L. 334.  >
À Charles Spon,
le 16 décembre 1653

Monsieur, [a][1]

Depuis le 5e de décembre que je vous envoyai une lettre de trois pages avec une Légende [2][3] de nos docteurs antimoniaux et une lettre pour M. Guillemin [4] touchant le chirurgien Lombard, [5] duquel il m’avait écrit, [1] je vous dirai que l’on dit ici que le prince de Condé [6] est fort mal à Rocroi [7] de sa double-quarte [8] et qu’il devient enflé.

Ce 10e de décembre. Et pour réponse à la vôtre que je viens de recevoir, datée du 5e de décembre, je vous rends grâces très humbles pour icelle et pour tout ce qu’elle contient ; et entre autres, du beau Puits de Démocrite [9][10] que m’avez envoyé. [2] Dieu soit loué de ce qu’avez fait touchant M. Musnier ; [11] puisque le livre est envoyé, il en fera ce qu’il voudra. Sic erat in fatis [3][12] que ce livre, que m’avait donné M. Riolan [13] pour moi et que je vous avais destiné, allât encore plus loin. Fata regunt orbem, certa stant omnia lege[4][14] M. Musnier en sera quitte pour le port. C’est que ce livre devait aller à Gênes, [15] comme tel qui sera demain pendu à la Grève [16] ne devait pas être noyé à la Chine [17] ni à l’Amérique. [18][19]

Je vous remercie du beau chapitre des eaux de Spa [20] dans les Épîtres mêlées de Joseph Hall. [21] Cet auteur est un fort honnête homme, vir bonus et prudens, et scriptor emunctæ naris ; [5][22] je tiens pour vrai tout ce qu’il a dit en ce chapitre, in quo pauca quidem de multis, sed optima protulit[6] Ce livre n’a-t-il jamais été mis en latin ? [23] Il < en > est digne tout à fait et mérite d’être lu en toutes langues. Iamdudum mihi sordent ambæ illæ Virgines Lipsianiæ[7][24] que Dominicus Baudius, [25] en ses Épîtres, Keckermann [26] in libro de natura et proprietatibus historiæ, et M. Du Moulin, [27] dans son Accomplissement des prophéties, ont si hardiment décriées[8] Il y en a même eu des nôtres qui s’en sont moqués. J’ai donc lu tout ce chapitre sur-le-champ, à cause de vous, mais avec profit et plaisir.

Je vous prie de présenter mes très humbles baisemains à MM. Paquet [28] et Gonsebac, [29] lesquels j’honore très fort. J’apprends que M. Sorbière [30] est en Avignon, [31] prêt d’aller à Rome où il prétend faire grande fortune. C’est qu’il se souvient de ce vers renommé, et vanté par Auguste : [32][33]

Romanos rerum dominos, gentemque potentem[9]

Puisque la richesse de Rome est évangélique, et la pauvreté d’Orange [34] évangélique pareillement, ne fait-il pas mieux, en ce siècle superstitieux et malheureux, de préférer la richesse à la pauvreté ? Nunc plurimus auro venit honor[10][35] il change de religion [36] et on lui baille de l’argent de retour, n’est-ce pas signe que celle qu’il quitte est meilleure que celle qu’il prend ? On lui promet sans doute quelque grosse pension, quis nisi mentis inops oblatum respuit aurum ? [11][37] c’est grande pitié que de l’homme, s’il n’est sage et à peu près content. Tantum religio potuit suadere malorum, quæ peperit sæpe scelerosa atque impia facta[12][38]

Je ne vous ai point flatté M. Sorel, [39] tout ce que je vous en ai mandé est très vrai, ce que vous reconnaîtrez aisément par la lecture de ses œuvres, si vous les avez, et entre autres par son Anti-Roman, autrement nommé le Berger extravagant, et par sa Philosophie qui est en quatre volumes in‑4o, laquelle il cherche à faire réimprimer tout autrement meilleure. On ne fait presque rien ici faute d’ouvriers ; il y a néanmoins de lui quelque chose sur la presse, mais cela va très lentement. [13]

Je vous remercie du commencement en taille-douce du livre de M. Duhan. [40] Cela sera fort gentil et les trois chapitres de feu M. Cousinot [41] rendront ce livre plus recommandable. Pour l’édition de la Pharmacopée de feu M. Cousinot, si vous la jugez digne de voir le jour, vous ne sauriez manquer ; sa veuve, [42] qui est fille de M. Bouvard, [43] est ma bonne amie. [14] Il a un gendre nommé M. Du Guesclin, [44] conseiller au Grand Conseil, et un fils [45] qui est savant et riche bénéficier, avec lesquels tous j’ai une étroite amitié et qui vous donnent tous assurance de faire ce qu’il vous plaira pour l’honneur du défunt. [15] Je vous supplie d’assurer encore une fois M. Duhan que j’ai bonne envie de travailler et de coopérer à la distribution de son livre ; mais je m’étonne pourquoi il s’amuse à demander un privilège, duquel il n’a du tout que faire : quelque bon que puisse être son livre, on ne lui contrefera point à Paris quand il en aura envoyé ici quelque cent ; joint qu’il en doit distribuer bon nombre hors du royaume.

