L. 54.  >
À Claude II Belin,
mars-avril 1641

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de la vôtre et de celle de M. Camusat, [2] auquel j’envoie une réponse qui le mettra plus en peine qu’en repos. [1] Je suis bien informé de son mérite et vous ai grande obligation de me commettre à un tel homme, avec lequel il y a bien à profiter. Je baise les mains à M. Allen. J’ai céans le livre du P. Cellot [3] de hierarchia et hierarchiis ; [2] on l’examine en Sorbonne, [4] il sera censuré en bref[3] Il est vrai que M. de Saumaise [5] a écrit aussi divers traités de regionibus suburbicariis[4] que j’ai, aussi bien que tout ce que je vous ai mandé, à votre service. On imprime encore de présent plusieurs traités de lui, tels que sont De Primatu Petri, Arnobius cum notis, De Manna et saccharo[6][7] De Eucharistia Veterum, De Usuris Iustinianæis, etc. [5] Nous avons ici un petit livre nouveau du P. Petau [8] contre lui, intitulé Dissertationum ecclesiasticarum libri duo[6] Cela l’obligera à une réponse. Pour le tetragonum d’Hippocrate, [7][9] ce ne fut jamais l’antimoine, [10][11][12] mais quelque drogue qui nous est aujourd’hui autant inconnue que plusieurs autres de ce temps-là ; [8] et même son elléborisme, [13] son cneorum[14] etc. [9] Je vous promets le traité de Savot [15] là-dessus. [10] Notre Faculté n’a rien fait en quoi elle se soit oubliée, mais bien négligée, comme la bonne Dame fait souvent : nos anciens avaient travaillé à l’antidotaire ; [16] les papiers en étaient toujours en dépôt entre les mains du doyen ; le jeune Saint-Jacques [17][18][19][20] étant parvenu à cette charge, les ramassa et les fit imprimer, ut aucuparetur gratiam pharmacopolorum[11] sous un simple consentement de la Faculté, laquelle fut tout étonnée de voir en ce livret pro thesauro carbones, pro luce tenebras, pro remedio venenum[12][21][22][23][24] Plusieurs en grondèrent et parlèrent de faire réformer cela, mais on n’en fit rien ; si bien que tout en est demeuré là ; et en ce cas, tolerat quæ non probat[13] Il en sera néanmoins parlé quelque jour, mais je ne puis pas encore vous dire si tôt quand ce sera. Quand je donnai le bonnet, il y a deux ans, j’en parlai amplement en un discours exprès et publiquement, ce qui fut fort approuvé. [14][25] Les Saint-Jacques [26][27] sont des charlatans, [28] fauteurs et valets de charlatans, ne dicam peius[15] Je vous envoie une lettre de M. Sorel, qu’il m’a adressée. Je vous baise très humblement les mains, à Mme Belin, à Messieurs vos frères, pour être toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

Nous avons ici des ambassadeurs de Portugal et des députés de Catalogne. [16][29] M. de Vendôme [30] s’est sauvé en Angleterre, on agit ici contre lui. [17] On tient ici que les Suédois s’accordent en Allemagne avec l’empereur en la diète de Ratisbonne, [31] et hæc in nostros fabricatur machina muros[18] On parle aussi de faire l’été prochain une forte guerre en la Franche-Comté, [32] que nous attaquerons puissamment. Le duc Charles [33] est ici, sed nondum compositis rebus ; [19] et même, à ce qu’on dit, malcontent.


a.

Ms BnF no 9358, fo 3, sans date, intitulé Collection des lettres originales de Guy Patin, Docteur en médecine de la Faculté de Paris ; Triaire no lvi (pages 185‑188) ; Reveillé-Parise, no cliii (tome i, pages 258‑259). « Cette lettre est imprimée ici pour la première fois ; quoique sans date, on peut la rapporter à l’année 1657 ou 1658 » (Reveillé-Parise). « Cette lettre, par laquelle commence le manuscrit inscrit sous le no 9358, est sans date, mais les circonstances rapportées par Patin, la mention faite par lui de la présence à Paris des ambassadeurs portugais et des députés de Catalogne, la nouvelle qu’il annonce de la publication d’ouvrages du P. Cellot, de Saumaise et du P. Petau, permettent de la rapporter avec toute certitude au mois de mars ou d’avril 1641. Elle ne se trouve pas dans les vieilles éditions, mais elle a été publiée par Reveillé‑Parise qui la rapporte, on ne sait pourquoi, en 1657 ou 1658 (tome i, page 258). Il faut qu’il ne l’ait pas lue » (Triaire).

1.

Guy Patin avait sans doute demandé à Nicolas Camusat, chanoine de Troyes, de lui fournir quelques informations littéraires.

2.
De Hierarchia et Hierarchis libri ix. In quibus Pulcherrima dispositione omnes Hierarchici gradus et ordines, Episcopalis principatus, Clericalis dignitas, Religiosa sanctitas, secundum Patrum doctrinam, decreta Conciliorum, Ecclesiæ ritus et mores, sine iusta cuisquam offensione explicantur. Urbano viii. Hieracharum Principi. A P. Ludovico Cellotio Parisino, Societatis Iesu Theologo.

