L. latine reçue 2.  >
De Jan van Beverwijk,
le 30 juillet 1640

[Beverwijk a, page 161 | LAT | IMG]

Guérison d’un coma débutant avec convulsion et cécité, en lien avec une suppression d’urine par un calcul.

[Beverwijk a, page 162 | LAT | IMG]

Jan van Beverwijk adresse ses salutations [1] à Guy Patin, docteur en médecine de Paris.

Très distingué et très excellent Monsieur, [a][1][2]

Seb. Hogendicius, savant jeune homme, m’avait écrit de Padoue, [3] d’où il est récemment revenu après y avoir reçu le bonnet de docteur. Il me disait qu’en passant à Paris, il avait présenté ses salutations à un médecin fort renommé, le très distingué Patin, et qu’il me ferait bientôt parvenir une lettre de sa part. [2][4] Je l’ai attendue depuis longtemps déjà avec immense impatience ; enfin, le très noble Clotovicius m’a remis la tant désirée. [3] J’y ai couvert de baisers la candeur de votre esprit, qui a la blancheur de la neige, et surtout admiré votre extraordinaire érudition. Vous avez tout à fait raison de déplorer le triste sort que réserve le calcul à ceux qui cultivent les muses les plus raffinées. Pour ma part, je préférerais avoir quelque autre ressemblance avec de grands hommes, qu’en cette lithiase érasmienne, qui m’est bien peu ερασμιος hélas ! [4][5][6][7] Permettez-moi d’en venir à bout en juge stoïque : Heracleotes Dionysius, cum a Zenone fortis esse didicisset, a dolore dedoctus est. Nam cum ex renibus, comme écrit Cicéron, laboraret, ipso in ejulatu clamitabat falsa esse illa quæ antea de dolore ipse sensisset[5][8][9][10]

[Beverwijk a, page 163 | LAT | IMG] Cela pourrait nous ramener à la vie paisible de ceux qui sont fort assidus aux livres ; mais les affaires politiques et médicales me privent largement de ce loisir. À l’instar du grand Érasme, si pourtant je puis en tirer gloire, je souffre de lithiase urinaire. Voilà bien ce qu’a chanté Martial : [11]

Carmina quod scribis Musis et Apolline nullo,
Laudari debes, hoc Ciceronis habes
[6]

Je souhaiterais plutôt être le dernier des poètes, que le premier des calculeux ; et il me semble ne pas être très loin de ces deux extrêmes. Personne n’admire les vers que j’ai écrits, bien qu’ils soient grecs, mais dans la susdite veine cicéronienne ; non plus que tous les calculs que j’ai fabriqués, notamment le dernier, qu’il m’a fallu extraire moi-même du gland. [7] Je le remue si bien là-dedans que j’arrache son invisible racine, radicitus, imo etiam eradicitus[8][12] Il est vraiment étonnant de voir comme les maîtres de notre métier ont accompli peu de progrès en ce domaine. Faisant confiance à Hippocrate et Galien, [13][14] tous ceux qui sont venus après ont dormi paisiblement sur leurs deux oreilles et, sans chercher plus loin, se sont rangés à l’avis de leurs prédécesseurs. Pendant tous ces siècles, une infinité d’auteurs n’en ont rien écrit d’autre que ce qu’on en avait déjà dit avant eux, jusqu’à écœurer les lecteurs. [Beverwijk a, page 164 | LAT | IMG] Crambe recocta[9][15] Les chimistes s’y sont frottés, et non sans bonheur. [16] En suivant leurs traces, je ne scrute pas soigneusement toutes choses à leur manière, mais j’emploie autant que possible tout ce qu’il y a de bon conseil chez les plus éminents médecins ; et parmi eux le très distingué Moreau, votre collègue, [17] et (qu’il me soit permis de l’ajouter) Naudé, notre grand ami commun. [18] J’ai vu, lu et trouvé excellent son Syntagma de Studio militari, dont il m’a fait cadeau. Et pourquoi ne l’approuverais-je pas, quand les meilleurs et les plus savants l’ont fait, et quand Bourbon l’a loué, ce fameux poète dont je reconnais tout particulièrement le talent et les vers pénétrants ? [10][19] Rien ne surpasse pourtant le jugement de Grotius. Ô l’incomparable ornement de sa patrie, même s’il semble n’être pas né pour la servir ! [11][20] Le très distingué Heinsius a pu se montrer le plus grand de tous les poètes et des amis quand il écrivait, voilà 26 années, ces deux vers, parmi d’autres, à mettre sous son portrait :

Depositum cœli, quod jure Batavia mater
Horret, et haud credit se peperisse sibi
[12][21]

Pour le livre français que vous m’offrez, je le recevrai Batavice[13][22][23] si vous le remettez au R.P. Mersenne qui a coutume d’envoyer ses courriers au seigneur, ou premier conseiller, de Zuilichem, qui est fort mon ami. [14][24][25][26]

[Beverwijk a, page 165 | LAT | IMG] Je vous remercie beaucoup pour votre portrait et le tiens pour l’une des plus agréables choses que je possède. [27] Notre Lipse a eu raison d’écrire que natura nos trahi ad simulachra et effigies magnorum virorum noscendas, et illa corpora, seu hospitia, quibus cœlestis se animus inclusit[15][28] Il semble aussi que les nobles pensées incitent aux vertus érudites, comme jadis les trophées de Miltiade agitèrent l’esprit de Thémistocle. [16][29][30][31] Ainsi et suivant la louable coutume des Anciens, je conserve dans ma bibliothèque les portraits peints ou gravés de doctes personnages ; et parmi eux, il y a aussi désormais le vôtre, aux côtés d’Érasme, de Grotius et d’autres héros des lettres. L’éminent artiste qui gravait le mien est mort en laissant son œuvre inachevée. Je n’ai pas songé depuis à en faire faire un autre. Je dois pourtant vous en offrir un, ainsi qu’aux amis qui m’ont envoyé le leur, comme le souvenir et le rappel d’une amitié qu’il convient de choyer. Mon Thesaurus sanitatis en est déjà à sa quatrième édition, je l’ai écrit en néerlandais et ne m’étonne donc pas qu’on ne l’ait pas expédié dans votre pays ; tout comme le livre en même langue que j’ai publié l’an dernier de Excellentia fœmini sexus, que j’avais d’abord écrit en latin, en hommage à une très fameuse héroïne, Anna Maria van Schurman, qui est une jeune fille admirablement savante. [17][32][33] Avec d’autres lettres, j’ai publié la sienne [Beverwijk a, page 166 | LAT | IMG] de vitæ termino[18] D’autres choses suivront sous peu et j’espère avoir bientôt l’occasion de partager cela avec vous. J’ai jadis mis au jour un Encomium medicinæ, qui est une œuvre de jeunesse, auquel j’ai ajouté mon < adversus > Montanum ελεγχομερον. [19][34] Aucun des deux n’est digne de vous être mis sous les yeux. Ce que vous me mandez amicalement n’est pas toujours vrai : vous avez raison d’admettre que quand un rein est obstrué, l’autre cesse aussitôt de fonctionner ; mais je ne tiens pas cela pour absolu puisque, comme vous, j’ai très souvent observé le contraire. [35] J’ai seulement tenu cela pour digne de remarque, l’ayant vu plus d’une fois, tout comme Vallesius et d’autres qu’il cite ; et c’est là-dessus que Pereda le blâme sans raison. [20][36][37] En réponse au cas de Miron, [38] je vous en rapporterai deux autres qui me semblent tout à fait remarquables.

