L. 420.  >
À Charles Spon,
le 19 octobre 1655

Monsieur, [a][1]

Ce 6e d’octobre. Depuis ma dernière, laquelle fut du mardi 5e d’octobre, laquelle vous aura été, comme j’espère, rendue par le frère de M. Moreau mon hôte, je puis vous dire que je viens tout présentement de chez M. Gassendi, [2] lequel se plaint de ne pouvoir trouver dans son lit aucune bonne place pour dormir. Ce pauvre bonhomme me fait peur de tous côtés, adeo est attritæ et afflictæ valetudine[1] Avez-vous jamais vu un gros livre in‑fo intitulé Clavis Clavennæ, n’est-ce pas de re herbaria ? [2] Qu’en dites-vous, quel jugement faites-vous de ce travail, en quelle ville a-t-il été imprimé ? [3]

Le roi [4][5] est à Fontainebleau, [6] malade d’une fièvre continue [7] pour laquelle il a été saigné [8] des bras et du pied. Ce mal a succédé à l’usage des eaux minérales de Forges, [9] desquelles il n’avait point de besoin ; mais c’est que les médecins de cour ne savent que faire pour tâcher de se faire payer de leurs gages. Les princes sont malheureux en médecins et y a longtemps qu’ils le sont. Quidquid delirant Medici, plectuntur Principes[3] O infelices si intelligant sua mala, o infelicissimi si non intelligant, [4] c’est Érasme [10] qui l’a dit quelque part. Voilà de mauvaises nouvelles pour le cardinal Mazarin [11] bien près l’une de l’autre : la levée du siège de Pavie [12] et la dissipation de notre armée ; le convoi qu’il faut envoyer à Saint-Ghislain, [13] qui n’a pu jusqu’ici avancer à cause que le prince de Condé [14] est là auprès qui les empêche (la plupart de ce convoi a passé, le prince de Condé n’a osé les attaquer) ; [5] et la maladie du roi, cui utinam Deus valetudinem certam brevi restituat[6] et qu’on ne lui donne point d’antimoine [15] qui est ici merveilleusement et tout à fait décrié par les meurtres que Guénault, [16] des Fougerais [17] et autres massacreurs publics en ont ici faits.

Il y a eu autrefois à Montpellier [18] un habile homme nommé M. Scharpe. [19] N’est-ce pas celui que l’on avait appelé en Italie et qui est mort à Bologne, [20] n’a-t-on rien imprimé de lui à Lyon, l’avez-vous connu, quantus fuit ? [7] Je l’ai aujourd’hui entendu fort louer.

On dit que le roi d’Espagne [21] et le nôtre pareillement ont reçu tous deux chacun un bref du pape [22] pour les exhorter à une paix générale ; et qu’il fait des assemblées à Rome pour s’opposer à l’assemblée de Genève [23] où sont les députés de tous les princes protestants de l’Europe, qui est une assemblée qui doit épouvanter Rome et faire peur à la Maison d’Autriche. Le roi de Suède [24] continue sa pointe en Pologne d’où le roi [25] s’est sauvé dans les montagnes et y est poursuivi par un général Wurtemberg ; [26] et que la reine sa femme [27] a pris le chemin pour se retirer en Allemagne. [8][28] La reine de Suède, Christine, [29][30] est en chemin de Rome cum multis Hispanis quibus se commisit[9] N’y fera-t-elle pas quelque miracle ? Si elle avait bien de l’argent, les jésuites la feraient passer pour une sainte.

Ce 9e d’octobre. Nous avons aujourd’hui consulté pour M. Gassendi [31][32] et avons trouvé qu’il fallait tout à l’heure le saigner pour le délivrer, [33] ne statim vel proxima nocte suffocare tunc ; [10] ce qui a été fait par l’avis de MM. Riolan, [34] Moreau, [35] et l’abbé Bourdelot [36] qui s’y est rencontré. Le pauvre homme n’ira plus guère loin, j’en suis extrêmement marri, la perte d’un si grand homme me semble inestimable.

Ce 10e d’octobre. Le bonhomme a mieux dormi la nuit passée qu’il n’a fait par ci-devant. Unicæ venæ sectioni salutem suam adscribit[11] mais il reconnaît bien que le soulagement qu’il en a ne peut pas durer longtemps propter vitium partis quod superest indelebile, et nullo artis nostræ præsidio emendabile[12] Comme aujourd’hui il est arrivé à propos que l’on a parlé de la mort in genere[13] et non pas de la sienne, il m’a dit : Omnia præcepi, atque animo mecum ante peregi ; [14][37] aussi a-t-il fait en bon chrétien, vacavit pietati, sacrisque peractis, vitæ quodcumque superest habet in patientia, nec tamen fortassis mortem in desiderio[15][38] Saint Augustin [39] a dit quelque part, Nemo vult decipi, nemo vult perturbari, nemo vult mori. Ant. Musa Brasavolus [40] libellum conscripsit, Quod nemini mors placeat[16]

Ce 12e d’octobre. L’on parle ici de la mort du prince Thomas, [41] ou au moins d’une grande maladie, pour laquelle la princesse de Carignan [42][43] est partie tout à l’heure. [17] On dit que le duc de Modène [44] viendra ici cet hiver pour se consoler de tant de pertes qu’il a faites depuis six mois. Le pape a dit aux jésuites que leur cabale et leurs artifices étaient cause de la perte de la Pologne où l’on dit que le mal est bien grand, et qu’ils se mêlaient de trop d’affaires.

