L. 293.  >
À Charles Spon,
le 6 septembre 1652

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le vendredi 2d d’août, depuis laquelle on n’a ici parlé que de la maladie de M. de Bouillon-Sedan [2] qui a été jusqu’à l’extrémité à Pontoise. [3] Le sieur Béda des Fougerais, [4] qui était ici son médecin, y a été appelé, on dit même qu’il lui a donné du stibium. [1][5] Les nouvelles portent qu’il est mieux et qu’il en guérira, dont Dieu soit loué. Et cum fata volunt, bina venena iuvant[2][6] Enfin, après en avoir bien parlé, il en est mort le vendredi 9e jour d’août à deux heures après midi, nonobstant les trois prises d’antimoine de Vallot [7] et de Béda. Guénault [8] et Rainssant, [9] qui sont deux grands empoisonneurs chimiques, de corio humano temere admodum ludentes, et in necandis hominibus exercitatissimi[3] en donnèrent ici il n’y a que dix jours à M. Saintot, [10] maître des cérémonies, âgé de 42 ans, fort et robuste, dans une fièvre continue, [11] qui en mourut cinq heures après avec tant de précipitation qu’il n’eut pas même le loisir de recevoir la communion ; [4] ce qui a augmenté l’horreur contre ce poison que le public avait déjà conçue. Les prêtres et les moines en parlent tout haut, et ont délibéré de faire des remontrances à l’archevêque de Paris [12] afin qu’il fasse défense aux médecins d’en donner et aux malades aussi < d’en prendre >, sur peine d’excommunication, [13] si premièrement ils n’ont reçu tous leurs sacrements. Guénault, qui est un dangereux homme, dit que tant plus il en tue, tant plus il gagne ; et in hoc unum incumbit, huic uni studet[5] L’antimoine [14] est même fort décrié à la cour, mais nous vivons en un si mauvais temps que je ne sais s’il est permis à un homme de bien d’espérer quelque amendement in tanta morum corruptela[6] Les charlatans ont bon temps, quia pene omnes volunt decipi[7]

Le 10e d’août, le petit duc de Valois, [15] fils unique du duc d’Orléans, [16] est ici mort d’un catarrhe [17] suffocant, ex dentitione[8][18] On l’avait sevré n’ayant que huit dents, qui était beaucoup trop tôt, ce que nous ne permettrions pas à des enfants de crocheteurs, mais les médecins des princes n’y entendent rien, et ne sont la plupart que charlatans et empiriques ; [19] il le faut ainsi à la cour où un homme de bien n’a que faire et où il ne voudrait point demeurer une heure. Mme la duchesse d’Orléans [20] est grosse, peut-être qu’elle donnera un autre garçon qui pourrait faire [branche], s’il vit, dans la famille royale.

Ce 14e d’août. Pour la vôtre datée du 9e d’août, que je viens de recevoir, je suis bien aise que soyez de retour de Mâcon [21] en bonne santé. [9] Si durant ce voyage vous n’avez perdu que la vue de M. Des François, [22] vous n’avez point perdu grand’chose. Il m’a mandé qu’il avait été chez vous. Sa lettre est si longue et si pleine de babil qu’à peine l’ai-je pu lire. Notre malheureuse guerre continue ; il est vrai que les soldats ne se battent point, mais ils mangent, ruinent et détruisent tout, et ce misérable Paris souffre tout. On nous promet toujours un accord, la paix, le départ du Mazarin, [23] etc. Ils se moquent de nous, ils ont raison, ils ont notre argent et nous le souffrons. Nos licenciés [24] sont cinq, voici leur ordre : MM. Barralis, [25] Lopès, [26] Arbinet, [27] de Sarte, [28] Landrieu. [29] Tous sont bons et savants, le moindre de ces cinq mériterait le premier lieu d’une autre licence. [30]

Le chancelier de l’Université devant lequel j’ai harangué est M. Loisel, [31] docteur de Sorbonne [32] et curé de Saint-Jean-en-Grève, [33] qui est un fort habile homme dans la doctrine et dans son métier de curé, mais qui ne harangue pas bien. [10]

Nous sommes en quelque façon bloqués, mais je pense que l’on ne nous assiégera point autrement. On dit que le roi [34] s’en va dans quelques jours à Compiègne [35] et que le Mazarin se retirera pour quelque temps à Bouillon, [36] près de Sedan, [37] mais tout cela est peu assuré. [11]

Je vous prie de ne vous point donner la peine de transcrire le chapitre de M. Hofmann [38] contre Fernel ; [12][39] gardez-vous bien de prendre cette peine, je ne vous ai jamais demandé que la ligne ou la période où Fernel était injurié ; effacez-la s’il vous plaît afin qu’elle ne soit pas imprimée, et quand on travaillera, gardez la vieille copie s’il vous plaît, afin qu’elle me puisse revenir. Il y a tantôt un an que M. Rigaud [40] est parti d’ici, sic solent nostri bibliopolæ moras nectere[13]

M. de Saumaise [41] n’a rien fait imprimer contre Milton, [42] on dit seulement que sa réponse est faite. [14] Il a dessein de retourner en Suède, mais il eût bien voulu faire un voyage en France pour y revoir encore une fois ses bons parents et amis ; la guerre l’en a empêché jusqu’à présent ; je voudrais bien le voir encore une fois à Paris. On m’a dit que Milton faisait réimprimer son livre pour une seconde fois in‑4o, augmenté de moitié, à Londres ; si cela est, il nous en pourra venir quelqu’un de deçà, et même, je crois que l’on ne tardera guère de l’imprimer aussi en Hollande. Il est vrai, et je l’avoue avec vous, que ce Milton est un rude joueur et que je voudrais avoir vu la réponse que lui fera son adversaire sur tant de particularités ; mais pourquoi ce badin, qui a, ce dit-il, tant de raisons, s’amuse-t-il à parler de Mme de Saumaise, [43] qui est une femme incomparable ? Eo nomine[15] si je tenais ce Milton, je l’étranglerais. Il est homme d’esprit éveillé, son style est gai et enjoué, il dit d’assez belles choses, mais il ne devait point mêler de telles injures ; joint qu’il n’a point encore gagné sa cause. Le crime des Anglais est sans exemple et plein d’horreur, et d’une effroyable conséquence. [44]

Je me suis enquis, tout exprès pour vous complaire, du prix des livres que m’avez mandés : les Conciles du Louvre [45] en blanc, en 37 volumes, coûtent tout en un mot, 300 livres[16] et la grande Bible de Vitré [46][47] en dix grands volumes et plusieurs langues, en blanc, 450 livres. [17][48] On m’a dit qu’il n’y avait rien à rabattre.

