Je vous envoyai ma dernière le vendredi 1er d’avril et c’est la quatrième lettre que je vous ai écrite depuis que je n’ai eu aucune de vos nouvelles ; j’espère pourtant que j’en recevrai bientôt, ainsi soit-il. Je vous avertis que M. Sauvageon [2] n’est pas mort ; qu’il est à Decize, [1][3] employé jusqu’aux oreilles en procès et en chicane, qui est un métier qu’il aime fort. Comme la nouvelle qu’on m’en avait donnée était fausse, je suis obligé de vous en avertir afin que vous n’y soyez pas trompé guère plus longtemps que moi. J’ai reçu la lettre de M. Ravaud, [4] par laquelle j’apprends que la Pratique de M. de Feynes [5] est sur la presse et que dans six semaines elle pourra être achevée. [2] Cette nouvelle me réjouit, d’envie que j’ai de voir ce beau livre dont par ci-devant vous m’avez donné grand goût. J’ai vu ici dans la rue de Saint-Jacques ce qu’on a tout fraîchement imprimé en plusieurs tomes in‑fo du jacobin Malvenda [6][7] sur la Sainte Écriture, qui est ce que je n’achèterai point, cette marchandise ne m’étant nullement convenable ; je me contenterai de son livre de Anti-Christo où sont divers chapitres qui me plaisent bien. [3] On imprime ici la version du livre de M. de Saumaise, [8] qu’il a faite lui-même et qu’il a envoyée ici en manuscrit à la veuve Dupuis. [4][9] Le livre sera in‑4o de gros romain, d’environ 100 feuilles. On dit que son français n’est pas justement si élégant que son latin, mais néanmoins qu’il est bon et bien fort. L’impression n’en sera achevée que 15 jours après Pâques. [5] On travaille toujours au livre du P. Caussin, [10] combien que lentement. Il y en a 100 feuilles de faites, il en reste plus de 50. Il y ajoutera à la fin un Calendarium historicum et astronomicum, [6] duquel il fait grand état à ce que m’a dit le libraire. M. notre archevêque, [11] oncle de M. le coadjuteur, [12] a défendu la chaire à M. Brousse, [13] docteur de Navarre [14] et chanoine de Saint-Honoré, [15] lequel est un grand janséniste [16] et point du tout mazarin, pour avoir prêché ici depuis trois jours un peu trop hardiment. [7] Le P. Adam, [17] jésuite, [8] eût éprouvé la même rigueur pour avoir prêché contre saint Augustin [18] et l’avoir appelé l’Africain échauffé et le docteur bouillant dans Saint-Paul, [19] si les loyolites [20] n’y fussent intervenus avec leur crédit et celui des capucins, [21] qui sont, de toute la moinerie moinante, [9][22] ceux que ledit archevêque aime le mieux.
Ce 5e d’avril. Nous avons perdu ce matin un de nos compagnons nommé M. Foucaut, [23] docteur depuis trois ans. Il était âgé d’environ 32 ans, c’était un fort bon garçon, mais qui avait la cervelle bien échauffée et le timbre un peu léger. [10] Il avait commencé de faire imprimer un catalogue de toutes nos thèses [24] dans l’ordre qu’elles ont été répondues à nos Écoles, mais je pense que personne n’y mettra la main pour achever cet ouvrage.
Je traite ici d’une fluxion très fâcheuse sur la poitrine un riche maître des comptes qui a un frère loyolite, lequel j’y ai vu et entretenu aujourd’hui ; lequel, entre autres choses, m’a dit que Famianus Strada [25] (lequel mourut l’an passé) avait laissé un troisième tome de bello Belgico, [11] lequel s’imprimera quelque jour ; qui est une chose que je voudrais bien avoir vue, tant plus que je la crois fausse. Il m’a dit encore une autre chose que je ne souhaiterais pas moins, savoir que La Cerda, [26] jésuite espagnol qui a commenté si heureusement Virgile [27] et Tertullien, [28] avait laissé en mourant, il n’y a pas deux ans, le troisième tome qui nous manque sur ledit Tertullien, qui serait une bonne affaire que j’ai mainte fois souhaitée ; j’ai céans les deux premiers, qui sont excellemment bons. [12] Il m’a dit aussi que le pape, [29] qui est tout Espagnol d’inclination, a envoyé un chapeau de cardinal au beau-frère du comte de Haro, [30] qui est le favori qui gouverne aujourd’hui l’Espagne, et que ce nouveau bonnet rouge s’appellera le cardinal d’Aragon. [13][31] Il en faudrait autant à la France, mais nous n’en avons ni le crédit, ni le courage : le Conseil d’en haut [32] en France est tout romain et papalin, et le Conseil d’en bas est tout féminin et efféminé, c’est pourquoi il n’en faut rien espérer de généreux. [14] Notre M. Des François [33] m’est venu voir céans, qui m’a parlé de vous ; [15] et comme je lui ai dit que je vous écrivais souvent, il m’a prié de vous présenter ses baisemains. Il a quelque obligation à l’air de son pays en ce qu’il me semble qu’il n’est guère changé ni vieilli ; mais en récompense, je ne le trouve point plus sage ni moins chicaneur qu’il était il y a 25 ans. M. Le Tellier, [34] secrétaire d’État a dit aujourd’hui que dans 15 jours le roi [35] serait maître de Bellegarde [36] et qu’on a trouvé pour cela un expédient infaillible. Nous verrons dans ce temps-là s’il sera vrai ; on dit bien que les sold[ats qui] sont dans Bellegarde quittent […], ne voulant pas combattre ni résister au [roi]. [16]
Comme vous êtes à Lyon ma Notre-Dame de bon secours et de refuge, [17] je prends la hardiesse de vous importuner d’une nouvelle demande : c’est d’un livre que je trouve y avoir été imprimé, qui est intitulé Ioannus Ludovici de La Cerda Psalterium Salomonis Græco-Latinum, cum scholiis, et Tertulliani libri de Pallio commentarius auctior. Lugduni, per Lud. Prost, 1626, in‑fo ; [18][37] je le trouve ainsi désigné page 254, Bibliothecæ Scriptorum Societatis Iesu, auctore Philippo Alegambe, Antverpiæ, 1643, [19][38] qui est un index de livres de ces bons pères, assez utile dans une étude. Je vous prie de me faire la faveur de m’acheter ce livre relié si vous le trouvez, sinon vous le prendrez en blanc, et vous en rendrai tout ce qu’il aura coûté. Je me souviens bien que par ci-devant je vous ai encore prié pour un in‑4oin Evangelia. [20][39] Faites-moi la faveur de vous souvenir de l’un et de l’autre à votre loisir. Ne quæras, precor, hic enim habeo. [21]
Un capucin nommé le P. Georges de Paris, [40] fils d’un boucher de cette ville, gros garçon qui a bien des tripes dans le ventre et qui est un animal aussi bien buvant et mangeant qu’un Suisse, a reçu commandement de se taire et défense de plus prêcher pour avoir comparé le prince de Condé, [41] sans le nommer, à Bélisaire, [42] lieutenant général de Justinien, [43][44] quem non virtus, sed fortuna, destituit aut deseruit. [22] Pigneranda, [45] qui est en Flandres, [46] a reçu des passeports pour passer par ici, qui s’en va en Espagne ; et le président Base, qui est en Espagne, y passera aussi pour retourner en Flandres. [23] Le prince de Conti [47] est guéri. Les états de Bourgogne [48] sont commencés, où le premier président du parlement, nommé Bouchu, [49] a hautement et hardiment parlé contre les rebelles de Bellegarde, mais en faveur du prince de Condé ; je ne sais si M. de Vendôme [50] souffrira cela.
La duchesse de Bouillon-Sedan, [51] après avoir été en liberté environ 15 jours, a enfin été trouvée cachée dans le faubourg Saint-Germain [52] et a été, par ordre du duc d’Orléans, [53] menée dans la Bastille [54] où elle est de présent, aussi bien que celui qui, faute de la bien garder, l’avait laissé échapper, savoir M. de Carnavalet. [55] Elle n’était pas mal cachée, mais un fripon d’apothicaire la décela, qui avait fourni quelques drogues à sa fille malade de la petite vérole. [24]
Il y a ici du bruit entre les maîtres des requêtes et M. de Châteauneuf qui faisait rapporter les procès par des conseillers d’État au préjudice des dits maîtres des requêtes, ce qui ferait fort diminuer leurs charges qui, de soi, le sont déjà bien fort et ne valent presque plus rien. Tous les chevaliers de l’Ordre [56] se sont assemblés chez M. le duc d’Orléans où ils se sont plaints de M. d’Émery, [57] surintendant des finances, qui veut leur retrancher leurs gages de 1 000 écus par an, qu’ils ont à prendre sur le marc d’or [58] en qualité de chevaliers de l’Ordre. [25] Le marquis de Nesle [59] dit tout haut, en son avis, qu’il fallait donner cent coups de bâton à ce coquin ; M. le duc d’Orléans lui demanda : mais qui les lui donnera ? Ce sera, dit-il, moi-même, Monseigneur, si vous ne m’en empêchez. [26] Les partisans, maltôtiers et gens d’affaires sont aussi allés trouver M. d’Avaux, [60] qui est l’autre surintendant, auquel ils se sont plaints bien fort du dit d’Émery et lui ont protesté qu’ils n’auront jamais affaire avec ce fourbe qui les a trompés. Ils avaient aidé à le faire revenir et les a tous trompés. Voilà un homme qui est tantôt haï de Dieu et de tous les hommes, et néanmoins n’est pas encore guéri.
