Je souhaite fort d’apprendre que soyez en parfaite santé et vous dirai sincèrement, après Pline le Jeune, [2] à son ami, Terret me pertinax illa tua valetudo. [1][3] Purgez-vous souvent jusqu’à parfaite guérison. Je ne manquerai point de vous envoyer les trois thèses [4][5][6] de mon fils [7] à la première occasion. [2] Il n’y a rien de fort pressé dans l’Alstedius, [8] combien qu’à tout prendre ce soit un bon livre, et que l’auteur mérite louange d’avoir fait un si grand et si beau recueil. Néanmoins quand vous en voudrez rire, prenez en main le tome troisième de l’édition de Lyon, page 556, et voyez ce qu’il promet et les louanges qu’il donne à l’aloès, [9] au tabac, [3][10] à la térébenthine, [11] au gaïac, [12] au sassafras, [13] à la salsepareille, [4][14] à la squine [15] (sic loquor cum vulgo, il faudrait dire la sine, est enim Sinarum vel Sinensium radix, Sinas primus dixit Ptolemeus, Chinenses nemo unquam, præter Barbaros), [5][16] au rossolis, [6][17] à l’opium, [18] au bézoard, [19] à l’huile d’olive, [20] au vinaigre scillitique, [7][21] à la thériaque, [22] et à l’huile de briques ; [8][23] et aussitôt vous admirerez l’impertinence de ceux qui se mêlent d’un métier qu’ils n’entendent point. [9][24][25][26] Le séné [27] et le sirop de roses pâles [28] guérissent plus de malades en un jour que tous ces remèdes n’en peuvent guérir en cent ans ; joint que le bézoard, la thériaque et la plupart des autres drogues sont indignes d’être nommées remèdes. Je me souviens bien de M. de Blampignon, [29] je vous prie de me permettre que je lui fasse mes très humbles recommandations. Le Veslingius [30] n’ayant fait aucun chapitre des anatomistes en particulier, n’a point dû faire mention de M. Riolan [31] plutôt que d’un autre ; mais il l’honorait fort, ce que j’ai vu par ses lettres mêmes que M. Riolan m’a montrées de lui. Il n’en écrira plus, il est mort à Padoue [32] le dernier jour d’août 1649, étouffé dans son sang avec une fièvre continue [33] maligne pour laquelle il ne fut saigné que trois fois. [10] Animadversiones Riolani in recentiores anatomicos ne font pas un livre à part, ce n’est qu’un traité qu’il a ajouté à son grand œuvre in‑fo, [11] qui est un fort bon livre et que monsieur votre fils [34] devrait lire tous les jours d’un bout à autre. Je ne me souviens pas de votre M. Le Prévôt, qui fait bibliothèque, et ne sais qui il est. Le beau Sennertus [35] est achevé à Lyon, [12] j’espère que M. Ravaud [36] m’en enverra bientôt un. Nos libraires ne font rien de deçà, mire frigent pro Bellona sævienti. [13] Le Mardi gras, [37] premier jour de ce mois, à neuf heures du soir, la reine [38] envoya quérir les sceaux à M. le chancelier [39] et les rendit le lendemain à M. de Châteauneuf, [40] à qui on les avait ôtés 17 ans auparavant. [14] Le roi [41] et la reine partirent hier pour la Bourgogne. Le Mazarin [42] est parti aujourd’hui, je l’ai vu passer sur le pont de Notre-Dame [43] à dix heures du matin, accompagné de 100 chevaux. Je pense que ce voyage contient quelque mystère que le temps nous découvrira. [15] Les trois princes sont toujours en prison, sans < compter > ce qu’ils y seront, si ce n’est que la reine les en tire pour s’en servir contre un autre parti que l’autorité de la Fronde pourrait produire. La reine d’Angleterre [44] est allée à Beauvais [45] s’aboucher avec le roi son fils, [46][47] qui delà s’en va à Breda [48] pour y traiter avec les députés d’Écosse qui s’y doivent trouver, et lui proposer un nouveau secours qu’ils veulent lui donner, à cela portés et aidés par la reine de Suède [49] et le roi de Danemark. [16][50] On vend ici le livre de M. de Saumaise, [51] in‑fo et in‑12, pour le feu roi d’Angleterre, Defensio regia pro Carolo I ad Carolum ii, etc. On le met en français aussi. [17] Ledit M. de Saumaise avait promis à la reine de Suède d’aller assister à son couronnement qui se doit faire ce présent mois, mais il en a été arrêté par la goutte, [52] à laquelle il est fort sujet. Quantité de beaux esprits la sont allés voir, entre autres MM. Descartes, [18][53] le jeune Heinsius [54] et Isaac Vossius [55] qui lui enseignèrent la langue grecque. [19] La paix d’Allemagne s’exécute, [56] cela grossira les troupes de l’Archiduc Léopold [57] et celles du maréchal de Turenne, [58] dont le parti est tout formé. Le Mazarin a emmené ses trois nièces, [20][59] on croit qu’il les enverra à Lyon et que delà il les fera repasser en Italie. Ceux de Bordeaux [60] s’étant plaints que l’on n’exécutait point la paix qu’on leur avait accordée, on leur a envoyé M. de Villemontée [61] pour la faire exécuter. [21] Le parlement de Toulouse [62] a fait le procès à un maître des requêtes, intendant en Limousin, nommé M. Foullé, [63] lequel a causé plusieurs désordres en la province. [22] Mme de Longueville [64] est en Hollande. On vend ici en cachette un livre in‑fo intitulé Histoire du ministère du cardinal de Richelieu, [65] c’est un méchant livre contenant une apologie de la tyrannie de ce cardinal. Il y a un chapitre contre MM. de Marillac, [66][67] il y en a un aussi contre M. de Châteauneuf ; cela pourra le faire condamner et brûler de la main du bourreau. Le bruit avait couru que l’auteur de ce livre était le P. Joseph Leclerc, [68] capucin, [69] et étant trouvé trop mal fait, il fut attribué à un M. de Guron [70] qui fut employé par le cardinal de Richelieu en Italie ; [23] mais enfin, on a découvert que le vrai auteur est un supérieur des feuillants nommé le P. Vialart, [71][72][73] parent de M. le chancelier Séguier, lequel barbouillait ainsi le papier pour flatter le cardinal et attraper un évêché ; ce qu’il fit enfin, car il eut l’évêché d’Avranches [74] et mourut au bout de deux ans ante annum ætatis 50 : [24] voilà un moine que la mort a attrapé. Ce volume va depuis l’an 1624 jusqu’à 35, on dit qu’il y en a encore une autre partie manuscrite, mais le changement de chancelier pourra en empêcher l’édition. [25] Je vous baise les mains de toute mon âme, à madame votre femme, à monsieur votre fils, M. Sorel, M. Camusat, M. Allen et nos autres amis, et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,
Patin.