Je vous prie, en continuant, [18] de faire mes recommandations à nos bons amis MM. Gras, Falconet et Garnier. Depuis trois jours est mort ici un fort honnête homme nommé M. Limonne [49] qui était médecin domestique de M. le garde des sceaux de Châteauneuf. [50] C’est lui qui s’était enfermé avec son maître lorsque le cardinal de Richelieu [51] le fit mettre prisonnier dans Angoulême [52] l’an 1633, et a demeuré avec lui jusqu’à présent. [19] Il était fort honnête, civil, courtois et savant ; il était natif d’auprès de Vienne [53] en Dauphiné.

Le lundi 19e d’août, le roi et la reine [54] sont sortis de Pontoise et sont allés à Liancourt, [20][55] pour delà aller à Compiègne. Ce même jour, le Mazarin en sortit aussi et prit le chemin de Meaux, [56] pour delà aller à Château-Thierry. [57] On dit que delà il s’en va devers Liège, [58] à Dinant ; [59] d’autres disent à Bouillon ou à Metz. [60] Ut ut sit, non est fera bestia, habet animum redeundi[21][61] et aussi être ainsi que la reine l’entend, et le roi aussi, non vero aliter[22]

Ce même lundi, 19e d’août, est ici mort M. le président de Bailleul, [62] deuxième président au mortier. Il avait un fils unique [63] reçu en survivance qui dès le lendemain prit sa place dans la Grand’Chambre[23]

Notre Faculté est ici en division pour un plaisant rencontre, c’est que l’Université de Paris a droit de nommer à quelques bénéfices, et entre autres à trois cures de Paris. Le Droit canon y a depuis peu nommé, de sorte que notre rang est venu. [24] Aujourd’hui trois des nôtres font brigue pour avoir la cure de Saint-Germain-le-Vieux, [64] qui est dans le Marché-Neuf. [25][65] M. Merlet, [66] qui est un de nos anciens, la demande pour un sien fils [67] qui est déjà abbé de Saint-Lô [68] moyennant 8 000 livres de rente ; [26] mais jamais trop de bien ne chargera Normand, ces gens-là sont toujours habiles à succéder et à prendre tout ce qui vient afin que rien ne tombe à terre, tant ils ont peur de mourir de faim. Le deuxième est M. Piètre, [69] qui la demande pour son frère [70] qui est avocat et excellent homme, il est fils de Nic. Piètre, [71] petit-fils de Simon [72] et neveu du grand Simon ; [73][74] le mérite de ces trois grands hommes surpasse et vaut mieux que tous les écus que le Mazarin a volés à la France. [27] Le troisième compétiteur est M. Richard [75] qui la demande pour un sien frère, [76] bachelier en théologie, grand prédicateur et janséniste fort zélé, pour qui pareillement tout le parti se remue. [28][77] Il y a encore quelques autres externes qui regardent ce bénéfice vacant pour l’empaumer, mais ils auront de la peine à y parvenir si peut-être ce n’est quelque force externe qui s’en mêle : on parle du cardinal de Retz, [78] mais je ne sais si les grandes affaires qui l’occupent pourront lui permettre d’y penser. Non vacat exiguis rebus adesse Iovi[29][79][80] Le parti de M. Piètre est le plus juste pour obtenir notre nomination, par le mérite de feu son père, son oncle et son aïeul ; mais bien souvent la brigue renverse le bon droit. M. Merlet, qui est un Normand fort entendu en chicane, remue ciel et terre. M. Richard fait aussi jouer tous les ressorts de la puissance des jansénistes, dont la force est considérable. Mais il n’y en a pas un qui le mérite en sa personne comme notre M. Piètre, qui est un grand homme bien fait, honnête, sage et savant, de très bonne réputation dans le barreau, et à qui, pour sa vertu connue, tout le Palais souhaite qu’il l’obtienne. Il est vrai que si nous étions bien sages, nous ne marchanderions pas de lui donner, et même avec joie, pour lui faire connaître l’estime que nous faisons de ses ancêtres qui ont été des hommes incomparables et pour lui faire entendre la bonne opinion que nous avons de lui ; mais je vous dirai, à notre honte et à mon grand regret, et néanmoins très véritablement, talis sapientia apud nos non habitat[30][81] on ne fait plus tantôt rien par raison dans tout le monde, tollitur e medio sapientia, vi geritur res ; [31][82] la brigue, la fourberie, l’imposture, l’intérêt, la cabale sont le grand mobile de ce monde. Nempe omnis ordo exercet histrioniam[32][83] il n’y a pas jusqu’à notre vieux M. Moreau [84] (que la grande et sèche vieillesse a tantôt infatué) qui ne veille et ne promette de favoriser à Merlet et qui, non sans honte, abandonne lâchement le parti de M. Piètre, combien qu’il doive son érudition, son doctorat, [85] l’Hôtel-Dieu [86] de Paris (dont il est le premier médecin depuis 34 ans) et sa première femme, laquelle s’appelait Anne Piètre, [33][87][88] à feu M. Simon Piètre qui l’avait tenu chez lui pour précepteur de ses enfants, et qui a été le seul et premier auteur de sa réputation et de sa fortune. Je ne vous en écris qu’à regret et pressé, voire poussé de la douleur que j’en ai sur le cœur. Je pense que les vieilles gens sont ordinairement ingrats : c’est qu’il attend des consultations de Merlet ; [89] mais outre qu’il est bien vieux, M. Jean Piètre, qui est un maître homme, aurait bien moyen de faire mieux que ce Merlet qui n’en peut plus tantôt, accablé du poids de 70 ans et d’une grande maigreur qui le menace de lui faire bientôt voir la rive du Cocyte. [34][90] Voilà où nous en sommes, par l’avarice et l’ingratitude qui règnent aujourd’hui partout, et qui se fourrent même jusque dans le sanctuaire. [35] Quand M. Piètre ne l’aura point, il a de quoi vivre sans cela ; mais j’ai regret qu’une si belle et si plausible occasion se passe sans témoigner à ces deux Messieurs, [36] qui sont gens tous deux de grand mérite, quel état nous faisons par obligation, d’eux, de leur mérite et de celui de tous leurs ancêtres. La fourberie et l’impudence ont aujourd’hui tant de crédit que je m’étonne comment il y a encore quelques gens de bien au monde, quum tam multa liceant improbis ; [37] je ne vois plus qu’injustice, fourberie, mensonge, hypocrisie et telles autres denrées pour toute bonne raison. [91]