La reine [45] a refusé à Vallot [46] la permission de faire venir des médecins pour traiter avec lui le roi et consulter pour lui à Fontainebleau. [47] Il lui avait nommé D’Aquin [48] et Vézou. [18][49] Elle lui répondit en colère Je me doutais bien du choix que vous feriez : voilà de beaux médecins pour le roi, je m’en rapporte bien à vous ; je veux avoir Guénault qui l’a déjà traité autrefois en sa petite vérole[19][50] Guénault y a donc été mandé et y est de présent. Il en est revenu le 15e d’octobre. [20] On tient Vallot en danger d’être chassé, combien qu’il n’ait pas encore touché l’argent, depuis trois ans, qu’il avait avancé pour y entrer ; au moins en est-il en grand danger si le cardinal ne le maintient, et ne le remet aux bonnes grâces du roi et de la reine avec lesquels il est fort mal. Martial [51] fait mention d’un certain barbier qui fit grande fortune à Rome, lequel s’appelait Cinnamus, etc. : Cinname quid facies, Cinname tonsor eris[21] Ainsi, que sera Vallot ? Avant son élévation et assomption à l’apostolat, il n’était qu’un charlatan ; [52] quand il en sera déchu, il retournera et reviendra au même état. Sic Fortuna tibi ludos facis : ex rhetoribus consules, ex consulibus rhetores[22][53][54] Le Mazarin est arrivé le mardi 12e d’octobre au Bois de Vincennes, [55] où il a couché ; et dès le lendemain matin, il est allé à Fontainebleau pour y voir le roi qui y est malade d’une double-tierce [56] et aliis aliquot symptomatis, puta involuntario seminis profluvio, etc[23]

Ce 13e d’octobre. Le pape a envoyé trois brefs, l’un au roi, l’autre à la reine, le troisième au cardinal Mazarin, pour les exhorter à une bonne paix pour sauver la religion catholique et pour résister aux étrangers qui la veulent détruire. Il entend Cromwell [57] et le roi de Suède. Il en a envoyé autant en Espagne. Sur la fin des brefs, il les menace s’ils n’y condescendent et dit qu’il se servira, en cas de refus, de l’autorité qu’il a et des censures ecclésiastiques. Ad populum phaleras : [24][58] toutes ces excommunications [59] sont des marchandises éventées et de bas aloi.

Ce 16e d’octobre. On dit que le roi se porte mieux et qu’il sera ici dans huit jours. Je pense qu’ils lui feront passer le reste du beau temps dans le Bois de Vincennes. On dit que la maladie du prince Thomas est une double-quarte, [60] c’est assez pour faire bien du mal à un pauvre homme. En quelque occasion qui s’est présentée, le jeune archevêque de Rouen [61][62][63] a soutenu la cause du cardinal de Retz [64] contre le Mazarin touchant le gouvernement et l’administration de l’archevêché de Paris, contre quatre évêques de Normandie qui se tiennent du côté de la cour. [25] Cela ayant été su, on lui a envoyé une lettre de cachet [65] par laquelle on lui fait commandement de venir dans huitaine à la cour y rendre compte de son opinion. On dit que s’il sort de Rouen pour venir ici, il trouvera en chemin un autre billet de commandement de se retirer dans Avignon. [66] Nec mirum moribus istis vivitur[26] le plus fort l’emporte : Tollitur e medio sapientia, vi geritur res ; [27][67] il y a longtemps que la Fortune gouverne le monde.

M. Gassendi non stat in vestigio firmiter[28] Il a été quelques jours mieux, mais cela n’a pas continué. Il lui a pris un méchant flux de ventre [68] qui ne le soulage point, il ne fait que l’affaiblir et lui empêche l’expectoration facile et libre, cuius beneficio hactenus morbum superavit et quoquomodo vixit[29] Si ce flux de ventre continue, il l’affaiblira extrêmement et cela le disposera à mourir dans les premiers froids du mois prochain, qui est un cruel événement et qui me fâche fort ; utinam sim vanus aruspex[30][69] Il me semble que ses forces diminuent tous les jours, non pas seulement du côté de la fièvre, qui est lente, [70] mais aussi du côté du poumon et de la respiration, laquelle s’affaiblit merveilleusement et à vue d’œil. [31]

Nous avons eu ici depuis quelques mois un médecin agrégé à votre Collège de Lyon, [71] nommé M. Sauvageon. [72] Ne pouvant demeurer en son pays de Nivernais ni dans Paris, à ce qu’il dit, l’envie lui a pris d’aller faire un tour à Lyon pour tâcher de s’y accommoder. Il est vieux et usé, et n’a point d’arrêt, [32] ni du corps, ni de l’esprit. Il ne sait s’il se veut remettre à la médecine ou bien à traiter avec M. Ravaud [73] pour faire réimprimer quelques livres dont il a le privilège, comme la Chirurgie de Hier. Fabricius d’Aquapendente. [74] Il est fort inquiet de l’esprit et admodum impatiens loci[33] Je ne sais ce qu’il fera, mais je crois qu’il a une tête qui fera bien de la peine à ses pieds, [34] si la mort ne l’arrête. Il est aujourd’hui parti de Paris et crois qu’il arrivera à Lyon environ en même temps que la présente. Il m’a promis de vous aller visiter : ne faites pas semblant que je vous aie rien du tout écrit de lui, ni de rien de ce que dessus. J’ai pitié du pauvre homme qui tota vita peregrinatus est [35] et qui, en l’âge auquel il est parvenu, nullam adhuc habet stationem fixam[36] Il vous parlera infailliblement de moi, ne lui dites point que je vous en aie rien écrit. J’ai pitié de ce pauvre homme, tant il est mélancolique. [75]

Ce 16e d’octobre[37] J’ai rencontré ce matin M. Sorbière chez M. Gassendi, qui m’a fait entretien de son voyage d’Italie. On dit qu’il arriva hier au soir un courrier à la cour qui apporta la nouvelle de la mort du prince Thomas : le voilà bien récompensé des prouesses qu’il a faites devant Pavie et du massacre qu’il a fait faire de ces pauvres gens dans les vallées de Savoie. [38][76][77] Un honnête homme nommé M. Daillé, [78] qui est un des ministres de Charenton, [79] a dit à M. Du Prat, [80] notre ami, qu’il ramasse ici de tous côtés des épîtres latines de feu M. de Saumaise [81] tant qu’il s’en peut trouver afin de les faire imprimer en Hollande ; qu’il y a d’honnêtes gens en Hollande qui travaillent à même dessein de leur côté et qu’ils en ont déjà beaucoup. Le fils de feu M. de Sarrau [82][83] en a lui tout seul plus d’un cent de fort belles qu’il donne. J’ai fort bonne opinion de ce recueil, je voudrais qu’il fût déjà imprimé. [39] On nous a ici tout nouvellement envoyé de Rouen un in‑8o intitulé Le Monde dans la Lune, divisé en deux livres : le premier prouvant que la Lune peut être un Monde, le second, que la Terre peut être une Planète, etc. 1655[40][84]

Messieurs les chancelier[85] garde des sceaux [86] et procureur général [87] partent demain pour aller à Fontainebleau, afin d’y tenir conseil touchant l’affaire que le pape leur a proposée de la paix générale. Le nonce [88] presse d’une réponse, c’est sur la qualité d’icelle que l’on va délibérer. [41] Le pape offre à ce dessein Bologne la Grasse afin que les deux rois y envoient leurs députés, et lui-même promet de s’y rendre ; mais les dernières lettres de Rome portent que ce pape est malade, qu’il est fort blême, tout délabré et qu’il ne vivra pas longtemps.