L’affaire de votre chirurgien Lombard adhuc est in motu ; quo sit enim ruiturus humor nescio, suis unaquæque pars nititur rationibus, quarum ambages diriment ipsi iudices[16] qui font du bien d’autrui large courroie quand ils veulent. [17]

Je m’attends à vous pour la thèse de Zurich, [18][46][47] mais le tout, s’il vous plaît, à votre commodité. Les jansénistes [48] de deçà ne se tiennent pas vaincus, ils ont bonne espérance de remonter sur leurs bêtes. Il y a des gens à Rome qui leur donnent de quoi espérer en dépit des carabins qui sont sortis de la braguette du P. Ignace, [49] et de tout le crédit qu’ils ont acquis en ce pays de corruption par leurs petites finesses et fourberies spirituelles[50]

L’évêque d’Angers [51] est propre frère de M. Arnauld, docteur de Sorbonne, [52] grand janséniste qui a fait le livre De la fréquente Communion[53] et qui sans doute favorise ce parti-là ; mais je n’en ai rien ouï dire davantage, hormis que j’apprends que l’archevêque de Sens, [19][54][55] les évêques de Beauvais [56] et de Comminges [20][57][58][59] ont tous trois fait publier quelque chose dans leurs diocèses (Protestations contre la bulle, etc.[21][60] contre cette infâme et romanesque bulle quæ est vere bulla bullata[22]

Pour le livre de M. Chifflet, [61] je vous en enverrai un à la première commodité qui se présentera, il est ici sur la presse in‑8o. Cette poudre [62] n’a eu de deçà aucun crédit præter gratiam novitatis ; [23] les fous y ont couru à cause que les loyolites la vendaient bien cher. Ea tamen miratur vulgus quæ non intelligit[24] mais l’effet en ayant manqué presque en tous les rencontres, on s’en moque ici aujourd’hui. J’avais traité [63] une fille nubile de la fièvre quarte, [64] et si heureusement que l’accès était réduit à deux heures seulement. La mère impatiente, audita fama pulveris istius Loyolitici[25] en acheta une prise d’un loyolite 40 livres, dont elle avait grande espérance à cause du grand prix (il est vrai que ces gens-là vendent tout bien cher, et même leurs bourdes). Le premier accès post assumptum pulverem [26] fut de 17 heures, et beaucoup plus violent qu’aucun autre qu’elle eût eu auparavant. Aujourd’hui, elle a peur de la fièvre de sa fille et d’ailleurs, a grand regret de son argent. Voilà comment le monde va, qui n’est qu’un sot et qui veut être trompé ; nec tamen per me decepietur, me nemo ministro fur erit, etc. ; fere ad nuptam quæ mittit adulter ; funus promittere patris nec volo, nec possum[27][65] Nous en avons ici quelques-uns des nôtres qui n’en parlent point si clairement que moi, mais ce sont des patelins qui flattent ces bons pères et qui choient ou qui n’osent choquer les intérêts Stygiæ Societatis[28][66] Ce sont de faux frères et trepidi decoctores (decoquunt enim famæ suæ), volebam dicere doctores[29] Cette poudre est fort chaude, qui ne purge [67] en aucune façon. Ils disent qu’elle est diaphorétique, [68] nugæ bullatæ ! [30] aussi bien que tout ce que l’on dit de la chair des vipères : [69] sunt figmenta medicastorum et mendacia pharmacopœorum, rei suæ studentium[31] ils en promettent merveilles avec leurs préparations, et tout cela pour tromper le monde ; je n’en ai jamais vu aucun bon effet. Toute cette polypharmacie [70] n’est qu’un abus, les fièvres pourprées [71] se doivent guérir par méthode aussi bien que les autres maladies, extra illum methodum nulla est salus[32] Je ne vous puis rien dire de l’opinion de Zwelferus [72] in Pharmacopœiam Augustanam[33][73] je l’ai prêtée [74] à M. Riolan il y a plus d’un mois, il y a trouvé quelque chose là-dedans contre l’antimoine. Peu des nôtres se servent de cette chair de vipères, encore sont-ce des suppôts des pharmacopoles, et tout cela afin de gagner ; mais les gens de bien s’en moquent. Néanmoins, je pense que pour la garder (à telles fins que de raison), l’esprit-de-sel y est fort bon, [75] ou même l’infusion en eau-de-vie, [76] et la sécher à l’ombre ; mais il faut avoir de vraies et légitimes vipères, sans se servir de couleuvres comme plusieurs font, joint que les vraies vipères sont rares et chères. [34]