Nous avons ici notre vieux archevêque fort malade. Pour le coadjuteur son neveu, qui est le nouveau cardinal de Retz, l’on dit qu’il a reçu ses passeports pour aller à la cour avec pouvoir d’y mener qui il voudra ; et même dit-on qu’il partira au plus tôt et qu’il emmènera d’ici quant et soi plus de 400 personnes. [38] Vous diriez que tout le monde veut quitter Paris, comme si la peste ou la famine nous y devaient accabler ; peut-être que le malheur ne sera pas si grand que l’on pense. M. Séguier, [92] chancelier de France, après avoir longtemps attendu après des passeports du duc d’Orléans, a enfin trouvé moyen de se sauver et de sortir de Paris, ce qu’il fit hier. [39]

Enfin la vertu et la justice ont triomphé : ayant fait assembler de nouveau tous nos docteurs et leur ayant représenté tous les titres que les compétiteurs m’avaient mis en main, chacun a dit son avis par ordre, et sans bruit ; [40] le parti de M. Merlet a été plus faible et n’a eu que 21 voix, M. Richard en a eu 32 par le moyen de la brigue des jansénistes, et M. Piètre en a eu 37 ; de sorte que nous avons fait curé de Saint-Germain-le-Vieux à Paris M. Simon Piètre, qui était par ci-devant un savant avocat. [41] Il est frère de Jean, fils de Nicolas, neveu et filleul du grand Simon, lequel mourut l’an 1618, et petit-fils de Simon Piètre, doyen de notre Faculté l’an 1566, auquel an l’antimoine [93] fut condamné, et duquel vous voyez le décret de nos anciens dans notre ami M. Hofmann, in libro de Medicamentis officinalibus[42][94] J’en suis tout ravi de joie et dans un excès extraordinaire. Plût à Dieu que je pusse aussi bien vous mander la paix qui est si fort nécessaire à tout le monde ; mais voilà qu’on en parle bien autrement : on dit que la reine ayant refusé de donner aux princes, depuis le départ du Mazarin, une amnistie en bonne forme et telle qu’ils la demandaient, ils se sont raccommodés avec le duc de Lorraine [95] qui leur donne, par un nouvel accord fait entre eux, quelques troupes avec lesquelles ils rétablissent leur parti ; [43] et dès aujourd’hui, de l’heure que je vous écris, le prince a ramassé toutes ses troupes et les a fait passer vers Corbeil [96] pour aller attaquer les troupes du maréchal de Turenne [97] qui est devers là, tandis que les Lorrains y avancent aussi ; de sorte que l’on croit que dans deux jours ils se peuvent rencontrer et se battre, de quoi le prince de Condé [98] a bien envie, de regret qu’il a d’avoir perdu Montrond en Berry [99] qui s’est enfin rendue au comte de Palluau [100] après 10 mois de siège, et qu’il n’a pu faire lever. Ledit Palluau en a été fait maréchal de France. [44] Je vous donne avis que le duc de Lorraine est à Paris et qu’il a aujourd’hui dîné dans le Luxembourg ; [101] qu’il est revenu avec 12 000 hommes qui sont à quatre lieues d’ici et qui sont prêts de se battre avec le maréchal de Turenne qui a ses troupes entre Corbeil, Villeneuve-Saint-Georges, [102] et Charenton. [45][103] La reine a mandé toutes les troupes du côté de Picardie pour venir au secours du maréchal de Turenne. Peut-être qu’ils ne se battront pas, c’est la raison d’en douter, mais c’est chose certaine qu’ils ruineront tout, tant les uns que les autres ; tout est perdu ici alentour. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 6e de septembre.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 44‑45 « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz no 76 (tome ii, pages 952‑962). Note de Charles Spon au revers de l’enveloppe : « 1652./ Paris 6 septembre/ Lyon 12 dud./ Risp. adi 22 octobre ».

1.

Stibium est le nom latin de l’antimoine.

2.

« Et si le sort s’en mêle, deux poisons pris ensemble deviennent secourables » : 11e et dernier vers de l’Épigramme x, Contre une empoisonneuse adultère ; Ausone (v. note [9], lettre 335) y conte l’histoire d’une femme qui voulut tuer son mari gênant en lui donnant deux poisons en même temps ; mais l’un étant l’antidote de l’autre, le mari n’en éprouva aucun inconvénient.

V. note [8], lettre 66, pour Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne, prince de Bouillon-Sedan, frère aîné du maréchal de Turenne.

3.

« se jouant tout à fait à la légère de la peau des hommes et fort experts dans l’art de les tuer ».

4.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, page 265, 1er août 1652) :

« Saintot, {a} maître des cérémonies, meurt assez subitement à Paris, paroisse Saint-André, en sa maison où il s’était fait amener de Saint-Denis, {b} où il était indisposé chez un sien frère, ancien religieux de l’abbaye, lorsque la cour s’en alla delà à Pontoise. »


  1. Jean-Baptiste de Saintot, v. note [10], lettre 197.

  2. V. note [27], lettre 166.

5.

« et il ne s’applique qu’à cela, et c’est tout ce qu’il recherche. »

6.

« dans une telle corruption des mœurs. »

7.

« parce que presque tout le monde veut être trompé. »

8.

« provoqué par la sortie des dents [v. note [19], lettre 508] » ; v. note [12], lettre 121, pour la définition du catarrhe suffocant.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 271, samedi 10 août 1652) :

« Ce matin est mort sur les sept heures, au palais d’Orléans, le petit duc de Valois, {a} fils unique de Son Altesse Royale qui n’a pas laissé d’aller ouïr la messe à Notre-Dame ; et Madame d’Orléans s’étant laissé voir à son lever, sur les six heures du soir, à porte ouverte en sa chambre, est descendue, grosse comme elle est de six ou sept mois, ce dit-on, avec une simarre, {b} portée en sa chaise en son parc, où elle a mis pied à terre et a marché appuyée sur deux écuyers d’une façon fort langoureuse, et avec un visage défait et malade. L’enfant est mort d’un dévoiement {c} qui, du commencement, a été négligé. »


  1. V. note [1], lettre 242.

  2. Robe à longues manches pendantes.

  3. Une diarrhée.

La mort du petit duc, juste âgé de deux ans, ruina les espérances de son père (Journal de la Fronde, volume ii, fo 130 ro, Paris, 13 août 1652) :

« Depuis le 10, S.A.R. {a} a demeuré au lit, malade d’affliction de la mort de M. de Valois, dont M. le duc de Damville le vint consoler de la part de Leurs Majestés. Ce petit prince sera enterré à Saint-Denis. »


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

V. les Décrets et assemblées de la Faculté de medicine de Paris, en date du 17 aôut 1652, pour la visite de condoléances que le recteur de l’Université et le doyen Guy Patin firent à Gaston d’Orléans.