Je vous prie de me mander si on imprime l’Histoire de Bresse de M. de Guichenon, [61] si elle est bien avancée et quand elle pourra être faite. Si vous voyez l’auteur, parlez-lui aussi de M. de Méziriac, [62] et tâchez qu’il en fasse quelque petite mention quelque part comme d’un homme illustre de ce pays-là et qui a été un des plus savants de son temps. [27]
On parle ici d’un arrêt du parlement de Bordeaux, [63][64] contre M. d’Épernon, [65] et d’un autre du même parlement contre M. Foullé, [66] maître des requêtes, intendant des finances de nouvelle création et intendant de justice en Limousin, pour les violences qu’il a commises et exercées au dit pays avec des nouveaux fusiliers pour y faire payer la taille. [28][67] Le Conseil voyant que cet arrêt de Bordeaux pourrait échauffer la Guyenne, [68] a donné aussi un arrêt en même sens contre ce même Foullé ; et afin de faire voir qu’ils n’approuvaient point ses violences faites en Limousin, ils l’ont révoqué et ont antidaté leur arrêt, l’ayant marqué du 16e de mars, celui de Bordeaux n’étant que du 18e. Le parlement de Grenoble a pareillement donné un arrêt à pareilles fins contre M. Le Tillier, [29][69] maître des requêtes, intendant des finances de nouvelle création et intendant de justice en Dauphiné. [70] Si cette matière s’échauffe davantage, enfin les parlements et les peuples en deviendront les maîtres, aux dépens des intendants de justice et des gouvernements des provinces.
Tandis que les tyrans et leurs suppôts tâchent d’établir partout leur tyrannie, les rivières mêmes assiègent leurs voisins, comme si les peuples n’étaient point assez tourmentés : la rivière de Loire [71][72] a débordé vers Angers [73] si rudement, et a si impétueusement rompu et renversé ses chaussées qu’elle a ruiné 15 villages. [30] Je ne connais point ces pauvres gens-là, mais je les plains bien fort. Le marquis de Jarzé [74] a quitté la citadelle de Saumur, [75] le lieutenant [76] du défunt maréchal de Brézé [77] l’ayant rendue pour 10 000 écus à M. de Guitaut, [78] premier capitaine des gardes de la reine, laquelle lui a donné ce gouvernement en récompense d’avoir arrêté M. le Prince. [31] M. le prince de Conti est guéri. On parle ici fort douteusement du siège de Bellegarde, et le mauvais temps fait croire que l’on n’y peut mettre le siège qu’au mois de juin prochain à cause des eaux et des lieux marécageux ; c’est ce qui fait douter du lieu où le roi et la reine [79] pourront passer les fêtes de Pâques. Mme la maréchale de Guébriant, [80][81] a fait faire la vie du feu M. le maréchal son mari. [82] Ce sera un in‑fo de gros romain, de 200 feuilles ; on commence ici l’impression. L’auteur, qui est M. de Blerenval, avocat à la Cour, m’en a fait voir la première feuille. [32] Mme de Bouillon était cachée dans le faubourg Saint-Germain chez le résident de Pologne, qui est Français. [83] M. le duc d’Orléans l’a fait mener à la Bastille avec la résidente sa femme jusqu’à ce que le roi en ait ordonné. [24] La cause de M. Desmarets, [84] secrétaire de Mme d’Aiguillon, [85] et de M. le général des galères, [86] qui est le duc de Richelieu, [87] a été jugée : il est permis au dit sieur Desmarets de sortir de prison en baillant caution, sauf à ladite dame d’Aiguillon de se pourvoir par justice contre lui après Pâques pour le principal. [33] Comme ladite dame hait ce secrétaire à mort, elle lui a en même temps suscité des créanciers (dont il ne manque point), qu’elle a malignement recherchés, qui se sont opposés à sa délivrance en vertu de ce qu’il leur devait. D’ailleurs, ladite dame d’Aiguillon, qui a demandé au Parlement que le mariage de sondit neveu fût cassé en tant que n’ayant que 19 ans, [dit que] [34] cette veuve [88] (cousine du dit secrétaire), âgée de 32 ans, l’aurait débauché. Ce même fait est pareillement renvoyé après Pâques, où le Palais verra et ouïra les belles reproches que ces deux femmes se feront l’une à l’autre par la bouche des avocats. [35]
Il court ici un bruit que les gouverneurs des provinces sont mandés à la cour, cela viendrait bien à propos pour la Provence [89] et la Guyenne. Seldenus, [90] docte personnage d’Angleterre, a eu charge d’écrire contre M. de Saumaise et à cette fin, a écrit un livre qui est sur la presse, qui sera intitulé Vindiciæ libertatis adversus tyrannidem. [36] M. de Saumaise y répondra dès qu’il aura le livre, et même fera peut-être la réponse en Suède où il s’en va ; il y serait déjà si la goutte [91] ne l’eût retenu jusqu’à présent en Hollande. Nous attendons ici tous les jours un livre nouveau de Hollande, qui est un Apulée [92] latin in‑4o avec les commentaires d’un Anglais nommé Pricæus, [93] que j’ai connu en cette ville et qui m’est venu voir céans plusieurs fois il y a environ quatre ans. [37]
Au reste, j’ai ce jourd’hui, lundi 11e d’avril, reçu la balle de M. Ravaud, dans laquelle j’ai trouvé, outre les exemplaires en blanc, le beau Sennertus [94] relié en trois volumes. J’en ai lu tout du long avec grande joie la belle épître qu’y avez fait mettre en ma louange. [38] Je vous remercie de tout mon cœur de tant d’affection et de bienveillance qu’avez pour moi et souhaite que quelque occasion se présente bientôt (ce que j’espère ardemment), par laquelle je puisse vous faire connaître, et à la postérité aussi, combien je me tiens obligé à votre bonté singulière et à la bonne amitié dont m’avez honoré depuis plusieurs années. J’en ai une belle occasion en main, laquelle je ferai paraître, Dieu aidant, dès que nous pourrons jouir de la paix, laquelle nous est tantôt autant nécessaire qu’à tout le reste du monde ; car autrement, il n’y a point d’apparence d’espérer que nos libraires entreprennent rien, vu la gueuserie qui est tantôt ici très commune à toute la bibliopole. [39] C’est pourquoi je vous prie seulement de vous donner patience en attendant la commodité et la saison en laquelle je pourrai m’acquitter de tant d’obligations que je vous ai, ou tout au moins vous faire connaître que je n’en suis point ingrat ni méconnaissant ; nec si sim tardum nomen, ero malum nomen, [40] car j’ai bonne envie de me bien acquitter.
Ce même jour de lundi 11e d’avril, tandis que j’étais en ville, sur les quatre heures après midi (qui n’est guère l’heure de trouver un médecin en sa maison), un laquais m’est venu chercher céans de la part de M. Du Rietz, [95] mais je n’y étais point. Il a dit que son maître me voulait venir voir si j’eusse été au logis. C’est infailliblement votre médecin de la reine de Suède. S’il ne revient bientôt et que je puisse apprendre où il est logé, je l’irai saluer et visiter en sa maison. [41][96] Je vous envoie la présente par la voie de M. Ravaud, qui est ma cinquième sans avoir eu aucune réponse de vous. J’espère qu’à la fin il m’en viendra quelqu’une. Je ne saurais deviner la cause d’un si long silence, si ce n’est qu’ayez été malade ; utinam sim vanus aruspex ! [42][97] Si je ne vous connaissais bien et de meliore metallo, [43] je soupçonnerais que quelque moine vous aurait attrapé et que, vous en ayant fait accroire, il vous aurait envoyé à Rome, tandis que le jubilé [98] y est, [44] y gagner les pardons pour tous les péchés que vous avez faits et que vous n’avez pas faits. [99]
Les nouvelles d’aujourd’hui sont que ceux de Bellegarde parlementent pour se rendre au roi, et qu’il y a des otages donnés de part et d’autre. [45] Un jésuite espagnol nommé Ripalda [100] avait écrit un petit volume in‑fo contre Jansenius, [101] évêque d’Ypres. [102] Les jésuites ont tâché de le supprimer, faute d’être bien fait ; les jansénistes l’ont poursuivi comme un méchant livre. Il est à l’Inquisition d’Espagne, [103] en danger d’être condamné. [46][104] Tous les jésuites en sont en peine, non pas seulement en Espagne et en Italie, mais en Pologne où les jansénistes leur donnent de la besogne aussi bien qu’ici. [47][105] Les mazarins qui sont ici disent que quand le roi aura Bellegarde, qu’il ira à Lyon et que delà il prendra le chemin de Bordeaux où il rétablira à main forte M. d’Épernon et le premier président qui a quitté le parti de la ville dès la guerre de l’an passé ; sed non ego credulus illi, [48] le cardinal n’est pas en état de l’entreprendre.