Ce 17e d’octobre. Je viens d’une consultation [89] avec MM. Riolan et Moreau où j’ai appris que Vallot est fort mal en cour, que la reine l’a rudement traité et presque chassé, que le roi l’a menacé et qu’il ne tient plus qu’à un filet. Le Mazarin semble le maintenir, mais si la colère du roi continue, sans doute qu’il sera obligé de l’abandonner. Le roi l’a appelé ignorant et charlatan. Dès devant que le roi fût malade, on lui avait refusé un bénéfice qu’avait un sien fils qu’il voulait donner à un autre sien fils, d’autant que l’autre était mort ; ce refus est une marque qu’il n’y avait guère de crédit. Guénault a été renvoyé prestement, sive quod minus placeret[42] soit à cause du prince de Condé, duquel il est créature. Il y en a d’autres sur le bureau, sed nullus assumetur nisi vacante Comitiva Archiatrωn[43] Je ne sais pas si ce bénéfice sera rendu à Vallot pour un autre fils, mais je sais bien de bonne part qu’il lui en a coûté 10 000 écus, outre les 70 000 livres pour avoir la comitive, qui furent données dès l’an 1652 et 1653 en deux paiements (et ille numeraverit quod pauci facierit, quia ne vestigia trecente), [44] dont je sais les tenants et aboutissants, et les particularités du marché.

On parle ici d’une grande défaite dans la Pologne : on dit que le roi de Suède y a perdu une grande bataille, qu’il y a été blessé et qu’il est demeuré prisonnier ; que son général Königsmarck [90] y a été tué et que voilà le roi de Pologne fort triomphant. Les moines [91] ne manqueront pas de dire que ce combat a réussi par leurs prières et que cela est arrivé en suite des 400 000 écus que le pape a envoyés au roi de Pologne pour lui aider à résister à ces étrangers et infidèles : voilà comment on les appellera à Rome. Cette nouvelle étonnera bien fort Cromwell et rabattra l’orgueil de ses entreprises. On le croit ici par des lettres venues de Dantzig, [92] de Stettin [93] et de Hollande ; mais tout cela vient d’un même moule, [94] on en attend des lettres par un courrier exprès ou par l’ordinaire mercredi prochain, qui sera le 20e de ce mois. [45] Mars apud Homerum vocatur αλλοπροσαλλος : [46][95] il est tantôt pour l’un et tantôt pour l’autre, tantôt suédois, tantôt impérial.

Ce 18e d’octobre. M. Gassendi est mal à cause de son flux de ventre qui continue et qui le débilite fort ; outre quoi, il a encore une méchante oppression de poitrine cum summa imbecillitate virium, unde metus lethi gravissimus tam ægro quam Medico. Luctus ubique, pavor, et plurima mortis imago[47][96] Je l’ai trouvé en un si mauvais état hier et aujourd’hui qu’il ne peut plus guère durer sans une assistance particulière ; et peut-être qu’il sera mort avant que vous ne receviez la présente, quod omen Deus avertat[48][97]

Je vous ai ci-devant écrit d’un certain Ioan. Henricus Hottingerus Tigurinus[98] faites-moi la faveur, s’il vous plaît, de m’acheter de lui, s’ils se trouvent à Lyon, les deux livres suivants : Thesaurus philologicus seu Clavis Scripturæ, etc., in‑4o, Tiguri, 1649 et Historia orientalis, ibid., in‑4o, 1651 ; avec la quatrième partie de son Histoire ecclésiastique en latin in‑8o, car j’ai les trois autres ; ce quatrième tome doit être tout nouveau et achevé depuis deux ans, voire même moins. [49] Pardonnez, s’il vous plaît, à ma curiosité qui vous fait tant de peine.

M. Chasles [99] n’a plus guère de temps à vivre. Il est hydropique [100] confirmé et mourra dans le mois prochain pour avoir autrefois trop fait la débauche avec M. Le Clerc, [101] chef de la bande joyeuse, et autres ivrognes. M. Allain [102] in dies contabescit[50] il est tantôt maigre comme bois, l’hiver prochain l’emportera. Pour M. Des Gorris, [103] il se porte mieux, ce qu’il a de reste est un flux de ventre et près de 80 ans, c’est toujours beaucoup : morbus frequens et multorum annorum decursus inemendabilem siccitatem tandem adferunt hominibus[51]

J’ai aujourd’hui rencontré chez M. Gassendi avec M. de Montmor, [104] son hôte, un homme de votre ville de Lyon nommé M. de Monconys, [52][105] frère de votre lieutenant criminel. [106] Il m’a parlé de M. Guillemin [107] et moi je lui ai parlé de vous : je lui ai dit que vous étiez mon bon ami et que je vous écrivais souvent des nouvelles de deçà ; que j’avais eu l’honneur de voir ici l’an 1653, M. de Liergues [108] son frère, et même qu’il m’avait fait l’honneur de me venir voir céans ; que je lui avais prêté six médailles qu’il avait fait contre-tirer ; il m’a dit qu’il voulait venir voir mes livres, etc. Pour mes médailles, je ne les ai plus, je les ai données à mon Carolus [109] qui est mon deuxième, qui est curieux, qui s’y connaît et qui en a plusieurs autres fort belles, et curieuses et rares. [53]

Je vous prie de faire mes très humbles recommandations à MM. Gras, Garnier, Guillemin et Falconet qui recevront bientôt le livre de M. Riolan, et vous prie de me faire la faveur de me conserver en leurs bonnes grâces.