9.

Mâcon (Saône-et-Loire), sur la rive droite de la Saône, est à 70 kilomètres au nord de Lyon. On pouvait voyager d’une ville à l’autre par route ou par eau.

10.

Pierre Loisel (Compiègne 1606-Paris 1679), docteur en théologie et en droit canonique, était depuis 1637 curé de Saint-Jean-en-Grève, église située juste derrière l’Hôtel de Ville de Paris (actuelle rue de Lobau), entièrement détruite à la Révolution. Il était alors chancelier de l’Université de Paris (v. note [39] des Décrets et assemblées en 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine), après en avoir été plusieurs fois recteur (v. note [3], lettre 595). Ayant marqué de la bienveillance pour le parti janséniste, il était surtout depuis 1648, chancelier de Notre-Dame et l’un des plus farouches partisans du cardinal de Retz, ce qui lui valut d’être exilé à Compiègne en 1654 (Dictionnaire de Port-Royal, pages 682‑683). Loisel avait été blessé à la tête lors de l’émeute de l’Hôtel de Ville, le 4 juillet.

Loisel avait été compagnon de collège de Guy Patin à Beauvais (Vuilhorgne, page 34).

11.

Bouillon est aujourd’hui une ville des Ardennes belges (province de Luxembourg), située à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Sedan.

Le vent (ou du moins la stratégie) semblait en effet changer à la cour (Journal de la Fronde, volume ii, fo 130 ro, Paris, 13 août 1652) :

« Le 8, le Parlement de Pontoise enregistra une déclaration qui révoque celle qui avait été faite contre MM. les princes de Condé et de Conti, et contre Mme de Longueville, et a donné une amnistie générale de tout le passé. Ce même Parlement y devait hier faire ses remontrances contre le cardinal Mazarin qui promet de partir vendredi prochain, {a} après s’être justifié, pour aller achever le traité avec le duc de Lorraine, dont il dit que toutes les conditions sont réglées, et que ce duc lui doit donner retraite dans son pays, quoiqu’on croie plutôt qu’il ira à Metz. » {b}


  1. Le 16 août.

  2. Mazarin avait le gouvernement de Metz avec quelques abbayes et espérait en obtenir le siège épiscopal.

12.

V. note [26], lettre 277.

13.

« ainsi nos libraires ont-ils coutume d’enchaîner les retards. »

14.

Comme souvent alors, l’édition de pamphlets successifs alimentait la polémique entre Claude Saumaise et John Milton sur l’exécution du roi Charles ier d’Angleterre en 1649 (v. note [3], lettre 288).

15.

« À cause de quoi ».

Au chapitre viii (pages 187‑188) de sa Defensio… (Londres, 1651, v. note [19], lettre 264), Milton s’en prend en effet à Anne Mercier (v. note [5], lettre 95), épouse de Saumaise :

An uxor tua stimulatrix illa, quæ ut in gratiam exulis Caroli hæc scriberes etiam currentem incitasse fertur, ampliores forte in Anglia professiones et honoraria nescio quæ, redeunte Carolo, ominata tibi est ? At scitote fœmina Virque, non esse locum in Anglia neque lupo neque Lupi Domino. Unde mirum non est te toties in molossos nostros tantam rabiem effudisse. Quin redis ad illustres illos in Gallia titulos tuos, et imprimis ad famelicum illum Lupi dominatum, deinde ad consistorium illud regis Christianissimi sacrum ; nimis longo intervallo consiliarius peregre abes a patria. Verum illa, quod plane video, neque te desiderat neque consilia tua ; ne cum redires quidem paucis ab hinc annis, et culinam cardinalitiam olfacere et sectari cœpisses : sapit mehercule, sapit, teque oberrare semivirum Gallum cum uxore viro, et refertissimis inaniarum scriniis facile sinit.

[Ton épouse n’est-elle pas cet aiguillon qui, dit-on, t’a incité et même a contribué à ce que tu a écris en faveur de Charles banni, présageant pour toi en Angleterre, si Charles était rétabli, je ne sais quels emplois peut-être fort avantageux et je ne sais quelles récompenses ? Mais sachez, femme comme homme, qu’il n’y place en Angleterre ni pour un loup ni pour un Saint-Loup. {a} Il n’est donc pas étonnant que tu aies tant de fois répandu une si grande furie parmi nos molosses. Pourquoi ne retournes-tu pas à ces illustres titres que tu portes en France, et surtout à cette famélique seigneurie de Saint-Loup, et ensuite au parlement sacré du roi très-chrétien ; mais voilà trop longtemps que tu as cessé d’y siéger, pour vivre à l’étranger. C’est qu’à l’évidence elle ne te veut pas, ni toi ni tes conseils ; ni que tu y retournes pour si peu d’années que ce soit, et te mettes à rechercher et flairer la cuisine du cardinal ; c’est qu’elle te connaît, par Hercule ! elle te connaît bien, et te laisse errer comme un semi-Français accompagné d’une virago, {b} et de tes coffres tout pleins de vide].


  1. V. la biographie de Claude ii Saumaise, sieur de Saint-Loup, et la note [1] de la lettre qu’il a adressée à Guy Patin, datée du 8 novembre 1657, pour cette seigneurie attachée au nom des Saumaise.

  2. « Fille ou femme de grande taille, qui a de l’air d’un homme, qui en fait les actions, ou les exercices » (Furetière).

16.

Collectio regia conciliorum omnium generalium et provincialium [Collection royale de tous les conciles, généraux et provinciaux] (Paris, Imprimerie royale, 1644, 37 volumes in‑fo).

17.

Biblia Hebraica, Samaritana, Chaldaica, Græca, Syriaca, Latina, Arabica, quibus textus originales totius Scripturæ Sacræ, quorum pars in editione Complutensi, deinde in Antverpiensi regiis sumptibus extat, nunc integri, ex manuscriptis toto fere orbe quæsitis exemplaribus, exhibentur.

[Bible en hébreu, samaritain, chaldéen, grec, syriaque, latin, arabe, où sont présentés les textes originaux de toute l’Écriture sacrée, dont une partie existe dans l’édition d’Alacala, {a} puis dans celle d’Anvers sur les deniers royaux, {b} maintenant entière, établie à partir des exemplaires manuscrits qu’on a cherchés par presque tout le monde]. {c}


  1. V. note [23] du Faux Patiniana II‑2 pour Ferdinand Nunnez qui a été l’un des éditeurs de la Biblia poliglota Complutense [Bible polyglotte d’Alcala] (hébreu, grec, latin), parue pour la première fois en 1520.