À la page 120, j’ai écrit que ceux que la suppression d’urine a plongés dans le coma ne s’en réveilleront pas, parce que la qualité vénéneuse de l’urine leur a imprégné le cerveau ; si toutefois elle ne s’y est pas encore profondément implantée, mais a seulement provoqué un endormissement, le malade somnolent peut recouvrer la santé après qu’on a rétabli l’écoulement de l’urine. [21][39] Un homme de la cinquantaine, gravement affligé de douleurs néphrétiques et arthritiques, est toujours en vie alors qu’il était moribond voilà deux ans. Il était frappé [Beverwijk a, page 167 | LAT | IMG] d’une suppression absolument complète d’urine, avec vomissement continu et très vives douleurs aux deux hypocondres, [40] qui s’étendaient jusqu’aux lombes. Au cinquième jour, après avoir reçu clystères, [41] cataplasmes, [42] décoctions et poudres diurétiques, [43] il n’a émis qu’une petite quantité d’urine, s’écoulant goutte à goutte. Le même matin, j’ai pris soin d’appliquer trois fois une petite ventouse un peu au-dessous des deux régions douloureuses ; [44] ce qui, m’a-t-il affirmé plus tard, lui a fait sentir une attraction manifeste et comme une mobilisation de ses calculs. Dans l’intervalle, il avait été affligé d’une respiration difficile, d’une raucité de la voix et d’une somnolence, mais de façon temporaire. Il se plaignait que l’urine lui avait déjà dépassé la poitrine et lui gagnait le cou, pour l’égorger. Tandis qu’au soir venant, je le vis dormir presque assis, je craignis moi aussi, comme j’avais souvent vu, que ne vînt pour lui :

Nox hæc perpetuo una dormienda[22][45]

Ceux qui se tenaient à son chevet ayant coutume de prendre le sommeil pour un présage de salut, je les avertis donc qu’un immense péril menaçait le malade et qu’il se tenait déjà inter sacrum saxumque ; [23][46] car pour ceux que l’anurie plonge dans le sommeil,

     παντεσσιν επι ξυρου ισταται ακμης
Η μαλα λυγρος ολεθρος Αχαιοις ηε βιωναι.

[Beverwijk a, page 168 | LAT | IMG]

     cunctis sita res in cuspide ferri est,
Vivantne, an tristi exitio absumantur Achivi.
 [24][47]

Mettant pourtant fin à la plupart de leurs plaintes et de leurs querelles, même avec leurs familiers, ils ne sont pas dans l’inquiétude de s’en aller ; ils s’éteignent paisiblement, et comme dit le poète,

Illis dura quies oculos, et ferreus urget
Somnus, in æternam clauduntur lumina noctem
[25][48]

Pourtant, peu après avoir pris deux fois d’un apozème [49] et, de grand matin, onze gouttes d’huile de genévrier dans du vin du Rhin, [26][50][51] notre malade a rejeté un calcul oblong et pointu, qu’a suivi une grande quantité d’urine fort sanglante. La douleur de l’hypocondre droit disparut alors, mais elle persista au côté gauche, avec des vomissements continus et violents (l’urine s’écoulait en abondance et librement, fort teintée de sang et contenant ce qui ressemblait à des petits fragments d’uretère) ; et ce jusqu’au onzième jour où, se réveillant le matin, il déclara être délivré de toute douleur, ne se plaignant plus que d’une dysurie, signe que le mal était déjà descendu dans la vessie. C’est pourquoi, en vue d’abattre le pont que se ménageait l’ennemi, [Beverwijk a, page 169 | LAT | IMG] je prescrivis à nouveau de la poudre diurétique ; et trois heures après, il expulsa deux calculs de la taille d’un pois et, après le même intervalle de temps, deux autres presque de même taille. Les vomissements cessèrent alors sur-le-champ, ainsi que les autres symptômes ; et surtout, sa funeste léthargie [52] se dissipa avec la menace qu’elle faisait peser sur lui, car elle a pour parent, pour frère, celui qui est souvent, comme dit Coluthus, θανατοιο συνεμπορος, mortis comes[27][53] Pour son bonheur, le péril s’éloigna, et il efface maintenant les dernières flétrissures de sa triste langueur, en enfant du Rhin qui fait la fierté de son père, dont il est le courtier. [28]

Alors que nous voyons fréquemment survenir ce genre de coma quand l’urine cesse de s’écouler, il est fort rare que l’anurie engendre la convulsion, [54] et j’ignore si quelqu’un a jamais écrit là-dessus (bien qu’Hippocrate semble l’avoir envisagé dans ses Coaques, quand il dit que la suppression d’urine, surtout si elle s’accompagne de maux de tête, menace le malade de convulsion). [29][55][56] Il en va de même pour la cécité, [57] mais j’ai vu un enfant frappé de ces deux symptômes, et en guérir : le petit garçon d’un magistrat de Dordrecht, âgé de cinq ans, tandis qu’il n’avait émis aucune urine depuis trente-six heures, tomba en d’horribles convulsions en poussant de grands cris et perdit la vue dès la première crise ; huit jours durant, [Beverwijk a, page 170 | LAT | IMG] il en fut misérablement torturé et subit environ vingt-cinq paroxysmes, mais on finit par lui extraire un calcul de la verge, que des médications avaient permis de pousser jusque-là, ce qui s’accompagna d’un abondant écoulement d’urine ; après quoi, néanmoins, il a encore convulsé à quatre reprises. Le neuvième jour au matin, tandis qu’il était encore aveugle, j’ai prescrit une purgation, [58] et il a retrouvé la vue dans la soirée. Par la suite, il l’a de nouveau perdue, quand les convulsions le reprenaient, la recouvrant chaque fois peu après. Ensuite, et depuis déjà quelques années, il est demeuré indemne de ces maux. Dans ce cas, me semble-t-il, ce n’est pas l’urine qui a imprégné la substance cérébrale, comme chez les comateux ; mais ce sont ses émanations qui, par leur qualité maléfique, ont piqué et irrité les méninges, ce qui a provoqué l’excitation du cerveau, qui a lutté pour les chasser car il sentait qu’elles étaient nuisibles pour lui ; d’où sont venus ces mouvements convulsifs. Il en ressort donc clairement que nulle obstruction urinaire ne pouvait rendre compte de la cécité, qui se dissipait aussi subitement qu’elle était venue. [30]

Voilà, très célèbre Monsieur, ce qu’il m’a semblé devoir répondre à votre très savante lettre, qui vous rend digne d’une repartie agréable. J’ai décidé de la confier à un imprimeur, avec les miennes et celles d’autres gens. C’est pourquoi je souhaiterais qu’à votre exemple, plusieurs amis de votre ville, cet entrepôt de toute la science, [Beverwijk a, page 171 | LAT | IMG] eussent à cœur de devoir bien mériter de moi et du public ; et en tout premier, le très excellent M. Moreau, à qui je ne doute guère que le R.P. Mersenne a remis ma réponse. Vale, très méritant Monsieur, et continuez de me gratifier, moi qui suis votre plus attentionné serviteur, de votre affection et de vos si doctes écrits, comme vous avez commencé de le faire.

À Dordrecht, le 30 juillet 1640. [31][59][60]


a.

Lettre de Jan van Beverwijk à Guy Patin, imprimée dans Beverwijk a, pages 161‑170.

V. note [a], lettre latine 4, pour l’édition de cette lettre par Charles Nisard en 1883 ; ses annotations ont enrichi les miennes.

1.

S.D., abréviation latine de Salutem Dicit.

2.

Bastiaan Hoogendijk (Sebastianus Hogendicius) avait reçu le bonnet de docteur en médecine à Padoue en mai 1636. Il pratiqua la médecine à Dordrecht, sa ville natale, jusqu’à sa mort en 1653. « Il a fait d’excellentes observations sur la médecine pour l’instruction de son fils, qui les a laissés périr. On n’a de lui que des épigrammes grecques, imprimées à la tête de quelques ouvrages de ses amis » (Éloy). C’est le « jeune homme de Dordrecht » dont Guy Patin a parlé, sans le nommer, dans sa lettre du 19 juillet 1640 (note [2]), en disant qu’il était venu lui rendre visite « il y a déjà longtemps ».

3.

Je n’ai pas mieux identifié le Hollandais Clotovicius, porteur de lettre.