[Neuf livres sur la Hiérarchie et les Hiérarques. Dans lesquels, suivant un très beau plan, sont expliqués tous les grades et rangs hiérarchiques, la principauté épiscopale, la dignité cléricale, la sainteté religieuse, suivant la doctrine des Pères, les décrets des conciles, et les rites et coutumes de l’Église, sans légitime préjudice de chacun. Dédié à Urbain viii, prince des hiérarchies, par Ludovicus Cellotius, {a} théologien de la Compagnie de Jésus natif de Paris]. {b}


  1. Louis Cellot (1588-ibid. 1658) professa les humanités et la rhétorique dans divers collèges, puis devint provincial de France.

  2. Rouen, Ioannes Le Boullenger, 1641, in‑fo de 966 pages.

    Cette somme ultramontaine était dirigée contre Petrus Aurelius (Jean du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, v. note [2], lettre 94) qui avait attaqué la Compagnie de Jésus au sujet de la hiérarchie ecclésiastique, considérée du point de vue gallican (Triaire et G.D.U. xixe s.).


3.

Le livre du P. Cellot fut mis à l’Index, donec corrigatur [jusqu’à ce qu’il soit corrigé], le 22 janvier 1642. La Sorbonne (gallicane) ne le censura pas, comme l’annonçait Guy Patin, mais elle fut cependant sur le point de le condamner, et son auteur n’évita la censure qu’en donnant une rétractation, le 22 mai 1642.

À propos d’un autre cas, Patin a ironisé sur les censures de la Sorbone : v. note [53] du Faux Patiniana II‑1.

4.

Amici ad amicum de suburbicariis regionibus et ecclesiis suburbicariis Epistola [Lettre d’un ami à un ami sur les provinces et les églises suburbicaires] (Leyde, sans nom, 1619, in‑8o) n’est qu’un des ouvrages qui alimenta la controverse opposant Claude i Saumaise au P. Jacques Sirmond, jésuite.

Dictionnaire de Trévoux :

« Saumaise a prétendu que par ces provinces suburbicaires, il ne fallait entendre que les quatre provinces voisines de Rome, dans lesquelles s’étendait la juridiction du préfet de Rome et dans lesquelles était renfermé le diocèse de l’évêque de Rome. Le P. Sirmond comprend tout l’Occident sous le nom de suburbicaires. »

5.

« La Primauté de Pierre ; Arnobe avec des annotations ; La Manne et le sucre ; L’Eucharistie des Anciens ; L’Intérêt des emprunts dans le Digeste justinien ». {a}

Ces titres de Claude i Saumaise correspondent dans l’ordre :

6.

Dionysii Petavii Aurelianensis e Societate Iesu Dissertationum Ecclesiasticarum libri duo, in quibus de Episcoporum dignitate, ac potestate ; deque aliis Ecclesiasticis dogmatibus disputatur.

[Deux livres de Dissertations ecclésiastiques de Denis Petau, de la Compagnie de Jésus, natif d’Orléans, où l’on dispute sur la dignité et le pouvoir des évêques, et sur d’autres dogmes ecclésiastiques]. {a}


  1. Paris, Sébastien Cramoisy, 1641, in‑8o de 354 pages, dédié au cardinal de Richelieu.

Denis Petau (Dionysius Petavius, Orléans 1583-Paris 11 décembre 1652), chronologiste et antiquaire jésuite français, après des études brillantes dans sa ville natale, était venu étudier la philosophie à Paris ; en même temps, il allait assidûment à la Bibliothèque royale compulser les manuscrits. Casaubon remarqua bientôt ses aptitudes spéciales pour la philosophie et l’archéologie et l’engagea à préparer une édition de Synesius de Cyrène (Paris, 1612, v. note [15] du Borboniana 6 manuscrit). Petau n’avait que 19 ans lorsqu’il fut recruté pour enseigner la philosophie au collège jésuite de Bourges. Peu après, il avait obtenu un canonicat à Orléans, puis, entraîné par le P. Fronton du Duc (v. note [4], lettre 669), était entré dans la Compagnie de Jésus en 1605. Petau avait fait son noviciat dans l’école des jésuites de Nancy et s’était voué à la théologie, dans laquelle il se perfectionna à l’Université de Pont-à-Mousson. Il avait professé ensuite la rhétorique à Reims (1609) et à La Flèche (1613). Ses vastes connaissances et ses travaux érudits avaient attiré sur lui l’attention et en 1618, la Sorbonne l’avait appelé. En 1622, il y avait obtenu la chaire de théologie positive, qu’il occupa pendant 22 ans, et fut, à partir de 1623, bibliothécaire du Collège de Clermont. Petau montra dans tous les sujets qu’il traita et dans ses œuvres littéraires autant d’érudition que d’éloquence. Quoique doux et modeste de caractère, il devenait fort aigre dans la discussion ; il attaqua surtout Claude i Saumaise et Joseph Scaliger, tous deux convertis au protestantisme, mais resta toujours dans les meilleurs termes avec Grotius. Le P. Petau a joui de son temps d’une réputation extraordinaire. On frappa, en son honneur, une médaille portant ces mots : « Au prince des chronologistes » (G.D.U. xixe s.).