  2. Biblia Sacra, dite Bible de Philippe ii, ou Polyglotte (cinq langues) de Christophe Plantin, parue en 1572.

  3. Paris, Antoine Vitré, 1645, 9 tomes en 10 volumes in‑fo, dont le Pentateuchus Syriacus, Arabicus, et Samaritanus [Pentateuque syriaque, arabe et samaritain] (volume de 907 pages) donne une idée.

Antoine Vitré (vers 1600-1674) avait succédé dans la libraire à son père, Pierre. Il avait acquis en 1630 le titre d’imprimeur royal des langues orientales après avoir imprimé le vocabulaire latin-arabe de J. Duval. Syndic en 1639, il devint consul en 1660.

Michaud arésumé l’histoire de ce projet monumental :

« Le projet d’une Bible polyglotte qui devait surpasser celles d’Alcala et d’Anvers avait été conçu en France par le cardinal Duperron, Jacques de Thou et Savary de Brèves. {a} Ce dernier rapportait de Constantinople 97 manuscrits précieux et de Rome, des caractères orientaux gravés par les plus habiles artistes. Brèves étant mort en 1627 {b} et divers étrangers s’étant présentés pour acheter ces caractères, Richelieu chargea Vitré de les acquérir sans déclarer que c’était pour le roi. Vitré les obtint moyennant 4 300 livres, tandis qu’auparavant on en avait refusé 7 000 offertes au nom du roi. Le marché conclu par Vitré était d’autant plus avantageux qu’on y avait compris les 97 manuscrits. Le gouvernement promit d’ajouter aux 4 300 livres une somme de 1 700 francs qui servirait à graver des poinçons et frapper des matrices de caractères éthiopiens et arméniens que ne laissait pas Brèves. Vitré eut recours au graveur Sanlecque qui fit ce travail, mais pour l’arménien seulement. Malgré ces secours, l’impression d’une Bible polyglotte devait exiger des dépenses considérables. L’avocat Guy-Michel Le Jay {c} osa s’en charger et s’y ruina. Vitré commença cette Polyglotte en 1628. »


  1. V. notes [20], lettre 146, pour Jacques Davy Duperron (mort en 1618), [4], lettre 13, pour Jacques-Auguste i de Thou (mort en 1617), et  [19] des triades du Borboniana manuscrit, pour François Savary, marquis de Brèves.

  2. Sic pour 1628.

  3. V. note [34], lettre 525.

Après bien des déboires avec les héritiers de Brèves qui réclamaient leur dû, avec les érudits qui préparaient les textes et avec Richelieu dont la protection vacillait, l’ouvrage en neuf tomes et dix volumes avait enfin été publié en 1645 ; mais comme l’a écrit Guy Patin dans sa lettre à Charles Spon, datée du 7 mai 1658, il fourmillait de fautes et ne connut pas le succès qu’auraient dû lui valoir tous les efforts qu’on avait mis à le produire.

18.

En reprenant la plume.

19.

V. note [1], lettre 16, pour l’arrestation du marquis de Châteauneuf en 1633. Limonne, son médecin personnel (domestique) n’était docteur ni de Paris, ni de Montpellier. Dans sa lettre du 18 juin 1652 (lettre 290), Guy Patin a dit de son collègue Barthélemy Barralis qu’il était aussi médecin (consultant) de l’ancien garde des sceaux (qui mourut en 1653).

20.

Liancourt, aux limites de l’Île-de-France et de la Picardie (Oise), se situe à une dizaine de kilomètres au nord de Creil. Guy Patin a plus tard parlé du château de ce lieu (v. note [4], lettre 911). La cour avait choisi une route qui évitait les villes, en passant entre Clermont au nord et Senlis au sud.

21.

« Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une bête sauvage, il a le désir de revenir ». Sans l’écrire, Guy Patin empruntait ici aux Institutions impériales de Justinien (v. note [22], lettre 224), dans quatre conclusions du livre ii, titre i, partie ii (De Venatione, et Inventione [La Chasse et la Découverte]) :

Dans une lettre écrite en 1642 à un protestant hollandais, auteur d’un traité « touchant l’usage des orgues » où il avait mal parlé de lui, René Descartes a explicitement emprunté à la même source (Œuvres philosophiques de Descartes publiées d’après les textes originaux, par L. Aimé-Martin, Paris, Auguste Desrez, 1838, in‑8o, Correspondance, lettre no 71, page 629) :

« Et pardonnez-moi si je me plains un peu de vous à ce propos [de religion], de ce que vous m’avez estimé être une fera bestia lorsque vous avez su que j’avais dessein d’aller en France ; car, si je m’en souviens, c’est ainsi que Justinien nomme ceux qui n’ont pas animum redeundi, et je me propose de ne faire qu’une course de quatre ou cinq mois. »

Descartes et Patin ont donc fait le même contresens en écrivant que Justinien définit la fera bestia [bête sauvage] comme celle qui n’a pas l’animum redeundi [désir de revenir] sous-entendu ad pristinam ferociam [à la férocité primitive] ; ce désir peut, au contraire, être éprouvé par les animalia mansuefacta [animaux domestiqués]. Pour Patin comme Descartes, la simple logique voulait que la sauvagerie se caractérisât par le refus de revenir à l’état domestiqué, mais ça n’est pas ce qu’on lit dans Justinien.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 134 vo et 135 ro, 20 août 1652) :

« La cour partit hier au matin de Pontoise et fut coucher à Liancourt, d’où elle va à Compiègne sans le cardinal Mazarin, lequel partit aussi hier au matin de Pontoise avec une escorte de 500 chevaux et fut coucher au Thillay, une lieue au delà Gonnesse, d’où il va droit à Château-Thierry, et delà à Bouillon et à Dinant. Il mène M. de Servien avec lui, se faisant fort de faire la paix avec les Espagnols par l’entremise du duc de Lorraine {a} et d’avoir ensuite bon marché de Messieurs les princes, lesquels attendent la face que doivent prendre les affaires dans ce changement, à cause de la parole qu’ils ont donnée de poser les armes aussitôt que le cardinal Mazarin sera hors de France, et ne demandent qu’une assurance qu’il ne reviendra point. Cependant, la cour ne leur a fait aucune proposition d’accommodement, espérant qu’après l’éloignement de ce cardinal, le peuple les abandonnera. Ils ont eu avis ce matin qu’elle doit envoyer ici demain un héraut d’armes qui doit publier certains ordres dans les rues de Paris, sans s’adresser ni à Son Altesse Royale, ni au Parlement, ni à l’Hôtel de Ville. »


  1. V. supra note [11].

Dinant est actuellement un chef-lieu d’arrondissement, dans la province de Namur en Belgique.