D’après son contenu, la présente lettre de Jan van Beverwijk, datée du 30 juillet (iii. Kalend. Sextil. soit le 9 août dans le calendrier grégorien suivi en France) 1640, est sa réponse à celle de Guy Patin qui la précède dans l’Exercitatio in Hippocratis aphorismum de calculo, qui est datée du 19 juillet 1640 (xiv. Kal. August. grégorien, v. note [12], lettre 440). Patin avait fort tardé à tenir la promesse qu’il avait faite à Baastian Hoogendijk d’écrire à Beverwijk : le jeune étudiant voyageur avait eu le temps de quitter Paris, où il avait vu Patin, de parvenir à Padoue et d’en envoyer une lettre à Beverwijk ; elle lui était alors arrivée à Dordrecht depuis un bon moment, ce qui expliquait son impatience à voir arriver la lettre de Patin que lui avait annoncée Hoogendijk.

4.

V. notes [4] et [5], lettre latine 4, pour l’ironie sur l’adjectif grec érasmios (désiré, aimable) qu’Érasme s’était choisi pour se fabriquer un nom, et pour les tortures que lui infligeait sa lithiase urinaire.

5.

Cicéron (Tusculanes, livre ii, chapitre xxv), avec une coquille dans la source latine, deductus pour dedoctus, que j’ai corrigée :

« Denys d’Héraclée a changé de doctrine en éprouvant la douleur, bien que Zénon lui eût appris à être courageux. De fait, quand il souffrait des reins, il gémissait en criant que tout ce qu’il avait cru de la douleur était faux » {a}


  1. Ses coliques néphrétiques auraient ainsi convaincu Denys d’Héraclée (sur le Pont-Euxin), tyran grec du ive s. av. J.‑C., d’abord disciple de Zénon (v. note [8], lettre 340), d’abandonner son stoïcisme pour se convertir à l’hédonisme d’Aristippe (v. note [57], lettre 211).

6.

Martial (Épigrammes, livre ii, vers 3‑4) :

« Tu fais des vers en dépit des Muses et d’Apollon, {a} on doit t’en féliciter car tu partages ce talent avec Cicéron » {b}


  1. V. note [8], lettre 997.

  2. V. note [9], lettre 408, pour le vers de Cicéron qui faisait la risée des poètes de son temps.

Dans sa note 27, page 17, Charles Nisard lie l’intérêt de Jan van Beverwyjk pour les affaires politiques au fait qu’il était alors député de Dordrecht aux États de Hollande. Éloy en a dit plus long :

« En 1627, il entra dans la régence de Dordrecht en qualité de conseiller, et fut continué dans cette place en 1628. Il fut élu échevin en 1631 et 1632, l’un des quarante [sénateurs] en 1631, administrateur de la chambre des orphelins en 1637, 1638, 1642 et 4643 ; enfin, il fut plus d’une fois député de l’Assemblée des États généraux. »

7.

Il arrive aux calculs urinaires de se coincer à l’extrémité de l’urètre, au niveau du gland pénien.

8.

« jusqu’au fond, et même jusqu’au tréfonds » ; emprunt au Mostellaria [Le Revenant] de Plaute (acte v, scène 1, vers 62‑63) :

Nam omnia malefacta vostra repperi radicitus :
Non radicitus quidem Hercle, verum etiam eradicitus
.

[C’est que je connais vos méfaits jusqu’au fond ; quand je dis jusqu’au fond, non, c’est même jusqu’au tréfonds].

9.

« Du chou réchauffé », expression qu’Érasme a commentée dans son adage Crambe bis posita, mors [Du chou resservi, et c’est la mort] (no 438) :

Suidas scribit illam antiquitus in convivii adhiberi solere, verum recoctam ado nauseam afferre, ut Græcias in fastidii proverbium abierit. Quoties enim rem iterum atque iterum repetitam non sine molestia significabant δις κραμβη θανατος, id est bis crambe mors, hoc est κραμβη δισεφθος, crambe recocta.

[Il est écrit dans Suidas {a} qu’aux temps anciens, on avait coutume de le servir dans les banquets, mais que réchauffé, il donne la nausée, tant et si bien que les Grecs en ont fait un proverbe pour exprimer le dégoût ; car chaque fois qu’ils voulaient parler d’une chose qu’on répète non sans désagrément, ils disaient δις κραμβη θανατος, du chou deux fois et c’est la mort, en d’autres termes, κραμβη δισεφθος, du chou réchauffé]. {b}


  1. Suidas (v. note [47] du Grotiana 2) à propos du crambe, qui est une variété de chou.

  2. Jan van Beverwijk a particulièrement bien choisi son adage pour blâmer le sempiternel rabâchage, stérile et désespérant, des médecins dogmatiques, hippocrato-galénistes.

10.

V. notes [10] et [11], lettre latine 4, pour ce « Traité sur l’Art de la guerre » de Gabriel Naudé (Rome, 1637) et pour l’épigramme que Nicolas Bourbon avait écrite à sa louange.

11.

Après deux ans d’emprisonnement pour raisons politiques et religieuses, le Hollandais Hugo Grotius avait fui sa patrie en 1621 pour se mettre jusqu’à sa mort au service diplomatique de la France et de la Suède. Il avait désapprouvé l’ouvrage de Gabriel Naudé (v. note [12], lettre latine 4).

12.

Deux premiers vers du quatrain que Daniel Heinsius (1580-1655, v. note [4], lettre 53) avait écrit en 1612 pour honorer un portrait de Grotius (1583-1645) : {a}

Depositum cœli, quod jure Batavia mater
Horret, et haud credit se peperisse sibi
Talem oculis, talem ore tulit se maximus Hugo :
Instar crede hominis, cætera crede Dei
.

[Voici les yeux, voici les traits de l’immense Hugo, dépôt du ciel que la Hollande, sa mère, a raison d’avoir en horreur et ne croit pas avoir enfanté pour elle : il a les traits d’un homme, mais pour le reste, il ressemble à un dieu]. {a}


  1. V. note [4], lettre 276, pour cette gravure.

  2. Note 36, page 18 de Charles Nisard :

    « Heinsius fit ces vers en 1614, pour être mis au bas du portrait de Grotius, avec qui il avait vécu dans la plus intime union pendant leur jeunesse ; mais les divisions arrivées dans la République batave les séparèrent et ils devinrent à la fin ennemis déclarés. »


13.

« à la mode batave », comme un bon rustaud de Batave (v. note [4], lettre 262) ; mais Charles Nisard ne l’entend pas tout à fait de cette oreille (note b, page 19) :

« C’est-à-dire sans les cérémonies dont on fait usage chez vous et que nous autres, Hollandais, nous dédaignons. »

V. note [17], lettre latine 4, pour Le Médecin charitable de Philibert Guybert, que Guy Patin avait offert d’envoyer à Jan van Beverwijk.

14.

Petite ville de Gueldre, Zuilichem se situe une cinquantaine de kilomètres à l’est de Dordrecht, où vivait Jan van Beverwijk.

V. note [5], lettre latine 477, pour le R.P. Marin Mersenne, célèbre moine érudit dont Guy Patin a peu parlé dans ses lettres, bien qu’il eût dit être son ami.

Le lien que Beverwijk établissait entre Mersenne et Zuilichem permet d’identifier le seigneur de ce lieu comme étant très probablement Constantijn Huygens (La Haye 1596-ibid. 1687), homme politique, poète et musicien hollandais, qui fut ami et correspondant de Mersenne et de Descartes, et père du célèbre savant Christiaan Huygens (1629-1695).

V. note [38] du Borboniana manuscrit (triade 72), pour d’autres informations sur Constantijn Huygens.

15.

