Autres écrits
Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-5  >

Pages 201‑251 [1]


1.

« Le Christ, qui est la vérité même, n’a pas besoin de mensonge » : passage emprunté à la lettre du 18 juillet 1642 (v. sa note [8]), tiré d’une des plus violentes diatribes de Guy Patin contre Rome et ses moines, que les rédacteurs de son Esprit n’ont pas eu l’audace de reprendre.

2.

Le passage entre guillemets anglais est emprunté à la lettre du 28 juillet 1642, qui identifie le « docteur thériacal » à Le Fèvre, empirique de Troyes (dont le prénom est inconnu, v. note [5], lettre 61). Ses notes [3][6] donnent les explications requises et les traductions du latin :

3.

Je n’ai trouvé le mot « apointance » (avec un ou deux p) dans aucun dictionnaire. L’édition suivante de L’Esprit de Guy Patin (Amsterdam, 1710, page 146) a donné du sens à la phrase en y remplaçant « matière d’apointance » par « matière à l’expérience », ce qui convient bien à une glose sur l’empirisme (v. note [6], lettre 28).

Ce commentaire sur les charlatans ultramontains (italiens) est dans l’esprit de Guy Patin, mais inédit sous sa plume. Le « pays non plus ultra » [plus rien après] est l’au-delà, dans le sens de trépas, et non d’extrémité géographique du monde connu (v. note [19], lettre 901).

4.

Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont brodé un commentaire sur le récit qu’ils ont emprunté à l’écrivain et orientaliste français Antoine Galland (1646-1715), immortalisé par sa traduction des Mille et Une Nuits (1704-1717). On lit cette anecdote aux pages 70‑71 de son ouvrage moins célèbre, intitulé Les Paroles remarquables, les bons mots et les maximes des Orientaux. Traduction de leurs ouvrages en arabe, en persan et en turc, avec des remarques : {a}

« Le médecin Bacht-Ieschoua alla un jour faire sa cour au calife Mutevekkel-ala-llah et le trouva seul. Il s’assit près de lui comme il avait coutume de le faire ; et comme sa veste était un peu décousue par le bas, le calife, en discourant, acheva insensiblement de la découdre jusqu’à la ceinture ; et dans ce moment, suivant le sujet dont ils s’entretenaient, il demanda au médecin à quoi l’on connaissait qu’il était temps de lier un fou. Bacht-Ieschoua répondit : “ Nous le lions lorsqu’il est venu au point de découdre la veste de son médecin jusqu’à la ceinture. ”

Remarques. Au rapport d’Aboulfarage, {b} le calife rit si fort de la réponse du médecin qu’il se laissa aller à la renverse sur le tapis où il était assis. En même temps, il lui fit apporter une autre veste fort riche, avec une somme d’argent très considérable qu’il lui donna.

Ce Bacht-Ieschoua était fils de Gabriel, de qui il est parlé ci-dessus ; {c} mais nonobstant cette grande familiarité, il lui arriva mal d’avoir fait un grand festin au même calife, qui fut choqué de sa magnificence et de la grande opulence avec laquelle il l’avait régalé ; car peu de temps après, il le disgracia et exigea de lui des sommes très considérables. Il est remarqué que de la vente seule du bois, du vin, du charbon et d’autres provisions de sa maison, on fit une somme d’environ trente-six mille livres. » {d}


  1. Paris, Simon Benard et Michel Brunet, 1694, in‑8o de 356 pages.

  2. Autrement appelé Bar Hebræus, Aboulfarage (Aboul Faradj) est un historien, médecin et philosophe syriaque chrétien du xiiie s.

  3. Page 67 du même ouvrage : « Gabriel était petit-fils de Georges, fils de Bacht-Ieschoua […], et médecin à la cour d’Haroun-er-reschid. »

    Ces précisions de Galland permettent d’identifier le souverain de son récit comme étant un des califes abbassides qui gouvernèrent le monde musulman après Haroun ar-Rachid (mort en 809). La proximité des noms mène à Al-Mutawakkil, petit-fils d’Haroun, qui a régné sur le Califat abbasside de 847 à 861.

    La folie du calife était une Manie : « emportement et dérèglement de l’esprit ; “ Il ne fait pas bon auprès de cet homme-là, quand il est dans sa manie ” » (Furetière).

    Ma transcription de L’Esprit de Guy Patin en a respecté (mais harmonisé) les altérations patronymiques.

  4. L’ascension et la chute de ce courtisan médecin ne vont pas sans rappeler celles de Nicolas Fouquet sous le règne de Louis xiv, en 1661 (v. note [11], lettre 712).

5.

Emprunt à la lettre du 30 juillet 1642 (v. ses notes [5] et [6]), où Guy Patin déplorait le sort réservé aux comploteurs impliqués dans la conspiration de Cinq-Mars, contre la Couronne de France :

Le commentaire qui suit ne figure pas dans la lettre manuscrite et n’est pas du tout dans le ton de ce que Patin aurait pu dire de la famille de Thou, qu’il vénérait profondément.

6.

« Monsieur, je ne comprends pas la langue irlandaise », en remplaçant Irlandia (nominatif du nom propre signifiant « Irlande ») par Irlandam (accusatif féminin de l’adjectif Irlandus, « irlandais ») et en sous-entendant linguam [la langue]. Je n’ai trouvé ce propos ni dans les écrits de Guy Patin, ni dans la correspondance de Joseph Scaliger, ni dans les Scaligerana.

V. note [10], lettre 754, pour les « Hibernois logiciens ».

Les ous des Irlandais se référaient à leur manière de prononcer la désinence latine us, comme dans dominus, qu’on peut prononcer dominous ou dominusse : le conteur de l’article préférait la seconde manière et trouvait toutes les « espèces » (les significations) changées quand son interlocuteur utilisait la première manière ; toutefois, la remarque s’entend mieux si on exagère l’accent des Irlandais en leur faisant dire dominiousse.

Revenu bredouille de mes recherches dans Scaliger et Patin, je me suis rabattu, excusez du peu, sur Érasme, qui a discuté cette amusante question dans son :

De recta Latini Græcique sermonis pronuntiatione Dialogus.

[Dialogue sur la Prononciation correcte des langues latine et grecque]. {a}

Érasme y fait intervenir deux interlocuteurs, Ursus [U, l’Ours] et Leo [L, le Lion], avec cet amusant échange (pages 138‑139) :

U. […] Sed quid risisti Leo ? L. Rugire leonum est, non ridere. Dicam tamen quæ res in mentem veniens mihi risum excusserit.
U. Narra te quæso, ut ipse quoque tecum rideam.
L. Dicam. Non admodum diu est, quod me forte præsente Maximilianus Cæsar, ab aliquot oratoribus salutaretur, quod ex more magis quam ex animo nonnunquam fieri solet, quorum unus erat Gallus, natione Cenomanus, nomen non exprimam, ne videar hominum notare, cui bene volo. Is orationem ab Italo quopiam, ut arbitror, compositam, nec male Latinam, adeo Gallice pronuntiavit, ut Italis aliquot eruditis qui tum aderant, Gallice, non Latine dicere crederetur. Nominare possim ex illis aliquot tibi non ignotos. Quum is prerorasset, non absque incommodo ; nam in media dictione sibi exciderat, turbatus, ut conjicio, risu circumstantium : quærebatur qui ex more responderet, idque ex tempore. Nam Galli oratio præter expectationem acciderat. Protrusus est ad hoc negocii Doctor quidem aulicus.
U. Unde id liquebat ?
L. Pileum gestabat suffultum candidis pellibus. Hoc signi. Is hunc in modum ortus est,
Cæsare magestas ualde caudet fidere fos : aliaque tanto spiritu, tamque Germanice, ut nemo vulgari lingua dicens possit magis Germanice. Hunc maior excepit risus. Sequutus est orator Daniæ, quanquam is qui dicebat videbatur Scotus, mire referens eius gentis pronuntiationem. Huic oppositus est Zelandus quidam, deierasses neutrum loqui Latine. U. Quid interea Cæsar, potuit ne tenere risum ?
L. Assueverat huiusmodi fabulis, nec erat ullius linguæ rudis. Verum hæc eo dico : quo tua dicta confirmem, nihil prius curandum quam ut puer dediscat vitia linguæ gentilitiæ
.

[U. Mais pourquoi donc as-tu ri, Leo ?
L. Le propre du lion est de rugir, et non de rire. Je te raconterai pourtant l’histoire qui m’a secoué de rire en me venant à l’esprit.
U. Raconte-la-moi, que je puisse rire avec toi.
L. La voici. Il n’y a guère longtemps, je fus par hasard présent quand l’empereur Maximilien {b} reçut les compliments de quelques ambassadeurs, comme on fait de temps à autre, mais plus par coutume que par sincère élan du cœur. L’un d’eux était Français, originaire du Mans ; je tairai son nom pour ne pas sembler le ridiculiser, car je lui veux du bien. Je ne sais quel Italien lui avait, je pense, écrit son discours, et en assez beau latin ; mais il le lut avec un tel accent que quelques savants italiens, qui se trouvaient là (je pourrais te donner leurs noms, car tu les connais), crurent qu’il parlait en français, et non en latin. Quant il eut terminé, non sans embarras, car il se perdit au beau milieu de sa harangue, troublé, je pense, par les rires de l’auditoire, on chercha qui allait lui répondre au pied levé, comme il se devait, et ce contre toute attente, car le Français avait fini par arriver au bout de sa péroraison. Un des docteurs de la cour fut alors poussé en avant pour ce faire.
U. Qu’advint-il alors ?
L. Il arborait un bonnet garni de fourrure blanche, remarque bien cela et commença ainsi : Cæsare magestas ualde caudet fidere fos ; {c} et ainsi de suite, mais avec tant d’arrogance et de germanisme que personne n’eût pu être plus allemand en s’exprimant dans sa langue maternelle ; si bien qu’on se mit à rire de plus belle. Vint ensuite un orateur du Danemark, à ce qu’il disait, car il semblait être Écossais, à la manière étonnante dont il avait adopté la prononciation de ce peuple, puis ce fut le tour d’un Zélandais, mais tu aurais juré qu’aucun des deux ne savait le latin.
U. Comment l’empereur a-t-il pu se retenir de rire pendant tout ce temps ?
L. Il était habitué à ce genre de palabres et n’ignorait aucune langue. En vérité, je te raconte cela pour confirmer tes dires : rien n’est plus important que d’avoir désappris dès l’enfance les défauts de sa langue maternelle]. {d}


  1. Paris, Robert Estienne, 1547, in‑8o de 143 pages, pour la première de nombreuses éditions.

  2. V. note [4], lettre 692, pour l’empereur Maximilien ier (1508 à 1519), grand-père et prédécesseur de Charles Quint.

  3. Transcription phonétique donnée par Érasme, pour reproduire l’accent de l’orateur allemand disant : Cæsar majestas valde gaudet videre vos [Sa Majesté l’empereur se réjouit fort de vous voir].