22.

« mais pas autrement. »

23.

Louis Le ou de Bailleul (vers 1624-1701) était le fils unique de Nicolas ii (v. note [5], lettre 55). Il avait été reçu au Parlement de Paris en 1643, en la première Chambre des enquêtes. Il succédait à son père comme président à mortier le 20 août 1652 (Popoff, no 485).

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, pages 276‑277, 20 août 1652) :

« Ce matin même, le sieur de Soisy de Bailleul, conseiller reçu en survivance du président de Bailleul, son père, deuxième en rang des présidents, décédé cette nuit en cette ville de Paris, a été reçu président en chef contre la teneur de ses lettres qui portent qu’il ne pourra être reçu président en chef qu’après dix ans de service en survivance, n’y ayant pas encore dix ans qu’il a été reçu en ladite survivance ; et aussi contre la teneur de la déclaration du roi registrée en son Parlement de Pontoise et imprimée, aujourd’hui publique à Paris, par laquelle le roi déclare tous offices vacants et supprimés, et toutes survivances abolies si ceux qui les possèdent ne se rendent en son Parlement à Pontoise. »

24.

Parmi ses bénéfices, l’Université de Paris détenait onze chapellenies et trois cures parisiennes (Saint-André-des-Arts, Saint-Germain-le-Vieux et Saint-Côme-et-Damien), dont elle nommait directement les titulaires. Les gradués de l’Université étaient en effet personnes ecclésiastiques depuis 1208, année où l’institution avait été placée sous la juridiction du pape, à l’instar d’une corporation assimilée au clergé. À l’origine, les maîtres et écoliers étaient donc revêtus de la qualité et de l’habit de clerc, et possédaient les privilèges de cléricature (Jestaz). Au xviie s., la règle s’était perdue pour les médecins, mais subsistait généralement parmi les autres maîtres, et l’Université présentait des candidats à l’archevêque de Paris qui les choisissait en dernier ressort. À tour de rôle, chacune des trois facultés majeures (théologie, droit canonique, médecine) et des quatre nations qui composaient la Faculté des arts (France, Normandie, Picardie, Allemagne) désignait un postulant (v. note [8], lettre 679, pour l’organisation de l’Université de Paris autour de sa Faculté des arts et de ses nations). Le choix incombait alors à la Faculté de médecine pour la succession du défunt Henri Pignié (v. note [42] des Décrets et assemblées de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine), curé de Saint-Germain-le-Vieux (v. infra note [25]).

Les mêmes Décrets et assemblées de 1651-1652 contiennent la relation de cette élection par le doyen Guy Patin, en date des lundi 26 août (débats) et mercredi 4 septembre 1652 (vote), commentée dans leurs notes [42][47]. Il est instructif de confronter les deux récits : le style officiel des comptes rendus de la Faculté et celui, intime et plus franc, des lettres à un ami.

25.

Le Marché-Neuf était une esplanade (dont subsiste aujourd’hui le quai du Marché-Neuf, qui longe la Préfecture de police) située sur la rive sud de l’île de la Cité, entre le Petit-Pont et le pont Saint-Michel.

Au coin du quai et de l’actuelle rue de la Cité (soit à l’angle de sud-est de ce qui est aujourd’hui la Préfecture de police), s’élevait la petite église Saint-Germain-le-Vieux (ou le-Vieil) ; dépendance de l’abbaye de Saint-Germain-des Prés, ce sanctuaire fut démoli à la Révolution. La cure de Saint-Germain-le-Vieux était un bénéfice dont l’attribution dépendait de l’Université de Paris (v. note [17] des Affaires de l’Université en 1651‑1652, et les Décrets et assemblées de la Faculté de médecine en date des 26 août et 4 septembre 1652, dans les Commentaires de la Faculté).

26.

V. note [44] des Décrets et assemblées de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine pour l’abbaye Sainte-Croix de Saint-Lô et pour André Merlet, alors son abbé.

Guy Patin omettait un quatrième candidat : Jacques Gaudin, docteur de Sorbonne et professeur au Collège de France, était soutenu par l’abbé des Roches (v. note [43] des mêmes Décrets et assemblées).

27.

Autant dire, après une telle déclaration, amplifiée dans les Commentaires de la Faculté (v. note [45] leurs Décrets et assemblées de 1651-1652), que la cause était entendue d’avance, au moins dans l’esprit du doyen Patin.

28.

Nicolas Richard avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1637 (Baron). V. note [46] des Décrets et assemblées de la Faculté en 1651-1652 pour son frère cadet Jean, théologien janséniste pour qui Nicolas briguait alors la cure de Saint-Germain-le-Vieux.

29.

Ovide, Tristes, livre ii, vers 215-216 :

Utque deos cœlumque simul sublime tuenti
Non vacat exiguis rebus adesse Iovi.

[Et tandis qu’il veille d’en haut sur les dieux et sur le ciel, Jupiter n’a pas le loisir de s’occuper des vétilles]. {a}


  1. V. note [28] du Faux Patiniana II‑5.

Les Commentaires de la Faculté ne font aucune allusion à ces « autres externes ».

30.

« pareille sagesse ne nous est pas coutumière » ; expression lipsienne :

apud nos scilicet sapientia illa non habitat.

[cette sagesse ne nous est évidemment pas coutumière]. {a}


  1. Extrait d’une épître de Juste Lipse, écrite à Theodorus Leewius (v. note [7] des Triades du Borboniana manuscrit) en 1583, qui est plus longuement citée dans la notule {b}, note [26], lettre latine 4.

    Guy Patin a recouru dix fois à cette expression locution latine.


31.

« on écarte la sagesse du bien commun, on mène les affaires par la force » (Ennius, v. note [12], lettre 198).

32.

« De fait, chaque compagnie joue sa comédie » (inspiré de Pétrone, v. note [8], lettre 347).

33.

En 1619, René Moreau avait épousé Anne Piètre, fille de Philippe Piètre (avocat au Parlement, v. note [36] des Affaires de l’Université en 1650-1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine), lui-même fils de Simon i, et frère d’Anne (épouse de Jean i Riolan), de Simon ii et Nicolas (v. la Généalogie des Piètre). Jean-Baptiste Moreau était né de cette première union. Je n’ai rien trouvé sur le second mariage de son père.