Début du chapitre x, Imagines in iis doctorum, laudabili more ; cui origo ab Asinio [Les portraits de savants personnages qu’on y met, selon une coutume louable, dont Asinius {a} est à l’origine] du Iusti Lipsii de Bibliothecis Sintagma [Traité de Juste Lipse sur les Bibliothèques] (Anvers, Iohannes Moretus, 1602, in‑4o, page 29) :

Sed vel præcipuus ornatus, et imitandus, meo iudicio, nondum hodie imitatus, sunt Imagines sive et Statuæ doctorum, quas una cum libris disponebant. Nonne pulchrum, et suave oculis ac cogitationi fuit ? Natura trahimur ad simulacra et effigies magnorum virorum noscendas, et illa corpora, sive hospitia, quibus cælestis se animus inclusit : ecce hic erat. Homeri, Hippocratis, Aristotelis, Pindari, Virgilii, Ciceronis, et alia scripta videres aut libares oculis : una etiam imaginem scriptoris adiunctam.

[Il y a un ornement particulier et qu’il faut à mon avis imiter, mais qu’on n’imite plus guère aujourd’hui : ce sont les portraits ou les statues des gens lettrés qu’on disposait à côté des livres. N’était-ce pas beau et agréable pour la contemplation et pour la méditation ? Nous sommes naturellement attirés par le désir de connaître les représentations et les effigies des grands hommes, et les corps comme les logis que l’esprit de ces êtres célestes a habités : {b} voilà donc comme il était. Vous verriez les livres d’Homère, d’Hippocrate, d’Aristote, de Pindare, de Virgile, de Cicéron et d’autres, en même temps que vous caresseriez des yeux l’image de l’auteur placée à leurs côtés]. {c}


  1. Asinius Pollio, au ier s. av. J.‑C. (v. note [7], 2e lettre de Roland Desmarets).

  2. Mise en exergue du passage cité par Jan van Beverwijk.

  3. Guy Patin trouvait mauvais le latin de Juste Lipse (v. note [18], lettre 605) ; la libre traduction que je propose ici en donne une justification.

Charles Nisard a séché sur cette citation ; sans vaine gloriole, {a} mais par solidarité avec lui, tant je compatis à la frustration que ce genre d’échec occasionne, je transcris sa note 38, page 19 :

« Quelque connaissance que j’aie des nombreux ouvrages de Juste Lipse, ayant dû en parler, lorsque j’ai écrit sa vie (voy. le Triumvirat littéraire au xvie siècle), {b} je ne me rappelle pas avoir été frappé de ce lieu commun, {c} et, par conséquent, je n’ai pas pris note de l’endroit où Lipse l’a formulé. Je crois cependant que c’est dans une de ses lettres. »


  1. Je ne dois ma patine érudite qu’aux stupéfiantes ressources de la Toile : Doctus cum Araneo

  2. Ouvrage cité dans la bibliographie de notre édition.

  3. Cette citation.

16.

Plutarque (Vie de Thémistocle, chapitre iii) :

« Thémistocle {a} était si fort possédé de l’amour de la gloire, si passionné pour les grandes actions, que dans sa jeunesse, après la bataille de Marathon, gagnée par les Athéniens sur les Barbares, entendant vanter partout les exploits de Miltiade, {b} il restait souvent pensif et rêveur, passait les nuits sans dormir et ne fréquentait plus les festins publics. Lorsque ses amis, surpris de ce changement de vie, lui en demandaient la raison, il leur répondait que les trophées de Miltiade lui ôtaient le sommeil. »


  1. Thémistocle, homme politique et stratège athénien du vieve s. av. J.‑C., qui permit aux Grecs d’emporter la deuxième guerre médique.

  2. Miltiade le Jeune, stratège athénien et tyran de Chersonèse de Thrace (v. note [23], lettre 197, pour cette antique région), contemporain de Thémistocle, permit aux Athéniens de remporter la victoire de Marathon en 490 av. J.‑C.

17.

Il existe au moins deux portraits gravés de Jan van Beverwijk, dont l’original me semble être celui qui est imprimé dans les pièces liminaires de son Schat der Ongezondheyt ofte Genees-konste van de Sieckten. {a} Signé S. Savry, {a} il est daté de 1643, quand Beverwijk était en sa 49e d’âge, et accompagné de ce distique :

Ιητηρ αγαθος, βουληφορος ηδε δικαιος,
Ουτος ιοαννης ειμι βεβερβικιος.

Arte bonus Medica, justus patriæque Senator,
Talis Ioannes sum Beverovicius
. {b}


  1. « Trésor de la mauvaise santé ou la Guérison des maladies » (réédition de Dordrecht, Iacob Braat, 1650, in‑8o, v. note [11], lettre de Samuel Sorbière datée du début de 1651, pour la précédente édition, ibid. 1641).

  2. Salomon Savry (1594-1665), artiste hollandais d’Amsterdam.

  3. « Heureux en l’art médical, juste magistrat de la patrie : tel suis-je, Jan van Beverwijk. »

V. notes :

18.

V. note [22], lettre latine 4, pour les deux éditions de l’Epistolica quæstio de vitæ termino [Question par lettre sur le terme de la vie] (1634 et 1636). Aucune des deux ne contient la lettre d’Anna Maria van Schurman sur la question, mais le frontispice de la première (1634) la représente assise, la mine concentrée, avec une immense plume dans la main droite et un amas de livres sur le ventre, qui lui tombe entre les jambes, et cette légende : Virgo Dordracena libros non liberos pariens [La Demoiselle de Dordrecht qui accouche de livres et non d’enfants]. La note 19, page 12 de Charles Nisard en donne cette description plus détaillée :

« Le frontispice de ce recueil représente une femme assise, le giron chargé de livres, couronnée d’olivier, si je ne me trompe, adossée à des rideaux soutenus en haut d’une main par deux femmes dont l’une tient un rouleau de l’autre main, et sa compagne, une palette. En haut et en bas de cette image, on lit : Virgo Dordracena libros non liberos parit, galanterie hollandaise qui indique que nous avons sous les yeux l’image d’Anne-Marie Schurman. »

Comme l’annonçait Beverwijk, cette lettre publiée depuis peu en néerlandais (édition que je n’ai pas retrouvée), venait de paraître en latin dans la 3e édition de la :

Joh. Beverovicii Epistolica Quæstio, de Vitæ termino, Fatali, an Mobili ? Cum doctorum Responsis. Pars tertia, et ultima, nunc primum edita. Seorsim accedit Nobilissimæ et doctissimæ virginis Annæ Mariæ a Schurman de eodem argumento Epistola, totius disputationis terminus. Item eiusdem argumenti alia, a Joanne Elichmanno, M.D. ex mente et monimentis Arabum et Persarum contexta.

[Question par lettre de Jan van Beverwijk sur le terme de la vie : est-il fatidique ou modifiable ? Avec les réponses de savants hommes. Troisième et dernière partie, publiée pour la première fois. On a ajouté à part la lettre de la très célèbre et savante Demoiselle Anna Maria van Schurman, sur le même sujet, en conclusion de toute la discussion. {a} Et aussi d’autres choses sur le même sujet que Johann Elichmann, {b} docteur en médecine, a assemblées à partir de la pensée et des ouvrages des Arabes et des Perses]. {c}


  1. Lettre latine érudite semée de citations en grec, arabe et hébreu, datée d’Utrecht le 8 février 1639, Pages 121‑132.

  2. Ioannis Elichmanni de Vitæ humanæ Termino Responsum ; Iuxta Orientalium Nationum mentem, ex Arabum et Persarum monumentis contextum [Réponse de Johann Elichmann (v. note [4], lettre latine 298) sur le Terme de la vie humaine ; dans l’esprit des pays orientaux, tirée des ouvrages des Arabes et des Perses], en latin avec de nombreuses citations en arabe, pages 137‑152.

  3. Leyde, Ioannes Maire, 1639, in‑4o, sans l’opulent frontispice de 1634.

19.

V. note [25], lettre latine 4, pour les éditions (1633, 1644 et 1665) de l’éloge (ελεγχομερον) de Jan van Beverwijk contre la critique de Montaigne ([adversus] Montanum) sur les médecins.

20.