On imprime ici un petit livre in‑4o de M. Merlet [110] contre les bailleurs d’antimoine, lequel sera intitulé Parænesis ad medicos antimoniales[54][111] dont je vous enverrai, et à Messieurs vos collègues, quelques copies quand il sera achevé. M. Blondel [112] a un livre tout entier contre l’antimoine, tout prêt, qu’il mettra sous la presse l’hiver prochain, auquel il mettra son nom et dans lequel il parlera hardiment à Guénault et à ses sectaires. Celui de M. Guillemeau [113] ne viendra pas si tôt, il lui faut encore du temps. On dit que Saint-Jacques [114] écrit pour l’antimoine (ce que je ne crois pas qu’il ose entreprendre par plusieurs raisons) ; mais s’il en vient là, il y en a plusieurs qui l’attendent au guet. Ce saint péteur n’est pas assez habile homme pour bien faire en tel cas ; [55] joint même qu’un habile homme, et tout autrement plus savant que lui, ne saurait rien faire de bien pour ce vénéneux médicament qu’ils ont eux-mêmes tant malheureusement décrié. Il n’est pas jusqu’à Guénault qui l’a décrédité plus que pas un par le massacre qu’il en a fait en sa famille, de son neveu [115] et sa femme, [116] de sa fille Gamare [117] et de son gendre l’avocat Guérin, [118] pour la mort duquel tout le Palais a détesté l’antimoine [119] et les empoisonnements de son beau-père, qui est un hardi et résolu massacreur de chrétiens. [56]

Notre M. Rigaud [120] a été ici, à peine l’ai-je vu. Il lui est survenu une affaire qui l’a obligé de s’en retourner en hâte à Lyon, on dit que c’est un homme qui a lâché le pied, [57] qui lui doit cinq ou six mille livres. Il m’a seulement dit qu’il veut imprimer le manuscrit de feu M. Hofmannus, [121] mais il n’a pas eu le loisir de me dire quand il commencera, peut-être qu’il vous en parlera. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 19e d’octobre 1655.

On dit que le roi achèvera le beau temps à Fontainebleau et qu’il ne reviendra que vers la fin du mois pour passer la fête au Bois de Vincennes, qu’il est de présent en bonne santé. Vallot n’est pas bien, mais il n’y en a pas encore d’autre de retenu ; il faudra du temps pour cela car peu de gens y sont propres, et peut-être que l’autre, inter illas moras[58] aura loisir et trouvera le moyen de refaire sa paix. Le prince Thomas n’est pas mort, la nouvelle de sa mort n’est pas vraie. [38]


a.

Ms BnF no 9357, fos 191‑192 ; Reveillé-Parise, no cclxxix (tome ii, pages 206‑212).

1.

« tant il est d’une santé usée et brisée. »

2.

« sur la botanique ? »

Clavis Clavennæ, aperiens Naturæ thesaurum, eiusque gemmas depromens : vires scilicet plantarum in generali earundem Historia ex Dalecampio potissimum sumpta a Gulielmo Rovillio Lugduni semel edita, sparsim descriptas. Nunc collectas, et omnibus, ac singulis morbis ordine alphabetico attributas. Adeo fideliter, et accurate, ut eis tuto, etiam sine ipsa Historia, quilibet uti possit. Elaborata, per Iacobum Antonium Clavennam, Bellunensem philosophiæ, et S. theologiæ doctorem, prothonotarium apostolicum, atque Cathedralis Ecclesiæ Taruisinæ canonicum, ac decanum. Cum indicibus 1. Plantarum, et ex illis quamplurimarum multiplici nomine. 2. Plantarum cum morbis. 3. Morborum, et ex his multorum adhuc sub Græco vocabulo cum definitionibus, ex Io. Gorræo Parisiensi. 4. Morborum cum plantis…

[La Clé de Clavenna, qui ouvre le trésor de la Nature et qui rend ses joyaux publics : les pouvoirs des plantes ont bien sûr été décrits ici et là dans leur Histoire générale, publiée une seule fois par Guillaume Rouillé {a} de Lyon, qui l’a principalement prise de Jacques Daléchamps ; {b} les voici maintenant réunies dans l’ordre alphabétique et assignées à chacune de toutes les maladies, avec une fidélité et une précision telles que n’importe qui pourra y recourir en sûreté, même sans disposer de ladite Histoire. Établie par Jacobus Antonius Clavenna, natif de Belluno, {c} docteur en philosophie et théologie sacrée, protonotaire apostolique, {d} et chanoine et doyen de la cathédrale de Trévise. Avec index 1. des Plantes et des noms multiples qu’on donne à un grand nombre d’entre elles, 2. des Plantes avec les maladies qui leur correspondent, 3. des Maladies avec les définitions de beaucoup d’entre elles, jusqu’à leur nom grec, tirées de Jean des Gorris de Paris, {e} 4. des Maladies avec les plantes qui leur correspondent…] {f}


  1. Ou Roville, v. note [5], lettre de Charles Spon, datée du 5 mars 1658.

  2. V. note [2], lettre 75.

  3. En Vénétie ; les dictionnaires biographiques n’en disent pas plus sur Jacopo Antonio Clavenna que ce que déclare le titre du seul livre qu’on lui connaisse.

  4. V. note [19] du Patiniana I‑3.

  5. Jean i Des Gorris, 24 livres de Definitionum Medicarum (Paris, 1564, et ses trois rééditions ultérieures, v. note [50], lettre 104).

  6. Trévise, Hieronymus Righettinus, 1648, in‑fo de 1 062 pages.

    Ce dictionnaire est une compilation assez indigeste des citations que Daléchamps avait tirées des auteurs anciens (Pline, Dioscoride, Mésué, etc.).


3.

« Les médecins extravaguent de mille manières et les princes en pâtissent. » V. notes [8], lettre 402, et [19], lettre 419, pour la description détaillée de la gonococcie du roi par Antoine Vallot.

4.

« Ô comme ceux qui comprennent leurs fautes sont malheureux, et tant plus ceux qui ne les comprennent pas ! » (citation que je n’ai pas localisée dans l’œuvre d’Érasme).

5.

Cette parenthèse est une note que Guy Patin a ajoutée dans la marge.

6.

« à qui Dieu veuille vite rendre une santé solide ».

7.

« que valait-il ? » ; v. note [7], lettre 147, pour Georges Scharpe, professeur à Montpellier puis à Bologne, où il était mort en 1638.