On dit ici que le prince de Condé se porte mieux ; que le roi [77] s’en va lui faire faire son procès ; [35] que le prince de Conti [78] viendra bientôt et qu’il y a espérance qu’il épousera une des nièces du cardinal Mazarin ; [36][79][80][81] que M. de Nemours [82] s’en va épouser Mlle de Longueville, [37][83] et que son archevêché de Reims sera donné à M. Molé, [84] garde des sceaux, quæ tamen singula nondum omnio constant[38]

Un de mes amis m’a depuis peu apporté un beau volume in‑4o de la ville de Leyde, [85] intitulé Ioannis Antonidæ Vander Linden, Doctoris et Profess. Medicinæ practicæ ordinarii in Acad. Lugduno-Batava, Medicina Physiologica, nova curataque Methodo, ex optimis quibusque Auctoribus contracta, et propriis Observationibus locupletata. Amstellodami, apud Io. a Ravestein, 1653[39][86][87] Le livre est fort bien et lestement relié. C’est un présent que l’auteur m’envoie par cet ami qui lui a maintes fois parlé de moi ; quand je pourrai trouver occasion de lui envoyer quelque présent de deçà, je tâcherai de m’en acquitter. Il y a en tout le livre 884 pages, nullus in toto libro est Index, neque capitum, neque alphabeticus[40] ce qui est fort incommode. Tous les anatomistes y sont souvent cités, et entre autres nos bons amis Hofmannus, [88] Riolan et Bartholin, [89] et ce très souvent. Je l’envoyai aussitôt à M. Riolan, qui me l’a rendu au bout de deux jours et m’a dit que ce livre devait être intitulé Medicina philologica[41] et que tout ce livre n’était que de la crème fouettée ; [42] que cet auteur est un homme docte, mais que c’était écrire de anatomicis, non anatomicus ; [43] qu’il n’avait rien appris en tout ce gros volume. Les Institutions de feu M. Hofmann y sont souvent citées. [44]

M. Riolan fait un centon de plus de 200 auteurs qui ont écrit de venenata stibii natura [45] et qui ont déposé quelque chose contre sa malignité. Cette drogue est fort décriée de deçà, il n’y a plus que ceux qui se peuvent résoudre à voir la mort de ceux de qui ils espèrent hériter qui en permettent l’usage ; si bien que ce remède semblera à la fin être institué et établi in gratiam heredipetarum[46] des enfants qui ont hâte de succéder à leurs parents, etc.

On a ici chanté un Te Deum[90] fort solennel dans Notre-Dame [91] en présence du roi, de la reine, [92] du Mazarin et des cours souveraines [93] pour la reprise de Sainte-Menehould [94] et l’extinction de la guerre civile. Maintenant on ne parle plus que de nouveaux impôts [95] pour avoir de l’argent, et entre autres d’un parlement à Poitiers. [96] France, misérable France, jusqu’à quand seras-tu misérable ! Je vous baise cent fois les mains et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 16e de décembre 1653.


a.

Ms BnF no 9357, fos 133‑134 ; Reveillé-Parise, no ccl (tome ii, pages 88‑91) ; Jestaz no 104 (tome ii, pages 1148‑1153).

1.

V. notes [11], lettre 333, et [55], lettre 348, pour la Légende de l’antimoine, et [58], lettre 332, pour l’affaire du jeune chirurgien Lombard dont le Collège des médecins de Lyon disputait âprement.

2.

La Cabale des Réformés, tirée nouvellement du puits de Démocrite, {a} par I.D.C. {b}


  1. Guy Patin et Charles Spon pouvaient être en train de débattre sur le frontispice du traité De pharmacorum purgantium Facultatibus [Sur les Facultés des médicaments purgatifs] de Guillaume Dupuis (Lyon, 1654), qu’ils étaient en train d’éditer ensemble : v. note [4], lettre 345.

  2. Mompeiller [sic], « chez le Libertin, Imprimeur juré de la sainte Réformation », 1597, « avec privilège de ladite Dame », in‑8o de 224 pages, pour la première édition.

    La vignette de couverture porte cette devise : Ridentem dicere veram quid vetat ? [Qu’est-ce qui empêche de dire la vérité en riant ?], empruntée à Horace, quamquam ridentem dicere verum (Satires, i, 1, vers 24).


