L. 300.  >
À Charles Spon,
le 31 décembre 1652

Monsieur, [a][1]

Je vous écrivis une lettre de quatre pages, laquelle je vous envoyai aussi le vendredi 20e de décembre 1652, de laquelle notre bon ami M. Caze [2] voulut bien se charger le même jour, me promettant qu’elle vous serait fidèlement rendue, comme je crois qu’elle l’a été.

Depuis ce temps-là, Monsieur notre coadjuteur, le nouveau cardinal de Retz, [3] est demeuré prisonnier dans le Bois de Vincennes, [4] sans ce qu’il y demeurera par ci-après. M. l’archevêque, [5] son oncle, avec le chapitre de Notre-Dame [6] et plusieurs autres ecclésiastiques, ont été en corps voir la reine [7] et l’ont suppliée de remettre ledit seigneur en liberté, ce qu’ils n’ont point obtenu : ce n’est point viande prête pour tels oiseaux ; [1] on ne l’a point mis là-dedans pour l’en tirer si tôt, si ce n’est qu’il en sorte les pieds devant. S’il y a quelqu’un aujourd’hui sur terre qui puisse quelque chose en cette grande affaire, il faut que ce soit il Padre Santissimo[2][8] qui pourra s’en remuer comme pour sa créature et selon qu’il aura de l’amitié pour celui-ci ou de la haine contre le Mazarin [9] qui fait jouer toute cette comédie, laquelle se pourra terminer en tragédie, j’entends en sang épandu aut saltem in quid deterius[3] Les champignons [10] du Bois de Vincennes ne valent rien, Puylaurens [11] et plusieurs autres en ont étouffé. [4] Le vieux archevêque de Paris, le chapitre de Notre-Dame, quantité d’ecclésiastiques, l’Université et autres sont allés en corps supplier le roi [12] de remettre en liberté ledit cardinal, mais ils n’y ont rien gagné. [5] Peu s’en est fallu qu’on ne s’en soit moqué à la cour, n’a pas fait qui commence. [6] Mme de Chevreuse, [13] la bonne amie du dit cardinal s’est sauvée, de peur d’être arrêtée. [7]

M. Bertier, [14] premier président au parlement de Toulouse, [15] est mort ; voilà de quoi faire de l’argent au Mazarin, qui novit artes ex omni ligno faciendi talem Mercurium[8][16]

Notre ami commun M. Naudé [17] est fort content à Stockholm [18] de son grand voyage. Il écrit de deçà merveilles de sa reine, [19] laquelle le chérit fort et laquelle l’a fait tirer exprès par un grand peintre qui y est allé de Paris, [9] et a fait mettre son portrait dans sa chambre. Elle prend grand plaisir à l’entretenir et ne fait guère moins d’état de lui que de M. de Saumaise [20] même lorsqu’il a été sur les lieux. Puisse bien lui durer longtemps cette bonne fortune et qu’enfin il revienne en bonne santé afin que nous le puissions encore à notre aise l’entretenir de deçà secrètement et particulièrement, comme j’ai par ci-devant fait fort heureusement. Ses conférences sont fructueuses, son amitié fort loyale, sa conversation fort agréable, et ses mémoires fort bons et bien certains.

Je vous supplie d’assurer nos bons amis, MM. Gras, Falconet et Garnier, de mon très humble service et que dans le premier paquet que vous recevrez, lequel partira bientôt d’ici si la bassesse de l’eau ne l’empêche, ils y trouveront de petits présents de ma part qui ne seront qu’une marque de mon souvenir envers eux, leur demeurant bien autrement obligé et dont je m’acquitterai quand je pourrai.

Je viens d’apprendre d’un des grands officiers du Louvre que la reine s’apprête à un grand voyage et que l’on fait état de tirer le roi hors de Paris devant la fin de février. [10] On parle aussi du sacre du roi, [21] mais il faut bien de l’argent pour cela et des états généraux ; [22] mais mon opinion est que le roi, voire plutôt la reine ne les souffriront point, ayant raison d’appréhender que le Mazarin n’y fût condamné et chassé de la France encore un coup.

Touchant ce grand herbier de Io. Bauhinus [23] imprimé à Yverdon [24] depuis trois ans in‑fo, je vous prie de vous enquérir et de m’instruire si le second tome est sur la presse, et s’il y aura plusieurs volumes pour la perfection de tout l’œuvre ? De plus, faites-moi la faveur de me donner votre jugement sur ce livre : qu’en pensez-vous, en faites-vous grand état, à quoi peut-il servir en notre métier ? J’en attends réponse à votre commodité. [11]

Les bons pères qui sont sortis de la braguette du P. Ignace, [25][26] comme Minerve [27] fit du cerveau de Jupiter, [12][28] ont par ci-devant, et y a de cela plusieurs années, fait imprimer l’histoire de leur Société en deux volumes in‑4o et tous deux ensemble en un tome in‑fo. Aujourd’hui j’apprends (et je l’avais déjà ouï dire) que le troisième tome de cette histoire est achevé à Rome et qu’il s’y vend. Je vous prie de demander à M. Ravaud [29] s’il n’en a point chez lui, si on ne lui en a point envoyé de Rome, s’il n’y aurait point moyen d’en avoir une copie ; ou s’il n’en a point (car j’en puis bien faire venir de Rome par la voie de M. Musnier, [30] ou de quelque autre), savoir même si aliquis ex typographicis addictis Societati [13] ne l’aurait pas imprimé à Lyon ; si cela est, je vous prie de m’en acheter un et de me l’envoyer quand vous pourrez, c’est-à-dire à la première commodité, avec le nouveau livre du P. Th. Raynaud [31] de bonis et malis libris[14] s’il est achevé. Mais à propos, qui est-ce qui imprime ce dernier, serait-ce M. Ravaud ? Mandez-moi, s’il vous plaît, le nom du marchand, comme aussi savoir si ce même auteur ne fait rien imprimer autre chose. Il y a longtemps qu’il promet un traité de desertoribus et apostatis ; [15] je pense qu’il entend par là, après Judas, [32] Lucien [33] et Julien l’Apostat, [34] tous les moines [35] qui se sont défroqués et qui ont jeté leur capuchon aux orties. Ce livre serait plaisant venu d’un tel auteur qui médit puissamment et déchire hardiment toute sorte de gens, et même qui sont bien meilleurs que ceux dont il se loue. Il promettait aussi une continuation du livre de Bellarmin [36] de Scriptoribus ecclesiasticis[16] lequel serait agréable à voir ; et Dieu sait comment il traitera là-dedans le bon évêque d’Ypres, [37] Cornelius Jansenius, [38] qui est aujourd’hui le bon et cher patron du parti des jansénistes, [39] dont il y a de deçà tant de bruit pour le Port-Royal [40] et la Sorbonne [41] contre les disciples du P. Inigo de Loyola.