Denis Petau, l’un des quelques jésuites dont Guy Patin reconnaissait les mérites, était petit-neveu de Paul Petau, conseiller au Parlement (v. notes [13], lettre 238, et [26] du Borboniana 3 manuscrit).

7.

Dans son livre Des Maladies internes (v. note [3], lettre 31), Hippocrate dit à deux reprises : « on purgera la tête avec le tetragonum [το τετραγονο] » (paragraphes 45, page 279, et 49, page 291, de Littré Hip, volume 7).

Littré est lui aussi demeuré perplexe et a, comme Guy Patin, refusé le point de vue de plusieurs interprètes d’Hippocrate (dont Galien) qui voulaient faire de tetragonum un synonyme de το στιμμι (l’antimoine, v. infra, note [8]). Dans son Œconomia Hippocratis…, page 616, v. note [23], lettre 7), Anuce Foës dit que Galien :

iniit qosdam per tetragonum intelligere crustas quæ circa stibium reperiuntur, quosdam etiam ipsum stibium.

[a engagé certains à tenir le tetragonum pour les croûtes qui s’observent autour de l’antimoine, et certains même pour l’antimoine tout court].

En fouillant le Corpus hippocratique, on trouve un autre vocable, τετραγωνα, qui renvoie à une « plante [le fusain, ou arbre à fruits carrés (Bailly)] dont a parlé Théophraste et dont les fruits, à la dose de trois ou quatre, évacuent par le bas et même par le haut » (Étienne Mack, éditeur des œuvres complètes d’Hippocrate, Vienne, 1743-1749, in‑fo) ; quadrangula spicula, sagittas quatuor habentes cuspides [des épines quadrangulaires, des flèches ayant quatre pointes] (Foës).

Ce détail de vocabulaire hippocratique a pesé très lourd dans les disputes sur l’antimoine puisqu’il touchait à un point capital de doctrine médicale : si les maîtres de l’Antiquité avaient connu et exploité les vertus curatives de ce métal, alors il n’y aurait aucune raison de contester son inscription dans le Codex et son emploi dans la thérapeutique ordinaire.

Dans sa première Défense de la Faculté de médecine de Paris… (1666, v. note [5], lettre 873), Jacques Thévart a résolument soutenu ce point de vue (page 8) :

« Hippocrate, qui vivait il y a environ deux mille ans, s’est servi de l’antimoine sous le nom de Tetragonum pour la guérison du miséréré, {a} comme l’a remarqué le sieur Martin {b} dans le commentaire qu’il a fait sur le livre d’Hippocrate Des Maladies internes, qui parle en ces termes : “ Manifestement, Hippocrate a ici reconnu la force purgative de l’antimoine, et nous ne pouvons que conjecturer la raison pour laquelle il le nommait tetragonum : on a fait des pastilles d’antimoine, et peut-être parce qu’elles étaient rectangulaires, Pline les appelait tetragoni. {c} Galien dans son explication du vocabulaire d’Hippocrate interprète tetragonum comme voulant qualifier soit les croûtes trouvées dans l’antimoine, soit l’antimoine lui-même, et si Hippocrate a voulu qu’on n’en donne que dans le miséréré, c’est sans doute qu’il provoquait un flux de ventre tout à fait salutaire dans cette maladie, parce qu’il purgeait et dégageait. Dioscoride façonne des pilules purgatives avec deux parts de sel, une d’élatérium {d} et une d’antimoine ”. {e}

[…] Galien qui vivait sous l’empereur Antonin s’en est aussi servi, et dit que l’antimoine a une faculté dessicative et astringente, et qu’il est bon pour les ulcères des yeux ; {f} et Dioscoride, Paul Æginète, Ætius et tous les auteurs grecs sont de même sentiment que Galien, et même Avicenne et les Arabes disent qu’il empêche le flux de sang par les narines, déterge les ulcères et les consolide, et conserve les yeux qui sont les parties les plus sensibles et délicates de tout le corps. »


  1. V. note [5], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657.

  2. Jean Martin.

  3. V. note [5], lettre 64.

  4. Suc de concombre.

  5. Citation entre guillemets traduite du latin.

  6. V. note [11], lettre latine 38.

En 1651, parmi d’autres antimoniaux, Jean Chartier (v. notes [13], lettre 271, et [2], lettre latine 31) avait émis la même opinion que Thévart.

Le plus vraisemblable pourtant est que les médecins de l’Antiquité ont connu l’antimoine, mais ne l’ont appliqué qu’au traitement externe des maladies (collyres, onguents, pommades). Telle était du moins l’opinion des orthodoxes de la Faculté (v. note [2], lettre 276), c’est-à-dire des ennemis résolus de l’ingestion d’antimoine, dont Patin était un ardent zélateur. Un de leurs arguments essentiels était que la prise d’antimoine ne pouvait pas être bonne puisque les Anciens ne l’avaient pas recommandée. Charles Guillemeau (et Guy Patin), Question cardinale…, 1648 (v. note [2], lettre 158), Observation ii, De l’antimoine (v. sa note [3]).