Bien que les initiales que donne son titre ne correspondent pas, ce livre est un des nombreux et virulents pamphlets que Guillaume Reboul (Nîmes 1564-Rome 1611) a écrits contre la Réforme protestante, dans un style fort inspiré de Rabelais. Né et élevé dans le calvinisme, le consistoire de Nîmes l’avait excommunié parce qu’il penchait vers le catholicisme. De plus, le duc de Bouillon (v. note [2], lettre 187), dont Reboul était le secrétaire, le renvoya en l’accusant de vol. Il chercha un refuge à Avignon où il abjura en 1596. Cependant, comme sa fortune n’était pas encore faite, il partit pour Rome sous les auspices du P. Pierre Coton (v. note [9], lettre 128). Il avait lieu de croire que son apostasie allait recevoir sa récompense, mais il se faisait de grandes illusions. Il attendit environ dix ans, puis sa patience s’épuisa. C’est alors qu’il exhala sa colère contre le pape qui le fit emprisonner et exécuter (G.D.U. xixe s.).

3.

« Ainsi voulait le destin » (Ovide, v. note [38], lettre 240).

4.

« Le destin gouverne le monde, tout est soumis à sa loi » : Marcus Manilius, poète est astrologue latin du ier s., Les Astronomiques, livre iv, vers 14.

5.

« un homme de bien, compétent, et un écrivain au flair subtil [Horace, v. note [8], lettre 202]. »

Les Épîtres mêlées de M. Joseph Hall {a} Docteur anglais et Doyen de Wigorne. Nouvellement mises en français par Th. Jaquemot G. ; {b} lettre v (pages 59‑83), non datée, à Messire Thomas Chalenot, chevalier, Rapport de quelques observations faites en mon voyage, page 73 :

« De là nous passâmes au Spa, village fameux pour ses eaux médicinales et minérales, composées de fer et de cuivre, la vertu desquelles les simples habitants de ce lieu attribuent à leur saint bienfaiteur, le pied duquel a fait par sa pesanteur une mal formée impression en une pierre de leur Saveur : {a} eau plus saine qu’agréable, que néanmoins plus fameuse que saine. »


  1. V. note [23], lettre 332.

  2. Genève, Pierre Aubert, 1627, volume 1, in‑12 de 253 pages.

  3. « Le nom du plus haut puits du Spa » (note ajoutée dans la marge) : aujourd’hui la source de la Sauvenière, la plus ancienne de Spa ; l’empreinte serait celle de la sandale de saint Remacle, fondateur de l’abbaye bénédictine de Stavelot, près de Liège, au vie s.

La suite de la lettre était bien du goût de Guy Patin, Hall s’y gaussant des superstitions ardennaises autour des loups-garous, puis de Juste Lipse (avec des ragots de première saveur sur son compte, v. infra note [7]).

6.

« où il a certes dévoilé peu, mais le meilleur sur beaucoup de choses. »

7.

« Les deux vierges de Lipse m’ont toujours paru méprisables » : allusion aux deux livres bigots et crédules de Juste Lipse sur les vierges de Hal (1604) et de Sichem (1605) (v. note [29], lettre 195).

Voici ce qu’en écrit Joseph Hall dans ses mécréantes Épîtres mêlées (v. supra note [5]), pages 77‑80 :

« Sus donc, Lipsius, va maintenant écrire les nouveaux miracles de ta Déesse et confirme la superstition par des événements étranges. Vous tous qui l’avez vu, jugez si jamais la chapelle de Hal et de Zichem a produit chose plus notable. Nous en rencontrons partout des pèlerins allant faire leurs dévotions vers ces siennes Dames, je ne sais si je les dois nommer deux Dames, ou bien une en deux châsses. Si elles sont deux, pourquoi n’en adorent-ils qu’une ? Si elles ne sont qu’une, pourquoi fait-elle à Zichem la cure qu’elle ne pourrait faire à Hal ? Ô quelle grande pitié qu’un esprit si haut et si relevé, au dernier acte de sa vie, ait été sujet à la rêverie. Nous avons chéri et admiré, si besoin était, tous les bons fruits et l’engeance masculine de ce cerveau ; mais qui pourrait supporter ces vierges simplettes, faibles avortons d’une vieillesse radotante. L’un de ses plus grands mignons me dit, l’ayant appris de sa propre bouche, {a} que l’aînée de ces deux vierges fut par lui engendrée, conçue, mise en lumière et baptisée dans l’espace de dix jours ; je ne le crus et n’en fus point ébahi. Ces actes de superstition ont un père et une sage-femme invisible, outre ce qu’il n’est pas séant qu’un éléphant demeure trois ans à engendrer une souris. {b} Il me fut dit en la boutique de son Moret, non sans quelque indignation, que notre roi {c} ayant bien considéré le livre et lu quelques passages d’icelui, le jeta à terre avec cette censure, Damnation à celui qui l’a fait et à celui qui le croit. Je ne m’enquiers pas si c’est une histoire véritable ou un de leurs contes. Bien suis-je assuré que cette sentence ne leur causait pas tant de mécontentement que de joie à moi. »


  1. Le mot mignons (v. note [18] du Borboniana 6 manuscrit) laisse planer un doute sur les mœurs que Hall (ou son traducteur) prêtait à Lipse.