  4. Quiconque a jamais assisté à une conférence internationale en anglais savourera sûrement la satire d’Érasme.

7.

Les lettres de Guy Patin sont certes lardées de citations latines empruntées à Cicéron ou à Térence, parmi une armée d’autres, mais l’aveu paraît trop balourd et cousu de fil blanc pour pouvoir lui en attribuer sûrement la paternité (comme celle du reste de cet article, me semble-t-il).

8.

Citation allégée, pour ménager la mémoire du cardinal Richelieu, d’un passage de la lettre du 6 mars 1643, v. ses notes [6][8] pour ses explications et les traductions de son latin :

9.

Le début de cet article raboute deux passages de la Vie d’Auguste par Suétone.

Je n’ai pas trouvé la source de la citation sur Auguste qui conclut l’article de L’Esprit de Guy Patin.

10.

Cet article plagie un ouvrage que Guy Patin n’a pas pu lire, intitulé :

Histoire de Théodose le Grand, {a} pour Monseigneur le Dauphin. Par Monsieur Fléchier, {b} abbé de S. Séverin, de l’Académie française. {c}

L’emprunt porte sur l’attaque de Constantinople par les Goths en l’an 378 (livre i, chapitre lxxvii, page 108) :

« Le combat fut sanglant, et finit par une action qui surprit les Goths et jeta la frayeur dans leur armée.

Quelques bataillons sarrasins que la reine Mauvia {d} avait envoyés au secours de l’Empire, et que Valens {e} avait laissés en garnison à Constantinople, étaient aux mains avec l’ennemi, et la victoire était encore incertaine, lorsqu’on vit tout à coup paraître un soldat de cette nation, le poignard à la main et murmurant je ne sais quels mots lugubres. Il sortit des rangs tout nu, et s’élançant sur le premier Goth qu’il rencontra, lui planta le poignard dans le sein, et se jeta promptement sur lui pour sucer le sang qui coulait de la plaie qu’il venait de faire. Les Goths, étonnés de cette action brutale qu’ils prirent pour un prodige, s’enfuirent en désordre et n’eurent plus le courage d’attaquer les Sarrasins. »


  1. V. note [3] de l’Observation i de Charles Guillemeau et Guy Patin sur les apothicaires.

  2. Esprit Fléchier (Pernes-les-Fontaines, en Provence 1632-Montpellier 1710), gouverneur du grand dauphin Louis (v. note [12], lettre 715), prédicateur et littérateur de grand renom, a été évêque de Lavaur (1685) puis de Nîmes (1689).

  3. Paris, Sébastien Marbre-Cramoisy, 1679, in‑12 de 535 pages, pour la première de plusieurs éditions.

  4. Mauvia ou Mavia, reine chrétienne d’une tribu sarrasine à la mort de son mari (vers 375), s’était alliée aux Romains après les avoir combattus. Sans gratitude pour la victoire de ses troupes à Constantinople, elle aurait ensuite été réduite en esclavage.

  5. Valens a régné sur l’Empire romain de 364 à 378. Il venait alors d’être tué au cours de la bataille d’Andrinople contre les Wisigoths.

11.

Guy Patin admirait beaucoup Jacques Houllier, {a} mais la matière de cet article est empruntée à l’addition d’Antoine Teissier dans ses Éloges {b} (tome premier, pages 221‑222), qui ne contient que la première des deux coquilles de L’Esprit de Guy Patin (signalées entre crochets dans ma transcription).


  1. V. notes :

    • [9], lettre 131, pour Jacques Houllier (Jacobus Hollierus) ;

    • [14], lettre 738, pour ses Opera omnia [Œuvres complètes] (Paris, 1664, pour l’édition à laquelle Patin a contribué), qui contient son édition revue de la « Thérapeutique obstétricale » de Jean Le Bon ;

    • [13], lettre 78, pour sa traduction latine et ses commentaires des « Prénotions coaques d’Hippocrate » (Lyon, 1576).

  2. Genève, 1683, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2.

12.

Quatrain de John Owen intitulé Londinum [Londres] : {a}

« Ville stérile, tu transformes en excréments les fruits des champs : le champ transforme les excréments en récolte. Toi, tu dois nourriture et vie au paysan avide ; lui n’en doit pas moins à tes excréments. »


  1. Épigramme 29, livre troisième, page 194 (Amsterdam, 1647, v. note [41] du Borboniana 10 manuscrit).

13.

« Les maux suprêmes ont coutume de rassurer » (Sénèque, Œdipe, acte ii, scène 2, vers 386).

Rien ne garantit que l’esprit de Guy Patin a produit les banalités qui suivent cette citation.

14.

« On dit figurément, qu’“ une question passe du bonnet ”, qu’“ on opine du bonnet ”, lorsque tout le monde est de même avis, ou qu’on opine sans raisonner et selon le sentiment de ceux qui ont déjà opiné » (Furetière).

Je n’ai pas lu ailleurs cette intéressante digression lexicale. Dans leurs délibérations, magistrats, ecclésiastiques et docteurs adhéraient à l’opinion soumise en levant leur bonnet carré.

15.

Tel qu’imprimé dans L’Esprit de Guy Patin, ce latin contient trois erreurs : oberos (forme inexistante) pour obesos (« obèses »), domum (accusatif de domus, « maison ») pour demum (« seulement »), et malicentes (forme inexistante) pour emaciatos (« émaciés »). En outre, il ne contient pas les mots correspondant à « ils aiment trop la bonne chère et leurs plaisirs » que donne la traduction qui le précède.

La source est grecque, dans la Vie de César par Plutarque (chapitre lviii, traduction d’Alexis Pierron, 1853) :

« César n’était pas sans quelque soupçon sur son compte : souvent même on lui faisait des rapports qui le lui rendaient suspect ; mais, s’il craignait l’élévation de son âme, sa dignité personnelle et le crédit de ses amis, il se confiait d’ailleurs en la bonté de son naturel et de ses mœurs. Toutefois, quelqu’un étant venu l’avertir qu’Antoine et Dolabella {a} tramaient quelques nouveautés : “ Ce ne sont pas, dit-il, ces gens si gras et si bien peignés que je crains, mais bien ces hommes maigres et pâles. ” Il désignait par là Brutus et Cassius. » {b}


  1. Publius Cornelius Dolabella, gendre de Cicéron et allié de Marc-Antoine (v. note [8], lettre 655), fut un soutien peu solide de César.

  2. V. notes [3], lettre 540, pour Brutus, et [7], lettre 369, pour Cassius, deux des assassins de Jules César.

16.

Cette légende scandinave (gothe) surnomme Éric Chapeau venteux (Erik Väderhatt) un roi de Suède supposé être Erik Anundsson, qui régna au ixe s.

La source se lit dans la riche :

Historia de gentibus Septentrionalibus, earumque diversis statibus, conditionibus, moribus, ritibus, superstitionibus, disciplinis, exercitiis, regimine, victu, bellis, structuris, instrumentis, ac mineris metallicis, et rebus mirabilibus, necnon universis pene animalibus in Septentrione degentibus, eorumque natura.
Opus ut varium plurimarumque rerum cognitione refertum, atque cum exemplis externis, tum expressis rerum internarum picturis illustratum, ita delectatione iucunditateque plenum, maxima lectoris animum voluptate facile perfundens.
Autore Olao Magno Gotho archiepiscopo Upsalensi Suetiæ et Gothiæ Primate. Cum indice locupletissimo
,

[Histoire des peuples septentrionaux, et de leurs divers états, conditions, mœurs, rites, superstitions, sciences, armées, leurs régime de vie et alimentation, leurs guerres, organisations, outillages, mines métalliques et autres choses admirables, ainsi que de presque tous les animaux vivant dans le Septentrion et de leur nature.
Ouvrage si empli de connaissances de faits divers et nombreux, et illustré tant d’exemples pris à l’étranger que d’expressives illustrations domestiques qu’il comblera aisément de délectation, d’agrément et de plaisir l’esprit du lecteur.
Par Olaus Magnus, archevêque goth d’Uppsala, primat de Gothie et de Suède. {a} Avec un très copieux index] ; {b}

livre iii, page 116 du chapitre xiiii, De arte magica Erici Ventosi pilei, et aliorum [La magie d’Éric Chapeau venteux, et d’autres] :

Hic Ericus Rex Suetiæ in arte magica nulli suo tempore secundus habebatur : tamque familiaris erat malis dæmonibus quorum cultui summopere vacabat, ut quocunque verteret pileum suum confestim inde optatus ventus aspiraret. Quo eventu inditum illi nomen fuit, ut Ventosus pileus diceretur. Creditumque a multis erat, Regnerum Daniæ Regem huius Erici nepotis sui ductu in remotissimas orbis partes piraticam feliciter extendisse, multasque regiones, et munitissimas urbes eius ingenio subiugasse.