Dans l’épître dédicatoire de son Rabat-joie de l’Antimoine triomphant… (1654, v. note [3], lettre 380), Jacques Perreau dit le « Tétragone doué de quatre titres merveilleux pour la cure des maladies, étant vulnéraire, vomitif, déjectif et sudorifique ».

V. notule {al}, note [55], lettre 348, pour une autre allusion au tétragone d’Hippocrate dans L’antimoine justifié… d’Eusèbe Renaudot (Paris, 1653).

8.

L’antimoine, médicament abhorré de Guy Patin, a tenu une très grande place dans sa vie et sa correspondance : il rêvait de dresser une liste de ses martyrs, sous le nom de Martyrologe de l’antimoine. Au moment où la « guerre de l’antimoine » cessait enfin, un article (non signé) du Journal des Sçavans (no 23 du 7 juin 1666, pages 271‑273), intitulé Décret de la Faculté de médecine et arrêt du Parlement touchant l’usage de l’antimoine, fournissait « à chaud » un des meilleurs condensés qu’on puisse encore lire sur la plus grande querelle médicale française du xviie s.

« Pour mieux comprendre les motifs de cet arrêt, {a} il est nécessaire d’expliquer ce que c’est que l’antimoine, et quel est l’état de la contestation survenue entre les médecins touchant son usage.

L’antimoine est un corps mixte, {b} qui participe de la nature des minéraux et des métaux. On le trouve quelquefois dans les mines d’argent, d’autres fois dans celles de plomb, et souvent dans sa veine propre. Les Grecs l’appellent Στιμμι, les Latins Stibium, et depuis on lui a donné le nom d’antimoine, dont on ne sait pas la véritable étymologie. Quelques-uns ont voulu dire qu’un moine d’Allemagne qui cherchait la pierre philosophale, ayant jeté aux pourceaux de l’antimoine dont il se servait pour purger les métaux et en avancer la fonte, reconnut que les pourceaux qui en avaient mangé, après avoir été purgés très violemment, étaient devenus bien plus gras qu’ils n’étaient auparavant. Un effet si favorable fit songer à ce moine qu’en purgeant de la même manière ses confrères, ils s’en porteraient beaucoup mieux. Mais cet essai lui réussit si mal qu’ils en moururent tous : ce qui fut cause que depuis on appela ce métal Antimoine, comme qui dirait contraire aux moines. On prétend qu’on a trouvé cette étymologie dans un vieux manuscrit apporté d’Allemagne ; mais il faut s’en rapporter à la bonne foi de l’auteur de ce manuscrit, car il est le seul qui rapporte cette histoire. {c} L’antimoine est aussi appelé émétique parce qu’il a la faculté de faire vomir. La manière la plus ordinaire de le prendre est de le faire infuser dans du vin blanc, qui après cette infusion est appelé vin émétique. {d}

Les Anciens n’ont point connu l’antimoine comme un remède purgatif. {e} Ils ne lui ont attribué qu’une faculté astringente et desséchante, et ils ne s’en servaient qu’extérieurement pour empêcher les excroissances de chair, pour nettoyer les ordures qui s’amassent autour des yeux, pour farder, etc.
Les chimistes ayant trouvé le moyen de préparer ce minéral, commencèrent dans le siècle précédent à s’en servir comme d’un purgatif ; mais la Faculté de médecine de Paris condamna aussitôt cet usage, et déclara par un décret solennel que l’antimoine avait une qualité vénéneuse qui ne se peut corriger par quelque préparation que ce soit ; ensuite de quoi, le Parlement donna en l’année 1566 un arrêt par lequel il fit défense de se servir d’antimoine ; {f} et cet arrêt fut exécuté avec tant de rigueur que Paulmier, célèbre médecin de Paris, pour s’être servi d’antimoine et d’autres remèdes chimiques, fut en 1609 chassé de la Faculté. {g}

Néanmoins, comme les médecins virent que les empiriques se servaient utilement de ce remède en plusieurs maladies, et par ce moyen acquéraient beaucoup de réputation à leur préjudice, quelques-uns d’entre eux commencèrent aussi à s’en servir, et pour en autoriser l’usage, trouvèrent moyen de le faire mettre au rang des médicaments purgatifs dans l’Antidotaire qui fut fait en l’an 1637 par l’ordre de la Faculté de Paris. {h}

Depuis ce temps-là, plusieurs médecins, croyant que la Faculté de médecine avait en quelque façon révoqué son ancien décret par cette nouvelle déclaration, ne firent plus difficulté de s’en servir, et il s’en trouva même qui soutinrent hautement dans les Écoles que ce remède était très utile en plusieurs rencontres. Néanmoins, la plus grande partie s’opposa encore à cette nouvelle doctrine, et empêcha qu’on ne l’enseignât publiquement.

