L. 527.  >
À Charles Spon,
le 24 mai 1658

Monsieur mon très honoré et très cher ami, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le 7e de mai. Depuis ce temps-là, vous saurez que jusqu’ici le roi [2] a toujours été à Amiens. [3] On fait marcher du canon, mais on ne dit pas encore le nom de la ville que l’on assiégera : les uns disent Gravelines, [4] les autres Hesdin. [5] Le Mazarin [6] avait envoyé Mme de Fargues, [7] d’Amiens à Hesdin, pour aller traiter avec son mari [8] afin de le ramener, et Hesdin aussi, à notre parti ; et pour cet effet, lui avait donné 2 000 pistoles ; mais après avoir longtemps attendu sa réponse, elle lui a mandé qu’elle était en puissance de mari qui la retenait près de soi et qu’elle ne pouvait retourner. On a envoyé le chevalier de Montgaillard [9] vers Cromwell [10] pour accorder avec lui, et par après on fera le siège. [1] Les deux traîtres du cardinal de Retz [11] sont prisonniers à Cologne. [12]

Pour la chère vôtre que je viens de recevoir, datée du 7e de mai, je vous en rends grâces très humbles. Je suis bien aise d’y apprendre des nouvelles de votre bonne santé. Votre Basset [13] est merus nebulo, [2] tout son fait n’est que sottise et vanité, j’aime bien mieux M. Parker, [14] est sapiens et bene moratus[3] Je suis bien aise qu’il n’ait guère demeuré en Italie, sa venue et son retour me donnent de la joie.

Pour le mot de Egothea, je n’en sais non plus que vous, si ce n’est quelque composition narcotique à qui on ait voulu donner ce nom spécieux Egothea, qui serait le féminin de Egotheos[4][15] comme Manus Christi perlata, et Unguentum apostolorum, Athanasia, et aliæ miræ felicitatis inscriptiones propter quas vadimonium deseri possit[5][16][17][18] à ce que dit Pline [19] dans sa belle préface. Cela se pourrait rencontrer dans quelque vieux antidotaire, [20] qui est une espèce de livres que je n’aime point et desquels je me passe aisément. Je vous supplie de faire mes très humbles recommandations à MM. Gras et Gonsebac, auquel j’ai bien de l’obligation de se souvenir de moi ; comme aussi pareillement à cette bonne et précieuse femme que j’honore de tout mon cœur. Elle a bien fait de se faire saigner car j’ai mauvaise opinion de l’été prochain, je pense qu’il nous produira bien des maladies.

On dit que le roi de Suède [21] ne remuera point cette année, c’est assez qu’il se fasse considérer par le roi de Hongrie [22] qui a bien d’autres affaires. On dit qu’un Portugais nommé Diaz [23] a fait à Rouen une grande banqueroute. [24][25] Celle de M. Bidal [26] est ici arrêtée à six ans de terme, mais on doute néanmoins si cet accord pourra jamais réussir. Il court ici une étrange nouvelle de l’infant d’Espagne : [27] on dit que ce petit prince, âgé de six mois, est sujet à une suppression d’urine [28] et qu’il ne pisse qu’avec la bougie, [29] ex quo iudicatur non diu superfuturus ; [6] voilà une belle succession pour sa sœur et pour celui qui l’épousera. [7]

Ce 15e de mai. Les dernières nouvelles qui sont venues de Francfort, [30] portent que le roi de Suède a écrit une lettre toute pleine d’orgueil, de menaces et de rodomontades à Messieurs les électeurs, ce qui a fort alarmé leur Collège, et même qui a mis du divorce et du désordre parmi eux ; l’électeur de Bavière [31] n’y est pas encore arrivé. [8] On dit que le roi de Suède, entre autres, les menace d’entrer en Silésie [32] avec une grande armée qu’il a s’ils ne lui donnent contentement ; on dit qu’il a force cavalerie. Les jésuites [33] sont ici assemblés en grand nombre et tiennent un chapitre national pour aviser aux affaires de leur feinte Communauté et aux désordres de leur prétendu Ordre. Ils avaient fait un livre de Théologie morale touchant les cas de conscience que la Sorbonne [34] de présent examine, et en a déjà censuré huit diverses propositions, sans celles qui viendront. Ils l’ont vendu et publié, et puis après ils l’ont supprimé. M. le chancelier [35] leur en avait refusé le privilège et leur avait dit que ce livre ne devait pas être imprimé, ils ne l’ont pas voulu croire. Le syndic de Sorbonne leur en avait pareillement refusé l’approbation et néanmoins, ils n’ont pas laissé de le mettre en lumière. L’auteur en est un de leurs pères nommé le P. Pirot, [36] Breton. [9] Les députés de Sorbonne en sont aujourd’hui sur les articles de l’usure, qui seront aussi condamnés. Cette censure les fâche fort et n’ont pu l’empêcher, ni par le Mazarin, ni par leur P. Annat, [37] confesseur du roi, ni par M. le chancelier qui jusqu’ici les a toujours protégés et défendus.

Ce P. Annat avait ici un neveu âgé d’environ 32 ans qu’il voulait faire avocat au Conseil, il s’appelait Baleste, [38] je l’ai connu et traité malade, il était d’auprès de Rodez. Ce confesseur du roi lui avait fait donner une commission en ce pays-là pour quelques bénéfices, où le pauvre garçon a été tué. On dit que c’est un conseiller du parlement de Toulouse [39] qui l’a fait assassiner. Cet oncle fait rage à la cour pour tâcher de venger la mort de son cher neveu, nec proficit hilum[10] c’est qu’il n’y a point de crédit.

On dit que le roi, la reine, [40] le Mazarin et toute la cour sont sortis d’Amiens à cause que tout y manquait et que la cherté y était si grande qu’il n’y avait plus moyen d’y vivre. Il n’y avait même plus de foin, ni d’avoine, la nourriture d’un cheval y coûtait 100 sols par jour. Ils sont allés à Abbeville [41] et delà iront à Montreuil, [42] qui n’est qu’à cinq lieues d’Hesdin, qui est la ville que l’on s’en va, ce dit-on, assiéger, et que Cromwell même en est d’accord, s’offrant d’y contribuer de son côté des vivres et des hommes ; mais comme Montreuil est une ville fort petite, le roi n’y demeurera guère, on dit qu’ils iront à Péronne. [43]