De Paris, ce dimanche 6e de mars 1650.
Ms BnF no 9358, fo 128 ; Reveillé-Parise, no civ (tome i, pages 166‑167).
« L’opiniâtreté de votre maladie m’épouvante » : Terret me hæc tua tam pertinax valetudo (Pline le Jeune, Lettres, livre vii, début de la lettre i à Restitutus).
Neveu de Pline l’Ancien, le naturaliste (v. note [5], lettre 64), Pline le Jeune (Caius Plinius Cæcilius Secundus, Côme 61 ou 62-vers 114) mena une carrière sénatoriale qu’il couronna par le gouvernement de Bithynie. Il a laissé dix livres de Lettres et un Panegyricus de l’empereur Trajan.
La note [46] du Borboniana 7 manuscrit (4e citation) donne un bel exemple de son admirable talent littéraire (et médical).
Tabac (Furetière) :
« herbe qui fut envoyée en France l’an 1560. On l’appelle aussi petun, c’est le nom qu’elle avait à la Floride. De Prades, qui a fait l’histoire du tabac, dit que les Espagnols le connurent premièrement à Tabaco, province du royaume de Yucatan, dont ils lui donnèrent le nom, que lui donne Hernandès de Tolède qui, le premier, l’envoya en Espagne et en Portugal. Jean Nicot, ambassadeur de François ii auprès de Sébastien, roi de Portugal, la présenta au grand prieur, à son arrivée à Lisbonne, et à Catherine de Médicis en France. Ils la firent appeler chacun de leur nom, nicotiane, l’herbe au grand prieur et l’herbe à la reine. Le cardinal de Sainte-Croix, nonce en Portugal, et Nicolas Tournabon, légat en France, l’ayant les premiers introduite en ce pays-ci, la nommèrent chacun de leurs noms de Sainte-Croix et de Tournabon. Amurat iv, empereur des Turcs, le grand-duc de Moscovie et le roi de Perse en défendirent l’usage à leurs sujets sous peine de la vie ou d’avoir le nez coupé. Jaques Stuart, roi d’Angleterre, a fait un traité sur le mauvais usage du tabac. On prend du tabac en poudre par le nez, en mâchicatoire, en le mâchant dans la bouche, et en fumée par le moyen d’une pipe ou petit canal de terre, au bout duquel on le met et on l’allume. Le tabac le plus estimé est celui de Pongibon, de Malte, d’Espagne. Il n’est permis en France de planter du tabac qu’en certains lieux portés par l’édit fait sur ce sujet. Ceux qui prennent du tabac par excès sont sujets à perdre l’odorat. Celui qu’on prend en fumée gâte le cerveau et rend le crâne noir, comme prouve Simon Paul, médecin du roi de Danemark, qui en a fait un traité exprès ; {a} il dit aussi que les marchands trompeurs le mettent dans des retraits {b} afin qu’étant chargé du sel volatil des excréments, il en devienne plus âcre, plus puant et plus fort. […] Les vertus du tabac, qui est un des premiers remèdes narcotiques, sont expliquées par le sir Willis dans sa Pharmacie, et ses effets tout à fait contraires, qui sont d’échauffer et de rafraîchir, de provoquer et de chasser le sommeil, de donner de l’appétit et de l’ôter. »
On lit dans l’Euphormion de Jean Barclay (v. note [20], lettre 80 ; seconde partie, 1608, lettres 214-215) un long passage contre le tabac (traduction latine de Jean Bérault) :
« Une chose sur toutes m’étonna, ce fut que l’on apporta sur la fin du repas certains instruments de terre légers et polis qui sont faits de la façon : ce vaisseau a une petite tête qui ne peut contenir que fort peu de choses ; à cette tête aboutit une petite jambe droite et cave que l’on appelle la pipe. Catharin développa je ne sais quoi d’un papier et l’ayant rompu en petits morceaux, en mit un en cette petite tête que j’ai dit et y mit le feu. Il en sortit une légère fumée qui s’épandit parmi l’air. Après cela Catharin mit la pipe à sa bouche et retirant son haleine, attira par le creux de ce vaisseau une grosse fumée qu’il tint si longuement dans sa bouche qu’elle eut loisir de remplir tout son cerveau. Chose merveilleuse, cette vapeur sortit presque par tous les conduits des sens. Les yeux en pleuraient et ne laissaient pas toutefois de paraître étincelants ; le nez rendait de gros bouillons de fumée épaisse ; la bouche ressemblait à un four quand le feu n’a pas encore emporté le dessus sur le bois vert et humide ; il en sortit incontinent après une grande quantité d’eau sale, à cause que les humeurs émues et peut-être engendrées par cette vapeur pestifère coulaient par tous les conduits. Et afin que rien ne manquât à une chose si vilaine à voir, le lieu où nous étions sentait si mauvais que j’eusse voulu de bon cœur que Catharin eût été encore à discourir. Il nous pria d’user d’un médicament si agréable. Il disait que cette plante était une merveilleuse force et vertu pour chasser les mauvaises humeurs et qu’elle pouvait guérir tous les maux ; mais nous nous en excusâmes, mon compagnon et moi ; nous n’étions pas alors si lassés de vivre que nous eussions occasion de désirer la mort. Nous eûmes la croyance que cet homme ne nous avait pas bien informés quel il était et qu’outre les belles qualités qui le rendaient recommandable, il avait cela de particulier qu’il était de la famille des Psylles, {a} car autrement il ne se fût jamais garanti d’un si fort poison.