Ce ne fut qu’environ l’an 1650 que plusieurs célèbres médecins s’étant déclarés pour l’antimoine, l’usage de ce remède devint très commun, et la question si on s’en pouvait servir fut rendue problématique dans l’École. Divers auteurs ont écrit depuis ce temps-là plusieurs livres pour combattre l’usage de l’antimoine, ou pour le défendre. {i}

Les uns ont dit <1.> que l’antimoine étant un purgatif nouvellement trouvé et très douteux, il n’était pas raisonnable de s’en servir, puisqu’il y en a tant d’autres dont on connaît la nature, et qu’une longue expérience a fait reconnaître salutaires ; 2. que ce minéral tient de la nature de l’arsenic, du mercure et du plomb, qui sont sans contredit des poisons, et partant qu’il doit être mis dans la même catégorie ; 3. que les excessives évacuations que l’antimoine fait faire par haut et par bas, la violence et la promptitude avec laquelle il purge, l’abattement des forces, la subversion et la faiblesse d’estomac qu’il cause, et la petite quantité dans laquelle il opère, faisaient clairement voir que c’est un véritable poison ; 4. que l’antimoine purge indifféremment toutes sortes d’humeurs, bonnes et mauvaises, gâte le foie, et cause souvent l’exulcération du ventricule et des boyaux. {j}

Les autres ont répondu <1.> que l’antimoine après cent ans d’expérience ne peut plus passer pour un remède nouveau, et que si les médecins n’ont point fait autrefois de difficulté de se servir du séné {k} et de plusieurs autres purgatifs qu’Hippocrate et Galien n’ont point connus, on n’en doit pas faire davantage de se servir maintenant de l’antimoine ; 2. que, bien que l’antimoine participe en quelque façon du mercure, et qu’il approche du plomb, il n’est pas pour cela poison, puisqu’on donne aux enfants de l’infusion de mercure pour faire mourir les vers, et que pour guérir l’iléus, {l} que le vulgaire appelle mal de miséréré, on fait avaler des balles de plomb. À l’égard de l’arsenic, sa nature est bien différente de celle de l’antimoine, car il est chaud, âcre, corrosif, et si vénéneux qu’étant avalé ou même appliqué extérieurement, il cause des accidents très funestes ; au lieu que l’antimoine a une vertu rafraîchissante et emplastique, {m} et est si bénin que les Anciens l’employaient aux remèdes des narines et des yeux. 3. Que l’antimoine, pour purger promptement et avec quelque violence, ne doit pas passer pour poison puisque cela lui est commun avec l’ellébore, la scammonée {n} et plusieurs autres purgatifs, qu’on ne met pas au rang de poisons. 4. Que d’autres médicaments ne purgent que par une simple irritation non plus que l’antimoine, et qu’ils ne font point élection des humeurs qu’ils évacuent ; que pour l’exulcération des boyaux, lorsqu’elle arrive, on ne la doit pas imputer à la malignité de l’antimoine, mais à l’acrimonie des humeurs, et que les autres purgatifs peuvent causer les mêmes symptômes que l’antimoine.

Enfin, cette contestation s’est si fort échauffée que, pour l’apaiser, on a été obligé d’avoir recours à l’autorité du Parlement, qui ordonna que la Faculté de médecine s’assemblerait pour délibérer sur ce sujet. En exécution de cet arrêt, les docteurs s’étant assemblés au nombre de 102, le 29e jour du mois de mars dernier, il s’en trouva 92 qui furent d’avis de mettre le vin émétique au rang des remèdes purgatifs ; et suivant leur avis, la Faculté fit un décret par lequel elle approuva l’usage de l’antimoine. Le 10e jour d’avril suivant, la Cour conformément à ce décret donna un arrêt par lequel elle permet aux docteurs en médecine de se servir d’antimoine pour les cures des maladies, d’en écrire et d’en disputer, avec défense à toutes sortes de personnes de s’en servir que par leur avis. »


  1. Arrêt du 10 avril 1666, v. note [5], lettre 873.

  2. Métalloïde ou corps simple qui ne présente pas les caractères physiques des métaux proprement dits.

  3. Selon Jacques Perreau, dans son Rabat-joie de l’Antimoine triomphant (v. note [3], lettre 380), ce manuscrit d’Allemagne aurait été dans la bibliothèque de M. René Moreau, professeur royal ; v. note [2], lettre latine 31, pour Basile Valentin, improbable inventeur de l’antimoine au xve s.

  4. Du grec emein, vomir ; v. note [7], lettre 122.

  5. V. supra, note [7].

  6. V. note [42], lettre 293.

  7. V. note [18], lettre 79, pour la censure de la Faculté qui frappa Pierre Le Paulmier, .

  8. V. note [14], lettre 15.

  9. V. notes [13], lettre 271, [2], lettre 276, [3], lettre 380, [5], lettre 873, etc.

  10. De l’estomac et des intestins.

  11. V. note [6], lettre 15.

  12. Occlusion intestinale.

  13. Emplastique : qui a la vertu de former un emplâtre.

  14. V. note [4], lettre 172.

Précurseur, avec le mercure, de la chimie pharmaceutique qui a permis depuis Paracelse (v. note [7], lettre 7) tant d’immenses progrès thérapeutiques, l’antimoine a progressivement disparu des ordonnances à partir de la fin du xixe s. The Merck Index, an Encyclopedia of chemicals, drugs and biologicals [L’Index Merck, une Encyclopédie des substances chimiques, des médicaments et des produits biologiques] (Merck & Co., Inc., Rahway, 1989, 11e édition) consacre 21 entrées à l’antimoine et à ses sels (pages 110‑113).