Je vous baise les mains encore une fois, et pour la cinquième, en espérant que me ferez la faveur de m’apprendre enfin de vos nouvelles afin que je n’en sois plus en doute, comme je vous puis assurer que je suis et serai toute ma vie sans réserve, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,
Patin.
De Paris, ce 16e d’avril 1650.
Je vous envoie des vers qui courent sur la Fronde depuis hier.
Ms BnF no 9357, fos 85‑86, « À Monsieur/ Monsieur Spon/ Docteur en médecine/ À Lyon » ; note de Charles Spon en marge, face à l’adresse, « 1650/ Paris, 12 avril/ Lyon, 16 dud. par Mr/ Huguetan. Riposta/ Adi 13 mai. –/ Je l’ai mise moi‑même à/ la poste » ; Jestaz no 30 (tome i, pages 645‑653) ; Du Four (édition princeps, 1683), no xxiii (pages 84‑86), et Bulderen, no xxxvii (tome i, pages 109‑111), extrêmement raccourcie et datée du 12 avril ; Reveillé-Parise, nos ccxxiii du 12 avril, et ccxxiv du 16 avril (tome ii, pages 1‑4).
Guy Patin a daté du dimanche 10 avril, mais une plume anonyme a changé son zéro en six.
La fausse nouvelle de la mort de Guillaume Sauvageon était dans le premier post-scriptum de la lettre précédente. Decize (Nièvre), son pays natal, se situe au confluent de la Loire et de l’Aron, à une trentaine de kilomètres en amont de Nevers.
V. note [48], lettre 222, pour les deux tomes De Antichristo [sur l’Antéchrist] du dominicain espagnol Tomás Malvenda (Lyon, 1647), dont venaient de paraître :
Commentaria in Sacram Scripturam una cum nova de verbo ad verbum, ex Heb. translatione….[Commentaires sur la Sainte Écriture, avec une nouvelle traduction mot pour mot de l’hébreu…] {a}
- Lyon, Société de libraires, 1650, pour le premier de 5 tomes in‑fo ; avec un portrait de l’auteur, mort à Valence (Espagne) le 7 mai 1628.
- Paris, veuve de Mathurin Dupuis, 1650, in‑4o de 840 pages, incluant une Préface de 29 pages : traduction par Claude i de Saumaise de sa Defensio regia… (1649, v. note [52], lettre 176).
Mathurin Dupuis, libraire reçu en 1628, s’était installé rue Saint-Jacques, à La Couronne d’or ; après sa mort en 1643, sa veuve, Anne Brillet, exerça jusqu’en 1654, avant de céder la maison à leur fils Jean (Renouard).
Les quatre premières phrases de la Préface donnent une idée du style inélégant (avec sa ponctuation originale) de cette Apologie royale :
« La funeste nouvelle qui nous a surpris depuis peu, a laissé tous nos sens interdits, et nos raisons effrayées : nous apprenant le cruel parricide commis en la personne du roi d’Angleterre, par la désespérée conspiration d’une troupe sacrilège. Tous ceux chez qui le bruit de cette fureur a passé, comme des hommes qu’un éclat de foudre tombée à leurs pieds aurait étourdis, ont senti
D’une soudaine horreur leurs cheveux se dresser,
Leurs voix dans leur gosier de douleur se presser.Ceux à qui la nature a donné une âme plus tendre, n’ont pas pu retenir leurs larmes, ni s’empêcher d’y mêler des sanglots ; les plus forts esprits se sont emportés à des indignations si violentes, qu’ils avaient de la peine à se modérer et tous sans exception ont chargé d’imprécations, témoins de leur douleur, les infâmes auteurs d’un crime si nouveau, et si étrange. Car comme les maux, qui ne sont pas prévus, frappent plus rudement ; cette exécution si extraordinaire a tellement étonné tous les esprits, mal préparés à ce malheur, qu’il ne s’est trouvé personne d’un cœur si dur, d’une inclination si sauvage, ou d’une si brutale aversion pour la majesté des rois, qui n’ait au moins gémi en secret ; et qui n’ait été contraint par un mouvement d’humanité, de joindre son ressentiment particulier au deuil public, pour la chute également épouvantable et misérable d’une tête si sacrée. »
La plume de Saumaise trouve pourtant verve et force quand il décrit le supplice (pages 38‑39) :
« Il a été exécuté comme un voleur, comme un homicide, comme un assassin public, comme un traître à la patrie, comme un tyran : et devant la porte de sa propre maison, je veux dire, devant son palais, exposé en spectacle à tout le peuple, le col étendu sur le poteau infâme, au milieu de deux bourreaux, et des bourreaux masqués ; comme s’il était important à la solennité du massacre, que ces deux seulement parussent déguisés sous de faux visages, lors que le lieu du supplice était gardé par tant d’autres bourreaux à visage découvert : et qui sous le titre de gens de guerre à cheval et à pied, se tenaient en armes autour de l’échafaud. Ce fut en effet du milieu de cette troupe qu’on choisit ces deux bouchers qui eurent charge de couper la tête à leur roi ; tandis que leurs compagnons faisaient le guet, et donnaient ordre à la faire couper sûrement. Mais peut-on ouïr sans horreur les injurieux traitements et les indignités, que cette bande de bourreaux armés faisaient à tous ceux du peuple, qui témoignaient avoir quelque sentiment d’humanité durant l’acte funeste de cette sanglante tragédie ? Si quelqu’un fermait les yeux, s’il les détournait pour n’être pas obligé de les infecter de la vue d’un si horrible spectacle ; sa bonté n’était pas longtemps impunie. Si quelqu’un témoignait de l’étonnement ou de l’effroi, s’il paraissait touché, s’il blêmissait voyant donner le coup de cette hache infâme ; il sentait bientôt décharger sur lui-même, les coups de poing, de pied, ou de bâton. »
Jacques Brousse (Auzance, Creuse 1589-Paris 1673), docteur en théologie et chanoine de la paroisse Saint-Honoré à Paris, s’était vu contesté par l’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi (v. note [11], lettre 19), à la suite d’un sermon de carême où il avait traité de la sanctification des fêtes. Il allait chercher à se justifier par une Lettre de M. Brousse docteur en théologie, écrite a Mgr l’archevêque de Paris (sans lieu, 1650, in‑4o) et s’engager publiquement aux côtés des docteurs de Port-Royal. En 1651, avec Noël de Lalane (v. note [114] des Déboires de Carolus) et Louis Angran, Brousse fut l’un des trois députés qui partirent à Rome défendre en vain les idées augustiniennes devant le pape Innocent x. Il resta jusqu’à sa mort un zélé défenseur de la cause janséniste (Dictionnaire de Port-Royal, pages 220‑221). Dans sa lettre du 3 novembre 1651 à André Falconet, Guy Patin a dit de Brousse qu’il était son « bon ami de longue main ».
Jean Adam (Limoges 1608-Bordeaux 1684), fougueux prédicateur jésuite, usa beaucoup de salive et d’encre à s’acharner contre les jansénistes et les calvinistes.
Son sermon contre saint Augustin du 17 mars 1650, en l’église paroissiale Saint-Paul, lui valut une attaque anonyme intitulée Défense de saint Augustin, contre les erreurs, les calomnies et les invectives scandaleuses que le Père Adam, jésuite, a prêchées dans l’église de Saint-Paul le second jeudi du carême, sur ce texte de l’Évangile de la Chananée : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la Maison d’Israël » (Paris ou Myon, sans nom, 1650, in‑8o, attribué au janséniste Noël de Lalanne), livre que Bayle a commenté dans la note D de son article sur Adam. Sur ce même sujet, le P. Adam publia en 1654 Le Tombeau du jansénisme, ou le nouveau parti détruit par saint Augustin et la bulle du pape Innocent x (Paris, Gaspard Meturas, in‑8o).V. note [5] du Patiniana 3, pour une autre version de l’annecdote racontée par Guy Patin.
Moinerie « se dit odieusement en parlant de l’humeur et de la clôture des moines. C’est un homme qui a mal fait ses affaires, qui s’est retiré dans une moinerie. Ce religieux est un galant homme qui s’est mis au-dessus des faiblesses ou des grimaces de la moinerie. Il y a toujours de la moinerie dans son fait » (Furetière).
Moiner est un vieux mot qui signifiait « mener par la main » (Thomas Corneille) ; mais il vaut ici mieux prendre moinante comme un néologisme renforçant moinerie, pour dire moinerie qui fabrique des moines. Rabelais (qui fut cloîtré pendant la majeure partie de son existence, v. note [53] du Borboniana 10 manuscrit) est encore allé plus loin dans l’allitération avec son « vrai moine, si oncques en fût depuis que le monde moinant moina de moinerie » (v. notule {b}, note [7], lettre 166).