Les nouvelles de Francfort portent que le roi de Hongrie, voyant que les électeurs ne sont pas prêts de procéder à sa nomination, délibère de s’en retourner en son pays à cause du roi de Suède, qui a une armée de 30 000 hommes, qui s’en va se ruer sur quelqu’un qui ne s’en doute pas. Mais il y en a bien ici qui disent que ces nouvelles en faveur du roi de Suède sont fausses, qu’elles sont supposées tout exprès, que le roi de Hongrie sera bientôt élu empereur, qu’il n’a rien à craindre du côté du roi de Suède, qu’il y a une ligue offensive et défensive entre le roi de Pologne, [44] l’électeur de Brandebourg [45] et ledit roi de Hongrie, et qu’il n’y a rien à craindre pour l’Allemagne du côté du roi de Suède qui n’est pas en état de faire une telle entreprise. [46]

Ce 18e de mai. On dit que toutes nos troupes ont passé la Somme et qu’elles sont alentour d’Hesdin, que l’on va assiéger avec 30 000 hommes. De Fargues et La Rivière [47] ne sont plus dedans, ils en sont sortis et se sont retirés en Flandres [48] avec leur argent. C’est le prince de Condé [49] qui est maître d’Hesdin, et les gens duquel commandent là-dedans. Il est bien vrai qu’Hesdin semble investie et que l’armée est là alentour, mais néanmoins il ne s’ensuit point que ce soit pour l’assiéger tout de bon. On dit qu’il y a un autre dessein de plus grande importance, que l’on verra dans huit jours. Il y en a même qui disent que le roi ira vers Metz [50] et que l’on fera passer notre armée en Allemagne, quod non credo[11]

Ce 19e de mai. Mais voilà votre dernière, datée du 14e de mai, pour laquelle je vous remercie. Je rendrai votre lettre à M. de La Fontaine [51] dès qu’il sera de retour. Il est allé à Bordeaux où deux de ses frères se doivent trouver, je pense qu’il y a quelque noce. Il m’a dit adieu en partant, et qu’il ne sera pas deux mois en tout son voyage et qu’il reviendra ici pour y être un an entier. Il assistait à mes leçons auxquelles il prenait grand goût, et me témoigna qu’il avait grand regret de les perdre, ce qu’un autre sien compagnon m’a depuis son départ rapporté de lui. S’il revient à Paris, je lui rendrai votre lettre, sinon je lui enverrai à Amsterdam [52] alors que j’aurai appris qu’il s’y sera retiré.

Enfin, votre Basset est-il tout à fait reçu ? J’ai céans le premier tome de l’Avicenne [53] de M. Plempius, [54] je ne sais quand viendra le reste. [12] Notre M. Le Rat [55] est mort il y a longtemps, il y a plus de 20 ans ; il était devenu tout mélancolique, [56] et n’a rien laissé que je sache. [13] M. Dinckel [57] n’est pas dans Loudun [58] même, à ce que j’ai appris, mais là auprès, quelque part en une maison de campagne. Votre lettre pour M. Laugier fut envoyée en même temps à la poste de Blois. [59] Je vis hier [60] dans la Couture de Sainte-Catherine [61] un jeune homme de Paris malade, [14] où je fus mené par Monsieur son père. Ce sont des moines de la congrégation de Saint-Augustin, ou autrement chanoines réguliers, [62] comme ceux de Sainte-Geneviève, [63] où l’on me montra un jeune homme parisien qui s’y est rendu depuis peu, nommé Gervais, [64] fils d’un apothicaire de Paris, que j’ai connu. Il avait étudié en médecine, s’était fait passer docteur à Montpellier [65] et avait ici planté son piquet, pensant y travailler par le moyen de ses frères et beaux-frères pharmaciens ; mais sentant que son épée était trop courte, certa rerum suarum desperatione, fecit se monachum[15] comme fit le Turisanus [66] qui a été le plus quam commentator in {Aristotelem} Avicennamsic pour Galenum >, [16][67] et le Scipio Mercurius [68] qui a fait un tome in‑4o d’erreurs populaires en italien ; [17] celui-ci se rendit jacobin et l’autre se fit chartreux, sic desperatio facit monachum[18][69][70]

J’appris hier à neuf heures du soir une nouvelle qui me plaît fort : c’est que quelques libraires d’Angleterre ayant appris qu’un cordelier nommé le P. Le Jay [71][72] faisait ici imprimer une grande Bible, [73] laquelle tiendra 15 volumes in‑fo, avec les commentaires sur chaque passage tirés par lui et extraits des meilleurs auteurs, mais particulièrement jésuites, desquels tous il est le bon ami, ainsi eux, imitant ce beau dessein, font une autre Bible à leur mode, [74] laquelle ne contiendra que huit tomes et aura les extraits des meilleurs commentateurs, non pas de grege loyolitico[19] mais des réformés, comme Calvin, [75] Bèze, [76] Spanheim, [77] etc. Elle ne tiendra que huit tomes, dont il y en a déjà six de faits ; dès qu’il y en aura ici, j’espère de m’en donner une. C’est M. Du Laurens, [78] conseiller de la Cour, neveu de celui qui a fait l’Anatomie[20][79] qui m’a appris cette nouvelle et qui en achètera pareillement un.

Je vous prie de me mander à quel prix MM. Anisson et Devenet ont mis les six tomes (qui font tout l’ouvrage) de feu M. Gassendi [80] car je tiens pour certain, à ce que nous dit ici M. Henry, [81] que le tout sera très achevé avant que la présente vous puisse être rendue. On dit ici que ceux de Genève méditent de faire une nouvelle édition de toutes les œuvres de Calvin en plusieurs tomes in‑fo et ensuite, qu’ils en feront autant de celles de Théodore de Bèze. Enfin, après le Heurnius [82] achevé, MM. Huguetan et Ravaud [83] commencent-ils le Cardan ? [84] Combien tiendra-t-il de volumes ? Et après tant de peines, souffrez que je vous en fasse encore une : dites-moi s’il vous plaît, tu qui es πανεπιστεμων, [21][85] mais tout autrement plus savant que celui de l’auteur François, [86] combien qu’il en sût plus que Panurge, [87] quelle différence mettez-vous entre les deux livres que Galien a faits de compositione medicamentorum, dont l’un est intitulé κατα τοπους, et l’autre κατα γενη. [22] Il y a bien là-dedans du fatras de remèdes dont on se passe aujourd’hui fort aisément ; mais donc cui bono ? [23] N’est-ce pas que tunc gemebat medicina sub pondere ac tyrannide της πολυφαρμακιας[24][88] et aujourd’hui l’on s’en passe fort aisément en faisant mieux et plus sûrement ?

Ce 20e de mai. On dit que le roi est à Dompierre, [25][89] à trois lieues d’Hesdin ; mais quelque mine que l’on fasse, on croit que le dessein n’est pas d’assiéger Hesdin, mais Dunkerque ; [90] à cause de quoi les troupes avancent devers là, et ce pour contenter Cromwell selon la promesse qu’on lui a faite. Le prince de Condé a envoyé à l’assemblée de Francfort, où sont les électeurs, un député de sa part, qui est le sieur Marsin. [91] M. de Turenne, [92] consulté sur le siège d’Hesdin, a dit qu’il ne le voulait point entreprendre, qu’il tenait cette place imprenable, vu qu’il y avait là-dedans 4 000 hommes et des provisions pour deux ans, et qu’il n’y fallait pas penser pour la présente année.