On dit ici en raillant que les jansénistes sont ruinés, d’autant qu’ils ont perdu le chapeau et le cordon. On entend par le chapeau le cardinal de Retz qui est prisonnier, duquel ils espéraient beaucoup et dans les bonnes grâces duquel ils prétendaient avoir bonne place ; [17] pour le cordon, c’est que M. Cordon, [42] docteur de Sorbonne et grand janséniste, a perdu son procès au Parlement, lequel y plaidait pour être principal du Collège de Montaigu [43] à la place de feu M. Canel [44] qui était un excellent homme. [18]

Je suis tout en affliction et de mauvaise humeur pour la mort de M. Maître Omer Talon, [45] avocat général au Parlement de Paris, lequel est ici mort le 28e de décembre et qui était un des grands hommes de ce siècle. [19]

Les partisans, maltôtiers et autres coquins suivant les finances en espérance de les attraper, se réjouissent fort ici de ce que le Mazarin est attendu à la cour le mois prochain. On dit qu’il s’en va renvoyer à Rome son chapeau rouge et que la reine veut le faire connétable de France. Il est en posture de devenir tout ce qu’il voudra, et nous pareillement d’avoir bien du mal.

Voilà encore la nouvelle d’un autre évêque mort, savoir de celui de Laon [46] en Picardie : [47] nouvelle manne romanesque pour ceux qui gagnent à tels changements. [20]

Le duc d’Orléans [48] est devers Blois, [49] tout confit en dévotion. Quand on lui a annoncé la détention du cardinal de Retz, on dit qu’il s’est écrié Je lui avais bien dit, il ne m’a pas voulu croire ; s’il m’eût cru, il ne serait point là, ni moi ici. Les princes et les grands n’ont jamais tort à ce qu’ils disent, joint même qu’on les fait toujours parler magnifiquement et comme des prophètes, mais ils ne font jamais si bien que des saints : ils font toujours force martyrs, mais ils ne s’amendent guère.

J’ai aujourd’hui reçu de Metz, [50] par l’ordre de M. Du Clos, [51] médecin de réputation en tout ce pays-là, le catalogue des livres de la foire de Francfort [52] de l’automne passé. Il n’y a pas grande nouvelle de livres, qui est infailliblement un des effets de la guerre. Néanmoins, il y en a quelques-uns pour lesquels je vous supplie d’en parler à M. Ravaud, savoir si par son moyen nous n’en pourrions pas recouvrer, vu que du côté de deçà il n’y a rien de tel à espérer ; joint même qu’il pourra être bien aise d’avoir avis de quelques-uns. Premièrement, il y a deux petits traités nouveaux et posthumes de Drexelius, [53] dont une impression se débiterait heureusement en France et bientôt, si elle y était ; [21] Alberti de Albertis, Soc. Iesu, Vindiciæ generales et Lapis lydius contra Casp. Scioppium, in‑12 ; [54][55] Theoph. Raynaudi, Soc. Iesu, Christus Deus-homo, sive Deo-homine theologia Patrum, in‑fo ; Religio medici, cum annotationibus ; [56][57] Friderici Spanhemii Disputationum theologicarum miscellanearum, pars 1 et 2, Genevæ, apud P. Chouët, in‑4o ; [58] Ioan. Rudolphi Camerarii Sylloges memorabilium medicinæ et mirabilium Naturæ arcanorum centuriæ 16, Argentorati, in‑12 ; [59] Galeni quinque priores libri de Simplicium medicamentorum facultatibus in 16 disput. resoluti a Melch. Sebizio, ibid. apud Frid. Spoor ; eiusdem Commentarius in libros Galeni de curandi ratione per sanguinis missionem, etc., ibid. in‑4o ; [60] Ioannis Zeisoldi Anatomica disputationis Sperlingianæ, creationi animæ humanæ oppositæ, Ienæ, in‑4o[22][61][62]

Si M. Ravaud avait tout cela à me faire délivrer de deçà ou à me faire envoyer dans la première balle qu’il enverra à Paris, je suis tout prêt d’en donner de l’argent ; que s’il n’a rien de pareil, obligez-moi de savoir de lui ce que l’on en pourrait espérer ; au moins, il y en a là de Genève et de Strasbourg qu’il peut nous faire obtenir. Je vous supplie aussi de lui parler des deux tomes de Lotichius rerum Germanicarum [63] qu’il m’avait promis de me faire avoir. Je le prie aussi du Scheibleri Opus Logicum [64] in‑4o imprimé depuis trois ans à Yverdon, que M. Rigaud [65] m’avait fait espérer. Puisqu’ils ne viennent point par un chemin, il les faut chercher par un autre. [23] Ce Scheiblerus est un bon auteur qui écrit méthodiquement et qui mérite d’être lu : j’ai céans une métaphysique et quelques traités de logique où j’ai appris quelque chose. Au moins, M. Ravaud nous pourra-t-il aisément faire avoir ces Disputes théologiques miscellanées de feu M. Spanheim, [22] qui a été un autre excellent homme, puisqu’elles ont été imprimées à Genève.