Timbre : « cloche sans battant et immobile, qu’on frappe à la main avec un marteau ou que fait sonner un jaquemart. […] Se dit figurément en morale de la cervelle d’un homme ou de son esprit : les vins d’Orléans sont fumeux, ils donnent dans le timbre ; on dit d’un fou, que son timbre n’est pas sain, qu’il y a quelque chose de gâté dans son timbre » (Furetière).
Toussaint Foucaut, natif de Paris, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris un peu plus de deux ans plus tôt (acte pastillaire le 12 février 1648) (Baron).« sur la guerre de Flandre », v. note [11], lettre 152 ; Famien Strada était mort le 6 septembre 1649.
Juan Luis de la Cerda (Tolède vers 1560-Madrid 1643), entré dans la Compagnie de Jésus en 1574, professa pendant cinquante ans la poésie et l’éloquence à Murcie, Oropesa et Madrid. Parmi les ouvrages d’érudition et de théologie qu’il a laissés, Guy Patin citait ici :
Antonio de Aragón-Córdoba-Cardona y Fernández de Córdoba (Lucena, diocèse de Cordoue 1615-Madrid 1650) appartenait à une illustre famille de la haute noblesse espagnole, parente du roi. Il avait mené une brillante carrière militaire. Nommé général des galères à Valence en 1642, il avait accompagné Philippe iv dans la campagne de Lérida en 1644, et était membre du Conseil royal d’Espagne et de la Cour suprême de l’Inquisition. Nommé cardinal in pectore au consistoire du 7 octobre 1647 (sans avoir été prêtre), il fut proclamé au consistoire du 14 mars 1650, mais mourut le 7 octobre de la même année sans avoir eu le temps de se rendre à Rome pour recevoir le chapeau.
En opposant un prétendu Conseil d’en bas au Conseil d’en haut (où siégeaient la reine régente, les ministres et les princes du sang, v. note [4], lettre 205), Guy Patin voulait ici moquer l’influence officieuse et occulte des femmes de la cour et des courtisans. Aucun cardinal français n’avait plus été nommé depuis Achille d’Étampes de Valençay en 1643 (v. note [56], lettre 99), et il faut croire que le chapeau de cardinal que Patin attendait était celui du coadjuteur, Jean-François-Paul de Gondi, qui ne vint qu’en février 1652.
Les passages entre crochets correspondent à des lacunes du manuscrit.
Gêné par la crue de la Saône, le siège de Bellegarde (v. note [7], lettre 221) traînait en longueur.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 240, mars 1650) :
« MM. de Vendôme et le cardinal Mazarin partirent le 27 pour aller à Saint-Jean-de-Losne, deux lieues au-dessus de Seurre-Bellegarde, pour donner les ordres nécessaires à l’attaque de cette dernière place. Ceux de dedans sont résolus de tenir, sur l’espérance qu’ils ont au grand débordement des eaux qui inondent la prairie où est la place et la rendent inaccessible. Le cardinal dit tout haut que “ le roi prendra Seurre, ou Seurre prendra le roi, et qu’après le premier coup de canon tiré, il n’y aura plus de quartier ”. Les habitants ont fait une assemblée secrète et ont envoyé au roi, à Dijon, l’acte de leur fidélité et protestation que s’ils ne reçoivent Sa Majesté comme ils désireraient, ce n’est que par la seule raison qu’ils en sont hors de pouvoir par la violence qu’exerce sur leux la garnison, qui est de 800 hommes de pied, 380 cavaliers et 150 officiers. Le commandement, pour soutenir le siège a été déféré au sieur Passage. »
Ironie sous la plume d’un catholique écrivant à un calviniste.
Io. Ludovici de la Cerda e Societate Iesus Adversaria Sacra. Opus varium ac veluti fax ad lucem quam multorum locorum utriusque Instrumenti, Patrumque et Scriptorum quorumcunque : Christianæ Antiquitatis et sacrorum rituum pancarpia ; politioris denique litteraturæ thesaurus multiplex. Accessit eodem Autore, Psalterii Salomonis ex Græco ms codice pervetusto, Latina versio, et ad Tertulliani librum De Pallio Commentarius auctior. Prodeunt omnia nunc primum.
[Registres sacrés Juan Luis de la Cerda. {a} Ouvrage varié et comme un flambeau mettant en lumière de très nombreux passages des deux Testaments, des Pères et de maints auteurs : pancarpe {b} de l’Antiquité chrétienne et des rites sacrés, et enfin trésor étendu de littérature fort châtiée. Le même auteur y a ajouté la traduction latine du Psautier de Salomon, tirée d’un très ancien manuscrit grec, et un commentaire augmenté sur le livre De Pallio de Tertullien. {c} Le tout est publité pour la première fois]. {d}
- V. supra, note [12].
- Guirlande de fruits et de fleurs : anthologie.
- « Du Manteau », v. note [9], lettre 119.
- Lyon, Ludovicus Prost, 1626, in‑fo de 586 pages.
Bibliotheca scriptorum Societatis Iesu, post excusum anno m.dc.viii. Catalogum R.P. Petrii Ribadeneiræ soc. ei. Theologi ; nunc hoc novo apparatu librorum ad annum reparatæ salutis m.dc.xlii. editorum concinnata, et illustrium virorum elogiis adornata, a Philippo Alegambe, Bruxellensi, ex eadem Soc. Iesu. Accedit Catalogus religiosorum Soc. Iesu, qui hactenus pro Catholica fide et pietate in variis mundi plagis interempti sunt.
[Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, d’après le Catalogue du R.P. Pedro de Ribadeneira, {a} théologien de la même Compagnie, imprimé en 1608 ; maintenant mise à jour pour l’ensemble des livres édités jusqu’à l’an 1642, et enrichie d’éloges des hommes illustres, par Philippe Alegambe, {b} de Bruxelles, de la Comagnie de Jésus. Avec le Catalogue des religieux de la Compagnie de Jésus qui ont jusqu’ici été tués pour leur foi et piété catholique dans les diverses régions du monde]. {c}
- Tolède 1526-Madrid 1611.
- Philippe D’Alegambe (Bruxelles 1592-Rome 1651), entré dans la Compagnie de Jésus en 1613, avait d’abord enseigné la philosophie au collège de Gratz, puis été chargé de faire l’éducation du fils du prince d’Eggenberg avec qui il avait visité la France, l’Italie et l’Espagne. Il alla ensuite à Rome, où il fut nommé supérieur de la maison des jésuites et secrétaire du général de l’Ordre (G.D.U. xixe s.).
Outre la continuation de la Bibliotheca…, il a publié une Vie de Cardan (Rome, 1640), Mortes illustres et gesta eorum qui in odium fidei ab hæreticis vel aliis occisi sunt [Morts illustres et actes de ceux qui ont été sacrifiés pour la haine de leur foi par les hérétiques et autres gens] (Rome, 1657, in‑fo) ; Heroes et victimæ charitatis Societatis Iesu [Héros et victimes de la bonté de la Compagnie de Jésus] (Rome, 1658, in‑4o).
- Anvers, Joannes Meursius, 1643, in‑fo.
« Ne cherchez pas, je vous prie, car je les ai ici » : addition de Guy Patin en marge du paragraphe qu’il a entièrement biffé, pour annuler sa requête à Charles Spon.
« qui ne manqua jamais de vertu, mais souvent de fortune » (traduction élégante fournie par les éditions antérieures, Bulderen et Reveillé-Parise).
Bélisaire (vers 500-565), général byzantin de grand mérite, passa sa vie à lutter au fidèle service de l’empereur Justinien pour préserver l’intégrité de Rome et de Constantinople contre les attaques des Perses, des Vandales et des Ostrogoths. Malgré tous ses mérites, il fut l’objet de l’ingratitude impériale et serait mort en mendiant son pain à Constantinople.Justinien ier, dit le Grand (483-565), empereur de Byzance de 527 à sa mort, doit son renom à son œuvre juridique et administrative, car il fit composer les recueils qui ont fondé le droit romain en mettant à jour le code théodosien (v. note [10], lettre 736) : Code justinien (529), Digeste ou Pandectes justiniens, et Institutes (533).
Procope a donné une biographie fort médisante de Justinien et de son épouse, l’impératrice Theodora, mais son authenticité est contestée (v. notes [59], [60] et [61] du Patiniana I‑2, [47] du Grotiana 2 et [5] du Borboniana 2).
Je n’ai pas trouvé trace du président Base (ou Bose, que Laure Jestaz, y voyant plutôt un R qu’un B, a considéré comme étant Toussaint Rose, secrétaire de Mazarin, puis de Louis xiv). Les mémoires du temps ne manquent pas de détails sur le voyage du comte de Pigneranda (v. note [5], lettre 175) qu’on était en train de préparer. Le diplomate espagnol quitta Bruxelles l’après-midi du 18 mai.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 265, 26 mai 1650) :
« Le comte de Pigneranda, ci-devant plénipotentiaire pour la paix à Münster, passe auprès de Paris sans y entrer, s’en retrournant des Pays-Bas en Espagne avec notre passeport et escorté, depuis notre frontière, d’un maître d’hôtel du roi, le sieur Marandé, d’un gentilhomme servant du roi, d’un courrier servant du roi, d’un courrier de cabinet et du nommé Le Féron, qui est à M. de Loménie-Brienne, secrétaire d’État pour les Étrangers.