  2. Si tout cela est véridique, il faut croire que Lipse était atteint de délire sénile, mais il faut ici prendre garde à une volonté (protestante) de médire.

  3. D’Angleterre, Jacques ier ; Jean Moret, imprimeur d’Anvers et successeur de Christophe Plantin, était ami de Lipse.

8.

V. notes [35] et [33], lettre 195, pour le livre de Bartholomäus Keckermann « sur la nature et les propriétés de l’histoire », et pour le passage de l’Accomplissement des prophéties… où Pierre i Du Moulin raille la crédulité de Juste Lipse.

La dernière édition des épîtres de Dominicus Baudius {a} était alors :

Dominici Baudii Epistolæ ; semicenturia auctæ, lacunis aliquot suppletis. Accedunt eiusdem Orationes et libellus de Fœnore.

[Lettres de Dominicus Baudius, augmentées d’une demi-centurie, où on a comblé quelques lacunes, et ajouté Ses Discours et son opuscule sur le Prêt d’argent]. {b}


  1. Mort en 1613, v. note [30], lettre 195.

  2. Leyde, Franciscus Hackius, 1650, in‑12 de 696 pages.

    V. la note [30] citée dans la notule {a} supra, pour la lettre où Baudius déplore la bigoterie catholique de Lipse, son maître bien-aimé.


9.

« Les Romains, maîtres des affaires et caste puissante » : Virgile (v. note [11], lettre 113), avec remplacement de togatam [portant la toge] par potentem [puissante].

10.

« C’est avec l’or qu’on obtient les plus grands honneurs » (Ovide, v. note [26], lettre 206).

11.

« quel autre que pauvre d’esprit a jamais recraché l’or qu’on lui a offert ? » (Gautier de Châtillon, 1135-1201, Alexandreidos, livre iv, vers 570).

12.

« Tant la religion a pu inspirer de crimes, qui souvent a enfanté des actions criminelles et sacrilèges » ; assemblage de deux passages du poète épicurien athée, Lucrèce (v. note [131], lettre 166), La Nature des choses (livre i) :

13.

Charles Sorel lui-même, dans sa Bibliothèque française, fait de L’Anti-Roman une nouvelle version du Berger extravagant. Le titre exact est L’Anti-Roman, ou l’histoire du berger Lysis, accompagnée de ses remarques par Jean de Lalande, poitevin [Ch. Sorel] (Paris, Toussaint Du Bray, 1633-1634, 4 volumes in‑12). Raymond Picard, in Nouvelles du xviie s. (Pléiade, Gallimard, 1997, pages 1282‑3) :

« Dans la grande suite romanesque de Francion [1623], de même que dans L’Anti-Roman ou dans Polyandre, histoire comique (1648), il [Sorel] attaque et ridiculise le roman pastoral ou héroïque avec ses conventions trop visibles, ses automatismes et son refus de la réalité concrète. Dans des pages étonnantes, pleines d’inventions et de mouvement, il donne libre cours à sa verve satirique et comique, à son génie de l’observation, contribuant à créer le genre libéré de l’Histoire comique, définissant une nouvelle forme de vérité littéraire, et ouvrant la voie à une littérature d’observation de la vie sociale et quotidienne ».

V. note [31], lettre 332, pour la Philosophie de Sorel. Deux de ses livres pouvaient être sur la presse à la fin de 1653 :

14.

V. notes :

15.

Anne Cousinot (vers 1625-1689), fille de Jacques ii, avait épousé en 1644 René du Guesclin d’Auvert (1614-1677), conseiller du roi en son Grand Conseil. V. note [27], lettre 207, pour Jacques iii Cousinot, frère d’Anne que Guy Patin disait « savant et riche bénéficier ».

V. notule {c},  note [17], lettre 240, pour sa parenté avec le valeureux et célèbre Bertrand du Guesclin.

16.

« est encore en débat ; en effet, je ne sais pas où l’eau va s’en écouler, chacune des deux parties s’appuie sur ses arguments, dont ce sera aux juges de trancher les méandres ».

17.