[En son temps, on tenait cet Éric, roi de Suède, pour sans égal en matière de magie. Il était si familier des mauvais démons, dont il pratiquait le culte avec immense assiduité, que le vent soufflait immédiatement dans la direction où il tournait son chapeau. De là lui vint le nom de Chapeau venteux. Beaucoup croyaient que, sous la conduite de son neveu Éric, Regnerus, roi de Danemark, {c} a répandu la piraterie avec succès dans les parties les plus éloignées du monde et, par son talent, a soumis quantité de contrées et de villes solidement fortifiées].


  1. Olaus Magnus est le nom latin d’Olof Månsson (Linköping 1490-Rome 1557), prélat catholique suédois.

  2. Rome, Ioannes Maria de Viottis, 1555, in‑4o illustré de 813 pages.

  3. Peut-être Reginfried, qui régna sur le Danemark de 812 à 814.

Guy Patin pouvait certes avoir lu ce livre (sans l’avoir jamais mentionné dans ses lettres) ; mais les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin (dont le latin n’était pas le principal talent) ont plus probablement emprunté leur article à la page 54 vo de l’Histoire des pays septentrionaux, écrite par Olaus le Grand… (Paris, Martin le Jeune, 1561, in‑8o de 528 pages).

17.

Ovide, vers 5‑6, lettre 5 du livre cité :

« Tu comprends que l’oisiveté corrompt un corps indolent, comme les eaux s’enveniment quand elles croupissent. »

18.

« pour l’honneur » : « expression empruntée du latin, dont on se sert en français, dans le style familier, en parlant d’un titre sans fonction et sans émoluments : “ C’est une place, un titre ad honores. ” On le dit quelquefois en mauvaise part, en parlant d’une personne qui ne remplit pas les devoirs de sa place, de sa charge : “ On dirait qu’il n’est magistrat qu’ad honores ” » (Académie).

19.

Éloges d’Antoine Teissier, {a} reprenant et complétant celui de Jacques-Auguste i de Thou sur Octavien Pantagate (tome premier, pages 333‑334) :

« Octavien Pantagato {b} était un homme d’une singulière prudence, d’un jugement admirable, et qui était bien versé dans toutes les disciplines et tous les beaux arts. Manuce {c} l’appelle une fontaine abondante des sciences les plus excellentes. Lævin Torrentin {d} parlant de lui :

Quo gaudet, dit-il, omnis Roma superstite
Fletura defuncto, nec ullis
Temporibus paritura talem
. {e}

Quoique Pantagato fût très capable de faire de beaux ouvrages, toutefois, à l’exemple de Socrate, il n’a laissé aucun monument de son esprit. »


  1. Genève, 1683, v. supra note [11].

  2. Ottavio Bagatta (Brescia 1494-Rome 1567), prêtre érudit italien, avait changé son nom de famille en Pacato, puis Pantagato (du grec pantagathos, entièrement bon). De Thou a dit de lui (Histoire universelle, livre xli, année 1567, thou fr, volume 5, page 308) :

    « Tous ceux qui faisaient profession de littérature à Rome venaient le trouver en foule, et il répondait dans sa maison à tous ceux qui venaient le consulter sur les belles-lettres, comme les anciens jurisconsultes répondaient dans des places publiques à ceux qui venaient les consulter sur le droit ; et tous sortaient d’avec lui plus instruits qu’ils n’étaient en y entrant. Onupfre Panvini, Antoine Augustin et Fulvius Ursinus, trois des plus savants hommes de leur temps, furent ses principaux admirateurs ; ils ont avoué sincèrement qu’ils avaient beaucoup appris d’un si grand maître, et qu’ils avaient donné au public bien des choses dont il avait eu la bonté de leur faire part. »

  3. Paul Manuce, v. note [16], lettre latine 38.

  4. Lævin Torrentin est le nom francisé (que L’Esprit de Guy Patin a écorché en Torrenem) de Lævinus Torrentius, Leven (Liévin) van der Beken (Gand 1525-Bruxelles 1595), ecclésiastique érudit et littérateur flamand, qui fut évêque d’Anvers (installé en 1587).

  5. Transcription des trois derniers vers d’un poème de Torrentius intitulé In febrim Octavii Panagathi [Contre la fièvre d’Octavius Panagathus], imprimée pages 343‑345, Odarum ad amicos Liber prior [Premier livre des Odes à des amis], de ses Poemata sacra [Poèmes sacrés] : {i}

    « [Le salut du grand Panagathus n’a pas de prix,] {ii} Rome tout entière se réjouit qu’il ait survécu, elle le pleurera quand il mourra, car jamais elle n’engendrera un homme qui l’égale. »

    1. Anvers, Plantin, 1594, in‑8o de 392 pages.

    2. Traduction du vers qui précède les trois derniers : Magni æstimanda est Panagathi salus.

20.

« Tout le monde commence à se faire à rebours », pour dire « Le monde entier se met à marcher sur la tête ».

Le dos d’un livre est « le côté par où il est relié » (Furetière). La mode de placer des livres factices dans les casiers d’une bibliothèque n’a pas disparu, mais sans jamais cesser de faire sourire les vrais amateurs de littérature, comme était Guy Patin, car ils n’estiment pas la valeur d’un ouvrage sur ce que promet sa reliure.

Son Esprit prête ici au mot « bibliomanie » un sens péjoratif que ne lui a pas donné Patin, à qui on attribue son invention (v. note [16], lettre 299). Le début de l’article suffit à écarter l’idée qu’il en soit l’auteur, bien que les forgerons du Faux Patiniana se soient donné beaucoup de mal pour le faire croire à leurs lecteurs.

21.

Ces trois articles sont extraits de lettres que Guy Patin a écrites à Claude ii Belin en 1644 :

22.

Une entrée du mot « Clémence », à la page 24 du lexique intitulé L’Esprit des hommes illustres, ou les heures récréatives des honnêtes gens, {a} me semble fort être la source de cet article de L’Esprit de Guy Patin :

« Louis xii, roi de Fr., {b} ayant succédé à son beau-frère Charles viii, {c} marqua d’une croix le nom de tous ceux qui pendant le règne de son prédécesseur lui avaient rendu de mauvais services. Cela ne fut pas plus tôt su à la cour, que ces gens-là s’éloignèrent ; mais il les fit revenir, et leur dit : “ Vous ne deviez pas vous absenter, la croix que j’avais marquée à vos noms ne signifiait pas le gibet, elle marquait, comme celle du Sauveur, l’oubli et le pardon de vos injures. ” »


  1. La Haye, Abraham Arondeus, 1699, in‑12 de 325 pages, recueil anonyme qui a paru pour la première fois à Paris en 1680 avec un sous-titre un peu différent.

    Le Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes d’Antoine-Alexandre Barbier {i} (tome premier, page 414, notice 5426) l’attribue au « sieur de Bezançon, docteur en médecine ». Il est certain que Guy Patin n’a pas pu lire le paragraphe qui me semble avoir guidé la plume des rédacteurs du Faux Patiniana.

    Bezançon aurait été prénommé Germain {ii} et a signé l’épître dédicatoire à Guy-Crescent Fagon {iii} de :

    La Médecine prétendue réformée, ou l’Examen d’un traité des fièvres. Imprimé à Utrecht, et composé par un auteur hollandais, qui prétend renverser toutes les opinions des médecins anciens et modernes, tant dans leur théorie que dans leur pratique. {iv}

    1. Paris, Barrois l’aîné, 1822, in‑8o.

    2. Il ne figure ni dans le catalogue universitaire de Baron (Paris) ni dans celui de Dulieu (Montpellier).

    3. Premier médecin de Louis xiv, v. note [5] du Point d’honneur médical de Hugues ii de Salins.

    4. Paris, L. d’Houry, 1683, in‑8o de 165 pages.

  2. V. note [17], lettre 117.

  3. V. note [14], lettre 997.

23.

« Une excuse non demandée est une accusation [un aveu de culpabilité] manifeste » : adage latin médiéval.

Je n’ai pas identifié la source exacte de la première citation latine, suivie de sa traduction (entre guillemets français) ; mais elle me semble paraphraser la fin du discours que tint un chef scythe à Alexandre le Grand, tel que l’a rapporté Quinte-Curce dans le livre vii de son Histoire :

Iurando gratiam Scythas sancire ne credideris ; colendo fidem iurant. Græcorum ista cautio est, qui pacta consignant et deos invocant ; nos religionem in ipsa fide novimus : qui non reverentur homines, fallunt deos. Nec tibi amico opus est, de cuius benivolentia dubites.

Traduction dans l’Alexandre français, image de la fortune et de la vaillance : à la noblesse française. Ou l’Histoire de Quintus Curtius, des faits d’Alexandre le Grand. Nouvellement traduite en français par N. de Soufour, sieur de Glatigny… {a} (page 515) :

« Ne croyez pas des Scythes qu’en les faisant jurer, ils en soient plus tôt vos amis : leur serment est de respecter leur foi. Vous, Grecs, donnez pour caution des actes que vous signez et des dieux que vous invoquez. Chez nous, l’âme de la religion, c’est notre foi, car c’est tromper les dieux de ne pas respecter les hommes ; et vous n’avez que faire de tenir pour ami celui de qui la bienveillance vous est suspecte. »


  1. Paris, Antoine de Sommaville, 1629, in‑8o de 772 pages.

24.

Le début de cet article (mis entre guillemets anglais) est emprunté à la lettre du 2 janvier 1646 (v. sa note [9]) ; mais les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin se sont ici fourvoyés en interprétant entièrement de travers l’aphorisme de Louis Duret : il voulait seulement dire que la goutte supprimée était la pire de toutes les formes de cette maladie.

25.

Plutarque, Sur les moyens de réprimer la colère, chapitre 6 (traduction de Dominique Ricard, 1743) :

« L’orateur Caius Gracchus, {a} dont les manières étaient dures et qui parlait avec trop de véhémence, réglait sa voix par une de ces petites flûtes au moyen desquelles les musiciens observent la gradation dans les tons différents. {b} Lorsqu’il parlait, un de ses domestiques se tenait derrière lui avec cette flûte, jouant un air doux et modéré afin de ramener la voix trop criarde de son maître et de lui faire prendre un ton qui n’eût point d’âpreté et de colère. C’était comme dans les pastorales où “ De légers pipeaux, par leur note paisible, invitent au repos ” : de même, cette flûte calmait et adoucissait l’emportement de l’orateur. »


  1. Caius Gracchus, issu de l’illustre famille Cornelia, est un tribun de la plèbe du iie s. av. J.‑C. V. note [6], lettre 959, pour sa mère Cornélie et son frère Tiberius Gracchus.