Ils l’ont amené par Beauvais et Pontoise, de doute qu’il ne fût rencontré sur le chemin ordinaire et abouché par ceux de sa correspondance. »
La reine lui envoya à Senlis « M. de Marandé, maître d’hôtel du roi [v. note [13] des Affaires de l’Université en 1650-1651, dans les Commentaires de la Faculté], pour le complimenter et pour lui proposer une petite conférence en passant sur les moyens de renouer le traité de paix » (Journal de la Fronde, volume i, 20 mai, fo 220 vo). Ensuite, il continua son chemin sans encombre par la Touraine, la Guyenne et Saint-Jean-de-Luz.
Le 6 avril à cinq heures du matin, le lieutenant civil, Dreux d’Aubray, et le chevalier du guet (v. note [53] du Borboniana 4 manuscrit) arrêtaient la duchesse de Bouillon qui s’était évadée le 22 mars de son hôtel du Marais où elle était assignée à résidence, sous la garde négligente du sieur de Carnavalet (v. note [9], lettre 223). Elle était cachée au faubourg Saint-Germain dans la maison d’un secrétaire du roi où logeait le résident de Pologne, Isaac Bartet (v. note [36], lettre 549), « français de nation ». Le lendemain, on l’enferma à la Bastille.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 243, avril 1650) :
« Vendredi 8, aucuns {a} disent que ce matin, la duchesse de Bouillon a été conduite à la Bastille pour y tenir en prison ; son affection, {b} à ce qu’elle dit, est pour sa fille qui a la petite vérole, dont elle a appréhension qu’elle meure, et d’autant plus qu’elle s’attristera lorsqu’elle ne verra plus sa mère et saura qu’elle est prisonnière. »
- Quelques-uns.
- Tourment.
Bartet rejoignit la duchesse au cachot le 9, puis Mlle de Bouillon, sa belle-sœur, fit de même le 14 (Journal de la Fronde, volume i, fos 197 vo, 200 vo et 202 ro).
Le marc d’or « est un droit qu’on lève sur tous les offices de France à chaque changement de titulaire. Il a été établi par Henri iii [1574-1589] au lieu d’un droit qu’on prenait pour la prestation de serment. On taxait certains offices à un marc d’or en espèce, et quelques autres à proportion ; ce qui a été depuis évalué en argent » (Furetière).
Le marc était une unité de poids correspondant à 8 onces (un peu moins de 250 grammes) ; « le marc d’or en monnaie à 24 carats a été estimé suivant la dernière évaluation de la Cour des monnaies, à 423 livres 10 sols 10 deniers 20/22e, et le marc d’argent à 27 liv. 13 sol. 12/23e. » (ibid.).
L’impôt du marc d’or était alors spécifiquement dédié à couvrir les dépenses et pensions de l’Ordre du Saint-Esprit (v. note [17], lettre 63) ; Journal de la Fronde (volume i, fo 196 vo, avril 1650) :
« Le 5 du courant, Messieurs les chevaliers et officiers de l’Ordre du roi furent au palais d’Orléans et se plaignirent à Son Altesse Royale de ce que M. d’Émery a détourné les fonds du marc d’or sur lequel leurs pensions sont assignées de mille écus par an pour chacun des chevaliers, et plus pour les officiers ; à quoi Sadite Altesse leur fit réponse qu’il fallait attendre le retour du roi pour y donner ordre et qu’après cela, elle se mettrait à leur tête afin de leur faire obtenir la satisfaction qu’ils demandent. »
René aux Épaules, dit de Laval, marquis de Nesle (1575-28 mai 1650), chevalier des Ordres du roi en 1633, gouverneur de La Fère en Picardie, était le meneur de la protestation. Si l’on en croit Tallemant des Réaux (Historiettes, tome ii, page 101), le marquis était « brave homme » mais piètre stratège : « comme on eut proposé de faire une demi-lune, il dit : “ Messieurs, ne faisons rien à demi pour le service du roi ; faisons-en une tout entière. ” »
Dans l’Histoire de Bresse de Samuel Guichenon, {a} les pages 9‑10 de la Troisième partie, contenant les généalogies des familles de Bresse et de Bugey sont consacrées à la famille des Bachet, seigneurs de Meyseria (sic pour Méziriac) et de Vauluysant, avec ce paragraphe sur l’écrivain bressan Claude-Gaspard Bachet de Méziriac (iii, page 10) : {b}
« Je n’entreprends point de donner ici l’éloge de ce grand homme, il faudrait une meilleure plume que la mienne. Il me suffit de dire que ç’a été un personnage vraiment illustre, et doué de rares et éminentes qualités ; car il était très savant en la langue grecque, grand critique, philosophe et théologien, bien versé aux controverses, excellent poète latin et français, et l’un des plus doctes mathématiciens que notre siècle ait produit. Outre cela, il était d’une conversation si douce et d’un si agréable entretien qu’il était impossible de le pratiquer sans l’aimer. La Bresse a beaucoup perdu en sa mort, ayant été dépouillée de son principal ornement. Il fut en si grande estime de doctrine que cette célèbre Académie de Paris, établie pour la réformation du langage français, le choisit en l’an 1635 pour être du nombre des quarante dont elle était composée. C’est lui à qui Denys de Salvaing, chevalier seigneur dudit lieu et de Boissieu, conseiller du roi en ses Conseils et premier président en la Chambre des comptes de Dauphiné, dédia en l’an 1638 le poème latin intitulé Turris alexipharmacos, qui est l’une des quatre merveilles du Dauphiné ; {c} mais outre ce témoignage de son érudition, les ouvrages qu’il nous a laissés en sont d’éternelles marques. »
Après la liste des autres livres de Bachet, l’éloge de Guichenon se conclut sur ces mots :
« Bref, sans offenser sa mémoire, nous lui pouvons donner l’éloge que Quintilien a baillé à un grand personnage de son temps qui eût pu laisser de plus beaux ouvrages s’il eût voulu, Felix ingenium, quod voluit, potuit, o utinam meliora voluisset ! {d} Il décéda le 26 février 1638 à Bourg, ayant laissé plusieurs enfants de Philiberte de Chabeu, sa femme, fille de Claude de Chabeu, écuyer seigneur de Becetel, et de Peronne du Puget. »
- Lyon, 1650, v. note [7], lettre 214.
- V. note [46], lettre 216.
- La « Tour alexipharmaque », v. note [30], lettre 349.
- « Heureux esprit, il a pu ce qu’il a voulu ; ô que n’a-t-il voulu faire mieux encore ! »
Jacques Le Tillier, seigneur de La Chapelle-en-Brie (mort à Venise en 1680), avait été reçu conseiller au parlement de Metz en 1634. Maître des requêtes en 1642, il était devenu intendant des finances en juillet 1649. En septembre 1657, son ami l’abbé Basile Fouquet l’imposa comme contrôleur général des finances contre l’avis de son frère, Nicolas Fouquet, et sans l’accord de Mazarin qui s’en fâcha beaucoup. L’incident fut, avec d’autres, à l’origine de la brouille définitive qui s’établit entre les deux frères Fouquet. Devenu peu après receveur des consignations du Parlement, charge réputée de plus grand rapport, Le Tillier essuya en 1665 une banqueroute colossale, quitta la France et fut condamné à mort par contumace en 1668 (Jestaz et Petitfils c, pages 210‑211).
Chaussée : « construction ou grosse masse de pierre ou de terre grasse et bien battue pour retenir les eaux d’un étang ou empêcher que des rivières ne se débordent dans des lieux plus bas. On a fait une chaussée le long de cette vallée pour empêcher les inondations » (Furetière) ; aujourd’hui une digue.