Plante infâme, nuisible, horrible, vénéneuse,
Dommageable à nos corps pour ta vapeur fumeuse,
Que la mère Nature, au moins en ce seul point,
A fait naître en des lieux que nous ne voyons point,
Quel esprit enragé, te mettant dessus l’onde,
T’a fait venir ici chercher un autre monde ?
N’avions-nous pas assez de malheurs parmi nous ? »
- Charmeurs de serpents (v. deuxième notule {a}, note [101] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).
« Gomme blanche, claire, visqueuse et odorante qui se tire des arbres gras, et surtout du térébinthe. On fait une incision à l’arbre et on en recueille le suc avec des cornes de bœuf qu’on y attache. On en donne à boire en certaines maladies de femmes, et à ceux qui ont fait quelque chute, pour empêcher l’extravasion du sang ; et alors leur urine et leur pot de chambre sentent la violette sept ou huit jours. La meilleure térébenthine est celle qui découle du térébinthe, qui est blanche en tirant sur le vert. La meilleure vient de Chio. Elle est moins liquide que celle de Venise et des autres lieux » (Furetière). « La térébenthine est propre pour la gravelle [v. note [2], lettre 473], pour la colique néphrétique, pour les ulcères des reins et de la vessie. »
« Arbre qui croît dans la Floride, d’où l’on apporte son bois en Europe. Cet arbre est fort grand et a ses feuilles comme le figuier. Son écorce est chaude et sèche au commencement du troisième degré, et les autres parties le sont seulement au second. La décoction de son bois est excellente en toutes sortes de maladies, surtout pour ouvrir les obstructions, pour fortifier les parties internes et pour guérir quantité de maux que l’on gagne avec les femmes. C’est l’un des six médicamens simples dont on se sert pour la guérison de la vérole. Comme il est fort rare et cher, il faut prendre garde à ne se laisser point tromper par ceux qui font passer pour vrai sassafras de la sciure de buis dans laquelle il y a de la graine de fenouil broyée. Ce bois, pour être bon, doit être solide et jaune, et avoir son écorce tenue, de couleur cendrée, de saveur un peu âcre et aromatique, et semblable à celle du fenouil, auquel son odeur se doit aussi rapporter. ».
V. note [81], lettre latine 351, pour des détails complémentaires sur cet arbre.
« Racine fort longue que l’on nous apporte du Pérou et qui a de longs et menus filets. […] Elle a d’abord la vertu d’échauffer modérément, d’ouvrir ensuite et d’exciter la sueur, et enfin d’éteindre le virus vénérien, ce qui la rend un des médicaments simples dont on a coutume de se servir pour la guérison de la vérole. ».
Gilles Ménage a débattu sur l’origine de son nom (Dictionnaire étymologique, 1694, Sarzepareille, page 655) :
« Plante des Indes. Les Médecins de Lyon, livre 18, chapitre 129. Ex novi orbis, sive Americæ, Provinciis, etiam prodiit zarza parilla, et Chinæ radici successit : eique laudem eripuit, quod non nisi cariosa, et longa vectura evanida atque marcida ad nos pervenire soleat. Zarzam parillam Hispani, qui primi ejus usum in Europam ex Peru invexere, breviore itinere, atque adeo integrioribus viribus, ad nos transmittunt, ad multos, variosque morbos, præstantissimum medicamentum. Qui primi illic viderunt, Zarzæ parillæ nomen indiderunt propter magnam similitudinem quam habet cum zarza parilla Hispanica, id est, smilace aspera : quasi dicas rubum viticulam. Nec Hispanis, inquit Matthiolus, Zarza parilla aliud est quam rubus viticulosus : parra enim Hispanis vitis dicitur ; parilla viticula ; et zarza, rubus. Ejus apud indigenas nomen spinosam vitem Latinis significare, Lopius Lusitanus auctor est. {a} Joseph Scaliger, page 132 du premier Scaligerana : Sarza parilla est vera smilax aspera, omnibus Monspelii notissima. Sic dicta est Hispanice a çarza, quod spinam significat, et a Parillo, medico Hispano, qui primus fuit inventor usus illius, et hanc radicem ad nos adsportavit. Doctores Monspelienses non jam alia sarzaparilla utuntur quam radicibus smilacis. {b} L’étymologie de Scaliger est la véritable. »
- « La zarza parilla est aussi venue des pays du Nouveau Monde, ou Amérique, et elle a succédé à la racine de china [quinquina]. Elle a connu un grand succès car, bien qu’elle nous arrive ordinairement éventée et fanée par son long transport, elle n’a rien perdu sa force. Les Espagnols ont importé la zarza parilla du Pérou en Europe et, après un plus court voyage, en ont les premiers établi l’usage, et nous l’ont enseigné, comme médicament très remarquable pour traiter quantité de maladies diverses. Ce sont aussi eux qui lui ont donné son nom, à cause de sa grande ressemblance avec la zarza parilla espagnole, c’est-à-dire la smilax aspera, qui signifie ronce treille. La zarza parilla, dit Matthiole, n’est rien d’autre que le rubus viticulosus [liseron épineux ou liset piquant] ; en espagnol, en effet, parra veut dire vigne et parilla, treille, et zarza signifie ronce. Selon Lopius le Portugais, le sens latin du nom que les indigènes lui ont donné est vitis spinosa [vigne épineuse]. »
- Prima Scaligerana, 1740, pages 147‑148 :
« La sarza parilla est en vérité la smilax aspera, fort bien connue de tous ceux de Montpellier. Elle est ainsi nommée de sçarza, qui signifie épine en espagnol, et de Parillo, médecin espagnol qui, le premier, a découvert l’utilité de cette racine et l’a importée chez nous. Les docteurs de Montpellier n’emploient jamais d’autre nom que salsepareille pour désigner les racines de smilax. »
« Je parle ainsi comme tout le monde […] c’est bien sûr la racine des Sines ou Siniens. Ptolémée le premier a dit les Sines, mais jamais personne les Chinois, excepté les Barbares »
Squine, Esquine, ou China : « plante qui croît à la Chine et aux Indes Orientales. Sa racine devient grosse comme le poignet d’un enfant. Elle est rougeâtre en dehors et de couleur de chair au-dedans. Elle est chaude, dessicative, propre surtout à purifier le sang. On l’emploie avec succès dans un grand nombre de maladies » (Académie).