Furetière :

« On dit faire de cuir d’autrui large courroie, pour dire être libéral de ce qui ne nous coûte rien. Ce proverbe vient d’une fable où l’on feint que le renard étant médecin du lion malade, lui ordonna de se ceindre les reins d’une ceinture tirée de la peau du loup ; après quoi il coupa au loup une longue et large courroie de sa peau, lequel en hurlant s’en plaignit en ces termes : “ Que vous faites du cuir d’autrui large courroie ! ” Le latin dit de alieno corio ludere. » {a}


  1. Érasme (Adages, no 1188), De alieno ludis corio [Risquer la peau des autres], renvoie à d’autres auteurs latins (Apulée, Sénèque le Jeune, Plaute, Cicéron et Tertullien) pour la citation de ce proverbe.

18.

V. note [63], lettre 332, pour cette thèse de Johann Heinrich Otte en faveur des jansénistes.

19.

V. note [9], lettre 165, pour Henri Arnauld, évêque d’Angers.

Henri-Louis de Pardaillan de Gondrin (v. note [9], lettre 229) avait publié une Lettre pastorale de Mgr l’archevêque de Sens pour la publication de la constitution de N.S.P. le pape, donnée à Rome le 31 mai dernier (avec le texte d’Innocent x) (Brinon, 23 septembre 1653) (Sens, Louis Prusurot, 1653, in‑4o).

20.

V. note [1], lettre 235, pour Nicolas Choart de Buzenval, évêque de Beauvais.

Comminges en Gascogne (aujourd’hui Saint-Bertrand de Comminges en Haute-Garonne, à 18 kilomètres au sud-ouest de Saint-Gaudens) était le siège d’un évêché depuis le vie s., disparu au tout début du xixe s.

L’évêque de Comminges était alors Gilbert de Choiseul du Plessis-Praslin (Paris 1613-Tournai 1689), frère cadet de César, maréchal du Plessis-Praslin (v. note [3], lettre 168) ; condisciple d’Antoine ii Arnauld à la Sorbonne, il avait été reçu docteur en théologie en 1643 et avait abandonné la plupart de ses bénéfices ecclésiastiques en 1644, quand il fut nommé évêque ; opposant à la bulle Cum occasione dès sa publication (31 mai 1653, v. note [16], lettre 321), il fut aussi un ardent partisan de son collègue Arnauld et de Blaise Pascal dont il favorisa la publication des Pensées (1669) ; en 1671, il fut nommé évêque de Tournai (Dictionnaire de Port-Royal, pages 271‑273).

21.

Parenthèse ajoutée par Guy Patin dans la marge, mais le titre cité ne correspond précisément à aucun des deux autres manifestes évoqués :

22.

« qui est en vérité une bulle ampoulée ». V. note [16], lettre 321, pour la bulle Cum occasione (31 mai 1653).

23.

« hormis la faveur de la nouveauté. »

V. note [9], lettre 309, pour le livre de Jean-Jacques Chifflet à propos du quinquina ou poudre des jésuites.

24.

« Le peuple, pourtant, s’émerveille de ce qu’il ne comprend pas ».

25.

« ayant entendu vanter le crédit de cette poudre loyolitique ».

26.

« après que la poudre eut été prise ».

27.

« et ça n’est pourtant pas moi qui le tromperai, jamais je ne prêterai mon aide à un voleur, etc. ; à d’autres, de porter à une femme mariée les commissions et les messages de son amant ; promettre à un fils que son père va bientôt mourir, je ne le veux ni ne le puis » ; mélange de vers de Juvénal (Satire iii, vers 43‑47) :

[…] funus promittere patris
Nec volo nec possum ; ranarum viscera numquam
Inspexi ; ferre ad nuptam quæ mittit adulter,
Quæ mandat, norunt alii ; me nemo ministro
Fur erit
.

[promettre à un fils que son père va bientôt mourir, je ne le veux ni ne le puis. Jamais je n’ai examiné les entrailles des grenouilles. À d’autres, de porter à une femme mariée les commissions et les messages de son amant. Jamais je ne prêterai mon aide à un voleur].

28.

« de la meurtrière Société » ; l’adjectif stygius signifie littéralement relatif au Styx : fontaine d’Arcadie dont l’eau était mortelle, et plus fameusement, l’un des fleuves des enfers.

29.

« et des hommes ruinés qui tremblent pour leurs affaires (leur bonne fortune s’est en effet volatilisée), je voulais dire des docteurs » ; jeu de mots entre decoctores et doctores.

30.

« billevesées [bagatelles ampoulées] ! ».

31.

« fictions de médicastres et mensonges d’apothicaires, tous préoccupés de leur seul gain ».