  2. Ancêtre du diapason, cette flûte portait le nom de tonorion.

26.

Nouvel emprunt aux Éloges d’Antoine Teissier (Genève, 1683, v. supra note [11]), dans son addition sur André Vésale (v. note [18], lettre 153), tome premier, pages 260‑262.

Dans ses lettres, Guy Patin s’est intéressé à la mort de Vésale (v. notes [7], lettre latine 452, et [4], lettre latine 474), mais n’a guère parlé de ses ouvrages. Teissier citait trois d’entre eux, dont les deux derniers sont surprenants :

  1. Andreæ Vesalii Bruxellensis, Scholæ Medicorum Patavinæ professoris, suorum de humani corporis Fabrica librorum Epitome,

    [Abrégé des livres d’André Vésale, natif de Bruxelles, professeur de la Faculté de médecine de Padoue, sur la Structure du corps humain] ; {a}

  2. Andreæ Vesalii Bruxellensis Philippi Hispaniarum Regis Medici, Chirurgia magna in septem libros digesta. In qua nihil desiderari potest, quod ad perfectam, atque integram de curandis humani corporis malis, methodum pertineat. Prosperi Borgarutii excellentissimi Philosophi, ac Medici Regii, opera, atque diligentia expolita, emendata, in ordinem digesta, comparata, et ut sua edita. Cum amplissimis Indicibus tum capitum : tum rerum omnium memorabilium.

    [Grande Chirurgie d’André Vésale, natif de Bruxelles, médecin du roi Philippe d’Espagne. Divisée en sept livres, elle ne peut rien laisser à désirer de mieux touchant à la parfaite et entière méthode pour guérir les maladies du corps humain. Prosperus Borgarutius, {b} excellent philosophe et médecin royal l’a polie avec soin, corrigée, mise en ordre, éditée et l’a publiée comme sienne. Avec de très amples index des chapitres et de toutes les matières remarquables]. {c}

  3. La Pro visu partim depravato, partim abolito, D. Andr. Vesalii Consilium [Consultation de M. Andr. Vésale pour un cas de vision en partie perturbée et en partie abolie] se trouve à la toute fin (colonnes 129‑137) {d} de l’Appendix des :

    Consultationes Medicæ Ioannis Baptistæ Montani. Antea quidem Ioannis Cratonis Vratislaviensis Medici Cæsarei opera atque studio corrrectæ, emendatæ, adauctæ : nunc vero et novarum Consiliorum Appendice, et necessariis veterum Additionibus locupletata.

    [Consultations médicales de Ioannes Baptista Montanus. {e} Précédemment revues, corrigées et augmentées par les soins et le travail de Ioannes Crato, {f} médecin impérial natif de Breslau, les voici maintenant enrichies d’un Appendice contenant de nouvelles consultations, et d’additions nécessaires aux anciennes]. {g}


    1. Bâle, J Opporinus, 1543, in‑fo de 12 feuilles (24 pages) : bref mais splendide atlas présentant les principales observations anatomiques que Vésale a détaillées dans sa Fabrica (ibid. même année).

    2. La biographie de Prosperus Borgarutius (Prospero Borgarucci, né à Canziano, en Ombrie, vers 1540), professeur d’anatomie à Padoue et disciple de Vésale, est en bonne partie énigmatique : il prétendait avoir tiré sa Chirurgie d’un manuscrit des leçons de Vésale qu’il avait trouvé à Paris, ce qui fut aussitôt contesté ; il mourut probablement à Londres dans les années 1570.

    3. Venise, Officina Valgrisiana, 1568, in‑8o de 950 pages. Dans sa longue épître dédicatoire au botaniste Giacomo Antonio Cortusi, datée de Padoue le 13 septembre 1568, Borgarucci donne l’image d’un esprit inquiet, persécuté, vindicatif et mal à son aise pour justifier l’authenticité vésalienne de sa Chirurgie.

    4. Datée de Padoue, le 29 avril 1542, et adressée à un dénommé Wolfgangus Herwart, à Augsbourg, elle est précédée de cet avertissement de l’imprimeur au lecteur :

      Cum hoc consilium Doctiss. Medici Andreæ Vesalii inter cætera Montani scripta esset repertum, chartæque hic aliquot vacarent, volui illud quoque studiosis communicare : nam hoc etiam singulari diligentia conscriptur esse videtur.

      [Puisqu’on a trouvé cette consultation du très savant médecin André Vésale parmi d’autres écrits de Montanus, et qu’il restait ici quelques pages vides, j’ai voulu la communiquer aussi aux personnes studieuses, car elle me semble avoir été rédigée avec singulière diligence].

    5. Giovanni Battista da Monte, v. note [4], lettre 359.

    6. Johann Crato von Crafftheim, v. note [2], lettre 845.

    7. Sans lieu ni nom, 1572, in‑fo en deux parties de 1 024 et 137 colonnes.

Bien que professeur d’anatomie au Collège de France, Patin n’a jamais cité la Fabrica de Vésale. Cela peut surprendre, sauf à considérer que cent ans après sa parution, ce remarquable ouvrage, aujourd’hui admiré comme un phare dans l’histoire de la médecine, était tenu pour démodé et imparfait : il en avait paru maints autres dans son sillage (tels ceux de Jean i et Jean ii Riolan, d’André Du Laurens i ou de Caspar i Bartholin), qui l’avaient critiqué, mais aussi plagié ; et les médecins avaient l’esprit fort occupé par les révolutions en cours, autour de la circulation du sang, du mouvement du chyle ou de la microscopie naissante, que Vésale n’avait pas pressenties.

27.

Article tiré de la lettre des 18 et 22 août 1647, v. sa note [21]. Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont jugé prudent de supprimer : « où il [David Blondel] montre qu’elle [la papesse Jeanne] ne fut jamais ».

28.

Lucrèce, La Nature des choses, livre i, vers 641‑644 :

« Car les sots aiment et admirent au plus haut point tout ce qui se cache sous les mots pervertis, et ils établissent pour vrai tout ce qui peut agréablement leur toucher les oreilles, et ce qu’a fardé la grâce d’une sonorité. »

V. note [5], lettre 138, pour la chalandise (clientèle). Une vétille (Furetière) :

Guy Patin a blâmé le phébus (ou galimatias) des littérateurs précieux, en citant Jean-Louis Guez de Balzac, au début de sa lettre du 16 avril 1645 (v. sa note [1]), mais sans ce commentaire ; son ton et sa pertinence me pousseraient néanmoins à le lui attribuer volontiers (sans pour autant être capable de le prouver).

29.

Lettre du 19 juin 1649, avec ses deux citations latines, v. ses notes :

30.

« Le peuple lutte la plupart du temps contre ses propres intérêts » : maxime attribuée au jurisconsulte français Pierre Rebuffi (1497-1557).

Cette citation et tout le commentaire qui l’accompagne ne peuvent pas être sûrement attribués à Guy Patin.

31.

Trois citations latines se succèdent dans la première partie de cet article.

32.

Ce commentaire est en partie fidèle à ce qu’a écrit Guy Patin dans le chapitre iv de son Traité de la Conservation de santé, Du sommeil et de la veille, mais il n’y a pas recouru aux mêmes citations ni parlé de la paresse.

33.

Article emprunté aux Voyages historiques de l’Europe, tome ii, qui contient tout ce qu’il y a de plus curieux en Espagne et en Portugal (page 85) : {a}

« On fait trancher la tête indifféremment à tous ceux qui ont tué quelqu’un, au lieu qu’en France, on ne décapite que les gentilshommes ; mais on observe une particularité remarquable, c’est que si le criminel a tué en traître, le bourreau lui donne le coup par derrière ; et au contraire, il le reçoit par devant s’il a ôté la vie à son ennemi en le frappant par devant. » {b}


  1. Paris, Nicolas Le Gras, 1701, in‑8o, ouvrage en 7 tomes, dont la première édition a paru en 1692. Son auteur est Claude Jordan de Colombier (Valence, Dauphiné 1660-1746), calviniste réfugié en Hollande, libraire-imprimeur et historiographe.

  2. Il me semble que seul un condamné couché sur le ventre ou sur le dos, la tête posée sur un billot, permettait cette décapitation optionnelle.

34.

Ce propos n’est pas de Guy Patin ; il reprend le texte d’Antoine Teissier dans son addition sur Conrad Gesner {a} dans les Éloges des hommes savants tirés de l’Histoire de M. de Thou, {b} mais cette fois dans l’édition d’Utrecht (François Halma, 1697, in‑12, tome premier, page 261) :

« Gesner a fait lui-même l’histoire de sa vie dans sa Bibliothèque, {c} où il raconte une chose qui est digne de remarque : c’est qu’il avoue franchement que ses ouvrages ne sont pas travaillés avec autant de soin et d’exactitude qu’il serait à souhaiter, parce que la misère de sa condition l’obligeait à composer des livres pour gagner sa vie, et qu’ainsi, étant forcé par deux déesses inexorables, savoir la pauvreté et la nécessité, il n’avait pas tout le loisir dont il avait besoin pour les mettre en un état aussi parfait qu’il eût pu faire, s’il n’eût écrit que pour acquérir de la gloire. Cependant, ajoute-t-il, afin que cette confession n’attire le mépris sur les livres que j’ai publiés, j’ose me vanter qu’il surpassent en quelque manière ceux qui ont été faits sur les sujets que j’ai traités. {d} Son principal ouvrage est sa Bibliothèque, qui est un travail d’une utilité merveilleuse pour tous les gens de lettres, et qui lui a attiré les éloges de tous les savants. Car avant lui, personne n’avait osé faire une entreprise de cette nature, et tous ceux qui ont depuis travaillé sur cette matière n’ont fait autre chose que polir et continuer son ouvrage et suivre les traces qu’il leur a marquées. » {e}


  1. Mort en 1565, v. note [7], lettre 9.

  2. V. supra note [8].

  3. Bibliotheca Universalis, sive Catalogus omnium scriptorum, in tribus linguibus, Latina, Græca et Hebraica, extantium et non extantium, veterum et recentiorum in hunc usque diem, doctorum et indoctorum, publicatorum et in bibliothecis latentium. Opus novum, et non bibliothecis tantum publicis privatisve instituendis necessarium, sed studiosis omnibus cujuscunque artis aut scientiæ ad studia melius formanda utilissimum : Authore Conrado Gesnero Tigurino doctore medico.