Le cardinal de Retz a demandé à se confesser, mais il n’a pas obtenu celui qu’il désirait : on lui a donné pour confesseur un docteur de Sorbonne, qui y est de présent professeur, nommé Le Moine, [66] ennemi juré des jansénistes et par lesquels il a été rudement étrillé dans quelques livres qu’ils ont faits pour la défense de la doctrine de saint Augustin [67] touchant la grâce efficace et suffisante. [24][68]

Le duc d’Orléans avait autrefois ici près de soi un certain nommé Lautrec, [69] lequel lui servait en quelque façon de petit secrétaire, principalement à écrire de la part de Son Altesse à plusieurs particuliers. Quand le duc d’Orléans a quitté Paris, il l’a laissé ici et lui a enjoint de lui écrire tout ce qui se passerait chaque jour à Paris. Quelques lettres de cet homme ont été saisies et arrêtées, et a été mis prisonnier en la Bastille. [70] On parle de lui faire son procès sur ce qu’il a écrit hors du royaume plusieurs choses contre le service du roi. On l’appelle ici l’historien du duc d’Orléans, lequel l’a envoyé redemander à la reine, mais il n’est pas encore rendu. [25] On a aussi mis prisonnier dans le Châtelet [71] un autre écrivain, nommé Sandricourt, qui faisait ici durant la guerre plusieurs libelles pour les princes contre le Mazarin. [72] Un conseiller du Châtelet m’a dit que c’est un homme fort malsain qui a été par ci-devant moine et qui a jeté le froc aux orties. Quelque amnistie que l’on ait promise, celui-là aura bien de la peine de s’en servir et aura bien du bonheur s’il en échappe l’exil, le fouet, [73] la galère [74] ou la corde. [26][75][76]

Quand vous prendrez la peine de m’écrire (mais je vous prie que ce soit tout à votre aise, je n’ai hâte de rien, hormis de savoir pour le certain l’état de votre santé), vous me manderez, s’il vous plaît, en quel état est de présent le Sennertus [77] et si l’édition s’avance, voire dans quel temps elle pourra être achevée ; comme aussi celle du Theatrum vitæ humanæ [78] et combien il y aura de volumes en tout. [27] Nous avons ici deux maîtres hommes fort malades, dont l’un est M. de La Vieuville, [79] surintendant des finances qui a près de 75 ans ; [28] l’autre est M. D’Aubray, [80] lieutenant civil qui est détenu d’une fièvre continue [81] maligne. Antehac laboravit febre quartana per quatuor menses, quæ conversa est in assiduam, non sine summo ægrotantis periculo[29] J’aurais regret de ce dernier, il est fort honnête homme.

Voici la fin de l’année et le commencement d’une autre durant laquelle je vous souhaite, et à mademoiselle votre femme (à laquelle je baise très humblement les mains comme son très humble et obéissant serviteur, à la charge qu’elle m’aimera toujours, comme M. Du Prat [82] m’a dit autrefois qu’elle faisait), toute sorte de prospérité, santé parfaite et continuation, s’il vous plaît, de votre amitié et bonnes grâces ; à la charge que je m’en rendrai digne et que je ferai tout ce qu’il me sera possible pour les mériter.

Je vous prie aussi d’assurer de mon très humble service M. Gras [83] auquel vous direz que j’ai reçu la lettre qu’il m’a fait l’honneur de m’adresser par un honnête homme, de laquelle il aura réponse dans peu de jours. Je salue pareillement, nisi tibi grave fuerit[30] MM. Huguetan, Ravaud et Rigaud en me recommandant à leurs bonnes grâces, et vous prie de croire que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi, dernier jour de décembre 1652.

Le roi, pour donner des étrennes à son misérable et assiégé peuple, est allé ce matin au Parlement y tenir son lit de justice[84] et y a porté plusieurs édits à vérifier. On dit qu’il y en a 14, il y en a un pour les cabaretiers [85] qui dorénavant ne pourront être reçus sans faire apprentissage et avoir servi les maîtres. Cela les fera apprendre à mettre de l’eau, du soufre, [86] de la chaux et autres telles drogues dans le vin. [87] Il y en a touchant le Domaine < royal >, [88] les francs-fiefs, [89] etc. On fait une Chambre de justice [90] pour traiter avec les partisans et financiers afin qu’ils se rachètent. [31] On a fait aussi des petits officiers à l’Hôtel de Ville, sur le bois, le vin, le charbon et autres telles denrées que la déclaration de 1648 avait retranchés. On parlait qu’il y aurait quelque chose contre les élus et de nouveaux bureaux de trésoriers de France, [91] mais cela est remis. Vale et iterum vale, qui valde dignus es, et me, quod facis, amare perge[32]

Le cardinal de Retz a demandé qu’il lui fût permis de se servir de quelques-uns de ses officiers, il n’en a pu obtenir qu’un qui a été son cuisinier. [33] Le bonhomme M. de Broussel, [92] conseiller de la Grand’Chambre, vient de mourir. Il avait plus de 80 ans et était un grand homme d’honneur.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 55‑56, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz no 82 (tome ii, pages 1004‑1013). Note de Charles Spon au revers : « 1653/ Paris 31 décemb./ 1652./ Lyon 16 janv./ Risp. 21 dud./ 1653 ».