Mérat in Panckoucke (1822) :

« La médecine a autrefois fait usage de la vipère ; mais il paraît qu’on en a retiré peu d’avantages puisqu’aujourd’hui elle est à peu près abandonnée. La chair de vipère sert à faire des bouillons estimés, dépuratifs, alexipharmaques, cordiaux. On écorche pour cette préparation l’animal vivant ; et malgré que les tronçons et le cœur même remuent pendant plusieurs heures, tant l’animal est vivace, on les soumet à l’ébullition nécessaire. On n’estime point la chair de la vipère morte spontanément ; on recommandait aussi de manger la chair de l’animal grillée ou rôtie pour lui faire produire des effets analogues. On prépare un sel volatil de vipère qui n’est qu’un carbonate d’ammoniaque et qui n’a pas d’autres propriétés que celui tiré des autres animaux. On le conseillait comme sudorifique et antiseptique dans les fièvres malignes, putrides la petite vérole, le pourpre, la piqûre des bêtes venimeuses, surtout celle des vipères, de sorte que l’animal fournissait en même temps le poison et le remède. La graisse de vipère a été préconisée comme fortifiante et nervine {a} dans les maladies des articulations, les douleurs, les faiblesses des membres. On mettait autrefois un grand prix à ce remède qui est aujourd’hui tombé en désuétude. On usait aussi jadis du vin de vipère. On faisait encore sécher le foie et le cœur de l’animal au soleil et on pulvérisait ensuite ces viscères ; cette poudre était connue sous le nom de bézoard animal et se prescrivait, comme les autres bézoards, contre les venins, la malignité, etc. Enfin, on préparait une gelée de vipère, une huile essentielle de vipère. Tout cela est abandonné aujourd’hui. La chair de vipère en poudre entre dans la confection de la thériaque et de l’orviétan. » {b}


  1. Bonne pour les nerfs.

  2. V. notes [9], lettre 5, et [14], lettre 336.

32.

« hors cette méthode, il n’y a point de salut. »

33.

« dans sa Pharmacopée d’Augsbourg » (v. note [2], lettre 312).

34.

Tout ce paragraphe a servi pour forger une partie d’une lettre, datée du 30 décembre 1653, adressée à Charles Spon dans Du Four (édition princeps, 1683, no xlvi, pages 155‑157) et Bulderen (no lxxviii, tome i, 217‑219) et à André Falconet dans Reveillé-Parise (no ccccxv, tome iii, 18‑20).

Il correspond exactement à la page de droite du manuscrit (fo 134 ro). Outre quantité de soulignements, plusieurs ajouts (lignes marginales et horizontales) indiquent des retranchements ou des déplacements à opérer, avec cette annotation : « Tout cecy/ se trouve/ dans la/ lett. […]/ du 1er vol. » Cette référence à plusieurs volumes établit que les premiers éditeurs des Lettres (Jacob Spon et Charles Patin) n’ont pas rédigé cette note, puisque leur recueil ne comptait qu’un seul volume ; mais il est instructif, à titre d’exemple, de montrer ce qu’ils ont fait de ce texte (Du Four, 1683, pages 155‑156) :

« Pour le livre de M. Chifflet, je vous en enverrai un à la première occasion. Cette poudre de quinquina {a} n’a par deçà aucun crédit. Les fous y ont couru parce qu’on la vendait bien cher ; mais l’effet ayant manqué, on s’en moque aujourd’hui. J’avais traité une fille de la fièvre quarte si heureusement que l’accès était réduit à 2 heures seulement. Sa mère, impatiente, ayant entendu le bruit que faisait cette poudre des jésuites, en acheta une prise 40 francs, font elle avait grande espérance à cause du grand prix. Le premier accès après cette prise fut de 17 heures, et beaucoup plus virulent qu’aucun autre qu’elle eût < eu > auparavant. Aujourd’hui, cette mère a peur de la fièvre de sa fille et a grand regret de son argent. Voilà comment le monde va, qui n’est qu’un sot et veut être trompé. Cette poudre est fort chaude et ne purge en aucune façon. Ils disent qu’elle est diaphorétique, ce sont des fictions, aussi bien que tout ce que l’on dit de la chair des vipères, dont peu de nos gens se servent, si ce n’est les suppôts des apothicaires ; néanmoins, je pense que pour la grader à telles fins que de raison, l’esprit de sel y est fort bon, ou même l’infusion en eau-de-vie et la sécher à l’ombre. » {b}


  1. Sur le manuscrit, « du Kinkina » a été ajouté dans l’interligne et pourrait être de la plume de Charles Patin ; « de Kinkina » dans la version imprimée (dont j’ai modernisé l’orthographe et la ponctuation).