    [Bibliothèque universelle, ou Catalogue de tous les ouvrages écrits dans les trois langues, latin, grec et hébreu, imprimés ou manuscrits, anciens ou récents, savants ou non savants, publiés jusqu’à ce jour et conservés dans les bibliothèques. Ouvrage nouveau, nécessaire pour l’établissement des bibliothèques publiques ou privées, mais aussi fort utile pour la formation à la recherche de tous ceux qui étudient quelque science ou art que ce soit. Par Conrad Gesner, docteur en médecine natif de Zurich]. {i}

    1. Zurich, Christophorus Froschoverus, 1545, in‑fo de 1 262 pages, contenant un peu plus de seize mille titres et de cinq mille noms d’auteurs ; v. note [4], lettre 748, pour la réédition de 1583 (augmentée et jugée meilleure par Patin, mais beaucoup moins commode à utiliser).

  4. Entrée Conradus Gesnerus Tigurinus [Conrad Gesner, natif de Zurich], page 180 vo de sa Bibliotheca de 1545 :

    Ego vero neque gloriam privatam, neque chalcographi opes tanti facio, quanti sermonem ingenuum, qualem præcipue illum esse decet, qui publice lecturis omnibus ac de operibus publicandis scribitur. Quorsum isthæc : ut lectores intelligant non animum mihi deesse, non fidem aut diligentiam : sed earum rerum quæ ad vitam necessariæ sunt inopiam, nisi hac ope scriptorum ex tempore comparentur, non sinere ut opera mea satis maturescant, atque ideo veniam nobis exorandam esse tum in præsenti volumine tum aliis quæcunque in lucem coacti dedimus a magnis deabus Inopia et Necessitate. At ne quis ideo nos contemnat, nihil extare affero de laboribus meis (sic enim illos non immerito appellaverim) cuius me pudeat aut pœniteat, et quod non aliorum eodem in genere scripta aliquibus modis excellat.

    [Pour ma part, en vérité, je n’accorde pas autant d’importance à la gloire personnelle ou à la fortune de celui dont on a imprimé les œuvres, qu’à son discours honnête (qui est la principale qualité qu’il doit posséder), quand il écrit publiquement à tous les lecteurs dans celles qu’il met au jour. Je dis cela pour leur faire comprendre que je ne manque ni de courage, ni de confiance ou de diligence ; mais la privation de ces biens qui sont nécessaires pour vivre, dont les écrivains doivent à tout moment disposer pour travailler, ne m’a pas permis de mûrir suffisamment mes ouvrages. Tant pour ce présent volume que pour les autres que j’ai publiés, je dois donc prier qu’on me pardonne d’avoir été poussé par deux grandes déesses, la Pauvreté et la Nécessité ; mais afin que nul n’y voie motif à me mépriser, mes labeurs (car c’est ainsi que je les ai appelés, et ce non sans légitimité) ne contiennent rien dont j’aie honte ou que je regrette, ni rien qui ne surpasse, en quelque manière, ce que d’autres ont écrit dans le même genre].

    De nombreux critiques et biographes ont repris cette citation de Teissier, mais sans en transcrire la source latine.

  5. Gesner est unanimement reconnu comme le père de la bibliographie moderne.

Dans le commentaire final des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, « retour » est à prendre dans le sens de « revanche ».

35.

Je n’ai pas trouvé ces trois avis sur la noblesse ainsi réunis ailleurs que dans cet article de L’Esprit de Guy Patin.

  1. Minucius Felix (v. note [13], lettre 86), Octavius, chapitre xxxvii :

    Omnes tamen pari sorte nascimur, sola virtute distinguimur.

    [Le sort nous fait tous naître égaux, nous ne nous distinguons les uns des autres que par la vertu].

  2. Plutarque ne s’est pas moqué des « nobles en parchemin », mais du stoïcisme, dans le livre ii, Que les stoïciens disent des choses plus étranges que les poètes eux-mêmes, de son traité Des Contradictions des stoïciens (traduction de Dominique Ricard, 1844) :

    « Le sage des stoïciens est tenu prisonnier sans perdre sa liberté ; jeté dans un précipice, il ne souffre point de violence ; on l’applique à la torture, et il n’est pas tourmenté ; on le brûle, et il ne reçoit point de mal ; renversé à la lutte, il reste invincible ; environné de fortifications, il n’est point assiégé ; vendu par les ennemis, il n’est jamais captif, mais il est comme ces vaisseaux qui, portant ces inscriptions pompeuses, “ Heureuse navigation ”,  “Providence conservatrice ”, “ Abri salutaire ”, n’en sont pas moins agités par la tempête et quelquefois brisés ou abîmés sous les flots. »

  3. Apophtegmes {a} ou la Récréation de la jeunesse, contenant plus de 600 belles et facétieuses rencontres, parsemées de sentences et dits mémorables. Divisés en trois parties, non tant pour se récréer ès {b} compagnies, que profitables aux Allemands à apprendre la langue française avec un singulier plaisir. Recueillis de divers livres, et mis en tel ordre par Pierre Rayot, {c} L.P. {d}

    L’anecdote sur l’empereur Maximilien ier {e} est dans la section De la Noblesse, pages 128‑129 :

    « L’empereur Maximilian étant à Boulogne la Grasse, {f} un bourgeois de ladite ville, riche de biens mais de basse famille, se présenta devant lui, disant : “ Sacrée Majesté, votre bon plaisir soit de me faire et créer noble, car j’ai des richesses assez pour entretenir l’état de la noblesse. ” L’empereur lui répondit : “ Je te puis faire beaucoup plus riche que tu n’es pas ; mais je ne te puis faire noble, il faut que tu acquières cet honneur par ta propre vertu. ” »


    1. Paroles mémorables.

    2. En leurs.

    3. Pierre Rayot (Petrus Rayotus), professeur de langue (Linguæ Professoris, L.P.) française à l’Academia Julia de Helmstedt (v. note [19], lettre 340), mort en 1666.

    4. Wittemberg, André Hartmann, 1660, in‑8o de 221 pages.

    5. Qui a régné sur l’Empire germanique de 1493 à 1519, v. note [14], lettre 692.

    6. V. note [11], lettre 9.

La dernière phrase, mal bâtie, ne devient intelligible que si « celui-ci » renvoie au « monde [qui] ira toujours son train ». Il est difficile de retrouver l’esprit de Guy Patin dans tout ce charabia.

36.

Croira qui voudra que ces confidences sur la sagesse des épouses sont bien dans l’esprit de Guy Patin.

37.

Articles empruntés à deux lettres que Guy Patin a écrites à :

38.

Invraisemblable broderie des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin : sa bibliothèque était l’une des mieux garnies de Paris et il tirait une immense fierté du nombre de volumes qu’elle contenait.

Ce propos fait fortuitement écho à l’idée sur la qualité des livres que Roland Desmarets de Saint-Sorlin a développée dans sa seconde lettre à Patin, écrite avant 1650 et imprimée en 1655.

39.

Gian Giacomo de’ Medici (Milan 1498-ibid. 1556), marquis de Marignan, était surnommé le Medeghino [petit Medici], en raison de sa modeste taille. Son frère cadet, Giovanni Angelo, fut élu pape en 1559 sous le nom de Pie iv. {a} Ils n’étaient pas apparentés avec les Médicis de Florence. Condottiere sanguinaire, Marignan avait servi les Sforza, ses compatriotes, avant de se mettre à la solde de Charles Quint, jusqu’à l’alliance de l’empereur avec les Florentins dans leurs guerres contre les Français et leurs alliés italiens. Le dernier grand exploit militaire de Marignan fut le siège et la prise de Sienne en avril 1555. {b} L’anecdote de L’Esprit de Guy Patin est tirée de l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (livre xv, règne de Henri ii, année 1555, Thou fr, volume 2, pages 552‑553) :

« À peine le marquis de Marignan put-il faire avancer douze canons pendant cette nuit, à cause de la difficulté qu’il y avait de les transporter sur la colline. Il fit faire la première décharge contre le pied de la muraille ; mais comme elle était de brique, elle reçut les coups de canon sans en être ébranlée. On le braqua ensuite contre le milieu du mur, qu’il ouvrit sans l’abattre. Alors l’ennemi découvrit l’ouvrage que les assiégés avaient commencé au-dedans de la ville. {c} Le marquis voyant qu’il avait besoin d’un plus grand nombre de canons pour venir à bout de son entreprise et que, cependant, on ne pouvait les faire venir dans un jour, c’était donner le temps aux assiégés d’élever leurs ouvrages, il donna l’ordre à son armée, de la même manière que s’il eût dû livrer l’assaut, et demeura néanmoins dans sa litière, sous le toit d’une petite maison située derrière ses batteries, étant pour lors incommodé de la goutte. Monluc {d} ayant remarqué, du haut de la vieille citadelle, qu’on voyait le derrière du canon des ennemis, fit tirer par le meilleur canonnier de Sienne plusieurs volées, qui incommodèrent beaucoup une compagnie d’Allemands et tuèrent quelques Espagnols. Il y eut même un boulet qui entra dans la petite maison où le marquis s’entretenait avec un gentilhomme de la Chambre du roi Philippe. {e} Ce général, s’étant vu sur le point de périr sous les ruines de cette chaumière, en eut une si grande frayeur qu’aussitôt il fut délivré des douleurs de sa goutte. » {f}


  1. V. note [5], lettre 965.

  2. V. note [14], lettre 127.

  3. Les Siennois avaient fait le sacrifice de leurs jardins privés pour doubler le rempart d’un monticule de terre.

  4. Blaise de Montluc, v. note [28], lettre 203.

  5. Philippe, fils aîné de Charles Quint, était alors roi de Naples et de Sicile. Il n’allait devenir le roi Philippe ii d’Espagne qu’en janvier 1556, par l’abdication de son père.