La thèse de Charles Guillemeau (Paris, 1648) sur la « Médecine d’Hippocrate » contient une observation sur l’antimoine, à laquelle Patin a probablement mis la main.

9.

L’elléborisme est « chez les Anciens, [la] méthode de traitement des maladies par l’ellébore [v. notes [30], lettre 156, et [27], lettre 395], comprenant non seulement la préparation de l’ellébore, mais encore les précautions préliminaires propres à en seconder l’action et à en prévenir les effets pernicieux » (Littré DLF).

Le cnéoron (du grec κνεωρον, sorte de laurier ; cneorum en latin) est une « plante dont Théophraste dit qu’il y a de deux sortes, le blanc et le noir. Le blanc a ses feuilles longues comme celles de l’olivier, et le noir les a charnues et semblables aux feuilles de tamaris. Ils ont tous deux leur racine grande et profonde en terre, et il en sort plusieurs rameaux rampants, gros, branchus et souples. Le blanc s’étend davantage sur terre et est odorant. Le noir n’a aucune odeur. Anguillarius [Aloysius Anguillara, v. note [13], lettre latine 351] croit que la lavande soit le cnéoron blanc, et le romarin, le noir ; mais Matthiole [v. note [42], lettre 332] prétend qu’il se trompe, et décrit une plante qu’il a découverte aux montagnes de Bohème et qui est tout à fait semblable au cnéoron blanc » (Thomas Corneille).

10.
De Tetragoni Hippocratici Significatione contra Chymicos observatio. Auctore Ludovico Savotio in Academia Parisiensi Medicinæ Baccalaureo.

[Observation sur la signification du tetragonum hippocratique, contre les chimistes. {a} Par Ludovicus Savotius, baxhelier de la Faculté de médecine de Paris].


  1. Avec sous-titre intérieur : Unde data Chymicis τετραγωνον, Hippocratis de suo stibio interpretandi [Où est donnée aux chimistes l’occasion de comprendre ce qu’est le tétragônon d’Hippocrate, relativement à leur antimoine].

    Plus clairement encore, le chapitre iii est intitulé : Tetragono stibium non significavit Hippocrates [Par tetragonum, Hippocrate n’a pas voulu parler de l’antimoine].

  2. Paris, Adrien Périer, 1609, in‑8o de 16 pages.

Louis Savot a été reçu licencié de la Faculté de médecine de Paris en 1610 (Baron). Éloy le dit natif de Saulieu vers 1579, et mort à Paris vers 1640. Dans le ms Coll. Fr. Montaiglon (page 56a), Guy Patin a noté  : Ludovicus Savot, Lingonensis, obiit licentiatus, iam senex, 23. Augusti, 1633 [Louis Savot, natif de Langres, mourut licencié, déjà bien âgé, le 23 août 1633. Outre son traité « sur les causes des couleurs » (Paris, 1609, v. note [10], lettre 59), il est aussi auteur du :

Discours sur les Médailles antiques. Divisé en quatre parties. Esquelles il est traié si les Médailles antiques étaient monnaies : de leur matière : de leur poids : de leur prix : de la valeur qu’elles peuvent avoir aujourd’hui, selon qu’elles sont rares ou commune, antiques et vraies, ou bien modernes, contrefaites ou moulées : Quelles sont celles qui sont telles ; Par quels moyens et marques il faut les reconnaître : Et de plusieurs autres choses peu connues concernant les monnaies, les métaux, les minéraux, les mesures et poids antiques : Comme on le pourra voir plus amplement par la lecture de la Table des chapitres. Par M. Louis Savot, médecin du roi et de la Faculté de médecine {a} en l’Université de Paris. {b}


  1. Savot prend soin de ne pas se dire docteur en médecine.

  2. Paris, Sébastien Cramoisy, 1627, in‑4o de 399 pages, non illustré.

    En 1665, le Journal des Sçavans a accusé Charles Patin, fils puîné de Guy, d’avoir plagié cet ouvrage : v. note [6], lettre 814.


11.

« pour se gagner la faveur des pharmaciens » (ajout de Guy Patin en marge).

12.

« des charbons pour un trésor, des ténèbres pour la lumière, un poison pour un remède. » Guy Patin se désolait encore (et pour longtemps) de l’inscription du vin émétique d’antimoine parmi les médicaments que la Faculté approuvait officiellement dans son Codex, imprimé en 1638 (v. note [8], lettre 44).

