. note [25], lettre 146), chapitre xxxv (Partium genitalium mulieris Enarratio [Description des parties génitales des femmes]), page 180 :
Sed recens habemus exemplum de lotrice linteorum Cubiculi Reginæ, ab aliquot annis, in eius corpore inventus Fœtus pollicis longitudine, et crassitie bene conformatus, intra Uteri cornua locatus, qui dolores adeo crudeles per quatuor menses excitavit, ut tandem vitam cum morte commutarit, mense graviditatis septimo. Id rescivi ab eruditissimis Doctoribus Parisiensibus, qui apertioni cadaveris interfuere, D.D. Petro Seguino Scholæ nostræ seniore, Primario Reginæ Medico, et P. Yvelin Medico ordinario Regis et Reginæ. Dum hæc excuderentur, rogatus D. Yvelin historiam a se descriptam mihi dedit, et fœtum quem adhuc servat, ostendit. Anno salutis 1638. die 8. mensis Maij. Ista lotrix diluculo violentis convulsionibus tentatur et distorquetur, accersitus D. Yvelin accessit, imperatque venæ sectionem, ne ex illa violenta distensione vas aliquod effringeretur in isto copore plethorico. Venæ sectio dilata fuit in adventum Primarii Medici Seguini, inter moras expiravit. Apertum fuit cadaver iussu D. Yvelin, discisso abdomine statim effluxit magna copia sanguinis effusi in capacitem, per spongiam exhausto sanguine perquirit partes genitales, in conspectum venit Tuba Uteri supra modum tumefacta in sinistro latere, eaque aperta deprehensus fœtus bene conformatus, plusquam bimestri, involucro carneo obvolutus, quod secundinam referebat. Istud prodigium Reginæ, totique aulæ Regiæ demonstravit.
[Il y a quelques années, nous en avons pourtant eu un nouvel exemple chez une blanchisseuse de la Chambre de la reine : on lui a trouvé dans le corps un fœtus long d’un pouce et bien conformé pour sa taille, placé dans la trompe de l’utérus ; pendant quatre mois, elle avait enduré de si cruelles douleurs qu’elle passa de vie à trépas au septième mois d’une grossesse. Cela m’a été relaté par deux très savants docteurs de Paris, MM. Pierre Seguin, premier médecin de la reine et ancien de notre Faculté, et P. Yvelin, médecin ordinaire du roi et de la reine, {a} qui ont assisté à l’ouverture du cadavre. Au moment où je préparais ce livre à l’impression, j’ai prié M. Yvelin de me donner sa relation de l’histoire et de me montrer le fœtus qu’il conserve encore. {b} Ayant été appelé, M. Yvelin vint le 8e de mai 1638 tôt le matin au chevet de cette lingère qui était attaquée et tourmentée de violentes convulsions ; il prescrivit une saignée pour éviter que quelque vaisseau ne rompît en ce corps pléthorique. La phlébotomie fut reportée jusqu’à l’arrivée de Seguin, premier médecin, et la patiente mourut dans l’intervalle. M. Yvelin ordonna qu’on ouvrît le cadavre. Dès l’incision de l’abdomen, s’écoula une grande quantité de sang épanché dans la cavité ; l’ayant épongée, on chercha les parties génitales pour trouver que la trompe gauche de l’utérus était extrêmement tuméfiée ; {c} à son ouverture, on trouva un fœtus de plus de deux mois, bien conformé, emballé dans une enveloppe charnue qui ressemblait à un placenta. On a montré ce prodige à la reine et à toute la cour]. {d}
- V. notes [12], lettre 5, pour Pierre i Seguin, et [11], lettre 97, pour Pierre Yvelin.
- Probablement dans un mélange de saumure et d’eau-de-vie (v. supra notule {h}, note [1]).
- Grossesse dite tubaire, où l’œuf se niche dans une des deux trompes de Fallope (tube reliant le corps utérin à l’ovaire), au lieu de descendre dans la cavité utérine. La croissance de l’embryon provoque la rupture de la trompe avec hémorragie souvent mortelle si une intervention ne la tarit pas promptement (v. note [9], lettre 662).
- Le commentaire de Guy Patin dans sa lettre donne la juste mesure de sa mauvaise foi.
V. notes [1] du Traité de la Conservation de santé, chapitre x, pour la chylose ou chylification, transformation des aliments digérés en chyle, et [1], lettre 404, pour l’hématose ou sanguification, transformation du chyle en sang qui était censée se produire dans le foie. Ces deux questions fondamentales de physiologie faisaient alors l’objet d’âpres débats, et Guy Patin s’en gaussait.
Le passage qui va de « C’est pourquoi ce qu’ont vu les excellents Digby et Pentz » [itaque quod viderunt Digbæus et Pensius, viri optimi] à « l’hématose dans l’estomac, etc. » [hæmatosis in ventriculo, etc.], un peu raccourci, forme les lignes 8 à 16 du judicium [avis] de Guy Patin (daté du 22 octobre 1660) qui est imprimé à la page 19 du livre de Lorenz Strauss sur le fœtus pétrifié de Pont-à-Mousson (v. supra note [1]).