Petri Pauli Peredæ Setabensis, Doctoris Medici, et apud Valentinos publici Medicinæ Professoris, in Michaelis Joannis Paschalii methodum curandi Scholia, exercentibus medicinam maxime utilia…

[Annotations de Petrus Paulus Pereda, natif de Xàtiva, docteur en médecine et professeur public de médecine à Valence, sur la Méthode de remédier de Michael Joannes Paschalius, {a} extrêmement utiles à ceux qui exercent la médecine…] {b}


  1. V. notules {a} et {b}, note [10] de la Préface de la première édition des Lettres (1683), pour les médecins valenciens Pedro Pablo Pereda et Miguel Juan Pascual (qui avait publié sa Praxis Medica, sive Methodus medendi en 1555).

  2. Lyon, Horace Cardon, 1600, in‑8o, pour l’une de plusieurs éditions, dont la première a paru à Barcelone en 1579.

Cette réfutation de Vallesius {a} (Refutatur Vallesius), plutôt bien sentie, de Pereda se lit à la page 136 vo, livre premier, chapitre xlvii, De Renum caculo et vesicæ [Le calcul des reins et de la vessie] :

Quid si in ureterem prodijt lapis, et supprimatur urina ? id inquid fieri quia ob dolorem perit nixus musculorum abdominis, qui ad reddendam urinam necessarius maxime est. Hæc Vallesius. Quæ omnia falsa sunt, inprimis cum respondet, emulgentes venas a cava oriri, ac proinde affecto uno rene alterum affici, rem falsam supponit ; nempe simul debere affici duo renes, hoc enim est contra experientiam, quia in dies experimur lapide in uno rene existente, alterum renem operari, ea ratione qua affecto uno oculo sæpe, alter illesus servatur. Neque distinguit recte, quia sive sit affectus dolorificus, sive indoles, affecta una parte reliqua optime aget. Præterea si duo sunt renes, et duo ureteres, quis sibi poterit persuadere lapidem unum ureterem obstruentem supprimere unrinam. Ratio ex nixu musculorum desumpta nil persuadet, quia musculi abdominis non habent vesicam subjectam, quæ intra ossa pubis latitat, et sic potest comprimi solum quando repleta est, a musculis rectis, ea parte qua ossibus pubis adherent. Adde urinam excerni a facultate naturali, quæ expultrix dicitur. Tum si propter dolorem cessat musculorum nixus, debuit etiam in colico dolore cessare, et eadem ratione urinam supprimere.

[Comment y a-t-il suppression de l’urine quand un calcul s’est logé dans l’uretère ? Cela, dit Vallesius, peut être dû au fait que la douleur empêche la contraction des muscles abdominaux, laquelle est indispensable à l’émission de l’urine. Tout ce qu’il dit est absolument faux, notamment quand il avance un argument fallacieux en répondant que quand un rein est touché l’autre l’est aussi parce que les veines rénales naissent de la veine cave. {b} Que les deux reins doivent être affectés en même temps va à l’encontre de l’expérience, car nous constatons chaque jour que si une pierre se met dans un rein, l’autre rein continue de fonctionner, de la même façon que quand un œil est lésé, l’autre demeure souvent intact. Vallesius n’explique pas clairement non plus pourquoi, quand un seul côté est affecté, que cela s’accompagne ou non de douleur, l’autre fonctionne parfaitement. En outre, s’il existe deux reins et deux uretères, chacun pourra se persuader que l’obstruction d’un seul uretère ne supprime pas l’émission d’urine. L’explication tirée de la contraction des muscles n’est en rien convaincante car la vessie n’est pas soumise à l’action des muscles abdominaux : elle se loge derrière les os pubiens {c} et, quand elle est remplie, les muscles droits {d} ne peuvent donc la comprimer qu’au niveau de leur insertion sur le pubis. Ajoutez à cela que l’urine est évacuée par une faculté propre à la vessie, qu’on appelle expultrice. {e} Si la contraction des muscles cesse en raison de la douleur, alors toute colique devrait aussi l’empêcher, {f} et donc supprimer l’urine]. {g}


  1. Francisco Valles, v. note [23], lettre 242.

  2. Les veines rénales étaient dites émulgentes (venæ emulgentes, du verbe latin emulgere, traire) parce qu’elles sucent et tirent le sang des reins. Il semble fantaisiste aujourd’hui de leur attribuer la suppression d’urine qui succède à l’obstruction d’un seul des deux reins par un calcul.

  3. Les deux os iliaques délimitent le bassin ; chacun d’eux possède une branche antérieure, dite pubienne ; leur réunion forme le pubis (os pubien) sous lequel se trouvent les organes génitaux externes et derrière lequel se loge la vessie.

  4. Les muscles droits de l’abdomen forment deux longues bandes verticales, de part et d’autre de la ligne médiane, qui vont du sternum, en haut, au pubis, en bas.

  5. Capable d’expulser ; ce qui est la fonction du détrusor, couche musculaire de la paroi vésicale.

  6. On appelle colique toute douleur aiguë abdominale, qu’elle provienne du côlon ou de tout autre viscère (v. note [2], lettre 347).

  7. Cet avis bien argumenté de Pereda est parfaitement juste : le blocage d’un rein par un calcul ne provoque pas d’anurie si l’autre rein est sain et libre ; il n’existe pas de « sympathie » (v. note [4], lettre 188) entre les deux reins faisant que la défaillance de l’un entraîne celle de l’autre.

S’il a été correctement trancrit par l’éditeur de 1641, ce passage est difficile à comprendre (bien qu’il soit aisé à traduire) {a} car, alors que Beverwijk pense comme Pereda sur l’absence fréquente d’anurie quand un seul des deux reins est obstrué, {b} il semble vouloir amicalement ménager Guy Patin qui n’était pas entièrement de cet avis.


  1. Traduction de Nisard (page 20) :

    « Quant à ce que vous voulez bien me dire, qu’il n’est pas toujours vrai que l’obstruction d’un rein empêche le fonctionnement de l’autre, vous avez raison. Moi-même je n’ai point affirmé cet empêchement, ayant ainsi que vous, observé souvent le contraire. J’ai noté seulement comme une chose qui valait la peine de l’être, que j’avais été plus d’une fois témoin de ce fait avec Vallès, repris à tort à ce sujet par Pereda. »

  2. J’aurais donc plutôt attendu l’adverbe jure [légitimement] ou recte, [à raison], que frustra [sans raison], pour caractériser a remarque de Pereda sur Vallesius.

21.

Jan van Beverwijk revenait sur le cas de Jacques Miron, que Guy Patin lui avait exposé dans sa lettre du 19 juillet 1640 (v. sa note [29]), en mentionnant un passage de son Liber de Calculo renum et vesicæ… (Leyde, 1638, v. note [11], lettre 72) concernant l’altération de la vigilance dans l’anurie (pages 119‑120) :

Quidam apud Duretum comatodes factus a resolutione non ab obstructione, refluxu scilicet urinæ in cerebrum ; nephreticus primum fuit : substitit urina non ab obstructione ductuum, sed effœta vi meningum, et secernendi vim renes amiserunt, qua labefactata substitit urina : oleo nardino naribus, auribus, spinali medullæ, renibus admoto, urinam effudit copiosam ad pintas tres, nec per amotionem causæ, quæ primigenium morbum fecerat, coma hoc, quod successione venerat, sublatum est, ob venenatam qualitatem, ut diximus, ab urina jam cerebro impressam.

[Dans Duret, un malade est devenu comateux non par une obstruction, mais par une paralysie, à savoir par un reflux de l’urine dans le cerveau. Le malade a d’abord eu des douleurs néphrétiques ; cependant, l’urine ne s’est pas arrêtée par l’obstruction des conduits, mais par l’épuisement de la force des méninges, à bien distinguer de la force que les reins ont perdue, dont la défaillance a interrompu la production de l’urine. {a} L’application d’huile de nard {b} aux narines, aux oreilles, à l’épine dorsale et aux lombes a provoqué l’émission d’une grande quantité d’urine, jusqu’à trois pintes ; {c} mais la suppression de la cause première de la maladie n’a pas mis fin à ce coma, qui s’était installé secondairement, parce que, comme nous avons dit, l’urine avait déjà imprégné le cerveau de sa qualité vénéneuse]. {d}


  1. Le propos de Beverwiijk est aisé à traduire, mais plus ardu à bien interpréter : il semblait vouloir dire que, quand elle est liée à une défaillance propre des reins, l’anurie peut survenir tandis que les voies urinaires sont libres (ce qui est exact, en cas de néphrite), et qu’alors, elle peut se révéler par un coma (mal de Bright, v. infra note [30]) ; mais le malade étudié avait d’abord eu des coliques néphrétiques… Je ne suis pas parvenu à trouver le passage de Louis Duret auquel se référait ce commentaire.