V. note [9], lettre 690, pour la salsepareille, remède de la syphilis.
Rossolis (Furetière) :
« plante qui est couverte de rosée durant la plus grande chaleur du soleil, ce qui lui a donné son nom car on l’a appelée rosée au soleil, en Latin rorella ou ros solis. Se prend communément pour une liqueur agréable qu’on sert à la fin du repas, qui aide à la digestion. Elle est composée d’eau-de-vie brûlée, de sucre, de cannelle et quelquefois parfumée. Le rossolis de Turin est le plus estimé. Presque tout ce qu’on boit de rossolis est contrefait et falsifié, et il n’y entre point de cette herbe appelée rossolis qui lui a donné son nom et qui faisait autrefois toute sa composition. »
L’Encyclopédie méthodique (1798) a recensé les anciennes vertus médicinales de l’huile d’olive :
« s’emploie dans les inflammations {a} des reins et des entrailles, dans certaines coliques, dans la dysentrie, dans le ténesme. {b} On la donne alors soit par la bouche, soit en lavements. Elle est surtout très utile pour émousser l’action de certains poisons sur l’estomac, en formant une espèce d’enduit ou de vernis sur ses parois. On s’en sert aussi pour faire soit des embrocations, {c} soit de douces frictions sur les parties menacées de convulsion, {d} ou qui sont déjà convulsées. Ce fut par ce moyen que Galien se préserva des accidents de convulsion qui commençaient à se manifester après une luxation de l’humérus. Enfin, l’huile d’olive a été appliquée avec succès sur des plaies faites par la morsure d’animaux enragés. »
- V. note [6], lettre latine 412.
- V. note [20], lettre 198.
- Embrocation : « action de verser lentement et par arrosement un liquide quelconque sur une partie malade » (Littré DLF).
- Contracture.
Scillitique : « qui contient de la scille [genre de la famille des liliacées où l’on distingue la scille maritime, aussi dite simplement scille, scilla maritima, L., qui est usitée en médecine, surtout comme diurétique] » (Littré DLF).
Huile de brique : huile au minium (oxyde de plomb). Thomas Corneille (1694) en a donné cette description :
« Il y a une huile de brique, fort dessicative et fort estimée, que font les chimistes avec des briques toutes rouges et enflamées. Ils les broyent et les éteignent dans de l’huile commune ; et mettant le tout dans une cucurbite [cornue], ils en tirent cette huile si recommandable, appellée par eux Oleum Philosophorum, et par les apothicaires, Oleum de lateribus. »
Johann-Heinrich Alsted (Alstedius) a décrit tous ces médicaments dans le 3e tome de son Encyclopædia universa : {a} tome iii, pages 556‑557, livre xxvii, Loci medicinales [Citations médicinales] ; section i, Ex mente Hippocratis et Galeni [D’après la pensée d’Hippocrate et Galien] ; chapitre vi, Pharmaceutica delineantur [Description des médicaments] ; règle xvi, Magnum est operæ pretium in promptu habere præcipua medicamenta πολυχρησα : e quibus sequentia præcipuam laudem obtinent [Il y a grand intérêt à avoir sous la main les principaux médicaments indispensables ; parmi lesquels ceux qui suivent méritent d’être particulièrement loués]. Les onze extraits que j’en ai tirés montrent la crédulité de l’auteur et son vif intérêt pour les panacées, végétales ou minérales, simples ou composées, qui irritaient fort Guy Patin. Le tout forme, il est vrai, un étourdissant fatras.
Sed et partim ex vocis contentione, partim quod sero nimis animadversum est, ex immodico aloes usu, primum in hæmorroidas easque tandem ulcerosas, deinde quinque ante mortem annis in sanguinis excreationem aliquoties incidit.[Toutefois, à cause, en partie, de la contestation de sa parole et, en partie, d’un usage immodéré de l’aloès, contre lequel on l’avait sérieusement mis en garde, il fut d’abord affligé d’hémorroïdes, qui finirent pas s’ulcérer, puis, dans les cinq années qui ont précédé sa mort (en 1564), de crachements intermittents de sang].
[Le tabac à lui tout seul tient lieu de panacée, comme nous l’avons plus bas enseigné dans la Tabacologie]. {a}
[La térébenthine {a} est la plus douce de toutes les résines ; parmi elles, elle tient le tout premier rang en raison de sa force et de sa vertu balsamique ; ce qui fait d’elle un baume couramment utilisé pour soigner toutes sortes de blessures. On la tire de l’arbre térébinthe, qui surpasse de loin tous les arbres d’Allemagne, car son suc est dense, entièrement balsamique, clair, transparent, blanc, âcre et odorant. Il échauffe modérément, ramollit, purge les reins et tout le corps, il dissout, {b} il incite l’urine ; par sa vertu balsamique, il met tout le corps à l’abri de toute corruption et putréfaction, à tel point que les cadavres qu’on asperge de se suc ne pourrissent jamais, non plus que les toiles de lin {c} et les plantes qu’on en a oints].