Johann Daniel Horst avait sans doute annoncé à Guy Patin que son avis (judicium) serait imprimé dans le livre de son gendre, Lorenz Strauss, sur le fœtus de Pont-à-Mousson (Darmstadt, 1661, v. supra note [1]).
V. note [3], lettre 719, pour Les Œuvres de Maître François Thévenin… Contenant un Traité des Opérations de Chirurgie… (Paris, 1658).
V. notes [5], lettre 577, pour le « Paradoxe orthodoxe » de Henri Bourgeois (possible pseudonyme de Pierre Petit) sur la nature humorale du sang (Paris, 1659) et [6], lettre 897, pour le livre de Petit De Motu animalium spontaneo… [Sur le Mouvement spontané des animaux] (Paris, 1660).
Les deux ouvrages encore à paraître étaient :
Les deux plus récents livres dédiés à Guy Patin étaient la « Vie de Galien » par le P. Philippe Labbe (Paris, 1660, v. note [5], lettre 612) et la Sybilla medica de Charles Spon (Lyon, 1661, v. note [6] de la lettre de Charles Spon, datée du 15 janvier 1658).
Le nomophylax était chez les anciens Grecs le conservateur des lois. Guy Patin employait ce mot pour désigner le Parlement, ses conseillers et ses présidents, dont la bienveillance à l’égard de l’abbé Aubry le faisait à nouveau écumer de rage (v. sa lettre du 19 janvier précédent à Johann Daniel Horst).
L’approbation universelle dont se prévalait Jean Aubry {a} apparaît clairement dans le titre complet (et hautement charlatanesque, pour ne pas dire délirant) de son :
Triomphe de l’archée {b} et la Merveille du Monde, ou la Médecine universelle et véritable pour toutes sortes de maladies les plus désespérées, (qu’elle guérit par les sueurs ou les transpirations insensibles, en rafraîchissant, sans aucune incommodité ni vomissement, et sans aide de l’Art magique, comme l’on s’était persuadé), nouvellement découverte.
Établie par raisons nécessaires et démonstrations infaillibles, auxquelles un homme de bon jugement ne peut contredire.
Où se voi<en>t encore les principes et les fondements de toutes sortes de sciences, disciplines et arts, et de toutes les connaissances du monde, passées, présentes et à venir, d’une manière très admirable, et jusqu’à présent inouïe. Avec les plus hautes perfections qui peuvent arriver à l’entendement humain.
Dédiée à la reine des anges. Quatrième édition.
Augmentée de l’Apologie de l’Auteur, contre certains docteurs en médecine, les persécuteurs de son emprisonnement, répondant à leurs calomnies que l’Auteur a guéri par art magique beaucoup de maladies incurables et abandonnées.
Et de plusieurs remerciements des cures et guérisons, faites par les remèdes du sieur abbé d’Aubry, des maladies déplorées et fixes, qu’on tenait pour incurables, avec le nom et la demeure des malades, guéris la plupart de Paris, n’étant jamais mort aucun malade commencé et parachevé par les remèdes dudit sieur abbé d’Aubry, qui est une chose très admirable et fort extraordinaire.
Et de beaucoup de consultations faites et envoyées en diverses langues au sieur abbé d’Aubry par les plus savants médecins, apothicaires et chirurgiens de l’Europe, seigneurs, duchesses, présidents, conseillers de divers parlements, marquis, comtes, barons gentilshommes, et autres ; pour plusieurs malades de divers royaumes et provinces ; afin d’avoir de ses remèdes pour les guérir sans venir à Paris, nonobstant la prétendue magie que l’on s’était persuadé.
Par Jean d’Aubry de Montpellier, prêtre, docteur en la science, abbé de Notre-Dame de l’Assomption, conseiller et médecin ordinaire du roi. {c}
- V. note [6], lettre 487.
- V. note [14], lettre latine 98, pour un essai d’explication sur les archées paracelsistes.
- « À Paris, chez l’Auteur, à la porte cochère contre les Religieuses du Cherche-Midi, au faubourg Saint-Germain. Avec permission du roi » (sans date [1660], in‑4o de 319 pages.
V. note [7], lettre latine 239, pour la version latine de ce titre parue la même année.
Le Brevet du roi très-chrétien en parchemin, donné au sieur abbé d’Aubry, pour avoir toutes sortes de fourneaux et autres instruments nécessaires, afin de travailler à la médecine archétique et universelle, daté du 2 mars 1659, s’y lit aux pages 117‑118. Il est suivi d’un bref du pape Alexandre vii, daté de Rome le 1er juillet 1660, donnant à Aubry licence « d’exercer la médecine et préparer les remèdes ».
Les nombreuses bibliographies disponibles de Giuseppe Francesco Borri (v. note [4], lettre 717) ne recensent pas de Consilia [Consultations] qui aient été imprimées sous son nom.