Ce 21e de mai. Para assem et habebis fabulam. [26][93] Voici un beau commencement de campagne : tandis que nous marchandons Hesdin et que l’on fait courir le bruit qu’il n’est pas tout à fait perdu pour nous, et que le roi est là alentour, le maréchal d’Aumont, [94] gouverneur de Boulogne, [95] était après pour surprendre Ostende [96] dans laquelle il avait une intelligence, mais elle s’est trouvée double et captor capta captus in urbe fuit[27][97] Il y est entré avec l’intendant de justice, nommé M. Talon, [98] et 300 hommes, suivi de quelques vaisseaux où il y avait plusieurs officiers et soldats du régiment des gardes et plusieurs Anglais, qui tous ensemble ont été faits prisonniers. On dit qu’ils sont bien seize cents en tout, sans quelques Anglais qui ont été poignardés ou qui sont pris, de numero nondum constat[28] M. d’Aumont a été mené prisonnier à Gand, [99] etc. Voilà une grande mortification contre tant de belles espérances que nous avions.

Nous avons ici notre bonhomme M. Guérin [100] bien malade. Il est l’ancien [101] de notre Compagnie et a succédé à M. Riolan. Laborat febricula cum fœtida diarrhæa [29] et a 86 ans passés, qui est la plus mauvaise pièce de son sac. M. Henry tient ici que toute l’impression est achevée pour M. Gassendi, mais il ne peut venir à bout de Nanteuil, [102] qui le fait étrangement chevaler : [30] il a par ci-devant trouvé divers prétextes de son infidélité (car il y a huit mois entiers qu’il devrait avoir rendu ladite planche selon l’accord qu’il avait fait, sur quoi 10 pistoles lui furent avancées) ; mais aujourd’hui il s’en prend à l’inégalité du temps et dit que faute de beau jour, bien clair et net, il ne peut achever, que les rais du soleil et la clarté du jour sont trop sombres. Tous les bons ouvriers en sont là, on ne peut rien avoir d’eux qu’à force de patience et après avoir fort longtemps attendu après leur caprice.

Il n’y a encore rien d’assuré touchant la ville que nous assiégerons, d’autant que l’affaire d’Ostende nous a fort brouillés, nous y avons perdu beaucoup d’hommes et même beaucoup d’argent. Il y a grand bruit dedans Gien [103] et Sully [104] pour les liards[105] et beaucoup de peuple révolté. [31] On imprime en Hollande plusieurs traités de feu M. Io. Ger. Vossius [106] car, outre son traité de Philosophia et sectis philosophorum qui est achevé, à ce que j’apprends par une lettre que m’a fait voir M. Henry, on y imprime un tome nouveau qui aura pour titre Theses theologicæ, une nouvelle Rhétorique, un Pomponius Mela avec des commentaires, [107] et autres qui suivront. [32]

Ce 23e de mai. Voilà M. Henry qui me vient d’apporter une épreuve de la planche du portrait de feu M. Gassendi (il me semble qu’il n’est pas mal fait), et y est aussitôt retourné sur ses pas pour y faire amender quelque faute qui s’y est trouvée en l’écriture ; j’entends aux vers qui sont au-dessous. J’espère que cette planche partira demain par le messager de Lyon. Nanteuil a touché l’argent et a bien fait attendre. C’est un martyr que d’avoir affaire à telles gens, qui promettent tout et qui ont tant de peine à s’acquitter de leurs promesses.

Il court ici un libelle imprimé (il a par ci-devant couru manuscrit) intitulé Remontrance au roi, dans lequel, à ce qu’on dit (nec enim adhuc cum vidisse licuit, adeo rarus est), [33] il y a d’étranges vérités et des choses effroyables contre le Mazarin. Il faut que cela vienne de Flandres ou de Hollande car on ne peut pas avoir eu la hardiesse de l’imprimer ici, il y a trop de surveillants. On dit aussi que le pape [108] fait un livre de plaintes et de doléances dans lequel il décharge sa conscience et s’excuse vers la postérité de ce qu’en son pontificat il n’a pas pu venir à bout de faire faire la paix entre les deux couronnes ; mais quoi qu’on en dise, je tiens pour très certain que ceux de Rome, le pape, toute la papimanie et tous les arcs-boutants de cette tyrannie ultramontaine, ne sont pas marris en leurs âmes que nos affaires soient entre les mains d’un cardinal qui fait ici leurs affaires et leur envoie encore force de nos pistoles tous les ans sans que nous en recevions guère des leurs. Je crois que le pape ne se soucie guère de la paix générale, pourvu qu’il reçoive force argent à Rome de ses annates, [34] etc. Ce Iupiter Capitolinus est le premier partisan de la chrétienté et, ut hodie vivitur Romæ[35][109] le pape ressemble mieux à Numa Pompilius [110] qu’à M. saint Pierre. [36] Pour ce livre imprimé contre le Mazarin, intitulé Remontrance au roi, plusieurs soupçonnent ici qu’il vient de la part du cardinal de Retz, ce qui n’est pas sans grande apparence. Je vis hier un mémoire qui vient de Francfort dans lequel il est parlé que le roi de Suède fait état d’entrer bientôt dans la Silésie avec une armée de 40 000 hommes, à cause de quoi la Maison d’Autriche se hâte de presser l’élection du roi de Hongrie pour empereur. [37]

Le 24e de mai. Le roi est à Calais [111] avec son cher ministre d’État. Notre armée est avancée, elle a passé la Lys et est aujourd’hui vers Bergues-Saint-Winoc. [38][112] Enfin, voilà M. Henry qui vient de m’assurer que le portrait de feu M. Gassendi est parti aujourd’hui de Paris pour y arriver d’aujourd’hui huit jours. [39] Enfin, voilà les amis de feu M. Gassendi et tous ceux qui prennent intérêt à sa mémoire délivrés de la tyrannie de Nanteuil par le moyen et la diligence de M. Henry, et du messager de Lyon qui arrivera trois jours après la présente chez M. Anisson. Les jésuites sont ici fort humiliés, tant par la censure de Sorbonne qu’ils n’ont pu empêcher que par le nombre très grand des ennemis qu’ils ont ; à quoi n’aide pas peu le désordre du temps par lequel ils n’ont guère de crédit à la cour, combien que le P. Annat y soit confesseur du roi. Carissimam uxorem tuam saluto. Tu vive vale et me ama. Tuus aere et libra, [40] Guido Patin.