  2. Le nard (v. note [8] de l’observation vii) avait la propriété de « provoquer l’urine » (Thomas Corneille).

  3. 2,8 litres.

  4. La persistance du coma après reprise de la diurèse pouvait indiquer des lésions irréversibles du cerveau, mais toute mon interprétation est hautement conjecturale.

22.

« cette nuit, celle de l’éternel sommeil » (Catulle, Poèmes, 5, vers 6).

23.

« entre le couteau et l’autel », expression de Plaute (Casina, vers 970) : Nunc ego sum inter sacrum et saxum, pour dire « je suis maintenant entre le marteau et l’enclume », « la tête sur le billot » ou « au bord du tombeau ».

24.

« Pour tous les Achéens, {a} c’est sur le tranchant d’un rasoir que s’équilibrent ou le plus funeste désastre, ou la vie. » {b}

Note 46, page 21 de Charles Nisard :

« Ce sont les paroles que Nestor adresse à Diomède avant que celui-ci ne parte avec Ulysse, comme espions, pour le camp des Troyens. {c} Pour rendre ce passage plus clair, il faut le paraphraser un peu : “ Mais les Grecs sont dans une situation critique ; leur sort est suspendu comme sur le tranchant d’un rasoir, et il s’agit pour eux de vivre ou de mourir. ” Ne voilà-t-il pas une citation bien placée à propos de l’ischurie ! » {d}


  1. Les Grecs.

  2. Homère, L’Iliade, chant x, vers 173‑174.

  3. V. notes [31], lettre 146, pour Nestor, [22], lettre 176, pour Diomède (Tydidès), et [14], lettre d’Adolf Vorst datée du 4 septembre 1661, pour Ulysse.

  4. V. note [9], lettre 782, pour l’ischurie.

25.

« un dur repos, un sommeil de plomb pèsent sur leurs paupières, leurs yeux se ferment pour l’éternelle nuit » ; Virgile (Énéide, chant x, vers 745‑746) sur Orodès tué au combat par Mézence (v. notule {a‑1}, note [5], lettre latine 4) :

Olli dura quies oculos et ferreus urget
somnus, in æternam clauduntur lumina noctem
.

[Quant à Orodès, un dur repos, un sommeil de plomb pèsent sur ses paupières, ses yeux se ferment pour l’éternelle nuit].

26.

Le genièvre « provoque l’urine » (Thomas Corneille).

27.

« le compagnon de la mort. »

Coluthus, Coluthos ou Collouthos, est un poète grec de la fin du ve s., natif de Lycopolis dans la Thébaïde d’Égypte. L’Enlèvement d’Hélène est la seule de ses œuvres à avoir subsisté, retrouvée au tout début du xve s. Jan van Beverwijk y empruntait ici aux vers 356‑357 (sur la mort d’Hermione, fille d’Hélène) :

Ως η μεν στεναχεσκεν ανακλινασα δε δειρην
Υπνος εχει θανατοιο συνεμπορος…

[C’est ainsi qu’elle exhalait sa douleur ; mais inclinant la tête, elle tomba dans les bras du Sommeil, compagnon de la Mort…]

28.

Pause prosaïque dans une envolée lyrico-médicale dont l’érudition et la sagacité laissent aujourd’hui pantois, tout comme la traduction de Charles Nisard (page 22) :

« Maintenant, grâce au bon vin du Rhin, dont il est marchand, il fait disparaître les dernières traces de ce qui lui causait de si terribles inquiétudes. » {a}


  1. Texte latin de la lettre :

    bono suo fato discrimen evasit, et nunc Rhenano Liberi patris flore, cujus mercator est, reliquas deformis ægrimoniæ maculas absterget.


29.

La seule observation approchante que j’aie trouvée dans Hippocrate n’est pas dans ses Coaques, mais dans ses Épidémies (livre iii, Quatorzième maladie, Littré Hip, volume 3, pages 141‑143) :

« À Cyzique, {a} une femme ayant mis au monde deux filles jumelles après un accouchement laborieux, et les purgations n’ayant pas été complètes, fut prise d’abord d’une fièvre tremblante et vive ; pesanteur avec douleur, dans la tête et le cou. Dès le début, elle eut de l’insomnie ; en même temps, elle était taciturne, renfrognée, et n’obéissait à aucune recommandation, urine ténue et incolore ; soif, nausées la plupart du temps ; le ventre était irrégulier, il se relâchait, puis derechef se resserrait. Le sixième jour, dans la nuit, elle eut beaucoup de délire ; elle ne dormit nullement. Vers le onzième jour, elle eut un transport, puis revint à elle ; urine noire, ténue et, par intervalles, huileuse ; les évacuations alvines étaient abondantes, ténues et troublées. Quatorzième jour, convulsions fréquentes ; extrémités froides ; nul retour de raison, l’urine se supprima. Seizième jour, perte de la voix. Dix-septième jour, mort. Phrénitis. {b} (Interprétation des caractères : Il est vraisemblable que la mort fut causée, au dix-septième jour, par le transport au cerveau, suite de l’accouchement). » {c}


  1. Cité grecque antique de Mysie, sur la rive turque de la mer de Marmara.

  2. V. note [29] d’Une thèse de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie » (1643), pour la phrénitis ou frénésie.

  3. Cette observation n’a pas de rapport clair avec une lithiase urinaire. Le contexte d’accouchement peut faire aujourd’hui évoquer une méningo-encéphalite ou une éclampsie (v. notule {a‑i}, note [7], lettre latine 452), avec défaillance généralisée des viscères et anurie secondaire.

Charles Nisard (note 49, page 22) a proposé une référence aux Coaques, mais sans convulsions :

« “ La vessie interceptée, {a} surtout avec céphalalgie, a quelque chose de spasmodique[ ; dans ce cas, la stupeur avec résolution est difficile, mais non mortelle ; est-ce que les malades ont un peu de délire ?] {b} ” Coaques, t. v, p. 719, § 577, de la traduction de Littré. »


  1. En état de rétention (αποληφθεισα dans le texte grec).

  2. Nisard a omis la fin (entre crochets).

30.

Avant l’invention du rein artificiel (épuration ou dialyse extrarénale), en 1943 par le Néerlandais Willem Kolff (1911-2009), une anurie prolongée aboutissait à l’insuffisance rénale terminale, affection qu’on a baptisée urémie ou mal de Bright, nom du médecin anglais (Richard Bright, 1789-1858) à qui on attribue ordinairement le mérite de l’avoir caractérisée.

Son splendide article princeps, Cases and observations illustrative of renal disease accompanied with the secretion of albuminous urine [Cas et observations illustrant la maladie rénale qui s’accompagne de la production d’urine albumineuse] (Guy’s Hospital Reports, 1836, volume 1, pages 338‑400), détaillait cent observations de la maladie et décrivait comme ordinaire la survenue d’un coma avec convulsions dans la phase finale. Il signalait aussi la possibilité d’une cécité, qu’on a plus tard appelée amaurose (perte de la vue) urémique et attribuée à une atteinte de la rétine (rétinite dite albuminurique).

Jan van Beverwijk avait probablement raison de lier la cécité aux convulsions plutôt qu’à la suppression d’urine. Puisse notre édition l’aider à occuper un jour la place qu’il mérite dans l’histoire de l’insuffisance rénale anurique.

31.