8.

V. notes :

9.

« avec de nombreux Espagnols à qui elle s’en est remise. »

10.

« et qu’il ne suffoque pas alors sur-le-champ ou pendant la nuit suivante ». Cette ultime saignée de Pierre Gassendi, qui venait après un trop grand nombre d’autres, allait valoir à ses médecins une vive semonce dans la Vie de Gassendi que Samuel Sorbière a mise, en 1658, au-devant de ses Opera omnia… (v. note [20], lettre 528).

11.

« Il attribue son salut à la seule saignée ».

12.

« en raison de la défaillance d’une partie, qui reste indélébile car nul secours de notre art ne peut la guérir. »

13.

« en général ».

14.

« J’ai tout prévu, et d’avance tout accompli en pensée » (Virgile, Énéide, chant vi, vers 105).

15.

« il a consacré du temps à la piété et ayant reçu les sacrements, il a le temps qu’il lui reste à vivre en affliction, mais peut-être sans désirer la mort », Pierre Charron (La Sagesse, Bordeaux, 1601, v. note [9], lettre latine 421, livre ii, chapitre vi, pages 373‑374) :

« C’est une opinion plausible, et étudiée par ceux qui veulent faire les entendus et professeurs de singulière sainteté, que mépriser et fouler aux pieds généralement toutes sortes de plaisirs et toute culture du corps, retirant l’esprit à soi sans avoir commerce avec le corps, l’élevant aux choses hautes, et ainsi passer cette vie comme insensiblement, sans la goûter ou y être attentif. […] bref, le vivre leur est corvée et le mourir soulas, {a} festoyant cette sentence qui peut et bien, et mal être prise et entendue, Vitam habere in patientia, mortem in desiderio ». {b}


  1. Soulagement.

  2. « Vivre en affliction et désirer la mort », sentence attribuée à Sénèque le Jeune ou à Fulgence.

16.

« “ Nul ne veut être trompé, nul ne veut être bouleversé, nul ne veut mourir. ” {a} Antonio Musa Brasavola {b} a intitulé un petit livre, Quod nemini mors placeat. » {c}


  1. Saint Augustin, v. note [10], lettre 255.

  2. Brasavola (v. note [15], lettre 409) avait reçu de François ier le surnom de Musa à l’occasion d’une thèse De quolibet scibili [Sur tout ce qu’on peut savoir] qu’il soutint publiquement pendant trois jours à Paris : soit que le prince, ami des sciences [Musæ], voulût faire allusion à l’étendue des connaissances du médecin, soit qu’il le comparât à Antonius Musa (v. note [8] des Pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé), médecin de l’empereur Auguste.

  3. Antonii Musæ Brasavoli Quod nemini mors placeat, ad Illustrem Annam Estensem.

    [Pourquoi la mort ne fait plaisir à personne, par Antonio Musa Brasavola, à l’illustre Anne d’Este]. {i}

    1. Lyon, Sebastianus Gryphius, 1543, in‑8o de 85 pages,

      Ad Illustrem Annam Estensem Illustrissimi Herculis Ducis Ferrariæ iiii. primogenitam, puellam et mira corporis pulchritudine, et ingenii, ac morum dexteritate præditam.

      [À l’illustre Anne d’Este (1531-1607), jeune fille aînée de l’illustrissime Hercule (Hercule ii d’Este), quatrième duc de Ferrare, qui est à la fois dotée d’une admirable beauté, et d’une droiture d’esprit et de mœurs].


17.

Thomas de Savoie, prince de Carignan, dit le prince Thomas (mort le 22 janvier 1656, v. note [10], lettre 45), avait épousé en octobre 1624 Marie de Bourbon-Soissons (1606-1692), fille de Charles, comte de Soissons (v. note [11], lettre 105), et lui-même fils du prince Louis ier de Condé.

18.

Edme Vézou (ou Vezou), médecin par quartier du roi et protégé de François Vallot, a été nommé médecin de la Bastille et annobli en 1676 (Dictionnaire des ennoblissements…, Paris, 1788, in‑8o, tome premier, page 187) ; il mourut en 1685. Il ne figure pas dans la liste des docteurs de Montpellier établie par Dulieu. Un François Vézou, peut-être son fils, fut reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1671 (Baron).

Le cardinal de Retz a parlé, dans ses Mémoires (page 1110) d’un médecin nommé Vesou, venu le soigner dans la prison de Vincennes en 1653 :

« les frayeurs de M. le cardinal […] le portèrent jusqu’à prendre la pensée de me transférer à Amiens, à Brest, au Havre de Grâce. J’en fus averti, je fis le malade. L’on m’envoya Vesou pour voir si effectivement je l’étais. L’on m’a parlé différemment de son rapport. »

19.

V. note [42], lettre 152, pour la variole de Louis xiv en 1647.

20.

Note que Guy Patin a ajoutée en marge.

21.

« Quoi que tu fasses, Cinnamus, tu resteras barbier » (Martial, v. note [79], lettre 332). Il est intéressant de confronter ce que racontait ici Guy Patin à ce que sous-entendait Antoine Vallot dans sa relation des désaccords qu’il eut avec les autres médecins de la cour pendant la gonococcie du roi (v. note [19], lettre 419).

22.

« ainsi déesse Fortune, tu t’amuses en transformant les consuls en rhéteurs, et les rhéteurs en consuls » ; Pline le Jeune (Lettres, livre iv, épître xi, § 2) :

Quos tibi, Fortuna, ludos facis ? facis enim ex senatoribus professores, ex professoribus senatores.

[De quels jeux t’amuses-tu, déesse Fortune ? tu transformes les sénateurs en professeurs, et les professeurs en sénateurs].

23.

« et de quelques autres symptômes, par exemple d’un écoulement involontaire de sperme, etc. »

Le pus visqueux qui s’écoule tout seul de l’urètre dans la gonorrhée vénérienne (chaude-pisse, v. note [14], lettre 514) pouvait alors être innocemment pris pour du sperme (spermatorrhée, v. note [11], chapitre viii du Traité de la Conservation de santé) ; mais la fin de sa phrase (puta involuntario seminis profluvio, etc.) laisse à penser que Guy Patin n’était pas dupe. Une plume anonyme et respectueuse de la dignité royale l’a d’ailleurs scrupuleusement caviardée (mais elle reste lisible) sur le manuscrit.