De Paris, ce vendredi 24e de mai 1658.


a.

Ms BnF no 9357, fos 312‑313 ; Reveillé-Parise, no cccxxix (tome ii, pages 391‑395).

1.

Ce chevalier de Mongaillard, agent de Mazarin, est plusieurs fois cité dans la correspondance du cardinal.

2.

« est un pur vaurien ».

3.

« il est sage et de bonnes mœurs. »

4.

Littéralement, en grec, Egothea signifie la « déesse (θεα) chèvre (αιξ, αιγος) ». Le mot αιγοθεα ne figure toutefois ni dans le dictionnaire de Bailly ni dans le lexique (Œconomia) hippocratique d’Anuce Foës. {a} Charles Spon avait pu le croiser dans les Opera Medica [Œuvres médicales] de Jacques Sylvius, {b} qui en fait le composant d’un clystère pour traiter la douleur colique :

Vinum quoque aromaticum clystere injectum in materia frigida, et flatu, salubre est. Si sumi ea est necesse, egothea, aut fortior athanasia a drachma una ad sesquidrach. vel his valentius philonium ad drachmam unam dantur.

[Le vin aromatique est aussi salutaire, injecté en clystère dans la matière froide et la flatuelence. S’il est nécessaire de les administrer, on donne l’egothea {c} ou la plus puissante athanasie, {d} à la dose d’une à une dracheme et demie, mais de philonium {e} est plus efficace à la dose d’une drachme]. {f}


  1. V. note [23], lettre 7.

  2. Genève, 1634 (v. note [9], lettre 9), traité intitulé Morborum internorum prope omnium curatio, Methodo comprehensa, ex Galeno præcipue, et Marco Gattinaria [Traitement de presque toutes les maladies internes, abordé avec une méthode tirée de Galien et Marcus Gattinaria], page 436.

    V. notule {e}, note [2], lettre latine 452, pour Marco Gattinaria, commentateur des œuvres de Rhazès.

  3. Cet extrait appartient au paragraphe intitulé Mesues theorematis tertii fine [Mésué à la fin de son troisième théorème] : Mésué (v. note [25], lettre 156) est auteur de quatre théorèmes pharmaceutiques universels, énoncés en lois (canones), dont Sylvius a donné une traduction et des commentaires. ; le troisième est intitulé Correctio symptomatum a sumpto purgante medicamento nondum vacuato excitatorum [Correction des symptômes provoqués par la prise d’un purgatif, avant son évacuation] ; son 6e et dernier Canon porte sur le recours aux narcotiques opiacés (Mesuæ Opera [Œuvres de Mésué], Venise, Juntes, 1589, in‑fo, pages 19 ro‑vo), mais sans mention de l’egothea.

  4. V. infra notule {c}, note [5].

  5. Opiat décrit dans la note [41] de la Leçon sur le Laudanum et l’opium.

  6. Ce propos permet au moins de penser que Guy Patin était dans le vrai quand il conférait des vertus narcotiques à la mystérieuse egothea sur laquelle Spon l’avait interrogé.

    Il tenait aussi Egothea pour un improbable féminin d’Egotheos (forme non attestée dans les dictionnaires classiques), le « dieu chèvre », pouvant évoquer le dieu Pan, figuré dans un corps de bouc. Je pencherais plutôt pour un surnom d’Amalthée, la chèvre déifiée dont le lait est réputé avoir nourri Zeus pendant son premier âge : Αμαλθεια, « tendre déesse », dont a dérivé αμαλθειας, la « corne d’abondance ».


5.

« la Main tendue du Christ, {a} et l’Onguent des apôtres, {b} l’Athanasie, {c} et autres annonces de merveilleux bonheur pour lesquelles on manquerait à une assignation ». {d}


  1. Perlata, perlée, signifie tendue en latin macaronique (v. note [19], lettre 488) ; la main tendue du Christ était l’autre nom (miraculeux et charlatanesque) du sucre de perle, ou sucre rosat perlé ou diamargaritum (v. note [32], lettre 203) ; ce remède était recommandé pour fortifier l’estomac, adoucir les acides, guérir le crachement de sang, arrêter les cours de ventre, etc.

  2. L’onguent des apôtres est un topique détergent inventé par Avicenne et ainsi nommé parce qu’il était composé de douze ingrédients, choisis parmi plus de quatorze : cire, térébenthine, résine, gomme ammoniaque, liban, bdellium, myrrhe, galbanum, opoponax, racines d’aristoloche, vert-de-gris, litharge, huile d’olive, etc. (Encyclopédie).

  3. L’athanasie (mot dont le sens premier est « immortalité ») est un médicament végétal composé (sans opium) : « antidote que Galien décrit dans le huitième livre de ses Topiques, comme un remède propre pour les maladies du foie, la gravelle et la jaunisse » (Trévoux). Un de ses ingrédients était la tanaisie, plante réputée remarquablement vivace, « chaude, dessicative, incisive, vulnéraire, hystérique [contre les saignements utérins] et vermifuge » (Académie).

  4. Auxquelles il est impossible de résister (dans l’idiome cicéronien).

Le passage où Pline brocarde l’abus des titres risibles (Histoire naturelle, livre i ou préface, § 18‑19 ; Littré Pli, volume 1, page 4) développe la pensée de Guy Patin :

Inscriptionis apud Græcos mira felicitas : κηριον inscripsere, quod volebant intellegi favum ; alii κερας Άμαλθειας, quod Copiæ cornu ; ut vel lactis gallinacei sperare possis in volumine haustum, Ίωνια, Μουσαι, πανδεκται, εγχειριδιον, λειμων, πινκιδον, inscriptiones, propter quas vadimonium deseri possit. At quum intraveris, dii deæque ! quam nihil in medio invenies ! Nostri crassiores, Antiquitatum, Exemplorum, Artiumque ; facetissimi Lucubrationum puto, quia Bibaculus erat et vocabatur. Paulo nimis asserit Varro in satiris suis Sesculixem et Flexibula.

« Les Grecs ont un merveilleux bonheur dans le choix de leurs titres. Les uns ont intitulé leurs livres κηριον, pour dire que c’était un rayon de miel ; les autres, κερας ′Αμαλθειας, corne d’abondance, où vous croiriez pouvoir trouver un merle blanc ; et tant d’autres titres, Champs de violettes, Muses, Pandectes, Manuels, Prairies, Tablettes, pour lesquels on manquerait à une assignation. Mais quand vous y êtes une fois entrés, bons dieux ! quel vide ! Nos Romains plus grossiers intitulaient les leurs, les Antiquités, les Exemples, les Arts ; le plus plaisant, je pense, est celui qui, s’appelant Bibaculus et aimant en effet à boire, a choisi Élucubration. {a} Varron a mis un peu d’affectation dans le titre de deux de ses satires, Sesculixes et Flexibula. » {b}


  1. Fruit des veilles studieuses (v. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639) ; en note 9, Littré a ajouté un commentaire sur ce passage :

    « Ce texte est très altéré dans les manuscrits. J’ai combiné différentes variantes pour en tirer la phrase telle que je l’ai imprimée. Furius Bibaculus est un grammairien que Quintilien, xi, i, met entre l’époque de Catulle et celle d’Horace. »

    Littré jugeait inutile de préciser que bibaculus signifie « buveur déterminé » (Gaffiot).