[Le bois de gaïac, le sassafras, la salsepareille et la squine {a} sont, je l’affirme, des végétaux qui possèdent de très grandes vertus balsamiques : non seulement, ils guérissent les maladies les plus graves, mais on peut aussi s’en servir pour préserver le corps humain des corruptions des humeurs, et pour le maintenir droit et sain pendant de nombreuses années].
[L’opium {a} est le suc qui s’écoule des têtes de pavot noir, spontanément ou après qu’on les a incisées. […] Sa qualité narcotique et soporifique ne vient pas de sa froideur, mais du soufre inflammable qui y abonde. {b} Il n’y a donc pas à s’étonner si beaucoup tiennent l’opium cru, non digéré et fort peu préparé, pour un poison, parce que la prise de quelques grains étouffe les esprits vitaux et entraîne la mort ; mais s’il a été correctement préparé, purifié et débarrassé de son soufre narcotique, il devient utile, vivifiant et anodin, parce qu’il rétablit et apaise les esprits perturbés, en leur procurant un repos doux et paisible. Il y a alors fort peu de maladies dont l’opium ne réduit pas la violence, qu’il s’agisse d’inflammations {c} ardentes, de langueurs, d’oppressions, d’insomnies, de délires, de défluxions, {d} de douleurs de la tête, de la poitrine, de l’estomac, du ventre, de l’utérus ou de n’importe quelle autre partie du corps. Sa seule propriété spécifique et particulière est de vaincre et dompter tous ces symptômes, qu’ils surviennent isolément ou s’associent au cours de la maladie, ce qui provoque l’admiration des malades et de leur entourage].
[La pierre de bézoard {a} (…) guérit toutes piqûres ou morsures d’animaux venimeux, si on l’applique sur la plaie. Elle agit de même dans les blessures provoquées par des armes imprégnées de poison ou d’un quelconque venin. Si on fait prendre entre 4 et 7 ou 10 grains mêlés à un brevage adéquat, elle est admirablement efficace dans toutes les affections du cœur, et elle le protège contre les poisons, et contre l’air pestilentiel et contagieux. Elle remédie merveilleusement à la syncope, tant en l’attaque qu’un peu avant, si on en mélange 4, 7 ou 10 grains à une eau cordiale, comme par exemple de bourrache, de buglose ou de chardon bénit. {b} Pareillement, 2 grains tous les matins, dans de l’eau de mélisse sont fort utiles contre la palpitation du cœur. Elle est d’une efficacité remarquable pour dompter les humeurs mélancoliques. C’est un prompt remède qui guérit l’éléphantiasis, la gale maligne, le prurit, l’impétigo, les érysipèles et d’autres vices corporels. {c} Elle supprime, ou du moins adoucit et atténue, les symptômes de la fièvre quarte, ainsi que les tristesses de l’esprit, les angines de poitrine et autres affections semblables. Elle remédie au mal sacré, ou épilepsie, des nourrissons, des enfants et des adultes, si on en donne aux premiers 2 grains dilués dans le lait maternel, et aux autres, 6 ou 10 grains dans de l’eau de pivoine, de tilleul ou de muguet]. {d}
La suite allonge la liste des maladies où le bézoard était censé faire miracle : vers intestinaux, peste, toutes sortes d’autres fièvres, maladies chroniques et, pour finir en apothéose, vie longue et saine.
[L’huile d’olive {a} remédie à toutes sortes de corruptions et de putréfactions ; elle réprime l’âpreté du poison et l’expulse par le vomissement ; elle surpasse de très loin le beurre en bonté et en salubrité].
[Les anciens et les moderne ont hautement loué le vinaigre scillitique, {a} pour sa vertu à prolonger l’existence et à conserver la santé. Galien, notamment, a grandement vanté son excellence, disant que quiconque en use vivra longtemps et conservera se facultés jusqu’à la fin. (…) Qui en consomme régulièrement pourra se permettre de manger autant qu’il voudra car ce vinaigre consume tous les aliments : aucune victuaille ne lui fera jamais de mal ni ne lui pèsera ; il digérera tout bien mieux ; rien de superflu ne lui restera dans le corps, ni flatulence, ni bile, ni excrément, ni urine ; il évacuera et se débarrassera sans peine de tout cela. C’est un remède purgatif qui lubrifie entièrement l’intestin, quand bien même les excréments contiendraient des os. Nous avons vu des phtisiques, {b} dont tous déploraient l’état, recouvrer la santé grâce à ce médicament. Il s’est montré efficace dans l’épilepsie chronique, empêchant le retour des crises pendant de longs intervalles de temps ; il dissipe l’épilepsie nouvelle et débutante, sans permettre à une autre crise de se produire. En outre, il agit puissamment contre la goutte et les maladies articulaires, et contre les indurations du foie et de la rate].
[La Thériaque est mise au nombre des panacées souveraines, voyez à ce sujet les livres des médecins en maints endroits].
[L’huile de briques est appelée l’huile des philosophes en raison de son excellence].
Les « Remarques contre les anatomistes modernes » font partie de la première série des Opuscula anatomica nova [Nouveaux opuscules anatomiques] qui se trouvent à la fin des Opera anatomica vetera… [Anciens opuscules anatomiques…] de Jean ii Riolan (publiés en 1649, v. note [25], lettre 146).