Charles Nisard a conclu (page 23) ses traductions et annotations de cette lettre de Jan van Beverwijk et de celle de Guy Patin à laquelle elle répondait (lettre latine 4 de notre édition) par ce commentaire :

« Ma prévention pour l’esprit de Guy Patin, très justifiée d’ailleurs par sa correspondance française, ne m’empêchera pas de reconnaître qu’il y a moins de cette qualité dans sa lettre que dans la réponse, et qu’autant celle-là est lourde, professorale, autant celle-ci est dégagée, {a} et sent son homme du monde sans préjudicier au savant.

Au surplus, en publiant de nouveau, mais traduite, la lettre de Guy Patin, on a eu pour principal objet de donner un spécimen de la manière dont ses lettres françaises devront être annotées, s’il se trouve enfin un éditeur qui veuille les tirer de l’état déplorable où les a laissées le bon docteur Reveillé-Parise. » {b}


  1. Je ne doute guère que Nisard aurait adouci son jugement s’il avait lu l’ensemble des lettres latines de Patin, au lieu d’une seule. Ici « celle-là » désigne la lettre « professorale » de Patin, et « celle-ci », la réponse « dégagée » de Beverwijk.

  2. Le médecin Joseph-Henri Reveillé-Parise a compilé et maladroitement commenté l’édition la plus complète (avant la nôtre) des Lettres de Gui Patin (Paris, 1846, v. notre bibliographie). Les critiques littéraires ont généralement malmené son travail (v. les Avis sur les Lettres), sans reconnaître son mérite d’avoir ressuscité Patin au xixe s.

La note 1 de Nisard (page 6) est aussi intéressante à lire :

« Guy Patin, je crois, s’en tint à cette lettre d’ouverture, car on ne voit pas qu’il ait été plus avant. La réponse de Beverwijk était pourtant assez intéressante pour valoir une réplique, mais cette réplique ne fut pas donnée ; sans quoi, Beverwijk n’eût pas manqué de la publier comme il a publié la lettre. {a} C’est que, dans la réponse du médecin hollandais, il est un point qui dut faire dresser l’oreille au médecin français, et le choquer plus que les marques de respect et de déférence, dont il y est en même temps l’objet, ne durent le séduire. Beverwijk fait honneur aux chimistes de quelques essais heureux dans l’art d’extirper la pierre et il ajoute aussi qu’il marche sur leurs traces. On connaît les sentiments de Guy Patin pour les chimistes : faire l’éloge de ces réprouvés et, par-dessus le marché, convenir naïvement qu’on suit leurs pratiques n’était pas le moyen de l’engager à pousser plus loin une correspondance où il serait sans doute question d’eux plus d’une fois, et où il aurait coûté trop d’efforts pour en parler avec courtoisie à leur partisan. » {b}


  1. Celle du 19 juillet 1640 ; Nisard n’avait curieusement pas vu la lettre latine imprimée de Patin à Jan van Beverwijk (mort en 1647) datée du 13 mars 1644. Il semblait aussi ne pas se rendre compte de la quantité des lettres reçues ou écrites par Patin qui se sont perdues.

  2. Je me contenterai d’en dire que si Patin n’avait écrit ses lettres qu’à des médecins partageant intégralement ses préventions contre la médecine chimique (et toutes ses autres phobies), je n’aurais pas passé dix-huit années de mes loisirs à éditer sa correspondance. Il avait simplement, je crois, l’esprit moins étriqué que ne croyait Nisard.

p.

Beverwijk a, page 161.

Incipiens Coma ex suppressione urinæ à
Calculo curatum : ut et Convulsio at-
que Cæcitas.

q.

Beverwijk a, page 162.

Guidoni Patino,
Medicinæ Doctori Parisiensi.
Ioh. Beverovicus S.D.

Clarissime, et excellentissime Vir,
Scripserat mihi Patavio, unde nuper
Doctoratus laurea redimitus rediit, eru-
ditus juvenis Seb. Hogendicius, salutasse
se Lutetiæ magni nominis medicum,
Cl. Patinum, qui brevi literas ad me da-
turus esset. Illas cum incredibili deside-
rio jamdiu expectassem, tandem ex-
optatissimas attulit nobilissimus Cloto-
vicius. In iis non minus exosculatus sum
niveum animi tui candorem, quam ad-
miratus eximiam eruditionem. Merito
sane deploras eorum, qui politiores Mu-
sas colunt, triste fatum a Calculo. Equi-
dem malim quidvis mihi cum magnis
viris commune esse, quam Erasmianum
illud, parum, proh dolor !
ερασμιον.
Quod vel Stoico judice vincam. Hera-
cleotes Dionysius, cum a Zenone fortis
esse didicisset, a dolore deductus est.
Nam cum ex renibus, ut scribit Cicero,
aboraret, ipso in ejulatu clamitabat, fal-
sa esse illa, quæ de dolore sensisset ipse.

r.

Beverwijk a, page 163.

In sedentariam istud fortassis vitam eo-
rum referri possit, qui libris assiduiores.
Sed ab hoc otio liberaliter me eximunt
politica, et medica negotia. Tamen
cum magno Erasmo, si quæ est ea glo-
ria, de Calculo conqueror. Hoc nimi-
rum est, quod canit Martialis :

Carmina quod scribis Musis et Apolli-
ne nullo,
Laudari debes, hoc Ciceronis habes.

Optarim certe ultimus poetarum potius
esse, quam princeps Calculosorum. Et
ab utroque extremo parum videor ab-
esse. Versus, quos paucos feci, et quam-
vis Græcos, tamen Ciceronianos, ad-
miratur nemo : Calculos, quos excre-
vi, inprimis postremum, e glande ex-
tractum, omnes. Hinc παντα
καλων
σειω, ut invisam stirpem radicitus, imo
etiam eradicitus evellam. Mirum pro-
fecto, quam parum in his fecerint, ac
profecerint artis nostræ proceres. Re-
liqui, Hippocrate et Galeno freti, secu-
re in utramque aurem dormiunt, et po-
steriores absque altiori indagine pedi-
bus eunt in priorum sententiam. Tot se-
culis ab innumeris scriptoribus nihil di-
ctum, nisi quod dictum prius, ad nau-

s.

Beverwijk a, page 164.

seam lectorum. Crambe recocta. Ince-
pere quid Chymici, nec infœliciter.Quo-
rum vestigiis insistens non ipse modo di-
ligenter omnia investigo, sed quantum
est ubique eximiorum Medicorum in
consilium adhibeo. Inter eos etiam Cla-
rissimum Morellum, collegam tuum, et
utrique amicissimum Naudæum (adde-
re liceat) nostrum. Hujus Syntagma de
Studio militari, authoris munus, vidi, le-
gi, probavi. Et quid non ego, probatum
optimo cuique et doctissimo, celebra-
tumque a nobili poeta Borbonio, cujus
ego viri ingenium et ingeniosos versus
unice suspicio. At judicio Grotii, nihil
sublimius. O incomparabile patriæ de-
cus, quamvis patriæ, ut videtur, non na-
tum ! Vates esse potuit esse summus vatum,
et amicorum Cl. Heinsius, cum ante
xxvi annos imagini ejus inter alia sub-
scriberet :

Depositum cœli, quod jure Batavia
mater
Horret, et haud credit se peperisse sibi.

De libro Gallico, quem offers, Batavice
accipiam, si R .P. Mersenno tradideris,
qui sua mittere solet Zulichemi topar-
chæ, Principi a Consiliis, mihi amicissi-

t.