24.

« Clinquant bon pour le peuple [À d’autres, mais pas à moi !] » (Perse, v. note [16], lettre 7).

25.

Le jeune archevêque de Rouen était François ii Harlay, sire de Champvallon (ou Chanvallon, 1625-1695). En 1644, à 19 ans, il s’était fait remarquer en soutenant sa tentative (premier acte de théologie) contre les idées jansénistes devant plusieurs prélats. Le 13 février 1645, son oncle (François i, archevêque de Rouen de 1614 à 1651, v. note [24] du Borboniana 4 manuscrit) écrivait à Mazarin pour lui demander, en raison de « l’applaudissement public et extraordinaire » qui avait accueilli la soutenance de son neveu, de lui permettre de résigner en faveur de celui-ci l’abbaye de Jumièges. La demande fut accordée le 8 mai 1645. En 1651, Harlay, le neveu, était devenu à son tour archevêque de Rouen sur la démission de son oncle. En 1671, il fut archevêque de Paris. C’est lui qui fit des difficultés pour les funérailles de Molière (février 1673).

Orateur élégant et fleuri, il fut choisi pour présider un grand nombre d’assemblées du Clergé, rendit quelques services à Mazarin, consacra, dit-on, le mariage secret de Louis xiv et de Mme de Maintenon, se prononça avec passion contre les jansénistes, montra une haine implacable contre les protestants, dont il faisait enlever de force les enfants pour les faire instruire dans la religion catholique, et contribua à la révocation de l’édit de Nantes. Il jouissait d’une grande faveur à la cour et reçut du roi quantité de bénéfices. Sa vie privée fut fort scandaleuse, et les témoignages de ses contemporains (Tallemant des Réaux, le Chancelier d’Aguesseau, Mme de Sévigné, etc.) concordent sur le grand nombre et la haute distinction de ses conquêtes féminines (Adam et G.D.U. xixe s.).

26.

« Il n’y a pas à s’étonner qu’on vive dans de telles mœurs ».

27.

« On écarte la sagesse du bien commun, on mène les affaires par la force » (Ennius, v. note [12], lettre 198).

28.

« ne ne tient plus solidement debout. »

29.

« qui lui a jusqu’à présent permis de surmonter la maladie et de vivre vaille que vaille. » Les crachats sont bénéfiques car ils expulsent les matières (sérosité, pus, mucus) qui encombrent les bronches.

30.

« Dieu fasse que je sois mauvais devin » (Properce, v. note [52], lettre 155).

31.

Merveilleusement : de manière surprenante.

32.

Arrêt, « repos : le mercure est un métal qui n’a point d’arrêt ; cet homme est inconstant, un coureur, il n’a point d’arrêt ; son esprit n’a point d’arrêt » (Furetière).

33.

« ne tenant absolument pas en place » (fort agité) ; v. notes [2], lettre 36, pour Guillaume Sauvageon, originaire de Decize (Nièvre) et instable agrégé du Collège des médecins de Lyon, et [14], lettre 113, pour la Chirurgie de Fabrice d’Aquapendente (Lyon, Pierre Ravaud, 1643).

34.

« On dit d’un homme inquiet que sa tête donne bien du mal à ses pieds » (Furetière).

35.

« qui a passé sa vie à voyager ».

36.

« n’a encore aucune situation stable. »

37.

Guy Patin, sans doute par inadvertance, répétait une date qu’il avait déjà précédemment indiquée dans la marge.

38.

À la fin de sa lettre, Guy Patin a rectifié la fausse nouvelle de la mort du prince Thomas, l’un des principaux fauteurs des Pâques piémontaises (v. note [11], lettre 403).

39.

Isaac Sarrau, fils de Claude (v. note [14], lettre 201), a édité les lettres de son père (v. note [6], lettre 379) ; v. note [12], lettre 392, pour l’édition des lettres de Claude Saumaise qui était alors en préparation à Leyde.

40.

Titre exact d’un ouvrage de John Wilkins (Fawsley, comté de Northampton 1614-Londres 1672) traduit de l’anglais par Jean de La Montagne, {a} avec cette citation en sous-titre :

« Mais de quoi, diras-tu, me peut-il servir de savoir cela ? Si ce n’est pour autre chose, au moins j’apprendrai qu’il n’y a rien en ce Monde qui ne soit de peu de valeur (Sénèque le Jeune en sa préface au premier livre de ses Questions naturelles). » {b}


  1. Rouen, Jacques Cailloüé, 1655, in‑8o de 269 pages. La seconde partie (284 pages) a été publiée ibid. et id. 1656. Les première et dernière (quatorzième) propositions du premier livre résument son propos :

    • « Que la nouveauté de cette opinion, à savoir qu’il y a un monde dans la Lune, n’est pas suffisante raison pourquoi on la doive rejeter : parce que d’autres vérités certaines ont été autrefois estimées ridicules, et que ces grandes absurdités, au contraire, ont été reçues par un consentement général » ;

    • « Qu’il n’est pas impossible que quelqu’un de la postérité puisse découvrir un moyen pour nous transporter en ce monde de la Lune ; et s’il y a des habitants, d’avoir commerce avec eux. »

    La préface du traducteur, Au lecteur dit que l’objectif est de réconcilier les découvertes de l’astronomie et de la géographie avec la bonne foi chrétienne et les dogmes évangéliques car « il se trouve encore des personnes si superstitieusement scrupuleuses que d’appréhender toujours qu’il n’y ait en ces opinions de la pluralité de Monde et du mouvement de la terre quelque chose qui choque la Religion ou l’Écriture, sous ombre que quelques-uns autrefois semblent les avoir rejetées. »

    La première édition anglaise avait paru en deux volumes :

    • The first Book. The Discovery of a new World. Or, a Discourse tending to prove that ’tis probable there may be another habitable World in the Moone. With a Discourse concerning the possibility of a Passage thither [Le premier Livre. La Découverte d’un nouveau Monde. Ou un Discours tendant à prouver la probabilité qu’il puisse exister un autre Monde habitable sur la Lune. Avec un Discours sur la possibilité d’un passage pour s’y rendre] (Londres, John Norton pour John Maynard, 1640, in‑8o de 246 pages) ;

    • A Discourse concerning a new Planet. Tending to prove, That ’tis probable our Earth in one of the Planets. The second Booke, now first published [Un Discours sur a nouvelle Planète. Tendant à prouver la probabilité que notre Terre soit une des Planètes. Second Livre ici publié pour la première fois] (Ibid. R .H. pour id., 1640, in‑8o de 246 pages).