Journal de la Fronde (volume i, fos 196 ro et 200 ro et vo) :
« Sur le bruit qui courut la semaine passée {a} que le marquis de Jarzé s’était jeté dans Saumur, {b} la marquise sa femme s’en alla à la dérobée ; et depuis l’on a su que ce marquis était aussi sorti de Saumur, dont le lieutenant qui commande, nommé M. Du Mont, a fait son traité par l’entremise de son père, qui était pour cet effet à Dijon. On lui a accordé une récompense de dix mille écus, au moyen de laquelle il promet de remettre cette place entre les mains de M. de Comminges. {c} On lui avait envoyé une assignation, laquelle il ne voulut pas recevoir, voulant de l’argent comptant ; mais on lui en a envoyé une autre qu’il pourra recevoir comptant. […]
Le 9, on eut avis de Saumur que M. de Comminges, ayant reçu les ordres de la cour de faire prendre les armes aux habitants des environs pour assiéger le château, fit aussitôt assembler la bourgeoisie dans l’hôtel de ville où, ayant été résolu d’obéir aux ordres de Sa Majesté, il envoya sommer sur les six heures du soir le sieur Du Mont, qui commande dans ce château, de le rendre ; ce que celui-ci refusa et commença dès lors à canonner la ville, sur laquelle il tira plus de cent coups de canon depuis ce temps-là jusqu’au lendemain sans tuer que deux hommes et sans blesser que quatre, mais il ruina quelques maisons, perça des murailles et abattit quelques cheminées ; lequel a continué du depuis avec 200 hommes qu’il a, mais les lettres qui en sont venues le 9 portent que le mal qu’il avait fait n’avait point encore augmenté, sinon en ce qu’ayant fait faire plusieurs décharges de mousquetades, il avait tué quelques personnes, toutefois en fort petit nombre. M. de Comminges y attendait le régiment de la Villette qu’on lui envoie de Limousin. Depuis, on a su par un courrier extraordinaire arrivé avant-hier {d} que le duc de La Rochefoucauld, ayant assemblé tout ce qu’il a pu de noblesse en Poitou, partit de La Rochefoucauld le 11 avec 1 500 chevaux et 2 000 fantassins, allant droit à Saumur pour le secourir. Le bruit a fort couru par la ville que M. le duc de La Trémoille fait aussi des levées en Poitou en même fin, mais ce courrier a assuré le contraire, après que M. le duc d’Orléans avait plusieurs fois dit que c’était un faux bruit et que Mademoiselle avait dit qu’elle en répondrait. » {e}
- Relation datée du 8 avril 1650.
- V. note [22], lettre 223.
- François de Guitaut, v. note [22], lettre 223.
- 13 avril.
- Faute d’être secouru à temps par La Rochefoucauld, Du Mont rendit le château à Guitaut le 18 avril.
Histoire du maréchal de Guébriant, {a} dressée, tant sur ses Mémoires que sur les Instructions de la Cour, et sur les Lettres du Roi et des Ministres, et autres Pièces d’État. Contenant le récit de ce qui s’est passé en Allemagne dans la Guerre des Couronnes de France et de Suède, et des États Alliés contre la Maison d’Autriche. Dédiée à Messeigneurs les États de Bretagne, par Jean Le Laboureur, {b} Conseiller et Aumônier du Roi, Prieur de Iuvigné. Avec l’Histoire Généalogique de la Maison du même Maréchal et de plusieurs autres des Principales de Bretagne, qui y sont Alliées, ou qui en sont descendues : justifiée par Titres, Histoires, et autres Preuves authentiques. {c}
- V. note [10], lettre 95.
- Guy Patin se méprenait donc bizarrement en attribuant cette Histoire à un avocat dénommé Blerenval (graphie incertaine), au lieu de Jean Le Laboureur (v. note [7], lettre latine 218).
- Paris, Pierre Lamy, 1656, in‑fo de 730 pages, pour la première édition
La maréchale de Guébriant, épouse du comte-maréchal de Guébriant (mort en novembre 1643), était Renée Du Bec-Crespin (1600-Périgueux 2 septembre 1659), fille de René i, marquis de Vardes, et d’Hélène d’O. « Cette dame se croyant mésalliée par le mariage qu’on lui avait fait contracter avec un homme qui avait beaucoup de bien, fit déclarer nul son engagement et se maria l’an 1632 avec le comte de Guébriant, cadet d’une ancienne famille de Bretagne. Elle lui fut fort utile pour parvenir au bâton de maréchal » (Bayle).
Devenue veuve, la maréchale avait été chargée, en qualité de surintendante du voyage et d’ambassadrice extraordinaire de France, d’accompagner Louise-Marie de Gonzague, dite Mlle de Nevers, à Varsovie pour y rejoindre le roi de Pologne, Ladislas iv, qu’elle avait épousé par procuration à Paris, le 5 novembre 1645 (v. note [1‑20] du Faux Patiniana II‑2 pour le récit de ce voyage, publié en 1647). V. note [31] du Patiniana I‑1 pour la fourberie que la maréchale commit à Briscah en 1651. Nommée en 1659 première dame d’honneur de la future reine Marie-Thérèse, qu’elle ne vit jamais, elle mourut subitement en se rendant à Saint-Jean-de-Luz pour assister au mariage de Louis xiv.« Principal, en termes de Palais, se dit de la première instance, de la première demande de ce qui a formé le procès. Il a perdu son procès en cause principale, il est appelant » (Furetière).
Addition proposée pour équilibrer la phrase.
V. note [25], lettre 223. Pour le genre du mot reproche, « [Laurent] Chifflet, Gramm [Nouvelle et parfaite grammaire française…] page 251, dit qu’il est masculin au singulier et féminin au pluriel » (Littré DLF).
« Revendication de la liberté contre la tyrannie » : ce livre, qui répondait à la Defensio regia… (v. note [1], lettre 219) de Claude Saumaise, est resté à l’état de projet ; la riposte jaillit de la plume de John Milton (v. note [19], lettre 264).
John Selden (Salvington, Sussex 1584-Londres 1654), juriste et érudit anglais, avait payé de quatre années de prison (1628-1634) son opposition à la monarchie. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire et la politique de son pays.
L’épître dédicatoire (non datée) des Opera de Daniel Sennert qui venaient de paraître à Lyon (v. note [20], lettre 150) est intitulée Clarissimo spectatissimoque viro D. Guidoni Patino Bellovaco, Doctori Medico Parisiensi, Musagetæ ac mecœnati perquam venerando, Sal. et Observantiam [Salut et respect à Me Guy Patin, très brillant et remarquable docteur en médecine de Paris, musagète (conducteur des Muses) et mécène profondément vénérable] :
Æquum profecto, summeque pium semper habitum fuit, (Vir Clarissime, ac Spectantissime) uti Scriptorum de re literaria optime meritorum eximia quæque ingenij monumenta ab interitu sedulo vindicentur, quo ipsorum nomina magis ac magis perfruantur. Hoc autem ipsum vix ulla alia re melius præstari posse, quam divino Chalcotypicæ artis ministerio, meridiano iubare clarius est, utpote quæ polleat decantatissima illa Hermæi caducei efficacia, qua Manes ex Orco revocari credebantur. Quum ergo Celeberrimi Danielis Sennerti, consummatæ quondam peritiæ Archiatri, aut potius herois omni prope invidia maioris, Opera cedro dignissima passim deficere animadverteremus, de ipsis præli nostri beneficio quamprimum instaurandis atque propagandis cogitare tum debimus, tum etiam voluimus : quod nostrum sive consilium sive officium, cunctis Æsculapij alumnis, qui Sennerti pretium intelligunt, probatum iri magnopere confidimus, præterquam forte paucis aliquot Theonibus, qui cum nullo sint ipsimet in numero, alienam famam virulentis suis arrosiunculis vellicare unice satagunt : quibus longum valere iussis, ad Te, Vir Spectantissime, nos modo convertimus, caussas dicturi, cur Tibi potissimum hanc editionem vovere ac dedicare statuerimus. Neque illas sane procul admodum accersere necesse habemus : cum enim nobis toties luculenta favoris ac benevolentiæ tuæ testimonia præbueris, ut hocce Tibi nostræ gratitudinis specimen destinemus, ex asse nos sentimus obnoxios. Deinde cum apud doctos plerosque omnes Tuum nomen in summa sit veneratione, ne dicam in præcipuis delitiis, ab illo plurimum splendoris mutuaturum nostrum hunc Auctorem non dubitamus. Adde quod peculiare quoddam ius habere videatur ipse Sennertus cur Tuam exambiat clientelam, propter nimirum exquisitam fatorum utriusque vestrum variis in rebus similitudinem, haud dubie a rara nescio qua profectam συναστρια. Enimvero et Tu, et Ille Musas elegantiores a teneris oculitus deperistis, ipsarumque cultores miro favore prosecuti semper fuistis. Et cum mutas ad artes agitandas animos appulissetis, vere in ipsis Roscij (quod dicitur) exstitistis, vosque Philiatricæ pubi duces ac mystagogos ad Medicinæ penetralia inspectanda comiter præbuistis in prædoctis Academiis, Tu quidem Leucetica, Ille vero leucorea : multas interim offucias, quibus ars misere deformabatur, auditores dedocendo, ipsosque viva voce, scriptis eruditissimis, exemplo denique proprio ad Veritatis amorem incendendo ac manuducendo. Quis iam memoret utriusque vestrum in medendo, ægrisque innumeris opitulando solertiam ac felicitatem nulli secundam ? prætereaque incredibilem animi candorem, singularem vitæ morumque integritatem, conversationis Sirenas non minus utiles quam iucundas, stupendam philomathiam μουσοληψιαν, indeque natam bibliomaniam illam nunquam satis laudandam, qua perciti Bibliothecas vobis comparastis omni genere Codicum tam excusorum quam calamo exaratorum instructissimas ? Quia vero tam præclaris animi dotibus conspicuos Viros livoris iniuriis patere novum non est, qui fumi ritu pulcerrimi cuiusque in oculos involare semper assolet, hinc etiam factum, ut suos uterque vestrum mastigas invenerit, homines protervos, et Echetismo non modo sui cognominis, aut pyrulæ nasi, sed et apicis linguæ, et digitorum perquam dignos, quorum tamen improbis artibus non magis hactenus offendi potuistis, quam Psyllorum olim corpora serpentium morsibus. At quo nos, obsecro, sensim delapsos sentimus, dum institutam Duumviros inter incomparabiles comparationem persequimur, ac vestra merita exprimere tentamus, quæ styli nostri infelicitas potius detriverit quam illustraverit ? Et sane nihil opus nostris verbis in tali argumento. Sennerti enim πλεονεκτηματα, utut taceamus, satis ebuccinant, quæ typis mandata extant tot honorifica Doctissimorum hominum Iudicia, necnon Panegyrici, Epicedia, Næniæ, quibus tanti Viri memoria celebratur. Tua vero, Vir Præstantissime, egregia animi ornamenta, ac catorthomata toti literatorum ordini deprædicanda remittimus : Interim tamen facere non possumus, quin hic subiiciamus versiculos πυθοχρηστους, quos in tui gratiam Carolus Sponius, Civitatis huiusce Medicus, tuique amantissimus, aliquando meditabatur, ut ita nostræ nonihil consulamus balbutiei. Sic autem illeGuido, Lutetiacum decus immortale medentum,
Aureoli quondam sæcli genuina propago,
Cui candor, cui sancta fides, cui cetera pectus
Virtutum genera exornant, ac lumine complent !