Commençant page 539, elles portent sur les travaux de Jan de Wale (v. note [18], lettre 192), d’André i Du Laurens, Caspar Bauhin, Caspar Hofmann, Johann Vesling et Emilio Parisiano ; s’y ajoute un court traité De Monstro nato Lutetiæ [Le Monstre né à Paris].« ils ont étonnamment froid quand Bellone [déesse de la guerre, v. note [3], lettre latine 29] est en furie. »
Le coadjuteur jouit à ce moment et brièvement de l’« enthousiasme » du cardinal qui ne dura que « douze ou quinze jours » ; ce fut alors que (Retz, Mémoires, pages 626-627). :
« Le maréchal d’Estrées se servit habilement de ce bon intervalle pour le rétablissement de M. de Châteauneuf dans la commission de garde des sceaux, qui en avait été dépossédé par M. le cardinal de Richelieu {a} et retenu prisonnier 13 ans dans le château d’Angoulême. Cet homme était vieilli dans les emplois et il y avait acquis une réputation à laquelle sa longue disgrâce donna beaucoup d’éclat. Il était parent fort proche et ami fort particulier de M. le maréchal de Villeroy. Le commandeur de Jars avait été sur l’échafaud de Troyes {b} pour ses démêlés {c} avec le cardinal de Richelieu ; il {d} avait été amant de Mme de Chevreuse, et il ne l’avait pas été sans succès. Il avait 72 ans, mais sa santé forte et vigoureuse, sa dépense splendide, son désintéressement parfait en tout ce qui ne passait pas le médiocre, son humeur brusque et féroce, qui paraissait franche, suppléaient à son âge et faisaient qu’on ne le regardait pas encore comme un homme hors d’œuvre. Le maréchal d’Estrées, qui vit que le cardinal se mettait dans l’esprit de se rétablir dans le public en accommodant les affaires de Bordeaux et en remettant l’ordre dans les rentes, prit le temps de cette verve, {e} qui ne durerait pas longtemps, ce nous disait-il, pour lui persuader qu’il fallait couronner ces beaux ouvrages par la dégradation du chancelier, {f} odieux au public, ou plutôt méprisé, à cause de sa servitude naturelle, qui obscurcissait la grande capacité qu’il avait pour son métier, et par l’installation de M. de Châteauneuf, dont le seul nom honorerait le choix. »
- En février 1633.
- En 1633.
- Ceux de Châteauneuf.
- Châteauneuf.
- Fantaisie.
- Pierre iv Séguier.
Journal de la Fronde (volume i, fo 178 ro, mars 1650) :
« Depuis le retour de Leurs Majestés, M. le duc d’Orléans ayant témoigné souhaiter le rétablissement de M. le garde des sceaux de Châteauneuf, le fit résoudre au Conseil le premier du courant. Il en avait été sollicité pendant l’absence de la cour par M. de Beaufort et Mme de Chevreuse. Aussitôt après cette résolution, Son Altesse Royale envoya le baron des Ouches à Monrouge pour porter la nouvelle à M. de Châteauneuf, et en même temps la reine envoya M. de La Vrillière, secrétaire d’État, à M. le chancelier pour lui demander les sceaux, lesquels il rendit sans faire aucune difficulté ; mais comme il était au lit malade, cette nouvelle ne contribua pas à sa convalescence. Le 2 au matin M. de Châteauneuf reçut grand nombre de visites à Montrouge, où l’on allait se conjouir avec lui de son retour ; et le soir du même jour il arriva en cette ville, et fut aussitôt saluer Leurs Majestés qui, l’ayant fort bien accueilli, lui mirent les sceaux entre les mains ; et l’on tint Conseil en même temps, dans lequel il eut séance immédiatement après M. le cardinal. L’on n’a pas pu lui accorder la qualité de chancelier qu’il demandait conformément au brevet qu’il en avait eu, parce qu’on n’a pas pu déposséder M. Séguier. Quelques-uns veulent qu’il n’ait accepté les sceaux que parce qu’il les avait auparavant, et que, comme il se soucie fort peu de les garder, il doit s’en défaire dans quelque temps. En ce cas on croit que le président de Bellièvre y aura bonne part. À la sortie du Conseil M. le cardinal caressa fort M. de Châteauneuf, après quoi il le pressa extraordinairement d’aller loger dans le Palais Mazarin jusqu’à ce qu’il en eut trouvé un qui lui fut commode ; mais il s’en excusa fort civilement et fut loger chez le marquis de Neufville, son neveu ; mais hier au soir la reine lui ayant encore dit qu’il fallait qu’il allât loger audit Palais Mazarin, il y a couché cette nuit et y a été parfaitement bien reçu. On croit qu’il ira loger dans son ancien logis proche Saint-Eustache, quoique l’on lui conseille de prendre celui du feu sieur Loppes, qui est plus proche du Palais-Royal. L’on croit que toutes ces caresses que M. le cardinal lui fait se font par maxime, et que la métamorphose de l’État n’est pas encore achevée.