  2. Dans sa préface, Sénèque médite notamment sur l’existence de Dieu, mais il s’agit d’une très libre contorsion de sa pénultième phrase :

    Quid tibi, inquis, ista proderunt ? Si nihil aliud, hoc certe sciam, omnia angusta esse, mensus Deum.

    [À quoi donc, diras-tu, peut bien me servir tout cela ? Au moins à savoir pour certain que tout est sans importance quand j’ai mesuré Dieu].

    Le titre du First Book (Londres, 1640) est assorti de la même citation en latin, mais sans les deux derniers mots (mensus Deum).


Wilkins avait pris ses grades en théologie puis embrassé l’état ecclésiastique. Il s’était déclaré pour le Parlement à l’époque des guerres civiles, avait été reçu président du Wadham College d’Oxford (1648). Ayant épousé une sœur de Cromwell en 1656, il fut nommé principal du Trinity College de Cambridge en 1659. À la Restauration (1660), il perdit ses dignités, mais la protection du duc de Buckingham (v. note [2], lettre 993) lui permit d’obtenir une cure à Londres et il fut élevé en 1668 à l’évêché de Chester. Wilkins fut l’un des fondateurs de la Royal Society de Londres. On a de lui un assez grand nombre de sermons et d’ouvrages philosophiques, astronomiques et mathématiques (G.D.U. xixe s.).

41.

Les personnalités citées étaient Pierre iv Séguier, chancelier, Mathieu i Molé, garde des sceaux, Nicolas Fouquet, procureur général et le nonce apostolique Nicolo Guido di Bagno (v. note [29], lettre 113). L’audience ou le nonce présenta les trois brefs pontificaux au roi eut lieu à Paris le 31 octobre (Levantal).

42.

« soit parce qu’il plaisait moins ».

43.

« mais nul ne s’appropriera [ce bénéfice] si la dignité d’archiatre n’est pas vacante » ; v. note [17], lettre 372, pour l’orthographe facétieuse d’archiatrôn.

44.

« et il aura compté le peu qu’il en aura gagné, parce qu’il n’y en a pas trois cents de reste » : note écrite en marge, sans précision exacte sur le lieu de son insertion.

Comitive (du latin comitiva, dignité, fonction de comte) : « M. de La Roque, dans son Traité de la noblesse, appelle noblesse comitive la noblesse des docteurs qui étaient faits comtes palatins ; c’est-à-dire comtes du Palais, et qui prennent encore le titre de comtes. Le premier médecin du roi prend le titre d’Archiatrorum Comes » (Trévoux).

45.

Guy Patin se méfiait d’une nouvelle propre à réjouir les moines (victoire des catholiques polonais sur les luthériens suédois), mais elle était fausse, comme il allait en convenir dans sa lettre suivante (v. sa note [1]). Il se perdait néanmoins dans les dates car, si le 20 octobre 1655 fut bien un mercredi, l’ordinaire suivant de la Gazette (le « même moule ») parut (comme de coutume) le samedi 23 (no 142). Patin put y lire deux relations de ce qui se passait en Pologne.

Hans Kristofer von Königsmark fut fait prisonnier lors de cette campagne, mais mourut à Stocholm en 1663 (v. note [3], lettre 402).

46.

« Mars est nommé l’Inconstant [Alloprosalos] dans Homère » : v. note [16], lettre de Samuel Sorbière datée du printemps 1651, pour Mars, dieu latin de la guerre (Arès des Grecs).

47.

« avec un extrême épuisement des forces, d’où vient une très pesante crainte de mort, tant pour le malade que pour son médecin. “ Partout l’épouvante et la mort aux multiples visages ” [Virgile, v. note [11], lettre 149]. »

48.

« présage que Dieu veuille bien écarter » (Sénèque le Jeune, v. note [35], lettre 166).

49.

V. note [3], lettre 413, pour « Johann Heinrich i Hottinger de Zurich », son « Trésor philologique ou Clé de l’Écriture » (Zurich, 1649) et les cinq parties de son Histoire de l’Église (ibid. 1651-1655). Guy Patin ajoutait ici à sa commande un autre ouvrage d’Hottinger :

Historia orientalis, quæ, ex variis Orientalium monumentis collecta, agit
i. De Muhammedismo eiusque causis tum procreantibus, tum conservantibus ; inprimis de Muhammede, eius maioribus, parentibus, patria, nativitate, educatione, pseudoprophetia, æmulis, dogmatibus, Hegira, præliis, successoribus, morte.
ii. De Sarracenismo, seu religione veterum Arabum.
iii. de Chaldaismo, seu superstitione Nabatæorum, Chaldæorum, Charranæorum, etc.
iv. de Statu Christianorum et Iudæorum tempore orti et nati muhammedismi.
v. De Variis, inter ipsos Muhammedanos, circa religionis dogmata et administrationem, sententiis, schismatis et hæresibus excitatis.
vi. Accessit, ex occasione Genealogiæ Muhammedis, plenior illustratio Taarich Bene Adam, qua, ex ipsis Arabum scriptis, vita et res gestæ prophetarum, patriarchum, quorundam etiam apostolorum, regum Persiæ, aliorumque ab Adamo ad Muhammedis usque natales in orbe degentium et regentium explicantur…

[Histoire orientale tirée de divers mémoires des Orientaux, traitant :
i. Le Mahométisme et les causes qui l’ont engendré et perpétué ; en particulier de Mahomet, {a} ses ancêtres, ses parents, sa patrie, sa naissance, son éducation, sa pseudo-prophétie, ses disciples, ses dogmes, son Hégire, ses combats, ses successeurs, sa mort ;
ii. Le Sarracénisme ou religion des anciens Arabes ;
iii. Le Chaldéisme ou superstition des Nabatéens, Chaldéens, Charranéens, etc. ;
iv. La Situation des chrétiens et des juifs au moment où le mahométisme est né ;
v. Divers avis, schismes et hérésies qui se sont élevées entre les mahométans eux-mêmes sur les dogmes et la pratique de la religion ;
vi. S’y ajoute, à propos de la généalogie de Mahomet, l’illustration plus complète de Taarich Ben Adam {b} qui explique, à partir des écrits arabes eux-mêmes, la vie et les actes des prophètes, des patriarches, ainsi que de certains apôtres, des rois de Perse et d’autres qui ont vécu et régné dans le monde depuis Adam jusqu’à la naissance de Mahomet…] {c}


  1. V. note [12], lettre 556.

  2. « Le combattant fils d’Adam » : dans la lignée des prophètes de l’islam, Adam et Mahomet occupent respectivement les premier et dernier rangs chronologiques.