Beverwijk a, page 165.

mo. Pro effigie tua summas habeo gra-
tias, eamque inter gratissima habebo
κειμηλια. Recte scripsit Lipsius noster na-
tura nos trahi ad simulachra et effigies
magnorum virorum noscendas, et illa
corpora, seu hospitia, quibus cœlestis se
animus inclusit. Videntur etiam, ut olim
Miltiadis trophæa Themistoclem, inge-
nuas mentes excitare ad eruditas virtu-
tes. Hinc et laudabili veterum more in
bibliotheca mea eruditorum vultus pi-
ctos, aut sculptos servo, inter quos etiam
nunc tuum, Erasmo, Grotio, et simili-
bus heroibus junctum. Meam dum scu-
lperet egregius artifex, imperfecto operi
immortuus est. De alio postea non co-
gitavi. Hoc tamen Tibi et amicis, qui
suam miserunt,
αντιδωρον debeo, amicitiæ
fovendæ
μνημοσυνον et monitorem. The-
saurum sanitatis, jam quater excusum,
scripsi lingua vernacula, quare non mi-
rum ad vos non allatum esse, ut nec li-
brum eodem sermone superiori anno
editum de Excellentia fœmini sexus,
quem Latine prius conscriperam in gra-
tiam nobilissimæ heroinæ, Annæ Mariæ
à Schurman, virginis ad miraculum eru-
ditæ. In lucem dedi cum aliis ejus Epi-

u.

Beverwijk a, page 166.

stolam de vitæ termino, quam brevi alia
sequentur. Spero occasionem fore, Te-
cum ea communicandi. Edidi olim En-
conium Medicinæ a puero conscriptum,
cui addidi Montanum
ελεγχομερον. Neu-
trum dignum oculos tuos subire. Quod
amice mones non semper verum esse,
uno rene obstructo, alterum statim ces-
sare ab officio, recte sentis ; neque ego
id asserui, cum sæpius contrarium te-
cum observaverim. Notavi tantum, vel-
uti rem notatu dignam, me id cum Val-
lesio, in quo hoc frustra reprehendit
Pereda, et aliis, qui citantur, non semel
vidisse. Pro exemplo Myronis, referam
duo alia, animadversione, ut mihi vide-
tur, dignissima.

Scripsi pag. cxx. qui ex suppressione
urinæ soporantur Comate, perpetuo eos
sopore urgeri, ob venenatam qualitatem
ab urina cerebro impressam. Quæ si
nondum penitus cerebro communicata,
sed tantum invitet somnum, somnolen-
tus æger, subsequente urinæ profluvio,
sanitatem recipere potest. In vivis adhuc
est, qui ante biennium fere vixerat vir
quinquagenarius nephreticis et arthriti-
cis doloribus valde obnoxius. Inciderat

v.

Beverwijk a, page 167.

in omnimodam urinæ suppressionem,
cum continuo vomitu, et vehementi do-
lore, in utroque hypochondrii latere,
utrinque ad renes extenso. Post usum cly-
sterum, fotuum, decoctorum, et pulve-
rum diureticorum, quinto demum die
paullum urinæ guttatim reddidit. Eodem
mane cucurbitulam utrimque paullum
infra locum dolentem ter imponere cu-
ravi, quibus se manifestam attractionem,
et motum quendam calculorum perce-
pisse, postea mihi affirmavit. Affligeba-
tur interim difficili respiratione, voce
rauca, et somnolentia, sed momenta-
nea. Conquerebatur ipse urinam jam pe-
ctus transiisse, et jugulum petere, se ju-
gulando. Ego etiam, cum circa vesperam
plane pronus esset in somnum, verebar,
quod sæpe videram, ne esset illi

Nox hæc perpetuo una dormienda :

Quare adstantes, qui somnum pro augu-
rio salutis habere solent, monuit res ægri
periculosissimæ aleæ plenas esse, eum-
que jam inter sacrum saxumque stare.
Nam certe, quibus ισχουρια somnum af-
fert,

           παντεσσιν επι ξυρου ισταται ακμης
Η μαλα λυγρος ολεθρος Αχαιοις ηε βιωναι.

w.

Beverwijk a, page 168.

            cunctis sita res in cuspide ferri est,
Vivantne, an tristi exitio absumantur
Achivi.

Sed magnam partem, etiam cum dome-
sticis, querelarum et ejulatuum desinen-
tes,
κουφος διαγειν videantur, καματωδης
absque sensu extinguuntur, atque ita, ut
inquit poëta,

Illis dura quies oculos, et ferreus urget
Somnus, in æternam clauduntur lumi-
na noctem.

At noster assumpto bis ex apozemate, et
summo mane undecim guttis olei Iuni-
perini cum vino Rhenano, paullo post
calculum excrevit oblongum et acumi-
natum, quem magna urinæ crudissimæ
copia sequebatur. Hinc dextri hypo-
chondrii cruciatu liberatus, perseveravit
tamen dolor sinistri, cum continuo, et ve-
hementi vomitu (urina interim copiose,
et libere profluente, cruda admodum, et
quæ veluti ramenta ureteris haberet ad-
mixta) ad diem undecimum, quo eum
accidenti, illo se mane omni dolore le-
vatum esse referebat ; nisi quod
δυσ-
ουρια conqueretur. Inditio in vesicam
malum jam descendisse. Quare ut hosti
fugam adornanti pontem sternerem,

x.

Beverwijk a, page 169.

iterum pulverem exhibui diureticum,
qui post tres horas duos calculos expulit
pisi magnitudine, et pari mox intervallo
alteros duos ejusdem fere ponderis. Hinc
cessante vomitu, aliisque symptomatis,
funesto inprimis veterno discusso, præ-
sentaneum, quod ei imminebat a con-
sanguineo ejus, vel fratre, et qui hic sæ-
pe, ut dicitur Colutho
θανατοιο συνεμπο-
ρος, mortis comes, bono suo fato discri-
men evasit, et nunc Rhenano Liberi pa-
tris flore, cujus mercator est, reliquas de-
formis ægrimoniæ maculas absterget.

Sed ut Coma hoc, quando non excedit
urina, frequenter induci videmus : ita ra-
rum, et nescio an ab ullo unquam literis
consignatum, e suppressa nasci Convul-
sionem (quo respexisse videri possit Hip-
pocrates in Coacis, ubi dicit urinam sup-
pressam, maximeque cum capitis dolo-
re, convulsionem minari) atque Cæci-
tatem, quibus puerum correptum vidi,
et curatum. Senatoris Dordrechtani fi-
liosus, quinque annorum, cum triginta
sex horis nihil urinæ redidisset, in Con-
vulsiones incidit horrendas cum alta vo-
ciferatione, et statim a primo paroxysmo
simul Cæcus factus est. Cum octiduum

y.

Beverwijk a, page 170.

tam misere tortus, et viginti quinque cir-
citer
παροξισμους passus esset, tandem
calculus, hucusque medicamentis pro-
motus, e virga exectus fuit, quem co-
piosus urinæ fluxus comitabatur. Nihi-
lominus ab eo tempore quater adhuc
convulsus fuit. Nono die exhibui mane,
etiamnum cæco, purgans ; circa vespe-
ram, visum recepit, quem postea, cum
rursus convelleretur, perdidit, atque mox
iterum recuperavit, et immunis deinde
ab his malis jam aliquot annos mansit. In
hoc videtur urina non irrigasse Cerebri
substantiam, ut in Comatosis : sed vapo-
res ejus tetra qualitate punxisse, et irri-
tasse membranas, indeque excitatum ce-
rebrum, quod sibi noxium sentiret, ad-
nisum excutere ; hinc isti motus convul-
sivi. Nullam autem hic fuisse obstructio-
nem ex eo linquet, quod Cæcitas subito
irrueret, et subito solveretur.

Hæc sunt, Vir Celeberrime, quæ sta-
tim respondere visum doctissimis literis,
quibus me humaniter apellare dignatus
es. Eas cum meis et aliorum cis paucos
dies typographo tradere decrevi. Quare
optarem tuo exemplo pluribus in urbe
vestra, omnis doctrinæ emporio, de me

z.

Beverwijk a, page 171.

et publico bene merendi esse animum.
Inprimis excellentissimo D. Moreau, cui
responsionem meam a R.P. Mersenno
traditam esse vix dubito. Vale, Vir ma-
gne, et me tui observatissimum, tuo
amore, et eruditissimis scriptis, ut cœpi-
sti, beare perge. Dordrechti iii. Kalend.
Sextil. m dc xl.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Jan van Beverwijk, le 30 juillet 1640

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(Consulté le 26/04/2024)

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