  2. Sesculixes, « Ulysse et demi » (un fourbe et demi) est le titre d’une satire de Varron (v. note [1], lettre 14). Flexibula, comme en convient Littré est une référence incertaine (note 10) :

    « Quant à flexibula, c’est un mot douteux sur lequel les manuscrits varient beaucoup. M. Sillig a mis flextabula. Je crois que la vraie leçon est flexibula. Les satires de Varron avaient généralement deux titres, l’un latin et l’autre grec. Le titre grec de cette satire est περι επαρχιων, sur les magistratures. Le titre latin doit contenir quelque chose qui s’y rapporte, par exemple βουλη, dans le sens de sénat, assemblée gouvernante ; et flexibula pourra être, comme sesculixes, un mot hybride, signifiant les moyens par lesquels on réussit auprès du sénat. »


6.

« ce qui fait juger qu’il ne vivra plus longtemps ».

Bougie : « petite verge cirée qu’on introduit dans l’urètre pour le dilater et le tenir ouvert » (Trévoux) ; v. note [17], lettre 13, pour une application de ce procédé dont le cardinal de Richelieu tira grand soulagement, à Bordeaux en 1632.

7.

L’infant Felipe Prosper dont la santé inquiétait Guy Patin avait deux sœurs : Marie-Thérèse, future reine de France alors âgée de 20 ans, était sa demi-sœur, fille du premier mariage de Philippe iv avec Élisabeth de France ; la seconde, Marguerite, 7 ans, était, comme lui, née du second mariage du roi d’Espagne avec Marianne d’Autriche.

8.

Le 1er mai, avec les arrivées à Francfort de l’électeur de Bavière puis de l’électeur Palatin, le Collège électoral était au complet, mais encore bien en peine de résoudre les embarras diplomatiques qui retardaient depuis des mois la nomination du nouvel empereur.

La Gazette, ordinaire no 57 du 18 mai 1658 (pages 436‑437) :

« De Francfort, ledit jour 5 mais 1658. […] et présentement, comme le Collège électoral est rempli, les partisans d’Espagne, suivant leurs premiers sentiments, ne parlent plus que de l’élection d’un empereur, qu’ils pressent tant qu’ils peuvent en faveur du roi de Hongrie ; mais la plupart de ces électeurs, qui jugent à propos de préférer le bien général au particulier, les éloignent fort de leur compte, par la résolution dans laquelle ils semblent persister, non seulement de vider, avant toute chose, les griefs de la France et de la Suède, mais encore d’attendre le retour du comte de Furstenberg et du sieur Blumen qui sont partis, {a} le premier pour aller en France et l’autre, en Espagne, sur le sujet de la paix entre les deux couronnes, qui serait le seul moyen de prévenir les troubles qui menacent l’Allemagne et de rendre le repos à toute la chrétienté ; mais duquel, toutefois, il y a peu d’apparence qu’elle puisse espérer le rétablissement, tandis qu’il dépendra des Espagnols qui en ont toujours tellement été les ennemis jurés qu’ils ne sauraient s’empêcher de donner incessamment des marques publiques de cette aversion, comme a naguère fait le comte de Pigneranda qui, après avoir employé ses artifices pour éluder la députation dudit sieur Blumen, lui a refusé les passeports qui lui étaient nécessaires ; étant, comme tous les autres partisans d’Espagne, presque au désespoir de ce que la France, pour montrer la candeur de ses intentions, a remis si franchement ses intérêts entre les mains des électeurs ; lesquels, autant qu’ils sont édifiés de son procédé, se trouvent aussi scandalisés de celui des Espagnols, qui d’ailleurs ne paraissent pas moins ridicules de ce que, continuant leurs poursuites avec tant d’ardeur pour élever le roi de Hongrie au trône impérial, ils résistent si fortement à la paix, sans laquelle il serait impossible à ce prince de soutenir sa dignité, avec la tranquillité dont l’Empire n’a pas moins de besoin que d’un chef, qu’il semble même ne désirer que pour mieux jouir de ce repos. »


  1. V. note [37], lettre 525.

9.

Apologie pour les casuistes contre les calomnies des jansénistes. Où le lecteur trouvera les vérités de la Morale chrétienne si nettement expliquées, et prouvées avec tant de solidité, qu’il lui sera aisé de voir que les maximes des jansénistes n’ont que l’apparence de la vérité ; et qu’effectivement elles portent à toutes sortes de péchés, et aux grands relâchements qu’elles blâment avec tant de sévérité. Par un Théologien et Professeur en droit Canon. {a}


  1. Cologne, Pierre de la Vallée, 1658, in‑4o de 140 pages ; première édition à Paris, 1657.

L’ouvrage anonyme, écrit par le P. Georges Pirot, s.j. (1599-1659, ici déformé en Tirot par Guy Patin), contre l’auteur (alors inconnu) des Provinciales, manqua sa cible (Paul Allier, page 188, avec extraits des Mémoires du P. René Rapin, v. note [8], lettre 825) :

« Le P. Pirot, au lieu de nier les excès des casuistes, imaginait de les défendre. Rien ne pouvait mieux irriter l’opinion publique. “ Jamais livre, dit le P. Rapin, ne parut plus à contretemps… Ce fut une des plus rudes épreuves où la Providence ait depuis longtemps mis la patience de ces pères ; car ils ne furent pas même plaints de leurs amis, qui ne purent approuver leur Apologie. Ils n’avaient qu’à se taire et à se tenir en repos ;… mais le fracas de cette persécution qu’on leur fit sur ce livre fut si grand qu’on commença à les moins considérer et à les mépriser même. ” Le résultat le plus clair de la mésaventure fut de retarder la ruine de Port-Royal. »

L’Apologie déclencha en effet une cascade de réactions du parti janséniste, dont les plus incisives furent celles de Blaise Pascal :

La riposte allait s’amplifier, des évêques allaient se joindre aux curés (v. note [43], lettre 544) ; et devant ce soulèvement ecclésiastique, le Saint-Siège se décida même à condamner le livre du P. Pirot, le 26 août 1659.

Le Liber Theologiæ moralis… du jésuite espagnol Antonio Escobar (v. note [22], lettre 446) avait eu plusieurs éditions, notamment : Lyon, 1644 et 1652 ; Paris, 1656.