  6. Marignan mourut dans son lit le 8 novembre, d’une rétention d’urine (ce qui fait penser que sa goutte n’avait pas entièrement guéri après sa frayeur du mois d’avril). De Thou a résumé sa vie (ibid. pages 619‑620), mais Antoine Teissier ne l’a pas reprise dans ses Éloges (v. supra note [11]).

Guy Patin n’avait pas coutume d’emprunter à l’Histoire universelle de Thou sans le citer nommément. Le commentaire vaseux sur les effets médicaux de la peur ne peut lui être sûrement attribué.

40.

Dans la dernière phrase, « entreprendre » a le sens d’« avoir dessein de ruiner quelqu’un, l’assaillir de tous côtés, lui faire tout le mal qu’il est possible » (Furetière).

Ovide (Héroïdes, épître iv, de Phèdre à Hippolyte, vers 10) :

« Ce que j’ai rougi de te dire, l’amour m’a ordonné de te l’écrire. »

Pour dire la même chose, Guy Patin citait Cicéron (v. note [6], lettre latine 19) : epistola enim non erubescit [car une lettre ne rougit pas].

Patin joli cœur ! Avant de croire ces niaiseries, il faut avoir lu le poulet que lui écrivit un jour sa chère et peu galante épouse (Intermède des Leçons au Collège de France). Une seule lettre de Patin, à Madame Anne Christine, laisse peut-être soupçonner qu’il ait eu des aventures extraconjugales.

41.

« J’avoue que c’est un homme d’une érudition sans limites, mais hélas ! de texture délicate et de santé fragile. »

Emprunt abrégé à la lettre du 14 janvier 1651, v. ses notes [1][6]. Les deux autres passages latins se traduisent par :

Le commentaire grandiloquent qui suit cherche à imiter Guy Patin, mais il ne lui ressemble guère, et il est sage de l’attribuer aux rédacteurs de son Esprit.

42.

Autre emprunt à la lettre du 14 janvier 1651, v. ses notes [10] et [11] pour les deux citations latines :

43.

Cet article est extrait de l’addition qu’a faite Antoine Teissier sur l’éloge de Jacques Grévin, poète et docteur régent de la Faculté de médecine de Paris (v. note [5], lettre 359), tome premier, page 371 (Genève, 1683, v. supra note [11]).

44.

Légende empruntée à Élien, {a} Histoires diverses, livre xiii, chapitre 33 : {b}

« Rhodope {c} passe pour avoir été la plus belle courtisane de l’Égypte. Un jour qu’elle était au bain, la fortune, qui se plaît à produire des événements extraordinaires et inattendus, lui procura une faveur qu’elle méritait moins par les qualités de son âme que par les charmes de sa figure. Tandis que Rhodope se baignait, et que ses femmes gardaient ses vêtements, un aigle vint fondre sur un de ses souliers, l’enleva, et l’ayant porté à Memphis, dans le lieu où Psammétique {d} était occupé à rendre la justice, le laissa tomber dans le sein du prince. Psammétique, frappé de la délicatesse de ce soulier, de l’élégance du travail, et de l’action de l’oiseau, ordonna qu’on cherchât par toute l’Égypte la femme à qui il appartenait : dès qu’on l’eut trouvée, il l’épousa. »


  1. V. note [2], lettre 618.

  2. Traduction du grec par Bon-Joseph Dacier, Paris, 1827, page 381.

  3. Note de Dacier (page 503) :

    « Il est difficile de concilier le récit d’Élien avec ce que dit Hérodote (liv. ii), que Rodope (Rhodope) florissait sous le règne d’Amasis, qui ne monta sur le trône que quarante-sept ans après la mort de Psammétique ; {i} à moins qu’on ne suppose avec Périzonius, {ii} ou qu’Élien s’est trompé sur le nom du roi, ou qu’il y a eu deux courtisanes du nom de Rhodope : l’une qui devint la femme de Psammétique et qui fit bâtir la pyramide qu’on voit encore aujourd’hui, {iii} et qu’on croit lui avoir servi de tombeau – ce sera celle dont parle Élien ; l’autre, d’abord appelée Doricha (Dorica), pendant son esclavage avec Ésope {iv} chez Iadmon, et qui, après avoir été rachetée par Charax, frère de Sappho, {v} dont elle était la maîtresse, exerça le métier de courtisane à Naucratis – ce sera la Rhodope d’Hérodote, laquelle florissait sous le règne d’Amasis, et qui employa la dixième partie de son bien à faire faire des broches de fer qu’elle consacra dans le temple de Delphes, broches assez fortes pour rôtir des bœufs entiers. »

    1. Deux pharaons nommés Psammétique ont régné sur l’Égypte au vie s. av. J.‑C. (xxvie dynastie). Le mythe rend illusoire d’identifier celui des deux qui épousa Rhopode.

      Memphis, sur le Nil, était la capitale de la Basse-Égypte antique.

    2. Jakob Voorbroek (1651-1715), érudit hollandais.

    3. La pyramide de Khéops, mais elle a été construite au iiie millénaire av. J.‑C., sous la ive dynastie, bien avant le règne supposé de la Rodope de la fable.

    4. Le fabuliste, v. note [6], lettre 65.

    5. Autrement nommé Caraxus ou Caraxos, v. infra seconde notule {b}.

  4. « Psammétique, fils de Bocchoris, vivait environ six siècles et demi avant l’ère chrétienne » (note de Dacier).

La fable de Rhodope aurait inspiré le conte de Cendrillon. Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont tiré leur récit de La Vie de Sapho qui se lit dans Les Poésies d’Anacréon et de Sapho, traduites de grec en français, avec des remarques. Par Mademoiselle Le Fèvre, {a} pages 390‑393 :

« Elle demeura veuve fort jeune, et si l’on en croit la plupart des Anciens qui ont écrit sa vie, elle ne vécut pas d’une manière fort régulière après la mort de son mari. Elle avait trois frères, Larichus, Eigius et Caraxus ; {a} elle fit beaucoup de vers pour Larichus ; mais elle en fit un grand nombre contre Caraxus et elle n’oublia rien pour le diffamer parce qu’il était éperdument amoureux d’une fameuse courtisane nommée Doricha ou Rodope. L’on fait une histoire de cette maîtresse de Caraxus, qui ne me paraît pas trop vraisemblable, mais qui est assez jolie pour être rapportée. On dit que cette personne se baignant un jour dans le Nil, car elle était de Naucratis, ville d’Égypte, une aigle enleva un de ses souliers des mains de sa femme de chambre, et le porta à Memphis où elle {b} le laissa tomber sur les genoux du roi, qui ce jour-là rendait la justice dans une place de la ville. Le roi, surpris de la nouveauté de cette aventure, et admirant la beauté du soulier, envoya des gens par tout le pays avec ordre de lui ramener celle à qui l’on trouverait le pareil de ce soulier. On trouva que c’était Rodope, et on l’amena au roi qui en fit sa femme. Si cette histoire est véritable, ce roi n’était pas si délicat que Sapho, qui ne pouvait souffrir que son frère fût amoureux d’une courtisane, et qui l’en haït depuis ; ce qui me fait croire qu’il ne faut pas ajouter foi à tout ce que l’on trouve écrit contre elle. »


  1. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 1681, in‑12 de 429 pages.

    Ce livre est l’œuvre d’Anne Le Fèvre (Frandchamp, près de Langres 1645-Paris 1720), future Madame Dacier (sans lien familial avec Bon-Joseph, traducteur d’Élien), qui fut une des plus brillantes femmes de lettres du règne de Louis xiv. Elle a traduit plusieurs ouvrages classiques de l’Antiquité grecque et Romaine, dont L’Iliade (1711) et L’Odyssée (1716).

  2. V. première notule {c}, note [35] de la lettre latine 154, pour la poétesse grecque Sappho. Son frère Caraxus (Caraxos) n’est connu que par les vers qu’elle a écrits contre lui (qui ne figurent pas dans les quelques pièces traduites par Madame Dacier, car il fait partie des poèmes perdus de Sappho).

  3. En grammaire, quel que soit son sexe, l’aigle a longtemps appartenu au genre féminin (et l’a conservé en héraldique).

45.

Glorieux fragment de la lettre que Guy Patin a écrite à Claude ii Belin le 14 janvier 1651 : v. ses notes [22][25]. Le passage latin signifie « hormis un ou deux Cercopes » (note [23] susdite).

46.

« voyez de Thou sur ces deux années. »

Cet article de L’Esprit de Guy Patin reprend fidèlement la lettre du 5 juillet 1651 à Claude ii Belin, v. ses notes [6][8].

47.

« pour le peuple anglais » (et contre son feu roi Charles ier, décapité en 1649) : emprunt au post-scriptum de la même lettre 264 à Claude ii Belin (v. sa note [19]) que l’article précédent.

48.

Cet article emprunte l’essentiel de son propos à l’Apologie pour tous les grands hommes qui ont été soupçonnés de magie de Gabriel Naudé, {a} pages 427‑428.

49.

Victorinus Strigel (Strigelius ; Kaufbeuren, Souabe 1524-Heidelberg 1659) est un théologien luthérien allemand réformateur. Avec trois jolies bourdes sur les noms géographiques, cet article vient des deux additions qu’Antoine Teissier a faites sur Strigel dans ses Éloges (Genève, 1683, v. supra note [11]) : tome premier, pages 346‑348, et tome second, page 412).