1.

« Ce n’est pas viande pour ses moineaux, pour dire, cela n’est pas préparé pour lui, cela est trop cher. On dit aussi d’une chose qu’on ne peut espérer d’obtenir de longtemps, ce n’est pas viande prête » (Furetière).

Retz (Mémoires, pages 1097‑1098) :

« Les instances du chapitre et les curés de Paris qui firent pour moi tout ce qui était en leur pouvoir, quoique mon oncle, qui était le plus faible des hommes et de plus, jaloux jusqu’au ridicule de moi, ne les appuyât que très mollement, leurs instances, dis-je, obligèrent la cour à s’expliquer des causes de ma prison par la bouche de M. le Chancelier qui, en la présence du roi et de la reine, dit à tous ces corps que Sa Majesté ne m’avait fait arrêter que pour mon propre bien et pour m’empêcher d’exécuter ce que l’on avait sujet de croire que j’avais dans l’esprit. M. le Chancelier m’a dit, depuis mon retour en France, que ce fut lui qui fit trouver bon à la reine qu’il donnât ce tour à son discours, sous prétexte d’éluder plus spécieusement la demande que faisait l’Église de Paris en corps, ou que l’on me fît mon procès, ou que l’on me rendît la liberté ; et il ajoutait que son véritable dessein avait été de me servir en faisant que la cour avouait ainsi mon innocence, au moins pour les faits passés. »

2.

« le très Saint-Père », le pape Innocent x.

3.

« ou même en quelque chose de pire. »

4.

V. notes [46], lettre 219, pour la litote, déjà employée par Guy Patin, des « champignons du Bois de Vincennes », et [18], lettre 804, pour son avis général sur les champignons.

Omer Talon (Mémoires, volume iii, pages 477‑478) a noté que, craignant aussi un empoisonnement de Retz :

« Mme la duchesse de Lesdiguières demanda permission à Villequier de lui envoyer deux fioles de contrepoison ; ce qu’il ne voulut pas permettre, et avec raison ; mais outre plus, il dit à la reine la proposition qui lui avait été faite, qui pensa être cause de chasser Mme de Lesdiguières. Aussitôt après sa détention, le chapitre de Notre-Dame s’assembla et résolut de demander au roi sa liberté. M. l’archevêque, qui avait juré une inimitié capitale contre son neveu depuis qu’il avait obtenu le cardinalat, ne laissa pas de satisfaire à la bienséance : il fit au roi les supplications de la part du Clergé. […] Les amis du cardinal de Retz désirant exciter le peuple en sa faveur, firent exposer deux jours durant le Saint-Sacrement ; ce qui fut désapprouvé des gens de bien comme un abus insupportable du plus auguste de nos mystères et qui se trouva sans effet, chacun ayant aversion et étant mal persuadé de sa conduite. »

5.

Retz (Mémoires, pages 1098‑1099) :

« Le chapitre de Notre-Dame fit chanter tous les jours une antienne publique et expresse pour ma liberté. Aucun des curés ne me manqua, à la réserve de celui de Saint-Barthélemy. {a} La Sorbonne se signala ; il y eut même beaucoup de religieux qui se déclarèrent. M. de Châlons {b} échauffait les cœurs et les esprits, et par sa réputation et par son exemple. Ce soulèvement obligea la cour à me traiter un peu mieux que dans les commencements. L’on me donna des livres, mais par compte {c} et sans papier ni encre ; et l’on m’accorda un valet de chambre et un médecin, à propos duquel je suis bien aise de ne pas omettre une circonstance qui est remarquable. Ce médecin, qui était homme de mérite et de réputation dans sa profession, et qui s’appelait Vacherot, {d} me dit le jour qu’il entra à Vincennes que M. de Caumartin l’avait chargé de me dire que Goisel, cet avocat qui avait prédit la liberté de M. de Beaufort, l’avait assuré que j’aurais la mienne dans le mois de mars, mais qu’elle serait imparfaite et que je ne l’aurais entière et pleine qu’au mois d’août. Vous verrez par la suite que le présage fut juste. » {e}


  1. Pierre Roullé, dans l’île de la Cité, adversaire du jansénisme.

  2. Félix Vialart de Herse, évêque de Châlons.

  3. Au compte-gouttes.

  4. V. note [11], lettre 325.

  5. Retz fut transféré en mars 1654 de Vincennes au château de Nantes, où il jouissait d’une relative liberté. Il s’évada de Nantes le 8 août 1654.

6.

Il ne s’est trouvé personne pour lancer la raillerie.

7.

Retz avait eu pour maîtresses et Mme de Chevreuse, Marie de Rohan-Montbazon, et sa fille, Charlotte-Marie, morte le 7 novembre 1652 (v. note [6], lettre 297).

8.

« qui a appris l’art de faire un tel Mercure de n’importe quel bois » : Non enim ex omni ligno, ut Pythagoras dicebat, debet Mercurius exculpi [Comme disait Pythagore, Mercure ne doit pas être sculpté dans n’importe quel bois] (Apulée, Apologie, § 43).