10.

« mais il n’avance pas d’un pouce ».

11.

« ce que je ne crois pas. »

12.

V. note [39], lettre 469, pour la traduction en latin des deux premiers livres du Canon d’Avicenne par Vopiscus Fortunatus Plempius (Louvain, 1658).

13.

Antoine Le Rat, originaire de Senlis, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1618 (Baron) n’a publié que des thèses, dont ses trois de bachelier :

14.

Couture : « se dit de quelques lieux particuliers, abusivement au lieu de custure : la Couture Sainte- Catherine à Paris, l’abbaye de la Couture au Mans. En ce sens il vient de cultura, qui a signifié un champ cultivé » (Furetière).

Couture désignait un terrain mis en culture, champ ou jardin : étaient notamment attestées à Paris les coutures du Temple (rue Vieille-du-Temple), Sainte-Catherine (rue de Sévigné), Saint-Gervais (dont le nom subsiste dans la rue des Coutures-Saint-Gervais) (A. Fierro).

Le couvent qui se trouvait alors à la Couture Sainte-Catherine s’appelait Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers (v. note [68] du Borboniana 4 manuscrit).

15.

« au désespoir assuré de ses affaires, il se fit moine ».

Ce Gervais ne figure pas dans la liste des docteurs en médecine de Montpellier, établie par Dulieu. V. note [42], lettre 324, pour les chanoines réguliers de Saint-Augustin (génovéfains).

16.

« bien plus qu’un commentateur d’Avicenne ».

Guy Patin confondait ici Avicenne avec Galien (l’une de ses références médicales les plus révérées), après pourtant s’être repris, mais en remplaçant Aristotelem {transcrit entre accolades} par Avicennam.

Turisanus est le nom latin de Pietro Torrigiano de Torrigiani (vers 1270-1350), dont on a écrit le nom de façons très diverses (Turrinno, Turrisanus, Crusianus, etc.). Il avait professé la médecine à Paris et à Florence avant de se faire chartreux. Le livre qui fait son renom est intitulé :

Plus quam commentum in parvam Galeni Artem Turisani Florentini Medici præstantisimi, cum duplici textus interpretatione, antiqua scilicet et Leoniceni, et eiusdem libello de Hypostasi,
Opus non solum Medicis utile ac necessarium, verum etiam Philosophis valde accommodatum : Quod olim quidem Iul. Martianus Rota Artium et Medic. Doctor pluribus auxit et emendavit : Nunc vero magna diligentia recognitum, atque aptius exornatum, additis quibusdam ad eamdem rem pertinentibus, denuo imprimendum curavimus.
Ea autem sunt Hali, qui eandem Galeni Artem primus exposuit. Ioannitii ad eamdem Introductio. Gentilis, qui primum eiusdem Artis librum partim explicando, partim dubitando declaravit. Nicolai Leoniceni quæstio de tribus doctrinis, in capita divisa
.

[Bien plus qu’un commentaire de Turisianus, très éminent médecin de Florence, sur l’Ars Parva de Galien, {a} avec une double traduction du texte, l’ancienne et celle de Niccolo Leoniceno, {b} et son opuscule de l’Hypostase. {c}
Ouvrage non seulement utile et nécessaire aux médecins, mais aussi tout à fait adapté aux philosophes. Julius Martianus Rota, docteur ès arts et médecine, l’a jadis beaucoup augmenté et corrigé, mais nous avons pris soin de le réimprimer maintenant, revu avec grande diligence et plus correctement présenté, avec certaines additions ayant trait au même sujet.
Il y a aussi : Hali, {d} qui le premier a mis au jour ledit Ars de Galien ; l’Introduction que lui a donnée Joannitius ; {d} Gentilis Fulginas, {e} qui a le premier déclaré qu’il fallait à la fois étudier ce livre et en douter ; la recherche de Niccolo Leoniceno sur les trois doctrines, {f} divisée en chapitres]. {g}


  1. Ars Parva, Μικροτεχνη (Microtechnê), est le surnom qu’on donne traditionnellement à l’Ars Medica (Τεχνη ιατρικη, Technê iatrikê). Dans la même veine et par contraste, sa Methodus medendi [Méthode pour remédier] est surnommée Ars magna, Μακροτεχνη (Macrotechnê, v. note [3], lettre 124).

    Dans cette édition, l’Ars Parva est composé de trois livres, mais celles qui servent aujourd’hui de références (Chartier, volume 2, pages 196‑231, ou Kühn, volume 1, pages  305‑412) n’en présentent qu’un (composé de 37 chapitres).

  2. V. note [28], lettre latine 75.

  3. Le sédiment de l’urine.

  4. Ali ibn Ridwan, médecin et astronome égyptien du xie s.

  5. Ishaq ibn Hunayn médecin de Bagdad au ixe s.

  6. Gentile da Foligno, médecin et philosophe italien mort en 1348.

  7. Postulées par Galien dans son traité, dont le Ρροοιμιον (Proœmium [Préambule]) de cette édition énonce que :

    Tres sunt omnes doctrinæ, quæ ordine Habentur. Tres sun omnes doctrinæ, quæ ordini inhærent.

    [Toutes les doctrines ont trois parties, qu’il faut considérer dans l’ordre. Toutes les doctrines ont trois parties, qui adhèrent à un ordre].

  8. Venise, héritiers de Luca Antonius Junta, 1557, in‑fo de 506 pages.

Les bizarres hésitations de Patin sur « Turisanus qui a été le plus quam commentator… » d’Aristote ou d’Avicenne, au lieu de Galien, me semblent traduire soit une étourderie, soit un doute profond sur l’authenticité galénique de l’Ars parva, qu’il pouvait tenir pour une imposture des Arabes.

17.

De gli Errori popolari d’Italia, libri sette, divisi un due parti. Nella prima si trattano gl’errori, che occorrono in qualunque modo nel governo de gl’Infermi, e s’insegna il modo di corregerli. Nella seconda si contengono gl’errori quasi si commettono nelle cause delle malattie, cioe nel modo de vivere, come nell’ uso dell’aere, dell’esercizio, et ozio ; mangiare, et bere, evacuazione, dormire, et veghiare, et passioni dell’animo, con gli suori remedii ; dove, come in uno Horlogio della sanita si mostra il modo d’allungar la vita, e viver sano senza Medico, e senza Medicine. Dell’ exxellentiss. Sig. Scipione Mercurii Filosofo, Medio, e Cittadino Romano.