M. le Chancelier n’a encore reçu aucun ordre de se retirer, mais il n’a pas laissé de demander son congé pour s’en aller aussitôt qu’il sera guéri. L’on ne sait où il ira, mais on croit qu’il aura le choix d’aller en telle de ses maisons qu’il voudra. »
Mme de Motteville (Mémoires, page 339) :
« Ensuite de l’établissement du garde des sceaux de Châteauneuf, la reine résolut d’aller en Bourgogne {a} pour affermir entièrement l’autorité du roi par la prise de Bellegarde {b} qui tenait pour le prince de Condé. […]
Le cardinal demeura un jour après la reine pour se recommander aux charitables soins de Mme de Chevreuse, {c} de Laigues, du coadjuteur et des principaux chefs de cette troupe. Les choses étaient si troublées, l’orage paraissait si près d’éclater et les prophéties étaient si funestes que ce jour beaucoup de gens, de part et d’autre, crurent que le cardinal serait assassiné, et plusieurs avis lui en furent donnés. Il partit enfin et laissa dans Paris le duc d’Orléans, {d} le garde des sceaux et toute la secte frondeuse. Le Tellier et Servien, employés par la reine dans le secret des affaires, y demeurèrent aussi pour servir le roi et pour être les champions fidèles du ministre contre ses mauvais amis. Les politiques remarquèrent qu’en partant de Paris, ce ministre plein de finesse avait témoigné beaucoup de bonne volonté aux serviteurs des princes et que, voulant peut-être donner de la crainte à la cabale d’Orléans, {e} il avait affecté de bien traiter ceux du parti contraire pour leur montrer que s’ils en usaient mal avec lui, il pourrait se défendre de leur oppression par M. le Prince. Dans ce même temps, parlant du prince de Condé, il dit publiquement de lui une chose fort remarquable : “ qu’il aurait été le plus grand homme du monde, et le plus heureux, s’il avait pu croire que la reine était capable de faire ce qu’elle avait fait. ” »
- V. note [70], lettre 219.
- Seurre, v. note [7], lettre 221.
- Le marquis Geoffroy de Laigues (v. notule {a}, note [4], lettre 215).
- Lieutenant général du royaume.
- Du duc d’Orléans.
V. note [52], lettre 176, pour les diverses éditions de la « Défense royale, pour Charles ier à l’intention de Charles ii, etc. » de Claude i Saumaise.
René Descartes (La Haye, aujourd’hui Descartes en Touraine [Indre-et-Loire], 1596-Stockholm 11 février 1650, v. notes [2], lettre 223, et [35], lettre 345) vivait en Hollande depuis 1629. Sur l’invitation de Christine de Suède, il était parti pour Stockholm en septembre 1649.
Guy Patin méprisait Descartes et sa « prétendue nouvelle philosophie » (v. note [15], lettre 968), mais ne s’en est jamais clairement expliqué. La rivalité de Descartes avec Gassendi, prêtre que Patin vénérait, peut aider à comprendre, mais sans autoriser à tout éclaircir.
Isaac Vossius (Leyde 1618-Windsor 1689) était le fils de Gerardus Johannes (v. note [3], lettre 53) et d’Elisabetha du Jon, sa seconde épouse. Dès l’âge de 21 ans, Isaac avait publié une édition du Périple de Scylax (navigateur et géographe grec du vie s. av. J.‑C.), traduit en latin et annoté. Ayant refusé la chaire d’histoire laissée vacante par la mort de son père (1649), la reine Christine l’attira en Suède, et l’y nomma bibliothécaire et maître de littérature grecque. Les accusations calomnieuses de libertinage d’esprit, émises par Saumaise et peut-être des infidélités pécuniaires dans des achats de livres le firent disgracier. En 1670, il alla se fixer en Angleterre où Charles ii le nomma chanoine de Windsor. Louis xiv lui fit aussi parvenir quelques gratifications par Colbert. Vossius a publié un très grand nombre d’ouvrages érudits sur des sujets très divers (G.D.U. xixe s.).
Vossius enseignait alors le grec à Nicolas Heinsius, alors âgé de 30 ans.
Anne-Marie Martinozzi, Laure et Olympe Mancini étaient les trois mazarinettes.
François de Villemontée (Paris 1598-ibid. 1670), marquis de Montaiguillon depuis 1649, avait été reçu conseiller au Parlement en 1620. Maître des requêtes de 1626 à 1635, il fut envoyé comme intendant de justice à Poitiers puis à La Rochelle, avant de devenir conseiller d’État (Popoff, no 2473). Il se sépara plus tard de sa femme, Philippine de la Barre, et entra dans les ordres. En 1658, après que son épouse eut accepté de se faire religieuse, il devint évêque de Saint-Malo.
« avant d’avoir atteint l’âge de 50 ans ».
Avranches, en Normandie, au pied du Cotentin (actuel département de la Manche), était le siège d’un évêché qui a été supprimé en 1801.
Charles Vialart (1592-1644) portait en religion le nom de P. Charles de Saint-Paul. Supérieur général des Feuillants, il avait été nommé évêque de ce diocèse en 1640. Il a laissé plusieurs savants ouvrages, dont une Géographie sacrée, mais son renom littéraire lui est surtout venu d’avoir prêté sa plume à cette Histoire du ministère du cardinal Richelieu. Elle avait été publiée pour la première fois en 1640 sous le titre de Mémoires du cardinal de Richelieu, avec diverses réflexions politiques. Elle reparaissait alors :
Histoire du ministère d’Armand Jean du Plessis, cardinal-duc de Richelieu, sous le règne de Louis le Juste, xiiie du nom, roi de France et de Navarre. Avec des réflexions politiques et diverses lettres contenant les négociations des affaires de Piémont et du Monferrat. {a}
- Paris, Gervais Alyot, Antoine de Sommaville, Jean Guignard, Toussaint Quinet, Michel Baubin, Edme Pepingué, au Palais, 1650, in‑4o, avec une annexe sur les Affaires d’Italie de l’année m. dc. xxxix ; passées entre Madame la duchesse et princes de la Maison de Savoie.
Le livre est divisé en quatre tomes qui couvrent les années 1624-1627 (i), 1628 (ii), 1629-1630 (iii) et 1631-1633 (iv, avec erreur de Guy Patin qui le faisait aller jusqu’à 1635).
Il n’y a ni privilège du roi ni achevé d’imprimer. Cette réédition fit scandale, avec condamnation à l’autodafé par un arrêt du Parlement le 11 mai 1650.