Jospeh Scaliger (Ép. fr., xvi, à Claude Dupuy, 12 février 1577) :

« J’ai reçu l’Alcoran en italien. Mais ç’a été ανθρακες θησαυρος, {a} car il est tourné non pas de l’arabe, mais du latin tout mot à mot, et celui qui l’a tourné en latin, qui fut du temps de saint Bernard au concile de Tolède, ne l’entendait guère mieux que moi. »


  1. « des charbons pour un trésor » ; Thesaurus carbones erant en latin, adage commenté par Érasme (no 830) pour dire la déception des naïfs qui s’attendent à des merveilles.

13.

« on tolère sans approuver. »

14.

« Donner le bonnet », pour un docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, c’était présider l’acte de doctorat d’un licencié.

L’article l des Statuta F.M.P. (pages 46‑47) stipulait que :

Vesperiarum, et Doctoratuum, vel Magisteriorum Actibus præsint tantum Doctores decennes, et ab Antiquiore Doctore initium Ordinis ducatur, ac per singulos Doctores progressus fiat, donec perventum sit ad juniorem, qui decem annos integros exegerit ab eo tempore, quo præfuerit primæ Quodlibetariæ extra Ordinem : ita ut Doctoratui et Vesperiis præesse non possit, qui novem tantum annos a prima Quodlibetaria extraordinaria expleverit. At vero qui vesperiis Licentiati præfuerit, idem eundem donet laurea Doctorali.

[Que seuls des docteurs ayant au moins dix ans d’ancienneté président aux actes de vespérie, de doctorat ou de régence, et que le premier à le faire soit le plus ancien de la Compagnie, pour ensuite progresser jusqu’à arriver au docteur le plus jeune ayant dix années révolues d’ancienneté depuis le moment où il a présidé hors tableau une première quodlibétaire ; {a} si bien que celui qui n’aurait présidé hors tableau une première quodlibétaire que depuis neuf ans ne pourrait présider une vespérie ou un doctorat. {b} Le régent qui aura présidé la vespérie d’un licencié sera le même qui lui donnera la palme doctorale].


  1. Après son acte de régence (pastillaire ou antéquodlibétaire, v. note [13], lettre 22), le nouveau docteur ne devenait régent qu’après avoir présidé la thèse quodlibétaire d’un bachelier. Cette présidence inaugurale était dite hors tour ou extraordinaire parce qu’elle s’intercalait dans la séquence des présidences ordinaires, assurées par les autres docteurs régents, chacun son tour, par ordre d’ancienneté décroissante.

  2. L’insistance du règlement fait penser qu’il dut y avoir quelques contestations sur la règle des dix années strictement révolues.

Pour la vespérie, le président proposait une question à discuter par un candidat de médecine (étudiant non encore bachelier) ; ensuite, un autre docteur désigné selon la coutume de l’École, posait, depuis la chaire inférieure, à celui qui aspirait à la vespérie une question voisine à expliquer ; enfin que celui qui présidait l’acte s’informait sur la vie et les mœurs du licencié, qui serait intégré au Collège après quelques jours s’il en paraissait digne, et l’exhortait à exercer correctement la médecine.

Lors de l’acte de doctorat, le président mettait l’insigne bonnet de docteur sur la tête du licencié et l’avertissait de son devoir à exercer diligemment la médecine ; alors le nouveau docteur posait une question de médecine à un autre docteur, qui se tenait sur la petite chaire ; dès qu’on y avait satisfait, celui qui présidait posait une question voisine à discuter par un autre docteur qui était le premier assis près de lui ; enfin le nouveau docteur, par un discours élégant, rendait grâce à Dieu très bon et tout-puissant, au Collège des médecins, à ses parents et amis qui étaient dans l’auditoire. De nombreux docteurs portant bonnet assistaient aussi à cet acte de doctorat et le fêtaient avec grande dignité, autant que faire se pouvait. Avant 1660, date de ces statuts, la qualité de ceux qui posaient les questions et qui y répondaient pouvait être différente.

L’acte de régence recourait aussi à une alternance de deux questions, contraires ou complémentaires : v. notes [22] à [32] des Actes de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris, pour dix exemples de ces joutes oratoires, souvent plus distrayantes que véritablement scientifiques, auxquelles, outre le doctorant, participaient des docteurs et des candidats (philiatres ou étudiants en médecine).

V. note [8], lettre 48, pour l’acte de Denis Joncquet (v. note [7], lettre 549) où Guy Patin, présidant pour la première fois à un doctorat (le 22 septembre 1639), avait harangué contre le vin émétique.

15.

« pour ne pas dire pis. »

Trois Hardouin de Saint-Jacques, le père et ses deux fils, furent docteurs régents et doyens de la Faculté de médecine de Paris :

16.

Le roi du Portugal, Jean iv de Bragance (v. note [27], lettre 86), proclamé le 14 décembre 1640 à la suite de la révolution qui avait soulevé son pays contre l’Espagne (v. note [11], lettre 55), envoyait des ambassadeurs pour offrir son alliance à la France. Louis xiii les avait reçus en audience à Saint-Germain, le 27 janvier 1641, et Richelieu le lendemain au Palais-cardinal. Les députés de Catalogne s’étaient rendus à Paris pour prêter serment de fidélité au roi, au nom de leur province, et pour le reconnaître comme leur souverain (Triaire).