  3. Ibid. Joh. Jacobus Bodmerus, 1651, in‑4o de 373 pages.

50.

« dépérit de jour en jour ».

51.

« à la fin, la répétition des maladies et le cumul des ans apportent aux hommes une dessèchement inamendable. »

52.

Balthazar de Monconys (Lyon 1611-ibid. 28 avril 1665) était le frère de Gaspard, seigneur de Liergues, lieutenant criminel de Lyon (v. note [5], lettre 104). Leur père, lui aussi lieutenant criminel à Lyon, avait envoyé Balthazar terminer ses études à Salamanque (1628). Le jeune homme avait parcouru une partie de l’Espagne puis visité successivement la Provence, l’Italie, l’Égypte, la Palestine, la Syrie, la Perse, Constantinople, s’attachant à chercher en Orient des traces des anciennes religions, de la philosophie de Trismégiste (v. note [9], lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662) et de Zoroastre (v. notule {b}, note [49] du Borboniana 1 manuscrit). Il était revenu en France en 1649. Il s’y occupait principalement de sciences occultes. Sur le bruit de sa renommée, le duc de Luynes lui confia une mission importante auprès de la cour de Rome, puis le chargea d’accompagner son fils, le duc de Chevreuse, en Angleterre, dans les Provinces-Unies et en Allemagne (1663-1664). Monconys a écrit un journal de ses Voyages, publié à Lyon en 1665 et 1666, v. note [6], lettre 825 (G.D.U. xixe s.).

53.

Charles Patin, alors âgé de 22 ans, second fils de Guy, avocat puis médecin, s’est rendu célèbre par son érudition numismatique dont son père nous indiquait ici les premiers mouvements.

54.

Parænesis ad medicos antimoniales ex libro Galeni περι πτισανης per Ioannem Merletum, doctorem medicum Parisiensem.

[Conseil aux médecins antimoniaux, tiré du livre de Galien sur les tisanes, par Jean Merlet, {a} docteur en médecine de Paris]. {b}


  1. V. note [39], lettre 101.

  2. Sans lieu ni nom, 1655, in‑4o de 11 pages.

Il était alors blasphématoire de contester l’autorité médicale de Galien, mais au grand dam de la Faculté, il n’avait pas connu l’antimoine, ni donc pu faire de recommandations sur son usage, que ce fût en bien ou en mal. Il se trouvait heureusement que Merlet, occupé à d’autres travaux, avait relu son taité sur l’emploi des tisanes (décoctions d’orge broyée). Il y avait tant admiré la circonspection de l’auteur vénéré qu’il jugeait indispensable de l’appliquer à la prescription de l’antimoine, avec, en premier lieu une méthode raisonnée et clairement exposée. Le roué Merlet, qui n’avait décidément peur de rien, entreprenait donc d’expliquer aux antimoniaux la méthode qu’ils devaient suivre pour prescrire leur « poison ». Il recensait, bien entendu, tant d’inconvénients et de restrictions qu’à la fin il ne restait quasiment plus aucune justification à l’antimoine.

Ce court traité est divisé en huit articles : i (page 2) De Præparatione [Sa Préparation] ; ii (page 4) De Facultatibus [Ses Facultés] ; iii (page 7) De Actione [Son Action] ; iv (page 8) De Tempore et occasione [Moment et circonstances où il convient de l’employer] ; v (page 9) De Quantitate [Sa Dose] ; vi (page 10) De Modo propinandi [Manière de le faire boire] ; vii (page 10) De Commodis et incommodis [Ses Bienfaits et méfaits] ; viii (page 11) Quibus concedi debeat vel negari [À qui accepter ou refuser d’en donner].

55.

Péteur : « qui pète. On dit par mépris d’un vieillard, que c’est un vieux péteur. On dit aussi : on l’a chassé comme un péteur d’église » (Furetière). Guy Patin sanctifiait ici ce qualificatif parce qu’il l’appliquait à Philippe ii Hardouin de Saint-Jacques, collègue et ancien doyen qu’il vouait aux gémonies parce qu’il avait accepté l’inscription de l’antimoine dans le Codex de la Faculté.

François Blondel, quant à lui, avait usé sa plume dans la floraison de libelles antistibiaux parus en 16545-1655 (v. note [11], lettre 342) ; le livre auquel il travaillait alors était son traité sur la pleurésie (v. note [32], lettre 442), où il discutait la place des purgatifs (et donc de l’antimoine) dans le traitement de cette maladie, mais il n’a jamais été imprimé.

56.

Guy Patin se complaisait de nouveau à accuser son collègue François Guénault d’avoir empoisonné presque toute sa famille avec l’antimoine : son épouse, son neveu Pierre Guénault (v. note [6], lettre 97), sa troisième fille, Catherine Gamare, et son gendre, l’avocat Jean (ou Antoine) Guérin, époux de sa fille aînée.

57.

Lâcher : « abandonner un dessein, une affaire : ce capitaine pouvait emporter cette place, mais il a levé le siège, il a lâché prise, il a fui honteusement, il a lâché le pied » (Furetière).

58.

« dans tous ces atermoiements » ; Guy Patin voulait dire qu’Antoine Vallot avait encore une chance de sauver sa charge de premier médecin du roi. En montrant qu’il n’est pas passé loin de la disgrâce, tout le contenu de cette lettre complète utilement le point de vue fort atténué qu’en a laissé Vallot dans son Journal de la santé du roi.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 19 octobre 1655

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(Consulté le 27/04/2024)

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