Jean de Bertier, né en 1575 de Philippe, baron de Montrabe, et de Catherine de Paulo, avait débuté en 1597 comme avocat au parlement de Toulouse. En mars 1601, il avait obtenu un office de conseiller, puis en 1611, reçu de son père la charge de président à mortier ; en cette qualité, il présida à la Chambre de l’édit. Il devint chef du conseil de la reine Margot (Marguerite de Valois, v. note [4], lettre latine 456), sans doute sur la recommandation de son oncle Jean, évêque de Rieux, et entra ainsi en relation avec Richelieu qui le remarqua et le nomma, le 8 février 1632, premier président au parlement de Toulouse. Fidèle à la cause royale, Bertier avait contribué à faire casser la délibération des états du Languedoc au moment de la révolte menée par Montmorency (v. note [15], lettre 12), mais en refusant de siéger dans la commission qui le condamna à mort. Sa grande indépendance à l’égard des agents du pouvoir lui permit de refuser la contribution fiscale destinée aux fortifications de Narbonne et de se dresser contre la création d’un parlement à Nîmes, qui se serait érigé au détriment du ressort de celui de Toulouse. Bertier avait retenu Toulouse de suivre l’exemple du parlement de Bordeaux pendant la Fronde. Ami de Robert Arnauld d’Andilly (v. note [4], lettre 845), frère aîné d’Antoine ii Arnauld, Bertier entretint avec lui une riche correspondance. On lui doit aussi La Régence, ou de l’autorité des reines régentes, publié en 1650 (Jestaz).

Selon la Gazette (ordinaire no 55, du 3 mai 1653, pages 432‑433), l’annonce de Guy Patin était prématurée :

« De Toulouse, le 20 avril 1653.
Messire Jean de Bertier de Montrave, premier président du parlement de cette ville, y est décédé depuis peu de jours après y avoir servi plus de 50 ans, tant en la charge de conseiller que de président, et depuis 22 ans en celle de premier président, avec la même estime et réputation qu’avaient acquises ses ancêtres, et dont il était demeuré héritier, aussi bien que de leur fidélité et passion au service du roi ; ce qui l’a grandement fait regretter à toute la province, et particulièrement à cette ville. »

9.

« En peinture, on dit tirer une personne pour dire faire son portrait » (Furetière).

« Elle a tout vu, elle a tout lu, elle sait tout » écrivait de sa reine, Christine de Suède, Gabriel Naudé à Pierre Gassendi, en Octobre 1652 (Bernard Quilliet, page 212).

10.

La cour demeura en Île-de-France jusqu’au 1er septembre 1653.

11.

V. note [13], lettre 297, pour l’Historia plantarum universalis… de Johann Bauhin, dont les trois volumes étaient sortis des presses d’Yverdon en 1650 et 1651.

12.

Jupiter avait épousé Mètis, déesse dont les lumières étaient supérieures à celles de tous les autres dieux et de tous les hommes. Ayant appris par l’oracle qu’elle était enceinte d’un fils qui deviendrait le souverain de l’Univers, Jupiter dévora la mère et son enfant. Après quoi, se sentant un grand mal de tête, il eut recours à Vulcain qui, d’un coup de hache, lui fendit la tête. De son cerveau sortit Minerve, déesse de la sagesse, de la guerre, des sciences et des arts, tout armée et dans un âge qui lui permit de secourir son père dans la guerre des géants où elle se distingua beaucoup (Fr. Noël). Ce fut Bacchus qui sortit de la cuisse de Jupiter (v. note [23], lettre 260).

13.

« si quelqu’un des imprimeurs dédiés à la Société ». V. note [8], lettre 279, pour l’Historiæ Societatis Iesu…

14.

« des bons et mauvais livres » (v. note [7], lettre 205).

15.

« sur les déserteurs et les apostats » :

Iudæ posteri apostatæ a religiosis ordinibus, Lucubratio R.P. Theopili Raynaudi, ex Societate Iesu. Qua et primarii quique a Cœtibus Religiosis Apostatæ, Iuda primicerio succenturiati describuntur ; et provecta gradatim ad summum iniquitatis fastigium atrocitas huius secundæ proditionis Christi Domini, ex Scripturarum et Patrum oraculis, demonstratur, adversus recens tentatam novo impietatis magisterio, complanationem viæ ad huiusmodi barathrum.

[Les Apostats issus des ordres religieux qui ont succédé à Judas, {a} élucubration {b} du R.P. Théophile Raynaud {c} de la Compagnie de Jésus. Où sont décrits chacun des meneurs apostats de compagnies religieuses qui ont succédé au précurseur Judas ; et où les paroles des Écritures et des Pères démontrent l’horreur de cette seconde trahison de Notre Seigneur Jésus-Christ qui s’est avancée graduellement jusqu’au plus haut sommet de l’iniquité, contre un nouveau maître de l’impiété qui a récemment tenté d’aplanir le chemin qui mène à ce genre de gouffre]. {d}


  1. V. note [2] de l’Introduction au Borboniana manuscrit.

  2. Fruit des veilles studieuses (v. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639).

  3. V. note [8], lettre 71.

  4. Rome, Bernardinus Tanus, 1648, in‑4o de 485 pages ; la bibliographie de Sommervogel ne recense aucun autre titre ultérieur du P. Raynaud sur ce sujet.

Julien dit l’Apostat, Flavius Claudius Julianus (331-363), fut empereur de Gaule en 355 (dont il établit la capitale à Lutèce), puis de Rome en 361. Élevé dans la religion chrétienne, il tenta de rétablir l’ancienne religion dans l’Empire romain (ce qui lui valut le surnom que lui ont donné les chrétiens, v. note [36] du Naudæana 3).

Lucien d’Antioche (Samosate vers 235-Antioche 312), prêtre, saint et martyr de l’Église catholique, fut le promoteur d’une école d’exégèse rigoriste de la Bible qui refusait l’interprétation allégorique des Écritures Saintes.

Arius, l’un des élèves de Lucien, s’inspira de ses enseignements et fonda l’arianisme, hérésie proche de du socinianisme (v. note [13], lettre 127), qui nie la divinité du Christ.

16.

« sur les écrivains ecclésiastiques », v. note [14], lettre 270.

17.

Les jansénistes de Sorbonne les plus actifs en faveur de la liberté de Retz (v. note [5], lettre 300) furent Pierre Loisel (v. note [10], lettre 293) et Henri Duhamel (v. note [27], lettre 368).