[Sept livres sur les Erreurs populaires d’Italie, divisés en deux parties. La première traite des erreurs qui surviennent en quelque façon que ce soit dans le gouvernement des malades, et enseigne la manière de les corriger. Le second se consacre aux erreurs qui provoquent les maladies, c’est-à-dire dans la manière de vivre, comme dans l’usage de l’air, de l’exercice et des loisirs ; la façon de manger, de boire, d’évacuer, de dormir, et les passions de l’âme, avec leurs remèdes ; où se montre, comme en une horloge de la santé, le moyen d’allonger la vie, et de vivre sainement sans médecin ni remède. Par l’excellentissime M. Scipione Mercurio, {a} philosophe, médecin et citoyen romain]. {b}


  1. Scipione ou Girolamo Mercurio (Rome entre 1540 et 1550-vers 1615) a mené une double vie de moine dominicain (jacobin) et de médecin. V. notes [3], lettre 755, pour sa Commare o riccoglitrice [Commère ou sage-femme] (Venise, 1595), et [33] du Naudæana 3 pour ses commentaires sur Hippocrate et Galien.

  2. Venise, Gio. Battista Ciotti, 1603, un volume in‑4o de 790 pages ; ce livre venait d’être réédité à Padoue (1658, in‑4o).

18.

« ainsi le désespoir fait-il le moine » : dicton dont la forme complète est desperatio facit aut monachum aut militem [le désepoir fait ou le moine ou le soldat] (auxquels la version danoise ajoute medicum, « le médecin »).

En 1629, les moines de l’Ordre de Sainte-Catherine s’étaient réunis à la Congrégation de Sainte-Geneviève (v. supra note [15]), mais cela n’en faisait pas des chartreux.

19.

« du troupeau loyolite ».

V. notes [17], lettre 293, pour la Bible polyglotte catholique de Guy-Michel Le Jay (Paris, 1645), et [33], lettre 525, pour sa concurrente réformée, éditée par Brian Walton (Londres, 1657). Guy Patin avait dû entendre dire qu’on allait réimprimer celle de Le Jay, mais tel ne fut pas le cas.

20.

V. note [3], lettre 13, pour l’Anatomie d’André i Du Laurens, dont Guy Patin avait lui-même édité les Opera omnia (Paris, 1628).

21.

« vous qui êtes omniscient ».

Panépistémon est le titre d’un célèbre livre d’Ange Politien, ; {a} mais Épistémon est le nom du précepteur de Pantagruel, omniprésent dans l’œuvre de Rabelais (Pantagruel, Tiers, Quart et Cinquième livres) aux côtés de son maître et de leur ami Panurge. {b}


  1. La Angeli Politiani Prælectio, cui titulus Panepistemon [Leçon d’Ange Politien {i} intitulée l’Omniscient] a été imprimée pour la première fois en 1491. Elle figure aux pages 462‑473 des Opera, quæ quidem extitere hactenus, omnia… [Toutes ses œuvres qu’on sait exister à ce jour…]. {ii}

    C’est une courte, mais ambitueuse et novatrice description de tous les savoirs humains, fondée sur la philologie, tenue pour leur socle. Il y rejette catégoriquement tous les arts divinatoires, mais honore la médecine de ce paragraphe étymologique (page 463), qui donne une idée de l’ensemble :

    Naturalis aiunt philosophiæ quasi alumna pars medicina est, quam Theophilus græcus autor in theoricen practicenque dividit : theoricenque rursus in naturæ causarum signorumque rationes, hoc est, physiologicon, ætiologicon, simioticon. Item physiologicon in elementa, humores, complexus, particulas, potestates, officia. Sic ætiologicon in causas prævertentes, prævias, continentes, quæ procatarctica, proegumena, synectica vocat. Simioticon rursus in præsentium discerniculum, futurorum præsagium, præteritorum memoriam. Practicen denuo salubrium dicit esse, et eorum quæ curam desiderent, alterumque hygijnon, alterum therapeuticon appellat. Quod quoniam in victu, medicamentis, manusque sit, nunc diæteticon, nunc pharmaceuticon, nunc chirurgicon. Quod aiunt victu curat, id aut senectutem gubernat, et gerocomicon, aut defectos reficit, et analepticon, aut noxam præcavet, et prophylacticon appellatur. Medico autem veterinarij sequuntur, quos hippiatros Græci vocant, hisdem quibus medici vestigijs ingredientes, quamvis alij quidam morbi sint in iumentis.

    [La médecine est, dit-on, comme une sœur de la philosophie naturelle, que Théophile, auteur grec, {iii} sépare en théorique et en pratique. Il subdivise la théorique en examen des causes et des signes des phénomènes naturels, c’est-à-dire physiologique, étiologique et sémiologique : la physiologie concerne les structures, les humeurs, leurs liens entre elles, leurs petites parties, pouvoirs, fonctions ; l’étiologie, les causes externes, prédiposantes et intrinséques, qu’il appelle procatarctiques, proégumènes et synectiques ; {iv} la sémiologie, le discernement des faits présents, la prévision des faits futurs et la réminiscence des faits passé. Il dit ensuite que la pratique vise à préserver la santé et à procurer des soins à ceux qui en ont besoin, en appelant l’une hygiène et l’autre thérapeutique ; la diététique, la pharmacie et la chirurgie s’intéressent respectivement à l’alimentation, aux médicaments et aux actes manuels. À la suite des médecins viennent les vétérinaires, qui marchent sur les mêmes traces qu’eux et que les Grecs appellent hippiatres, {v} bien que cetaines maladies soient particulières aux bêtes de somme ou de trait].

    1. Mort en 1494, v. note [7], lettre 855.

    2. Bâle, Nicolaus Episcopius, 1553, in‑fo de 665 pages.

    3. Theophilus Antecessor (Théophile le Précurseur), juriste byzantin du vie s., dont Politien a traduit en latin et commenté les Institutiones (v. notule {b}, note [19] du Borboniana 3 manuscrit).

    4. Ces hellénismes oubliés (que la phrase de Politien explique) sont définis par les anciens dictionnaires français savants.

    5. V. notes  [14], lettre de Thomas Bartholin datée du 18 octobre 1662, pour Végèce, auteur du premier traité de médecine vétérinaire au iveve s., et [24] des Deux Vies latines de Jean Héroard pour l’hippiatrie.

  2. V. note [4], lettre 132.

22.

Les deux traités « sur la composition des médicaments » (Περι συνθεσεως των φαρμακων) de Galien dont parlait Guy Patin sont : « selon les lieux [affectés] » (κατα τοπους, en 10 livres) et « selon leurs genres » (κατα γενη, en 7 livres).

23.

« au profit de qui ? »

24.

« à cette époque, la médecine gémissait sous le poids et la tyrannie des polypharmaques ».

25.

Le roi avait quitté Abbeville le 16 mai pour aller passer la nuit à Dompierre-sur-Authie en Picardie (Somme), à peu près à mi-chemin entre Abbeville et Hesdin. Turenne avait établi son armée non loin de là et y avait accueilli la cour (Levantal).