  2. Les jésuites n’ont plus droit qu’à une discrète mention, mais le coq-à-l’âne final, du quinquina à la chair de vipère, est rendu assez difficile à comprendre.

Je ne suis pas allé plus loin dans la comparaison entre les textes manuscrits et imprimés, mais on pourrait sans doute y apprendre plus sur la mentalité et les préventions de Charles Patin en recensant les censures et les remaniements qu’il a opérés au cours de son travail d’édition (v. note [9] des Premiers éditeurs des Lettres choisies).

35.

V. note [10], lettre 332.

La Gazette, ordinaire no 157, de Paris, le 27 décembre 1653 (pages 1267‑1268) :

« Le 22e, le chancelier de France s’étant rendu au Parlement, dont toutes les chambres étaient assemblées, lecture y fut faite d’une commission adressée audit Parlement, en laquelle ledit chancelier, le premier président et deux conseillers de la Grand’Chambre sont nommés pour travailler au procès du prince de Condé ; ce qui se fit en présence des ducs de Guise, d’Épernon, de Candale et de Nemours, des maréchaux de Villeroy, de L’Hospital, de La Mothe-Houdancourt et du comte de Brienne. »

36.

Anne-Marie Martinozzi, v. note [4], lettre 326.

37.

Henri de Savoie, duc de Nemours (Paris 1625-14 janvier 1659), était le troisième fils de Henri ier, duc de Nemours, et d’Anne de Lorraine. Destiné à l’état ecclésiastique, il était demeuré chez les jésuites de la rue Saint-Antoine après ses études, faisant don à son aîné des revenus de ses bénéfices. Il avait été nommé archevêque de Reims en 1651. Après la mort de ses deux aînés (Louis, en 1641, puis Charles-Amédée, tué en duel par le duc de Beaufort en juillet 1652, sans laisser de descendance masculine), Henri devint héritier du titre ducal ; il rompit ses vœux et entra dans le monde. Le 22 mai 1657, il se maria avec Marie d’Orléans, Mademoiselle de Longueville (v. note [1], lettre 111). Son siège archiépiscopal échut au cardinal Antoine Barberini en 1657.

38.

« rumeurs qui ne sont pourtant pas encore toutes confirmées par tout le monde. »

Le nouvelliste du ms BnF fr. 5844 (fo 182) signale lui aussi cette rumeur et la précise : l’archevêché de Reims écherrait donc à Mathieu i Molé en échange des sceaux « afin les donner au comte de Servien, et la charge de surintendant au maréchal de Clérembault [Palluau], à quoi on ajoute que le premier [Molé] a donné les mains, à condition toutefois qu’il serait archevêque et duc de Reims » (Jestaz).

39.

« Médecine physiologique de Johannes Antonides Vander Linden, docteur et professeur ordinaire de pratique médicale de l’Université de Leyde, suivant une méthode nouvelle et soignée, résumée d’après chacun des meilleurs auteurs et enrichie d’observations originales. Amsterdam, Ioannes van Ravestein, 1653 » : référence en tout point exacte ; n’y manquent que le format, in‑4o, et la longueur, 884 pages (sans table des matières ni index).

V. note [4], lettre latine 50, pour l’honnête opinion que Linden y a exprimée sur la suspecte priorité de son collègue et ami Jan van Horne dans la découverte des voies du chyle (v. notes [5], lettre 390).

Simon Moinet (v. note [13] de la lettre inédite de Guy Patin venue de Russie) était l’ami de Guy Patin qui lui faisait parvenir ce livre de la part de son auteur.

40.

« tout le livre ne contient aucun index, ni table des chapitres ni index alphabétique » (v. note [8], lettre latine 28).

41.

« Médecine philologique ».

Jean ii Riolan jouait sur les mots, remplaçant physiologique, c’est-à-dire relatif à la « partie de la médecine, qui apprend à connaître la nature par rapport à la guérison de l’homme », par philologique (mot à prendre dans le sens littéraire donné par notre glossaire). La Medicina physiologica ne pouvait plaire à Riolan car Johannes Antonides Vander Linden y admettait la circulation du sang et en faisait remonter la découverte jusqu’à Hippocrate (qu’on avait donc mal lu).

42.

« On appelle figurément crème fouettée un ouvrage, un livre, un discours, et même une personne, lorsqu’on n’y trouve que de belles paroles, de belles apparences, et au fond rien de solide ; par une métaphore tirée de la crème qui s’enfle prodigieusement quand on la fouette » (Furetière).

43.

« non pas en anatomiste, mais à propos des anatomistes ».

44.

V. note [12], lettre 92.

45.

« sur la nature vénéneuse de l’antimoine ».

46.

« pour le profit des coureurs d’héritages ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 décembre 1653

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(Consulté le 19/04/2024)

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