V. note [12], lettre 72, pour Philipp Melanchthon. Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin citaient quelques-uns des ouvrages issus de la très volumineuse bibliographie de Strigel, qui étaient censés meubler la bibliothèque imaginaire de Guy Patin :

Ces titres sont parmi les moins connus de Strigel, et je ne me suis pas acharné à en trouver les références exactes.

Sans la moindre vergogne, les rédacteurs du Faux Patiniana se sont servis d’un propos attribué à Strigel pour absoudre leurs innombrables larcins, commis sans citer leurs sources et en les attribuant à Patin.

50.

Emprunt mot à mot à la fin du post-scriptum de la lettre que Guy Patin a écrite à Claude ii Belin le 12 décembre 1651, v. sa note [11].

51.

Citation non textuelle de saint Augustin, De Utilitate credendi liber unus [Livre unique sur l’utilité de la foi], chapitre xiv, Christus ipse maxime exegit fidem [Le Christ lui-même a très puissamment réglé la foi], § 51 :

Ergo ille afferens medicinam quæ corruptissimos mores sanatura esset miraculis conciliavit auctoritatem, auctoritate meruit fidem, fide contraxit multitudinem, multitudine obtinuit vetustatem, vetustate roboravit religionem.

[Ainsi donc le Christ, en apportant le remède qui devait guérir l’effroyable corruption des mœurs, s’est concilié l’autorité par des miracles ; {a} il a mérité la confiance par son autorité ; a rassemblé par la foi la multitude des peuples ; par cette multitude, a obtenu l’ancienneté ; par l’ancienneté, a consolidé leur religion].


  1. Dans la variante donnée par L’Esprit de Guy Patin : « Le Christ, en offrant au genre humain le premier remède, s’est concilié l’autorité par des miracles ».

    Curieusement, l’altération se lit à l’identique, mais sans son commentaire, sur le mot Église, à la page 123 du Perroniana [Ana du cardinal Duperron], (Genève, Petrus Columesius, 1667, in‑8o). Guy Patin n’a jamais cité cet ouvrage, mais aurait pu le lire.


L’avent est la période de quatre semaines précédant Noël, que les catholiques consacrent au recueillement et à la prière.

52.

Épigramme de John Owen intitulée Spes, Fides et Charitas [Espérance, Foi et Charité] : {a}

« Seul l’amour entre avec nous dans les profondeurs du ciel : ni l’espérance ni la foi n’y ont leur place. Après ma mort, je n’aurai plus rien à croire car tout sera clair ; je n’aurai plus rien à espérer, car je jouirai de tout ; mais il y aura toujours quelque chose à aimer, car l’amour survit à la mort, aussi longtemps que Dieu occupera les cieux. »


  1. Épigramme 22, livre troisième, page 193 (v. supra note [12]).

53.

Guy Patin a plusieurs fois parlé de la Religio Medici [Religion d’un médecin] (Londres, 1642, pour la première édition anglaise) de Thomas Browne. Il existe même un texte manuscrit (non autographe) qu’il aurait écrit à son sujet (transcrit dans la note [26], lettre 113). L’avis qu’il en a donné (là comme ailleurs dans ses lettres) est bien différent de celui qu’on lit ici, qui ressemble plutôt à une profession de déisme irréligieux, apparenté à l’athéisme déguisé des libertins, et que le Dictionnaire de Trévoux a jugé sage de ne définir qu’en latin :

Haeresis eorum qui Deo, quem fatentur existere, nullum cultum exhibent, nisi ut libet.

[Hérésie de ceux qui reconnaissent l’existence de Dieu, mais ne l’honorent d’aucun culte, autrement qu’à leur libre convenance].

V. notes [34], lettre 390, et [8], lettre 687, pour deux occurrences du verbe « fronder » sous la plume de Patin.

54.

Dans sa correspondance et dans les commentaires de son décanat, Guy Patin a plusieurs fois raconté l’élection de Simon iii Piètre à la cure de Saint-Germain-le-Vieil, en vantant les mérites de sa famille. Cet article est emprunté à sa lettre du 16 novembre 1652, v. sa note [8].

La digression sur les bénéfices ecclésiastiques ne peut être sûrement attribuée à Patin.

55.

Cet article abrège l’addition qu’Antoine Teissier a faite sur Denis Lambin {a} dans ses Éloges des hommes savants, tirés de l’Histoire de M. de Thou, {b} tome premier, pages 404‑405.

56.

Les deux vers latins sont d’Ovide (Les Amours, livre ii, élégie ix, 9‑10) :

« Le chasseur poursuit la proie qui fuit, et l’abandonne une fois prise. Toujours il en cherche d’autres à attraper. »

Les majuscules de « l’Amant Banal » m’ont mené à un petit roman de Jean de Préchac (Buzy 1647-Pau 1720) intitulé Le Gris-de-lin, histoire galante dédiée à Madame la Dauphine, {a} avec cette présentation du héros éponyme (pages 87‑90) :

« Monsieur de…, avec cette mine et cet air émerillonné {b} que vous lui connaissez, porte d’ordinaire du ruban gris-de-lin, et c’est peut-être ce qui a donné occasion à le nommer l’Amant Gris-de-lin. Je ne sais si vous savez qu’il est l’Amant Banal de toutes les suivantes de la cour : il leur fait des amitiés toutes les fois qu’il les rencontre, il trouve moyen de les faire placer aux opéras et aux comédies, il leur donne de petits présents, et enfin il a des manières insinuantes qui lui réussissent bien mieux avec des personnes de caractère qu’avec celles d’un autre rang. Sa folie est d’avoir toujours à son épée un ruban qu’une de ses maîtresses lui ait donné après l’avoir porté elle-même. Il nomme cela une faveur, je ne sais pas s’il a remarqué que ces sortes de faveurs conduisent à d’autres ; mais lorsqu’il trouve quelqu’une de ces personnes à son gré, il ne la quitte point qu’elle ne lui ait donné de ses rubans […]. »


  1. Paris, Charles Osmont, 1681, in‑8o de 232 pages.

  2. Gai, vif.

Tout cela n’identifie pas « D.R.C. », mais donne quelque sens à sa devise, ovidienne, tout en restant bien loin de ce à quoi nous a habitués le véritable esprit de Guy Patin.

57.

Cet article a emprunté sa matière au livre i, page 64, de l’Histoire générale du Dauphiné par Nicolas Chorier. {a} Guy Patin n’a parlé ni de cet auteur ni de son livre, mais il aurait pu le lire et en tirer cette observation qui a visiblement plu aux rédacteurs de son Esprit.


  1. Grenoble, Philippe Charvys, 1661, in‑4o de 874 pages, divisé en 11 livres ; Nicolas Chorier (1612-1692) était avocat au parlement de Grenoble.

58.

Phrase tortueuse pour dire que l’anonyme « L.P.P. » préfére un homme chanceux (« heureux ») à un homme talentueux.

Si « L.P.P. » était « le premier président », on imaginerait mal Guy Patin dire cela (et ce qui suit) de Guillaume de Lamoignon (v. note [43], lettre 488), le tout-puissant magistrat qui l’aimait beaucoup, et dont il fréquentait assidûment la table et l’académie savante ; mais on l’a vu écrire bien pire de gens à qui il devait énormément, comme son mentor Jean ii Riolan.

V. note [20], chapitre ii du Traité de la Conservation de santé, pour le nom de suisse qu’on donnait aux concierges des hôtels particuliers.

59.

V. note [14] du Naudæana 2 pour la mauvaise fortune que connut le jeune Troile Savelli, mais le Faux Patiniana n’évoquait pas le prétendu pacte que Sixte Quint aurait conclu avec le diable à cette occasion (selon une légende alimentée par les antipapistes). Guy Patin aurait néanmoins pu tenir ce propos car beaucoup de livres ont parlé de cette affaire.

60.

Addition d’Antoine Teissier {a} à l’éloge donné par Jacques-Auguste i de Thou (tome premier, pages 362‑363) sur Jean-Baptiste Du Mesnil (1517-1569), avocat du barreau, puis avocat général au Parlement de Paris.

La source première de cette anecdote se lit parmi les Divers opuscules tirés des mémoires de M. Antoine Loisel… par Claude Joly, {b} dans la Vie de Mr Me Baptiste Du Mesnil, avocat du roi en sa Cour de Parlement, page 193. On y lit aussi ce passage sur son ménage (page 178) :

« Il fut recherché de mariage, jusque là que la fille de M. Moreli, médecin du roi, {c} lui fut donnée pour femme, avec huit mille livres, qui était lors un gros mariage pour un homme qui, comme lui, n’avait guère d’autres moyens d’en assurer les conventions que sur la dextérité de son esprit. Cette femme, qui était de grand cœur et qui craignait les charges du ménage, fut cause qu’il se rendit encore plus sujet au Palais. Et parce que, de son naturel, il était un peu homme de plaisir et de jeu, il arrivait quelquefois qu’ayant joué toute une après-dînée, puis soupé, et joué encore une bonne partie de la nuit, et dormi fort légèrement, quand il était pressé de s’apprêter des causes dont il était chargé en grand nombre, et vidant les plus petites par expédient, il prenait parfois l’une pour l’autre ; mais quant à celles de l’audience, il paraissait toujours par dessus ses compagnons. Tant y a que le feu de sa jeunesse étant passé, le Palais le posséda tout entier, si bien qu’il ne s’y présentait aucune belle cause à plaider où il n’eût part, pour l’appelant ou pour l’intimé. » {d}


  1. Genève, 1683, v. supra note [11].

  2. Édition de Paris, veuve de J. Guillemot et J. Guignard, 1652, in‑4o de 754&nbs;pages&nbs;; v. note [12], lettre 106, pour celle de 1683.

  3. Joannes Morelli, Jean Moreau, originaire de Normandie, médecin du roi, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1520 (Baron).

  4. Pour l’une ou l’autre partie, accusateur ou accusé.

61.

« Médecin, soigne-toi toi-même » : paroles du Christ dans l’Évangile de Luc (v. note [19] du Borboniana 4 manuscrit). Tout ce commentaire est à attribuer aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.