18.

Situé sur la Montagne Sainte-Geneviève, sur un terrain aujourd’hui occupé par la place du Panthéon, le Collège de Montaigu avait été fondé au xive s. par Gilles Aycelin de Montaigut, archevêque de Rouen, puis restauré par son petit-neveu, Pierre Aycelin de Montaigut, évêque de Nevers puis évêque-duc de Laon. Ignace de Loyola a été l’un de ses plus célèbres élèves. À La Révolution, Montaigu devint une prison puis une caserne ; il fut détruit en 1844 pour construire la Bibliothèque Sainte-Geneviève.

Claude Cordon (mort en 1683) avait été reçu docteur de Sorbonne en 1650. Il avait enseigné la philosophie au Collège de Montaigu, puis était devenu en 1651, vicaire de Saint-Merri aux côtés de Henri Duhamel. Rapidement accusé de jansénisme par l’autre curé de la paroisse, Edme Amyot, Cordon avait bénéficié de la protection du coadjuteur, Gondi.

En novembre 1652, après la mort de Jean Canel, principal du Collège de Montaigu et adversaire des jésuites, Cordon avait été pressenti par ses collègues pour prendre sa succession. Appuyé par certains amis de Port-Royal, Cordon s’était heurté à la vive opposition des chartreux et la direction de Montaigu lui échappa. Après une longue période de disputes en faveur des jansénistes au sein de la communauté de Saint-Merri, Cordon entra en 1671 à l’abbaye cistercienne de la Trappe où il prit le nom de père Arsène et vécut retiré du monde jusqu’à sa mort (Dictionnaire de Port-Royal, pages 303‑304).

19.

Talon (Mémoires, volume iii, pages 478‑479) :

« Le lendemain de Noël, la fièvre ayant pris à mon père qui était malade depuis trois mois d’une hydropisie, les médecins jugèrent le mal sans remède. En effet, le lendemain, il reçut le viatique, {a} qu’il voulut lui être apporté de l’église, avec la ferveur et la dévotion que l’on devait attendre de sa piété exemplaire, de son humilité et de son courage à supporter les incommodités de la maladie sans impatience ; qualités lesquelles étant jointes à une probité sans reproche, une fermeté inébranlable, une haute suffisance, une profonde littérature et une connaissance exacte des maximes, lui ont acquis dans ces derniers temps difficiles, auxquels il était en butte dans la nécessité de s’expliquer sur toutes sortes d’affaires, l’estime et la vénération de ses plus grands ennemis. Le samedi 28 décembre, il reçut l’extrême-onction et décéda le dimanche à cinq heures du matin, ayant donné dans ces derniers moments des témoignages d’un esprit élevé à Dieu. […] Lorsque je lui demandai sa bénédiction, il dit par trois fois : “ Mon fils, Dieu te fasse homme de bien ! ” »


  1. V. note [15], lettre 251

20.

Philibert de Brichanteau (1588-21 décembre 1652) avait été sacré évêque de Laon en 1620. César d’Estrées lui succéda et occupa ce siège jusqu’à sa mort en 1681 (Gallia christana).

21.

Ce sont deux traités latins de Jeremias Drexel (v. note [62], lettre 150) sur les Psaumes de David et le Livre de Salomon (Anvers, veuve de Jan Cnobbaert, 1652, in‑12).

Sans citer ses source, Guy Patin a cité trois précédents traités théologiques posthumes de Drexel dans sa thèse sur la Sobriété (1647) ; v. ses notes :

V. la triade 67 du Borboniana manuscrit (note [37]), pour une citation que Patin a extraite de son Salomon Regum sapientissimus… [Salomon, le plus sage des rois] (Anvers, 1644). Tous ces livres ont paru pour la première fois à Anvers chez les Cnobbaert).

22.

Guy Patin souhait acquérir les ouvrages de sept auteurs.

  1. Alberto de Albertis (jésuite italien qui régenta à Milan et mourut à Rome en 1675) :

    • Generales vindiciæ adversus famosos Gasparis Scioppii libellos, Societati Iesu, ab Alberto de Albertis, ex eadem Societate, Tridentino et in Mediolanensi Collegio, sacrarum literarum professore datæ [Vengeance générale contre les libelles infamants de Caspar Scioppius (Schoppe), de la Compagnie de Jésus, par Albertus de Albertis, de la même Société, natif de Trente, professeur de littérature sacrée au Collège de Milan] (Munich, Lucas Straubius, 1649, in‑16) ;

    • Lydius lapis ingenii, spiritus ac morum Gasparis Scioppii… conformatus [Pierre de touche (v. note [18], lettre 504) bien façonnée du génie, de l’esprit et des mœurs de Caspar Scioppius…] (id. et ibid. 1649, in‑16).

  2. Théophile Raynaud : Christus Deus-Homo, sive de Deo-Homine theologia Patrum scholastice examinatur et sacris emblematis, allegoriis et moralibus illustrata… [Le Christ Dieu fait Homme, ou la théologie des Pères au sujet de Dieu fait Homme examinée scolastiquement, éclairée par des ornements sacrés et des allégories morales…] (Anvers, Jacobus Meursius, 1652, in‑fo).

  3. Nouvelle édition latine (traduite par John Merryweather) du Religio medici de Thomas Browne (v. notes [26], lettre 113 et [20], lettre 237), Religio medici cum annotationibus L.N.M. [Religion d’un médecin avec des annotations] (Strasbourg, Fridericus Spoor, 1652, in‑8o, les annotations sont de Levin Claus Moltke).

  4. Friedrich i Spanheim : Disputationum theologicarum miscellanearum Pars prima [Première partie de Discussions théologiques mêlées] (Genève, Petrus Chouët, 1652, in‑4o, le même volume contient la seconde partie).