Journal de la Fronde (volume i, fo 181 vo, 6 mars 1650) :
« Mme d’Aiguillon obtint il y a quelque temps de M. le Chancelier un privilège au nom d’un nommé Du Sault pour faire imprimer un livre intitulé L’Histoire du ministère du cardinal de Richelieu fait par feu M. Vialard, qui était évêque d’Avranche ; mais l’ayant obtenu, elle trouva que ce livre venait d’être imprimé en grand volume in‑fo par cinq ou six imprimeurs associés qui avaient eu la permission de M. le premier président, dont elle fit grand bruit ; et s’en étant plainte à ce dernier à cause que ce livre parle fort contre M. le duc d’Orléans et contre MM. de Vendôme, Châteauneuf, le président Le Coigneux, Mme de Chevreuse et autres, il lui fit réponse qu’elle s’en plaignît au Parlement et qu’on lui ferait justice. Depuis, on a fait une exacte recherche chez les imprimeurs pour enlever les exemplaires et l’on poursuit pour faire brûler ce livre par les mains du bourreau ; sur quoi le premier président soutient qu’il n’y a point vu toutes ces invectives lorsqu’il a donné la permission de le faire imprimer. »
Une nouvelle édition parut en 1664-1665 (Paris, Compagnie des libraires du Palais, 3 volumes in‑12), mais Guy Patin n’en a pas parlé.
Le livre contient un chapitre spécifiquement consacré à Châteauneuf (tome i, pages 98‑100) : Députation du sieur de Chasteauneuf vers la République de Venise, pour les affaires ci-dessus écrites, sur la ratification du traité de Monzon (5 mars 1626) qui réglait la question de la Valtenine et rapprochait la France de l’Espagne ; mais on n’y lit rien d’offensant pour quiconque.
Trois chapitres concernent directement les affaires de MM. de Marillac.
« Le garde des sceaux qui, dans son humeur altière, n’estimait rien d’égal à son jugement, et se trouvait d’autant plus offensé de tous ceux qui voulaient contredire ses résolutions qu’il se persuadait d’avoir une autre Nymphe Égérie, {a} qui ne lui permettait d’en prendre aucune qui ne fût conforme aux volontés du Ciel, fit tous ses efforts pour empêcher que le roi leur accordât ce délai. Mais Sa Majesté sait que l’autorité des plus grands monarques doit toujours être accompagnée de bonté aussi bien que de justice, et que les plus équitables n’ont jamais fait de difficulté de communiquer leurs ordonnances au Parlement de Paris, et les soumettre à son jugement pour savoir son avis et en rendre le joug plus supportable aux peuples ; < elle > lui accorda ce qu’il désirait, trouvant bon que dans six mois il pût faire les remontrances qu’il jugerait à propos, pour y avoir néanmoins tel égard qu’il lui plairait. »
- Celle par qui le roi Numa Pompilius se disait inspiré quand il décréta les institutions religieuses romaines.
Artifices du garde des sceaux et du maréchal de Marillac son frère (tome iii, 1630, pages 141‑142) : Richelieu revient de Savoie en France pour assurer le ravitaillement de Cazal pressée par les Espagnols ;
« Toutes ces choses commençant à manquer par les mauvais artifices du garde des sceaux et de son frère, et de ceux de sa cabale, il fut obligé de revenir trouver le roi à Lyon. Ce lui fut un contentement extrême de trouver Sa Majesté en bonne disposition, après les appréhensions qu’il avait eues que les accès de fièvre dont elle avait été travaillée à S. Jean de Maurienne n’eussent quelque dangereuse suite. Mais il ne se peut dire aussi combien lui furent sensibles les déplaisirs qu’il {a} reçut, voyant la reine mère {b} aigrie contre lui jusques à l’extrémité, quoique le roi lui eût fait l’honneur de prendre toujours sa protection dans les rencontres ; il crut que le garde des sceaux, qui lui avait toujours ravi l’honneur de cette bienveillance de sa maîtresse, était capable de le remettre bien avec elle, et quoiqu’il fût extrêmement dur de rendre de l’honneur et du service à un homme qui ne se peut mieux nommer qu’un monstre d’ingratitude, il le fut visiter diverses fois, et l’obligea par toute sorte de courtoisie et de bons offices à le mettre dans la reconnaissance de son devoir et des extrêmes obligations dont il lui était redevable. Mais quoique l’honneur et les bienfaits brisent les rochers et soient le plus puissant ressort que l’homme puisse employer à mouvoir les volontés, néanmoins l’ambition, qui avait pris place dans son esprit mutin, empêcha qu’ils ne pussent le porter {c} à autre chose qu’à une dissimulation pleine de contrainte qui, sous l’apparence d’une complaisance contrefaite, cachait le feu qui n’avait pu s’éteindre depuis le temps de la Ligue, et qui l’embrassa alors d’une passion si aveugle que de le faire préférer les intérêts d’Espagne à ceux de sa patrie et de le porter à faire mille choses indignes de sa condition. L’honneur et les faveurs que lui faisait M. le cardinal ne purent, dis-je, faire mourir ce feu séditieux ; et au lieu d’en être éteint, il demeura caché sous la cendre d’une mine feinte et contrefaite ; de sorte que cet esprit séditieux ne laissa pas de continuer ses cabales près de la reine mère, flattant seulement sa passion pour empêcher qu’elle ne s’éteignît, mais y jetant même quelquefois de l’huile avec tant de dextérité qu’il n’y avait que ceux qui approchaient de plus près cette grande princesse qui s’en pussent apercevoir. »
- Richelieu.
- Marie de Médicis.
- Porter Marillac.
Le Procès fait au maréchal de Marillac (tome iv, 1632, pages 168‑170) est une violente charge contre les Marillac pour laver entièrement le cardinal de tout soupçon d’injustice à l’égard du maréchal.
Le chancelier étant nommé à vie, sa charge ne pouvait en principe pas être transférée, mais il fut bel et bien alors question d’obtenir la résignation du Chancelier Séguier en faveur de Châteauneuf, qui lui prenait les sceaux (v. supra note [15]).