Iam quis inexhaustas Doctrinæ pandere gazas
Possit rite tuæ ? Nihil ignorare videris,
Rerum omnes penetras quia mentis acumine caussas,
Nullaque Musicolum fugiunt te Scripta virorum,
Quorum pondere pressa gemunt numeroque fatiscunt,
Vasta ac firma licet, forulorum tigna tuorum.
Deinde quot horrendis iamiam pereuntia morbis
Corpora felici releuas facilique medela,
Artibus absque malis Arabum, Chymicisque venenis ?
Quæ tua laus ipso est Epidauri numine digna !
Iure igitur nobis coleris canerisque Patine,
Cuius sparsa viget totum inclyta fama per orbem.Tuo Nomini Clarissimo toto pectore Devinctissimi,
Ioan. Antonius Huguetan, et
Marcus Antonius Ravaud.[Très distingué et remarquable Monsieur, on a toujours tenu pour assurément juste et profondément pieux de diligemment sauver de l’oubli tous les éminents ouvrages des écrivains qui ont le plus mérité de la république des lettres, et dont le renom n’a cessé de croître jour après jour. Aussi clairement que le soleil luit à midi, cela ne se peut mieux faire que par la divine intervention de l’imprimerie, dont le pouvoir égale celui, tant vanté, du caducée d’Hermès qui, croyait-on, faisait revenir les âmes défuntes de l’enfer. {a} Quand donc nous avons constaté que partout étaient épuisées les Opera, parfaitement dignes du cèdre, {b} du très célèbre Daniel Sennert, jadis archiatre de profond talent, ou plutôt héros surpassant presque toute critique, nous avons dû et aussi voulu songer à l’avantage de les imprimer sans tarder pour les renouveler et les propager. Qu’il se soit agi pour nous d’une volonté ou d’un devoir, nous ne doutons pas que tous les enfants d’Esculape, qui connaissent la valeur de Sennert, approuveront entièrement notre dessein, à l’exception peut-être d’un petit nombre de médisants qui, bien qu’il ne comptent pour rien, se contentent uniquement de déchirer de leurs vilaines petites dents la réputation d’un autre. À ceux que nous avons jugés dignes de ce mérite, nous avons de loin préféré nous tourner vers vous, très remarquable Monsieur, en décidant de vous vouer et dédier cette édition. Et à dire vrai, nous n’avons pas eu besoin d’en chercher bien loin les raisons : comme vous nous avez si souvent procuré d’éclatants témoignages de votre faveur et de votre bienveillance, nous nous sommes sentis, du fond du cœur, obligés de vous adresser ce témoignage de notre gratitude ; ensuite, comme presque tous les savants vénèrent hautement votre nom, pour ne pas dire qu’ils s’en délectent tout particulièrement, nous ne doutons pas que notre auteur lui empruntera beaucoup de sa splendeur ; ajoutons à cela que Sennert lui-même semble y avoir quelque droit particulier, car il brigue d’appartenir à votre suite en raison de la très rare ressemblance de vos destinées mutuelles, à divers égards, et qui vous a sans aucun doute été conférée par je ne sais quelle constellation. De fait, vous et lui avez éperdument aimé, comme vos propres yeux, les très élégantes Muses et, figurant parmi leurs adorateurs, vous avez toujours joui de leur merveilleuse faveur. Et quand vous avez dirigés vos esprits à réveiller les arts alanguis, vous vous y êtes avérés (comme on dit) deux Roscius, {c} en vous révélant être les guides des jeunes philiatres et leurs bienveillants initiateurs pour pénétrer les secrets de la médecine en vos très savantes universités, vous en celle de Leucetius et lui en celle de Leuceus {d} : ce faisant, vous avez appris à vos auditeurs comment oublier quantité de ces tromperies, dont l’art se trouve misérablement défiguré, et par vos leçons, par vos très savants, et votre propre exemple, les menant par la main, vous leur avez inculqué l’amour de la vérité. Qui oubliera jamais cette habileté, heureuse et sans égale, à remédier et à secourir quantité de malades, qui vous caractérise tous deux ? Et en outre, cette incroyable clarté d’esprit, cette singulière intégrité de vie et de mœurs, ces enchantements de vos conversations, qui ne sont pas moins plaisants qu’utiles, cet étonnant amour des sciences, inspiré par les Muse. Vous en est née cette bibliomanie qu’on n’a jamais assez louée et qui vous a poussés sans relâche à vous constituer une bibliothèque parfaitement fournie en toutes sortes de livres, tant imprimés que manuscrits ? Mais parce qu’il n’est pas nouveau que des hommes aussi éminents par les dons de leur brillante intelligence aient à souffrir les insultes de la jalousie, qui a pour habitude de toujours voler dans les yeux de quiconque a le grand honneur d’être hautement considéré, il s’est aussi fait que chacun de vous a trouvé ses vauriens, hommes effrontés et parfaitement dignes d’être comparés à Echetos non seulement pour son surnom ou pour son nez de petite poire, mais aussi pour la pointe de sa langue et pour ses doigts. {e} Jusqu’ici, leurs ruses malhonnêtes ne sont pourtant pas parvenues à plus vous blesser que ne faisaient jadis les morsures de serpents aux corps des Psylles. {f} Mais pourquoi, je vous prie, nous sommes-nous insensiblement laissés aller à entreprendre d’établir une comparaison entre deux hommes incomparables, et pourquoi avons-nous tenté d’exposer vos mérites, quand la maladresse de notre style les a desservis plutôt qu’elle ne les a fait reluire ? Nos mots ne servent absolument à rien dans une telle argumentation. Quoique nous taisions les supériorités de Sennert, tous les jugements de très savants hommes que nous avons imprimés les font voir et les glorifient, ainsi que les panégyriques, les poèmes funèbres et les lamentations célébrant la mémoire d’un si grand personnage. Quant à la vôtre, très éminent Monsieur, nous laissons à la confrérie tout entière des savants le soin de proclamer les remarquables ornements de votre esprit et ses heureux succès. En attendant, nous n’avons pu faire autrement que de mettre ici les vers inspirés que Charles Spon, médecin de notre ville qui est votre très grand ami, a un jour composés en votre honneur, afin que nous prenions ainsi quelque mesure de notre balbutiement. Les voici :
« Ô Guy, gloire immortelle des médecins de Paris, bouture originelle de ce qui fut jadis un siècle d’or, vous dont la candeur, dont la sainte loyauté et d’autres sortes de vertus ornent le cœur, et l’emplissent de lumière ! Qui pourrait jamais dévoiler convenablement les trésors de votre science ? Vous semblez ne rien ignorer parce que, de la finesse de votre esprit, vous pénétrez toutes les causes des choses, et nul écrit des hommes qui cultivent les muses ne vous échappe ; et les planches des rayons de votre bibliothèque, si immenses et solides soient-elles, craquent sous leur charge serrée et ploient sous le nombre. Et dès lors, de combien d’effroyables maladies ne soulagez-vous pas les corps sur le point de sombrer, au moyen de remèdes simples et heureux, et ce sans les maléfices des Arabes ni les poisons chimiques ? {g} Comme votre louange est digne de la divinité même d’Épidaure ! {h} Ô Patin, il est juste que nous vous honorions et que nous chantions vos louanges, vous dont l’illustre renommée essaime et fleurit de par le monde entier. »Entièrement et de tout cœur dévoués à votre très distinguée personne,
Jean-Antoine Huguetan et Marc-Antoine Ravaud]. {i}
- V. note [7], lettre latine 255.