  5. Johann Rolf Camerarius (médecin allemand de Tübingen) : Sylloge memorabilium medicinæ et mirabilium Naturæ arcanorum [Recueil de faits mémorables mémorables de médecine et de secrets admirables de la Nature] (en plusieurs volumes publiés à Strasbourg et Tübingen, 1624-1652, in‑12). Ces nombreuses centuries forment « une compilation puisée dans les sources les plus vulgaires, et faite sans goût, sans discernement, sans critique. L’auteur ajoute foi à tous les contes populaires sur les médicaments » (A.‑J.‑L. J. in Panckoucke).

  6. Deux livres de Melchior Sebizius sur l’œuvre de Galien :

    • Galeni quinque priores libri de Simplicium medicamentorum facultatibus in sedecim disputationes resoluti… [Les cinq premiers livres de Galien sur les facultés des médicaments simples, résolus en 16 leçons…] (Strasbourg, Eberhardus Welperus, 1651, in‑8o) ;

    • Commentarius in Galeni libellos de curandi ratione per sanguinis missionem… [Commentaire sur les opuscules de la raison de soigner par la saignée…] (v. note [11], lettre 273), ouvrage fort attendu par Guy Patin (v. note [31], lettre 285).

  7. Johann Zeisold (1599-1667) : Examen physicæ Sperlingianæ, disputationibus aliquot inclusum, quibus doctrina Aristotele explicatur, vera sententia firmis argumentibus probatur et ab autoris censura vindicatur, inceptum… [Examen des sciences naturelles de Sperling, sous forme de quelques disputations, où la doctrine d’Aristote est expliquée, la véritable manière de voir est vérifiée à l’aide de solides arguments et lavée de la censure de cet auteur…] (Iéna, C. Freyschmid, 1653, in‑8o [et non in‑4o]).

    Johann Sperling (1603-1658), professeur de physique à l’Université de Wittemberg (sans relation établie avec Otto Sperling), est l’auteur d’Institutiones physicæ (Wittemberg, Johann Röhner, 1649, in‑8o, pour la seconde édition).

23.

V. notes [3] et [12], lettre 279, pour les « Histoires allemandes [prémices et début de la guerre de Trente Ans] de [Johann Peter] Lotich », et pour l’« Œuvre logique de [Christoph] Scheibler ».

24.

V. notes [9], lettre 107, pour le P. Pierre Le Moine, et [50], lettre 101, pour la querelle de la grâce.

25.

Les catalogues recensent un factum intitulé Sommaire du procès pour Jean de Lautrec, historiographe de M. le duc d’Orléans, et damoiselle Marie Choisin, sa femme,… contre Mathurin Choisin, grènetier à Meaux… (sans lieu ni nom, 1655, in‑4o).

26.

C. Moreau, Bibliographie des mazarinades (tome 1, Paris, Jules Renouard et Cie, 1850, pages 10‑11) :

« L’opinion générale est que c’est Mézeray {a} qui se cachait sous le pseudonyme de Sandricourt. Larroque, son historien, qui l’avait reçue probablement des contemporains, n’a pas hésité à la transmettre entière. Il a même cherché à la justifier en disant que Sandricourt est l’anagramme de François Eudes. Mézeray, ajoute-t-il, se souvenait d’avoir gagné à ce métier des sommes considérables sous le ministère du cardinal de Richelieu. Cependant, les savants continuateurs du Père Lelong ont proposé une conjecture nouvelle. À leur avis, le pseudonyme a un autre style que Mézeray et sa vaste érudition ne paraît pas convenir à l’historien de la France. Il y a d’ailleurs trop de différences entre François Eudes et Sandricourt : “ Si l’on veut s’en tenir, disent-ils, à la preuve de l’anagramme, on croira plutôt auteur de ces écrits un François Duret. ” On n’a pas tenu compte de leur conjecture et on a eu tort. D’abord, il est bien certain que François Duret se rapproche beaucoup plus de Sandricourt que François Eudes. Entre le premier nom et le second, il n’y a que deux lettres de différence ; entre le second et le troisième, il y en a six. Puis le pseudonyme semble dire qu’il était médecin et l’Accouchée espagnole, les Songes d’Hydromanthe, par exemple, prouvent qu’il avait au moins fait des études médicales. Il avait certainement voyagé sur mer. Il avait vu Rome et l’Italie. L’Ombre de Mancini montre qu’il possédait les langues latine et grecque. On peut croire même qu’il avait quelque connaissance de l’italien et de l’espagnol. À tous ces traits, on ne saurait reconnaître Mézeray. Si François Duret était fils de Jean Duret, premier médecin de Marie de Médicis, petit-fils de Louis Duret, médecin ordinaire de Charles ix et de Henri iii, {b} la conjecture des continuateurs du P. Lelong serait amplement justifiée. Sa profession, son érudition, ses voyages, ses opinions même s’expliqueraient sans la moindre difficulté. Jean Duret, on le sait, fut en son temps un forcené ligueur ; mais il ne paraît pas qu’il ait jamais appartenu à la faction espagnole. Nous verrons tout à l’heure que François Duret, frondeur ardent, ne voulut jamais avoir de connivence avec l’Espagne. Une dernière observation : le pseudonyme dit, à la fin de la troisième partie de son Censeur du monde et du temps, qu’il avait 56 ans quand ce pamphlet parut, c’est-à-dire en 1652. Il était donc né en 1596 ou 1597. Or Jean Duret était à cette date âgé de 33 ans, il est mort en 1629. François Duret venait au moins d’accomplir sa 32e année. On voit que la supputation des temps ne s’oppose point à la conjecture des continuateurs du P. Lelong. Mézeray, lui, est né en 1610 ; il avait donc, en 1652, 42 ans et non 56. »


  1. François Eudes de Mézeray, v. note [11], lettre 776.

  2. V. notes [10], lettre 11, pour Louis Duret, et [3], lettre 149, pour son fils Jean, tous deux éminents docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris.