34.

Le Cocyte (du grec cocyein, se lamenter) était un des fleuves des enfers antiques (Tartare), qu’il entourait. Il n’était alimenté que par les larmes des méchants. Des ifs plantés sur ses rives formaient un ombrage triste et ténébreux. Ce fleuve a été personnifié sous la figure d’un vieillard dont l’urne verse des flots qui, après avoir formé un cercle parfait, s’échappent et vont se réunir à ceux de l’Achéron (Fr. Noël).

35.

V. note [6], lettre 159, pour le sens à donner au mot sanctuaire.

36.

Simon iii Piètre et son frère Jean.

37.

« bien qu’on en permette tant et tant aux malhonnêtes gens » (Juste Lipse, v. note [6], lettre 867).

38.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 148 ro, 13 septembre 1652) :

« M. le cardinal de Retz arriva le 10 au soir à Compiègne avec son beau cortège de 30 carrosses et 50 gentilshommes ; et peu après, fut saluer le roi et la reine, qui le reçurent fort bien et lui donnèrent audience particulière. Le lendemain, le roi lui donna son bonnet à la messe et le reste du jour, il se tint chez lui, étant indisposé d’une enflure de joue qui provenait d’un mal de dents. Il fit hier sa harangue au roi au nom de tout le clergé, comme chef de la députation. Son discours ravit tous ceux qui l’ouïrent. Il remontra la nécessité de donner la paix, par des raisons qui touchèrent si fort la reine qu’elle en pleura ; mais ses larmes n’ont encore produit aucun des effets qu’on en espérait. Il loua fort la bonté de S.A.R. ; {a} mais ce qui étonna le plus fut lorsqu’il parla de M. le Prince, {b} ayant représenté qu’il était d’autant plus juste de lui donner sûreté qu’outre sa naissance, les grands services qu’il avait rendus à l’État et ceux que sa valeur, connue de tout le monde, pouvait encore continuer, méritaient bien qu’on conservât sa personne et l’exaltât jusqu’au troisième ciel. » {c}


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  2. Intime ennemi de Retz.

  3. V. note [2], lettre 294, pour le récit que Retz a lui-même laissé de son voyage à Compiègne.

    Furetière :

    « Les Anciens ont admis autant de cieux solides qu’ils y ont observé de mouvements différents. Ainsi ils en ont mis sept pour les sept planètes : le ciel de la Lune, de Mercure, de Vénus, du Soleil, de Mars, de Jupiter et de Saturne ; le huitième est pour les étoiles fixes, qui est le firmament. […] La vraie opinion est qu’il n’y en a que trois : la région des planètes, le firmament et le ciel des bienheureux ; ainsi il est vrai de dire, que saint Paul fut ravi au troisième ciel. »

    C’est néanmoins le « septième ciel » qui sert à figurer aujourd’hui la complète béatitude terrestre.


39.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 144 vo, 6 septembre 1652) :

« M. le chancelier partit d’ici hier de grand matin pour aller en cour, déguisé en père de l’Oratoire, S.A.R. {a} ne lui ayant point voulu donner de passeport. »


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, pages 274‑275, 16 août 1652) :

« Le chancelier de France, M. Séguier, voyant, comme il est vraisemblable, la lieutenance générale de M. d’Orléans cessante, les armes des princes à bas et leur crédit à bas dans le Parlement de Paris, où la meilleure partie passera à l’autre, déjà établie à Pontoise par le départ du cardinal Mazarin, et qu’ainsi il ne pourrait pas y faire faire la vérification du duché-pairie de Saint-Liébaut {a} qui est à lui, qui lui était promise, écrit une grande lettre de soumission au roi qui lui fait réponse par M. Le Tellier, secrétaire d’État, que volontiers il lui pardonne et oublie tout ce qui s’est passé (c’est qu’il a cet hiver favorisé et moyenné, {b} par son gendre le duc de Sully, le passage à Mantes aux troupes des princes, et nouvellement s’est fait de leur Conseil), pourvu qu’il aille en cour le trouver, où il l’assure qu’il recevra tout bon traitement. »


  1. Appelé plus communément Villemor.

  2. Accommodé.

40.

En date des 26 août et 4 septembre 1652, Les Décrets et assemblées de 1651‑1652, dans les Commentaires de la Faculté de médecine, procurent de plus amples détails sur les attestations des candidats et sur le déroulement du vote. Il y figure un cinquième compétiteur, Jean Vacherot (v. note [11], lettre 325), prêtre et docteur régent, médecin du cardinal de Retz.

41.

V. note [137], lettre 166, pour Simon iii Piètre, avocat et prêtre, fils de Nicolas, et neveu et filleul de Simon ii, le Grand Piètre.

42.

Dans ses deux livres « Des Médicaments officinaux », {a} Caspar Hofmann a recopié le décret que la Faculté de médecine de Paris a prononcé contre l’antimoine en 1566, {b} avec ce commentaire :

Cum in Galliam appulissent hæc Officinalia mea, par amicorum selectissimum, DD. Guido Patinus, Medicus Parisiensis, et Carolus Sponius, Medicus Lugdunensis, censuere ομοθυμαδον, addendum hic esse Decretum Collegij Medici Parisiensis, (quod ultra centum viros gravissimos se extendit) contra Stibij usum, ante annos octoginta latum adversus nonnullos medicastros, Chymicos et Empiricos, de istius veneni usu imperitæ plebeculæ, ut solent in omnibus , mirabilis pollicentes : hoc ipsis verbis est tale. […]

Quod quiidem sapientissimum antiquissimæ et omnium celeberrimæ Facultatis Medicæ decretum, utinam nostris temporibus tam religiose observatum haberetur, quam prudenter fuit institutum. Sed plura alias.

[Tandis qu’on préparait en France mon présent livre des Officinaux, deux de mes amis fort distingués, MM. Guy Patin, médecin de Paris, et Charles Spon, médecin de Lyon, ont été unanimement d’avis que j’ajoute ici le décret du Collège des médecins de Paris (qui compte plus de cent hommes très valeureux) contre l’emploi de l’antimoine, prononcé il y a 80 ans pour s’opposer à une poignée de médicastres, chimistes et empiriques qui, comme tous en ont coutume, promettaient merveilles de ce poison au petit peuple ignorant. Voici ce décret exactement transcrit : (…) {b}

Ce décret de la Faculté de médecine la plus ancienne et célèbre d’entre toutes est parfaitement raisonnable. Puisse-t-il être observé aussi religieusement qu’il a été sagement fondé ; mais j’en dirai plus une autre fois. »


  1. Paris, 1646 (v. note [7], lettre 134) ; chapitre xc des Paralimpomenωn [Paralipomènes] (livre iii, section vi, De Stibio seu antimonio [Le Stibium ou antimoine], pages 692‑693.