26.

« Préparez un sou et vous aurez une histoire » (Pline le Jeune, v. note [7], lettre 430).

27.

« et le ravisseur a été capturé dans la ville qu’il a prise », Satire Ménippée, Épitaphe du chevalier d’Aumale, {a} tué lors du siège de Saint-Denis en 1591 : {b}

Sed captor capta captus in urbe perit.

[Mais le ravisseur, capturé dans la ville qu’il a prise, a péri].


  1. Édition de Ratisbonne, 1677 : page 295, en français, et page 298, en latin.

  2. Claude de Lorraine, dit le chevalier d’Aumale (1564-1591), avait été l’un des chefs ligueurs, combattant avec acharnement contre le roi Henri iv.

28.

« le nombre n’en est pas encore certain. »

Mlle de Montpensier (Mémoires, première partie, volume 3, chapitre xxxi, pages 247‑248) :

« Le maréchal d’Aumont avait ménagé une entreprise sur Ostende par des intelligences qu’il avait dedans, et rôdait aux environs en attendant l’exécution. Mais au lieu d’y réussir, il fut fait prisonnier avec tout ce qui était avec lui, {a} deux capitaines aux gardes, Vieuxbourg et Du Ranche, et leurs officiers, vingt ou trente mousquetaires ; ce qui fâcha fort le roi. Les Espagnols en usèrent fort mal car, ayant des casaques des livrées {b} du roi, ils les devaient renvoyer, et au lieu de cela on les mit en prison. La cour apprit cette nouvelle à Amiens, dont on fut assez fâché, et on dit que c’était la faute du maréchal d’Aumont ; qu’il avait fait cette entreprise à sa fantaisie contre l’ordre de la cour. »


  1. Le 14 mai 1658.

  2. Aux couleurs.

29.

« Il souffre d’une petite fièvre avec diarrhée fétide ».

30.

Chevaler : « importuner quelqu’un, le presser vivement pour obtenir de lui quelque chose : il a tant chevalé tous ses amis qu’ils lui ont fait obtenir une commission, un emploi ; on lui a fait un procès qui le fera bien chevaler, bien courir » (Furetière) ; « faire plusieurs allées et venues, plusieurs pas pour une affaire : il m’a bien fait chevaler » (Académie) ; on dirait aujourd’hui mener en bateau, faire lanterner ou tourner en bourrique.

31.

Début du sanglant soulèvement fiscal des sabotiers en Sologne, v. note [1], lettre 528.

32.

Quatre livres des Vossius ont paru à La Haye, chez Adriaan Vlacq en 1658 :

33.

« et on n’a en effet pas eu l’occasion de l’avoir vu, tant il est rare » :

Très humble et très importante Remontrance au Roi, sur la remise des places maritimes de Flandres entre les mains des Anglais.


  1. Sans lieu ni nom ni date, in‑4o de 16 pages : libelle dû au cardinal de Retz, transcrit et commenté par R. Chantelauze, avec une excellente notice historique qui cite cette lettre de Guy Patin, dans le tome cinquième de ses Œuvres (Paris, Hachette, 1880), pages 276‑327.

34.

Annate : « droit que le pape se fait payer lorsqu’il donne les bulles d’une abbaye ou d’un évêché. C’est le revenu d’une année qui a été taxé selon l’évaluation du revenu du bénéfice faite au temps du concordat » (Furetière).

35.

« à la manière dont on vit aujourd’hui à Rome ».

36.

Curieusement, l’allusion antique de Guy Patin était loin d’être déshonorante pour le « Jupiter capitolin », le pape Alexandre vii.

Numa Pompilius, second roi de Rome, né à Cures, dans le pays des Sabins, régna de 714 à 671 av. J.‑C. Il était gendre de Tatius, roi des Sabins, et succéda à Romulus. Des critiques modernes ont mis en doute l’existence de Numa, le considérant comme la personnification de la législation civile et surtout religieuse des Romains. D’autres pensent qu’il représente la période de la domination sabine. Quoi qu’il en soit, la tradition le dépeint comme un prince pacifique et rempli de sagesse. Il avait environ 40 ans lorsqu’une députation des Romains vint lui proposer le trône, qu’il n’accepta qu’à regret. Numa suivit un système complètement différent de celui de son belliqueux prédécesseur : il commença par supprimer les 300 célères ou gardes chargés de veiller sur la personne du roi et se plut à créer une milice sacerdotale. Pas une guerre ne troubla son règne de 43 ans, voué tout entier à l’établissement d’une législation et à la fondation d’institutions religieuses (G.D.U. xixe s.).

37.

La Gazette, ordinaire no 60 du 25 mai 1658 (pages 460‑461) :

« De Francfort, le 12 mai 1658. Les électeurs s’assemblent presque tous les jours et néanmoins, avancent si peu l’affaire qui touche le plus les partisans de la Maison d’Autriche qu’ils en sont grandement mortifiés ; car bien qu’ils ne doutent pas que quelques-uns soient entièrement attachés aux intérêts du roi de Hongrie, n’ignorant pas aussi que le Collège électoral fait grande réflexion sur les raisons des autres, pour l’engager, avant toute chose, à délibérer sur les griefs de la France et de la Suède, ils craignent non seulement que l’élection en soit beaucoup reculée, mais aussi la ruine de la plus grande partie de leurs injustes prétentions. Sa Majesté hongroise témoigne pareillement d’extrême impatience de ce qu’on diffère si longtemps à la faire monter au trône impérial. Mais encore que pour parvenir plus aisément à cette dignité, elle soit obligée de paraître très pacifique, les Espagnols n’ont pu s’empêcher de dire à leurs confidents qu’incontinent après son élection, quelque assurance qu’elle eût donnée du contraire, elle avait résolu de se déclarer ouvertement contre le roi de Suède ; ce qui a obligé son résident de présenter à ce Collège un mémoire par lequel il demande que, puisque ce prince, {a} pour se rendre plus agréable aux électeurs qui ne regardent que la tranquillité de l’Empire, témoignait vouloir observer exactement la paix de Münster, il fasse incessamment revenir ses troupes qui sont en Pologne. »


  1. Le roi de Suède.

38.

La Lys est aujourd’hui une rivière franco-belge qui prend sa source près de Fruges (Pas-de-Calais) et se jette dans l’Escaut à Gand, après avoir parcouru 205 kilomètres, dont 99 en France. V. note [6], lettre 246 pour Bergues-Saint-Winoc.

39.

Pour arriver à Lyon dans huit jours.

40.

« Je salue votre très chère épouse. Pour vous, vive et vale, et aimez-moi. Vôtre en toute franchise [v. note [27], lettre 172] ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 mai 1658

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(Consulté le 18/04/2024)

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