Fils et petit-fils de docteurs en médecine de Paris, François Duret n’aurait pu qu’être docteur de cette Faculté ; Baron ne l’a pourtant pas répertorié. Il pouvait ne pas être allé jusqu’au terme de ses études, mais les renseignements que fournissait ici Guy Patin orientent vers une autre piste.

27.

V. notes [33], lettre 285, pour les Opera de Daniel Sennert (édition de Lyon, 1656) et [36], lettre 155, pour « [Le grand] Amphithéâtre de la vie humaine… » de Laurens Beyerlinck.

28.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 190 ro et vo) :

« Le marquis de la Vieuville {a} est malade à l’extrémité {b} d’une fluxion sur la poitrine, et l’on dit que l’on doit donner la surintendance des finances à MM. Servien et Senneterre […]

Hier au matin, {c} mourut le marquis de La Vieuville, surintendant des finances ; et le soir du même jour, par arrêt du Conseil, MM. Morangis et d’Aligre, directeurs des finances, en eurent l’administration jusqu’à ce qu’il y ait un autre surintendant. »


  1. V. note [5], lettre 205.

  2. Le 31 décembre 1652.

  3. Le 2 janvier 1653.

29.

« Auparavant, il avait souffert d’une fièvre quarte pendant quatre mois qui s’est convertie en fièvre continue, non sans danger de devenir très gravement malade. » Le lieutenant civil, Simon Dreux d’Aubray (v. note [8], lettre 180), en réchappa ; il mourut en 1666 empoisonné par sa fille, Mme de Brinvilliers (v. note [5], lettre 877).

30.

« si ça ne vous dérange pas ».

31.

Guy Patin se méprenait : l’édit du 31 décembre 1652 supprimait la Chambre de justice établie le 16 juillet 1648 pour la répression des abus commis dans les finances (Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789, par MM. Isamber, Decruzy et Taillandier, Paris, Belin-Leprieur, 1833, volume 29, page 51).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 190 vo, 31 décembre 1652) :

« Ce matin, le roi étant allé au Parlement, après les discours ordinaires des chancelier, premier président et avocat général, on y a vérifié 13 édits ; entre autres pour de 1 200 mille livres de coupe de bois de haute futaie, pour le rétablissement des officiers quatriennaux, pour la suppression de la Chambre de justice, pour la création d’un juré vendeur de marée dans les ports, et pour la création d’un exempt et d’un archer dans chaque maréchaussée, pour 700 mille livres d’augmentation de gages et pour prendre le revenu d’une année du domaine aliéné. »

Franc-fief (Furetière) :

« fief tenu par gens de franche condition autres que nobles, à la différence des terres tenues en roture ou censive qui peuvent être possédées par des paysans et mortaillables. Et on a appelé la recherche des francs-fiefs une taxe qui se fait de temps en temps sur les roturiers ou gens de main morte afin qu’ils ne soient point obligés d’en vider leurs mains. Il y a des villes, et entre autres Paris, dont les bourgeois, quoique roturiers, peuvent tenir des fiefs par un privilège particulier. »

32.

« Vale et encore vale, portez-vous bien, vous qui en êtes profondément digne, et continuez de m’aimer comme vous faites. »

33.

Retz (Mémoires, pages 1099-1101) :

« Je m’occupai fort à l’étude dans tout le cours de ma prison de Vincennes qui dura 15 mois, et au point que les jours ne me suffisaient pas et que j’y employais même les nuits. J’y fis une étude particulière de la langue latine qui me fit connaître que l’on ne s’y peut jamais trop appliquer parce que c’est une étude qui comprend toutes les autres. Je travaillai sur la grecque que j’avais fort aimée autrefois et à laquelle je retrouvai encore un nouveau goût. […]

Mon exempt {a} n’oubliait rien pour troubler la tranquillité de mes études et pour tenter de me donner du chagrin. […]

Je m’étais mis, pour vous dire le vrai, assez au-dessus de toutes ces petites chicaneries qui ne me touchaient point dans le fond et pour lesquelles je n’avais que du mépris ; mais je vous confesse que je n’avais pas la même supériorité d’âme pour la substance (si l’on peut se servir de ce terme) de la prison ; et la vue de me trouver tous les matins en me réveillant entre les mains de mes ennemis me faisait assez sentir que je n’étais rien moins que stoïque. Âme qui vive ne s’aperçut de mon chagrin ; mais il fut extrême par cette unique raison ou déraison, car c’est un effet de l’orgueil humain ; et je me souviens que je me disais vingt fois le jour à moi-même que la prison d’État était le plus sensible de tous les malheurs sans exception. Je ne connaissais pas encore assez celui des dettes. Vous avez déjà vu que je divertissais mon ennui par mon étude. J’y joignais quelquefois du relâchement. J’avais des lapins sur le haut du donjon, j’avais des tourterelles dans une des tourelles, j’avais des pigeons dans l’autre. Les continuelles instances de l’Église de Paris faisaient que l’on m’accordait de temps en temps ces petits divertissements ; mais l’on les troublait toujours par mille et mille chicanes. […]

Je ne m’occupais pas si fort à ces diversions que je ne songeasse avec une extrême application à me sauver ; et le commerce que j’eus toujours au-dehors et sans discontinuation me donnait lieu d’y pouvoir penser, et avec espérance et avec fruit. »


  1. Garde.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 31 décembre 1652

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(Consulté le 27/04/2024)

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