  2. V. note [8], lettre 122.

43.

Le duc de Lorraine jouait alors effrontément sur les deux tableaux et Mazarin continuait à ruser, disant (Journal de la Fronde, volume ii, fo 138 ro et vo, 27 août 1652) :

« qu’il s’est retiré contre la volonté de Leurs Majestés qui l’ont obligé, en lui donnant congé, de leur donner sa parole de revenir au plus tôt, et qu’il ne serait jamais parti s’il n’avait vu le roi en état d’être désormais le maître absolu. Il ne va pas plus loin que Bouillon et fait état de revenir pour assister les états généraux qui sont de nouveau convoqués à Tours au mois de novembre. Cependant, il ne presse pas son voyage, n’étant parti de Meaux qu’avant-hier pour aller à Château-Thierry où il demeurera jusqu’à ce qu’il ait nouvelle du duc de Lorraine, auquel il a renvoyé Bartet {a} pour obtenir de lui un passeport à cause que ses troupes, jointes à celles du duc de Wittemberg et aux 2 000 hommes que M. le Prince a levés en < Pays de > Liège, ont passé le Marne à La Chaussée, proche Vitry, {b} et ravagent toute la Champagne, < autant > que pour établir avec lui les moyens d’un traité avec les Espagnols, par son entremise ; car on ne croit pas que ce duc se veuille aboucher avec lui ; et pour tâcher de l’engager à empêcher que ce secours de Wittemberg ne vienne à Messieurs les princes, avec lesquels ce duc ne laisse pas néanmoins de traiter aussi bien et en même temps avec ce cardinal. »


  1. V. note [36], lettre 549.

  2. Vitry-le-François.

44.

La Rochefoucauld (Mémoires, pages 290‑291) :

« Paris était alors plus divisé que jamais. La cour gagnait tous les jours quelqu’un dans le Parlement et parmi le peuple. Le massacre de l’Hôtel de Ville avait donné de l’horreur à tout le monde. L’armée des princes n’osait tenir la campagne ; son séjour à Paris augmentait l’aigreur contre M. le Prince et ses affaires étaient réduites en de plus mauvais termes qu’elles n’avaient encore été, lorsque les Espagnols, qui voulaient également empêcher la ruine et l’élévation de M. le Prince afin de perpétuer la guerre, firent marcher encore une seconde fois M. de Lorraine à Paris, avec un corps considérable, pour arrêter l’armée du roi. Il la tint même investie {a} à Villeneuve-Saint-Georges et manda à Paris qu’il la contraindrait à donner bataille ou de mourir de faim dans son camp. Cette espérance flatta M. le Prince et il crut tirer de grands avantages de l’événement de cette action, bien qu’il soit vrai que M. de Turenne ne manqua jamais de vivres et qu’il eut toujours la liberté de se retirer à Melun sans hasarder un combat ; et il s’y retira enfin sans rencontrer d’obstacles pendant que M. de Lorraine était venu à Paris et que M. le Prince était malade d’une fièvre continue. Le corps que commandait le comte de Palluau joignit ensuite l’armée du roi après avoir pris Montrond. {b} Il y avait bloqué, avec assez peu de troupes, le marquis de Persan {c} dès le commencement de la guerre ; mais lorsque sa garnison fut affaiblie par les maladies, on l’attaqua de force et on le prit avec moins de résistance qu’on n’en devait attendre de si braves gens dans une des meilleures places du monde si on n’y eût manqué de rien. Cette perte dut être d’autant plus sensible à M. le Prince qu’elle était arrivée en partie pour n’y avoir pas apporté les remèdes qui étaient en son pouvoir, puisque, dans le temps que l’armée du roi était vers Compiègne, il lui fut souvent assez facile de secourir Montrond, au lieu que ses troupes, en ruinant les environs de Paris, augmentèrent la haine qu’on lui portait. »


  1. Encerclée.

  2. Le 1er septembre].

  3. V. note [43], lettre 229.

Montglat (Mémoires, page 275) :

« Palluau eut pour la prise de Montrond les lettres de maréchal de France, à condition de les tenir secrètes dans son cabinet et de n’en point parler jusqu’à ce que le cardinal lui eût permis, selon la mode du temps, dans lequel on ne faisait des grâces qu’en secret. »

45.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 144 vo‑145 ro, 6 septembre 1652) :

« Le duc de Lorraine étant arrivé, hier à Montgeron, proche {a} Villeneuve-Saint-Georges, avec ses troupes et celles de Wittemberg, le tout faisant plus de dix mille hommes, y enveloppa un parti de 150 chevaux du maréchal de Turenne et les prit prisonniers. Ensuite, il envoya donner avis de son arrivée à S.A.R. {b} et à M. le Prince, qui partit hier au soir pour aller à son camp qui était encore au delà du faubourg Saint-Victor, et a fait partir sa cavalerie à une heure après minuit, et l’infanterie ce matin, avec le bagage et huit pièces de canon, pour aller joindre l’armée lorraine à Montgeron où ils ont passé la Seine dans des bateaux qu’ils ont fait porter sur des chariots, et la doivent avoir jointe à présent. Celle du maréchal de Turenne, qui n’est que de huit mille hommes au plus, compris celle du maréchal de Senneterre et de Mombas, s’étant venue camper à Villeneuve-Saint-Georges, se trouve presque enveloppée par l’autre et l’on croit qu’il y aura bientôt combat. Cependant, le duc de Lorraine est arrivé ici aujourd’hui à une heure après midi, avec M. le Prince et le chevalier de Guise, et ils ont dîné ensemble au palais d’Orléans. Ils s’en sont retournés ce soir à leur camp. L’on assure que ce duc a traité avec M. le Prince qui lui a assuré la restitution de Clermont, {c} et c’est le baron de Verderonne qui a fait ce traité. Quelques-uns veulent que M. le Prince ait baillé cent mille écus en lettre de change, payables à Bruxelles, lesquels lui ont été envoyés d’Espagne. »


  1. Quelques kilomètres au sud.

  2. Son Altesse Royale, le duc d’Orléans.

  3. Clermont-en-Argonne.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 septembre 1652

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(Consulté le 19/03/2024)

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