La Catalogne, au nord-est de la Péninsule ibérique, était rattachée à la Couronne d’Espagne depuis le xiie s. Elle était alors de nouveau en rébellion et avait demandé le secours de Louis xiii. Elle incluait, de ce côté-ci des Pyrénées, le Roussillon, qui devint français en 1659 (traité des Pyrénées). Comme région stratégique de passage entre les deux royaumes, la Catalogne ne cessa d’être un enjeu de guerre entre la France et l’Espagne tout au long du xviie s.

17.

César, duc de Vendôme, dit César Monsieur (Coucy 1594-Paris 27 octobre 1665), fils aîné de Henri iv et de Gabrielle d’Estrées (v. note [7], lettre 957), avait été légitimé à l’âge d’un an. Fiancé dès l’âge de quatre ans à Françoise, fille de Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, il en avait reçu le gouvernement de Bretagne et l’avait épousée en 1609.

Henri iv, qui lui portait beaucoup d’affection, lui avait attribué le duché-pairie de Vendôme et donné rang immédiatement après les princes légitimes du sang (Gaston d’Orléans et le prince de Condé).

Pendant la minorité de Louis xiii, son demi-frère, Vendôme s’était posé comme un des chefs des mécontents, avait tenté de soulever sa province, puis s’était soumis. Il avait fait ensuite la guerre aux réformés, leur avait pris Clérac en 1622, avait contenu la garnison de Montauban et contribué à la soumission de Montpellier. Engagé avec le grand prieur Alexandre de Vendôme, son frère, dans la conspiration de Chalais (v. note [16], lettre 13), César avait été emprisonné pendant quatre ans (1626-1630), d’abord à Amboise puis à Vincennes, et n’en était sorti qu’en se démettant de son gouvernement de Bretagne et en s’exilant.

Rentré en France, il était alors accusé, sans doute à tort, d’avoir tenté de faire empoisonner Richelieu et dut s’exiler de nouveau en Angleterre. Le roi le fit juger par une commission spéciale qui allait le condamner par contumace, quand Richelieu sollicita sa grâce ; Louis xiii ne consentit qu’à suspendre le jugement. Revenu en France après la mort du cardinal et du roi, César de Vendôme allait se trouver mêlé, avec son fils cadet, François, duc de Beaufort, à la cabale des Importants (v. notes [14] et [15], lettre 93), et retomber en disgrâce. En 1650, il fit sa paix avec Mazarin en consentant au mariage de son fils aîné, Louis, duc de Mercœur, avec Laure Mancini, nièce du cardinal (v. note [35], lettre 176). Il reçut le gouvernement de Bourgogne et la reine se démit en sa faveur de la surintendance de la navigation et du commerce. Il contribua à la pacification de la Guyenne à la fin de la Fronde des princes, prit Bordeaux (1653) et mit en fuite la flotte espagnole devant Barcelone (1655) (G.D.U. xixe s. et R. et S. Pillorget).

18.

« et l’on fabrique cette machine dans nos murs » (allusion au cheval de Troie, dans l’Énéide, v. note [183], lettre 166).

Ratisbonne (Regensburg en Bavière, dans le Haut-Palatinat, sur le Danube, à 105 kilomètres de Munich) avait coutume d’accueillir de nombreuses diètes impériales (Reichstage), mais n’en devint le site permanent qu’en 1663. Les diètes germaniques (diètes d’Empire) étaient les assemblées où les États composant le Saint-Empire réglaient périodiquement leurs affaires générales et leurs différends. Réunie le 23 septembre 1640, cette diète ne s’acheva que le 10 novembre 1641 et fut fort tourmentée : certes, on y établit un premier accord sur les principes de la paix de Westphalie (signée en 1648), mais le nouvel électeur de Brandebourg, Frédéric Guillaume, en concluant une entente séparée avec les Suédois, avait mis en péril l’allégeance effective des États de l’Empire aux Habsbourg d’Autriche (Bogdan, pages 212‑215).

19.

« mais ses affaires ne sont pas encore bien arrangées ».

Après avoir intrigué contre la France, pris plusieurs fois les armes contre elle et perdu ses États, Charles iv de Lorraine s’était rendu à Paris au début du mois de mars 1641 pour négocier sa restauration dans son duché. Le 29 mars à Saint-Germain, il signait un traité avec Louis xiii : le duc récupérait la plupart de ses possessions à l’exception de quelques places fortes jugées vitales pour la sécurité de la France (Stenay, Jametz, Dun-sur-Meuse) et du comté de Clermont-en-Argonne ; Nancy restait occupée par une garnison française. Le 10 avril, Charles iv s’engageait même à abandonner toute alliance avec les ennemis de la France ; mais dès le 28 avril, à Épinal, il allait se dédire, prétendant n’avoir signé que sous la contrainte (Bogdan, pages 218‑219).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, mars-avril 1641

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(Consulté le 27/04/2024)

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