- Expression latine classique qualifiant un ouvrage de grand prix qu’on voulait conserver éternellement en enduisant ses pages d’huile de cèdre (v. note [17], lettre de Charles Spon, datée du 11 septembre 1657).
- V. note [132], lettre 166.
- Leucetius est un dieu gaulois antique, assimilé au Mars des Romains, et Leuceus, le Jupiter des Lépréates, peuple d’Élide (à l’ouest du Péloponnèse) ; cet artifice oratoire pour désigner les universités de Paris et de Wittemberg n’en reste pas moins obscur.
- Dans L’Odyssée, Homère donne à Echetos, roi d’Épire le surnom de « fléau de tous les mortels » ; Antinoos dit de lui à Iros : « il te coupera le nez et les oreilles, d’un bronze sans pitié, il t’arrachera les parties viriles et les donnera toutes crues à ses chiens voraces » (chant xviii, vers 85‑87). J’ai traduit pyrulæ nasus par « nez de petite poire », en prenant pyrula pour un diminutif de pyrum [poire en latin] (Littré DLF qui définit pyrule comme un « genre de coquilles univalves ») et en y voyant une allusion au nez de Théophraste Renaudot que Guy Patin avait attaqué dans sa préface de 1641 (v. note [12], lettre 44).
- V. 2e notule {a}, note [101] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.
- V. note [25], lettre 211, pour la genèse de ce 13e vers.
- Esculape (v. note [5], lettre 551.
- Le latin excessivement châtié (et difficile à traduire) de cette épître dédicatoire laisse à penser que l’auteur n’a pu en être qu’un très fin connaissseur de cette langue. Probablement s’agissait-il de Charles Spon plutôt que des deux libraires lyonnais qui l’ont signée. En dépit des louanges qui lui étaient adressées, Patin a reproché à cette réédition de contenir certaines additions malvenues (v. note [8], lettre 535).
Hellénisme (bibliopôleion) pour librairie.
« et je ne serai pas mauvais payeur, même si je suis payeur tardif ».
Guy Patin continuait de jouer au chat et à la souris avec Grégoire-François Du Rietz, médecin de la reine de Suède (v. lettres à Charles Spon datées des 8 janvier et 4 février 1650). L’insistance de Patin sur ces rencontres manquées, malgré son ton détaché, peut laisser croire qu’il nourrissait le secret espoir d’un emploi médical auprès de la généreuse souveraine.
« et fait d’un plus pur métal ».
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 199, samedi 8 janvier 1650) :
« Le pape a envoyé quatorze indulgences < à la reine > pour s’en servir et distribuer à sa discrétion, et à la reine d’Angleterre dix. C’est parce que durant l’an jubilé, toutes les indulgences publiques cessent. Le feu pape Urbain en avait donné cent à la feu reine mère, Marie de Médicis, en l’an jubilé 1625 ; ce que la reine Anne, moderne régente, sachant, n’est pas demeurée contente du présent que lui faisait ce pape-ci. »
Journal de la Fronde (volume i, fo 201 ro, Paris le 15 avril 1650) :
« Les lettres de Dijon du 10 portent que le roi était allé au camp devant Bellegarde et y était arrivé le 9 au matin, et que les assiégés ayant appris l’arrivée de Sa Majesté par les décharges qu’on fit du canon et de la mousqueterie, cessèrent les leurs par respect ; mais il en arriva avant-hier un courrier qui apporta nouvelles à M. le duc d’Orléans que ceux qui commandent dans la place avaient fait leur capitulation le 11, par laquelle Sa Majesté leur avait accordé jusqu’au 21 pour envoyer à Stenay savoir s’ils devaient espérer du secours ; et pour cet effet, leur avait fait donner des passeports afin qu’ils y pussent envoyer qui bon leur semblerait ; et en cas que dans le temps ils ne reçoivent point du secours, ils sortiront de la place avec armes et bagages, tambour battant, etc., et pourront aller où bon leur semblera. Ceux qui voudront venir de bon gré au service du roi ou se retirer chez eux, le pourront faire sans qu’on les puisse rechercher en aucune façon pour le passé ; et au contraire, ceux qui voudront aller à Stenay et qui persisteront à être contre le service du roi, le pourront aussi faire et subiront les peines auxquelles ils seront condamnés par les commissaires députés pour leur faire leur procès. Cependant, {a} il y aura trêve de part et d’autre jusqu’audit jour 21, et les officiers et soldats de l’un et l’autre parti mangent et boivent ensemble comme bons amis. »
- En attendant quoi.
Ce « petit volume in‑fo » qui attisait la querelle enre jésuites et jansénistes était intitulé :
Ioan. Martinez de Ripalda, e Societate Iesu, olim in Academia Salmanticensi Professoris Primarii, nunc in supremo Senatu Inquisitionis Generalis Fidei Censoris, adversus articulos olim a Pio v et Gregorio xiii, et novissime ab Urbano viii P.P. damnatos, Libri duo, ad disputationes de Ente supernaturali Appendix, et tomus iii.[Deux livres de Ioan. Martinez de Ripalda, {a} de la Compagnie de Jésus, jadis premier professeur en l’Université de Salamanque, maintenant censeur de la foi dans le tribunal supérieur de l’Inquisition générale, contre les articles qu’ont jadis condamnés les papes Pie v et Grégoire xiii, et tout récemment le pape Urbain viii : {b} pour servir de tome iii et d’appendice aux disputations sur l’Être surnaturel]. {c}
- Juan Martinez de Ripalda (Pampelune 1594-Madrid 1648) avait enseigné la philosophie et la théologie.
- Pie v (en 1567) puis Grégoire xiii (en 1579) avaient condamné le Baïanisme, précurseur du jansénisme, développé à Louvain par Michel De Bay (Michael Baïus, 1513-1589). Urbain viii (en 1646) en avait fait de même pour l’Augustinus de Jansenius (v. note [7], lettre 96).
- Cologne, Cornelius ab Egmondt, 1648, in‑fo de 640 pages.
Les 24 disputations contenues dans cet ouvrage visaient essentiellement à attaquer les thèses développées par les théologiens de Louvain, qui ripostèrent par le :
Ioannis Martinez de Ripalda e Societate Iesu Vulpes capta per Theologos Sacræ Facultatis Academiæ Lovaniensis.[Le Renard {a} de Ioannes Martinez de Ripalda, de la Compagnie de Jésus, capturé par les théologiens de la sainte Faculté de l’Université de Louvain]. {b}
- Ce renard est celui que saint Augustin a décrit dans son commentaire sur le Psaume 80 :
Vulpes insidiosos, maximeque hæreticos significat, dolosos, fraudulentos, cavernosis anfractibus latentes et decipientes, odore etiam tetro putentes.[Le renard figure des hommes insidieux, surtout les hérétiques, gens fourbes, tropeurs, qui, pour mieux surprendre, se cachent dans des cavernes tortueuses, et qui infectent par l’odeur épouvantable qu’ils répandent].
- Louvain, Georgius Lipsius, 1649, in‑4o de 75 pages ; l’imprimeur (de même patronyme que Juste Lipse) porte la qualité de Sacræ Facultatis Bedellus [bedeau (appariteur) de la sainte Faculté].
Les Annales de la Société des soi-disant jésuites (Paris, 1769, tome iv, v. note [26] du Naudæana 4 manuscrit) contiennent une traduction commentée de cet ouvrage (pages 333 [numérotée 233]‑445).
L’Inquisition condamna Ripalda, bien qu’il fût l’un de ses propres censeurs : le même tome iv des Annales (pages 446‑528) transcrit (en français) et commente les Décrets et censures de l’Inquisition générale d’Espagne et de celle de Valladolid contre xxii propositions que les jésuites et leurs fauteurs avaient enseignées et publiées contre S. Augustin, ses Écrits et sa Doctrine ; suivis des mémoriaux présentés à Philippe iv, roi d’Espagne, et à l’Inquisition générale de ce royaume, en dénonciation de ces propositions.
Sans le nommer, Guy Patin évoquait le prosélytisme de François Fleury (Chaumont-sur-Marne 1605-Thorn 31 octobre 1658) : docteur de Sorbonne, chanoine de Verdun, il avait adhéré aux idées de Port-Royal en approuvant l’Augustinus (1640) puis La fréquente Communion (1643) ; nommé en 1645 confesseur de la princesse Marie (Louise-Marie de Gonzague, v. note [2], lettre 128), il l’avait suivie en Pologne où elle était arrivée en 1646 pour devenir reine, épouse de Ladislas iv ; depuis lors, Fleury y avait promu le jansénisme avec très grand succès. Après la mort de Ladislas en 1648, le nouveau roi, Jean ii Casimir, avait épousé la veuve de son frère et avait mis en faveur les jésuites. Les bons pères avaient depuis engagé une lutte sans relâche contre l’abbé janséniste. Elle ne s’acheva qu’à sa mort, pendant le siège de Thorn par les Suédois (v. note [30], lettre 547) (Dictionnaire de Port-Royal, lettre 412).