V. note [17], lettre 315, pour la haine proverbiale que le peuple romain nourrissait contre le consul Vatinius.
V. note [4], lettre 848, pour les imposteurs, les charlatans et les vagabonds que nourrit la terre noire en très grand nombre et partout, dans L’Odyssée d’Homère.
Correction d’un lapsus fréquent sous la plume de Guy Patin sur le prénom de Scheffer : Stephan pour Sebastian. La lettre que lui écrivait Patin est la suivante de notre édition.
Ms BIU Santé no 2007, fo 102 vo.
Cl. viro D. Io. Dan. Horstio, Darmstadium.
Vir Cl. et amantissime,
Æque bene quàm quisquam
mortalium certòq. nosti, extra uterum conceptionem non fieri : itaque
quod viderunt Digbæus et Pensius, viri optimi, vel prodijt ex utero,
vel non fuit fœtus : si ex utero, fuit fœtus lapideus, antehac
à varijs observatus : si extra uterum, non fuit fœtus, sed sarcoma
quodpiam figuratum, etc. Fœtus in tuba uteri descriptus à Riolano,
non erat extra uterum, neq. ipse unquam credidit, sed descripsit tamen,
ne videretur omnem fidem abrogare homini aulico qui jurabat se vidisse.
Si conceptio fieret extra uterum, æquè bene fieret conceptio chylosis in utero, hæma-
tosis in ventriculo, etc. Sed pax nobis, ut unaquæque particula suo
defungantur officio : absit inter nos vel potiùs à nobis contentiosum
istud disputandi genus : Teipsum enim non dumtaxat laudo, sed amo, colo
et vereor, tanquam virum multæ eruditionis, et verè Horstianum.
Ms BIU Santé no 2007, fo 103 ro.
Variorum medicorum responsa à D. Genero tuo collecta utinam aliquando
videamus : optima fore non dubito, utpote selecta à viro erudito, imò et à
viris eruditis scripta, horum præsertim temporum, quib. maxima pars hominum
ad meliores artes et saniora quàm antehac studia feliciter revocatur.
Operationes Chirurgicas Gallicas, Citadini libros duos, et Petri Petiti duos
alios, ex quib. duo adhuc fervent sub prælo, et duos libellos mihi dicatos,
D. Pensius non emet, eos tamen habebis per me, quos Tibi reddet, et pro
quib. nil aliud postulo quàm ut munusculum meum gratum habeas.
Auberius iste est impurus, imò purus et putus ac merus nebulo, Empiricus
et Chymista famelicus, qui sibi vitum comparat ex arte lenonia, non
Machaonia, ebriosus et impostor, ^ omnium odio dignus/ et gravatus. De Regis applausu nihil mirum :
omnia probant Regis nomine Nomophylaces nostri, solutis solvendis, sed ea sola
retinent quæ bona sunt, i. nummos, per quos obtinentur ista privilegia.
Italus iste Burrhus transijt in Hollandiam, ubi rem meliorem non
faciet quàm in Germania : illic enim vivunt doctissimi quidam viri, fraudes et
fucum istius hominis Itali statim detecturi. Consilia ejus non est quod mittas :
pro quib. gratias habeo : Novatores istos odi plusquam Vatiniano odio, nisi probent
se viros bonos, præstentque quod pollicientur : nulla novitate indigeo, nulla
medicamentorum penuria laboro : si quid in hac re cuperem, peterem à Deo Opt. Max. ut
haberemus in Gallia, aut hîc in agris nostris, Senam æquè bonam ac facilè
purgantem, quàm eam quæ in Arabia crescit : plures ægros curarem unâ librâ
Senæ optimæ ac recentis, quàm Chymia possit 200. libris suorum purgantium.
Sec hoc est Medicinæ nostræ fatum, ut ad eam convolent tot ignari sufflones,
qui nil aliud habent in votis, quàm ut citò rem faciant per fraudes et imposturas
multiplices, remediorum novitate ac varietate fucatas : adeo ut Ars nostra
sanctissima homericæ illi terræ nigræ persimilis videatur, quæ multos nutrit impostores
et agyrtas. Sed Verùm frustra conqueror, quum nullus sit emendationi locus : adeo profundas
egit radices universalis isthæc corruptela in singulis artibus. Sed forsan à vivis sublato
Mazarino, pessimo nebulone politico, meliora et mitiora sequentur tempora :
quod faxit Deus : Interea v. Tu Vir Cl. vive, vale, et me quod hactenus
fecisti, et forsan indigno 2 præstitisti, 1 sed non ingrato, amare perge. Cl. Virum
D. Generum tuum saluto, ac illi officiorum omne genus offero : rogóq. ut curare
velis, ut D. Steph. Scheffero, Medico Francof. tutò reddatur Epistola mea quam
hîc inclusam reperies. Vale igitur, ac iterum vale, vir præstantissime. Datum
Parisijs, die Iovis, 16. Iunij, 1661.
Tuus ex animo Guido Patin.