62.

Le célébrissime Nosce te ipsum, « Connais-toi toi-même », {a} est ici attribué à Thalès de Milet, {b} l’un des sept Sages de la Grèce présocratique. {c}

Guy Patin a constamment porté aux nues les trois livres de Pierre Charron De la Sagesse. La préface de son premier livre (pages 2‑3), : {d} Qui est la connaissance de soi, et de l’humaine condition, est sous-titrée Exhortation à s’étudier et connaître, avec ces commentaires qui ont pu inspirer cet article de L’Esprit de Guy Patin :

« C’est à chacun sa vraie et principale vacation {e} que se penser et bien tenir à soi. Aussi voyons-nous que chaque chose pense à soi, s’étudie la première, a des limites à ses occupations et désirs. Et toi, homme qui veux embrasser l’univers, tout connaître, contrôler et juger, ne te connais et n’y étudies ! Et ainsi, en voulant faire l’habile et le syndic {f} de nature, tu demeures le seul sot au monde. Tu es la plus vide et nécessiteuse, la plus vaine et misérable de toutes, et néanmoins la plus fière et orgueilleuse. {g} Par quoi, {h} regarde dedans toi, reconnais-toi, tiens-toi à toi ; ton esprit et ta volonté, qui se consomme<nt> ailleurs, ramène-le<s> à toi-même. Tu t’oublies, tu te répands et te perds au dehors, tu te trahis et te dérobes toi-même, tu regardes toujours devant toi. Ramasse-toi et t’enfermes dedans toi : examine-toi, épie-toi, connais-toi.

Nosce teipsum, nec te quæsieris extra.
Respue quod non es, tecum habita, et
Noris quam sit tibi curta supellex.
Tute consule.
Teipsum concute, nunquid vitiorum
Inseverit olim natura, aut etiam consuetudo mala
. {i}

Par la connaissance de soi l’homme monte et arrive plus tôt et mieux à la connaissance de Dieu que par toute autre chose : tant pource qu’il trouve en soi plus de quoi Le connaître, plus de marques et traits de la Divinité qu’en tout le reste qu’il peut connaître ; que pource qu’il peut mieux sentir et savoir ce qui est et se remue en soi qu’en toute autre chose. »


  1. V. notule {c}, note [33], triade 60 du Borboniana manuscrit.

  2. V. note [26], lettre latine 4.

  3. V. notule {e}, note [24] du Borboniana 9 manuscrit

  4. Bordeaux, 1601, v. note [7], lettre 73.

  5. Son vrai et principal métier.

  6. L’arbitre.

  7. Sous-entendu : « des créatures de la nature ».

  8. C’est pourquoi.

  9. « Connais-toi toi-même, et ne va pas te chercher hors de toi-même. {i} Méprise ce que tu n’es pas, habite en toi-même, et tu verras combien ton bagage est chétif. {ii} Prends de sûrs conseils. {iii} Secoue-toi toi-même, pour savoir si la nature n’a pas jadis implanté quelques vices en toi, ou si tu ne les as pas acquis par mauvaise habitude. » {iv}

    1. Ce premier vers est repris dans L’Esprit de Guy Patin : il combine la fameuse maxime de Delphes, Nosce teipsum, et le nec te quæsiveris extra de Perse (Satires, i, vers 7).

    2. Perse, Satires (iv, vers 51‑52) :

      Respue quod non es ; tollat sua munera cerdo :
      Tecum habita : et noris, quam sit tibi curta supellex
      .

      [Méprise ce que tu n’es pas ; abandonne au tâcheron ses viles charges : habite en toi-même, et tu verras combien ton bagage est chétif].

    3. Denys Caton, prologue des Distiques, vers 40.

    4. Horace, Satires, livre i, iii, vers 34‑36.

L’article de L’Esprit de Guy Patin réfute le propos de Charron, il ne peut donc pas être attribué sans réserve à Patin.

63.

Tous les propos de cet article se lisent dans les Petits Traités en forme de Lettres écrites à diverses personnes studieuses de François i de La Mothe Le Vayer, {a} lettre iii, Des Bagues et Anneaux, avec cette précision (pages 25‑26) :

« C’est pourquoi je ne trouve pas étrange ce qu’écrivent Aulu-Gelle et Macrobe, que les Grecs et les Romains portassent leurs anneaux au doigt de la main gauche nommé pour cela annulaire, ou médicinal, si tant est que ce nerf dont ils parlent s’y rencontre, qui réponde au cœur et qui, par conséquent, puisse servir de véhicule à la vertu cardiaque d’une pierre précieuse. {b} Si est-ce qu’il n’y a point eu {c} de doigt qui n’ait été préféré par quelques-uns pour ce regard, jusque là que celui du milieu, appelé infâme, et où nous voulons que les fous seuls mettent leurs bagues, servait à cet usage aux anciens Gaulois et aux Anglais, comme Pline l’a remarqué dans le trente-troisième livre de son Histoire naturelle. » {d}


  1. Paris, 1648, v. note [16], lettre 172.

  2. « L’anneau était mis au quatrième doigt ou doigt annulaire, parce que l’on croyait qu’une veine de ce doigt communiquait avec le cœur » (Littré DLF). « On l’appelle autrement le médecin, parce que c’est de ce doigt-là qu’on se sert quand on veut délayer quelque drogue pour faire un remède » (Furetière).

  3. « Il n’y a pourtant pas eu ».

  4. Pline l’Ancien (livre xxxiii, chapitre vi, § 24, Littré Pli, volume 2, page 402) dit cela sans employer l’expression digitus infamis, le majeur qui servait chez les anciens Romains (δακτυλος καταπυγος, daktylos katapygos) à faire le signum infame [signe obscène], et qui a traversé les âges pour devenir notre « doigt d’honneur ».

Dans les pages suivantes, La Mothe Le Vayer commente les manières de porter les anneaux à d’autres époques et sous d’autres cieux. L’emprunt est donc avéré, mais la date de publication des Petits Traités n’innocente pas entièrement Guy Patin dans ce plagiat.

64.

Cet article conteste l’autorité de Galien, mais ne vient pas, on s’en doute, de Guy Patin : les rédacteurs de son Esprit l’ont forgé en résumant l’addition d’Antoine Teissier sur « Jean L’Argentier » {a} dans les Éloges des hommes savants, tirés de l’Histoire de M. de Thou {b} (tome premier, pages 411‑413).

Je n’ai pas trouvé de ville italienne universitaire correspondant aux noms de Montreuil (dans le Faux Patiniana) ou de Montréal (dans l’addition de Teissier).

Tous les autres titres d’Argentier cités figurent dans ses Opera [Œuvres] éditées par son fils Ercole ; {c} en voici simplement les traductions : « des Signes médicaux », « des Différences des maladies », « des Périodes des maladies », « des Significations de la chaleur et de la chaleur innée », {d} « des Urines », « du Sommeil et de la veille », « des Devoirs du médecin », « de la Manière de consulter », « de la Force des médicaments purgatifs », « Commentaires sur l’Art médical de Galien, premier, deuxième et quatrième livres », « Commentaire des Aphorismes d’Hippocrate ».


  1. V. notes [3], lettre 9, pour Giovanni Argenterio (Jean Argentier, ici L’Argentier, mort en 1572) et [12], lettre latine 356, pour son introuvable et douteux traité « sur les Erreurs des anciens médecins ».

  2. Genève, 1683, v. supra note [11].

  3. Hanau, 1610, v. note [3], lettre 9.

  4. V. première notule {a}, note [14], lettre 150.

65.

Ces deux articles sont empruntés à des lettres que Guy Patin a écrites à Claude ii Belin.

66.

Quatrain de John Owen intitulé Solatium pedestrium [Le Soulagement des piétons] : {a}

« Un cheval n’a pas conduit le noble Castor {b} aux cieux, et je ne pense pas qu’un char y ait mené Triptolème. {c} Le sentier des cieux est étroit, fait pour les piétons quand, pour avancer, cheval et char ont besoin d’un large chemin. » {d}


  1. Épigramme 89, livre deuxième, page 189 (v. supra note [12]).

  2. V. note [2] du Mémorandum 5 pour Castor : seul le souci de bien scander le vers latin peut expliquer la transformation de son cas accusatif ordinaire, Castorem, en Castora.

  3. Dans le mythe antique (Fr. Noël), Triptolème est le :

    « fils de Céléus, roi d’Éleusis, et de Métanire. Cérès, {i} indignée de l’enlèvement de sa fille, errante parmi les hommes, fut accueillie de Céléus. En reconnaissance de ses bons offices, elle nourrit de son lait Triptolème, qu’elle voulait rendre immortel en le faisant passer à travers les flammes ; mais Métanire, effrayée de voir son fils dans le feu, l’en retira précipitamment, ce qui empêcha l’effet de la bonne volonté de Cérès. La déesse apprit l’agriculture à Triptolème, lui donna ensuite un char tiré par deux dragons, l’envoya par le monde pour y établir le labourage, et le pourvut de blé à cet effet. Les Athéniens honoraient Triptolème comme un dieu ; ils lui avaient érigé un temple et un autel, et lui avaient consacré une aire à battre le blé. »

    1. Déesse des moissons, v. note [18], lettre 539.
  4. Ma traduction du dernier vers a tenu ambulat pour un pluriel, ambulant : c’est une licence du poète, à nouveau destinée à bien rythmer son chant.

    Les rédacteurs du Faux Patiniana avaient raison de priser les vers d’Owen, mais Guy Patin n’en a jamais cité un seul.


67.

Pour des raisons plus politiques que théologiques, le Grand Schisme d’Occident scinda la papauté en deux pouvoirs avec, de 1378 à 1417, un pape installé à Rome et un antipape, en Avignon ou à Pise.

Je n’ai pas lu ailleurs ce que dit ici L’Esprit de Guy Patin, et notamment pas dans le long et instructif article que le Grand Dictionnaire de Moréri a consacré à ce sujet (Paris, 1706, tome iv, pages 565‑570).

68.

Ce propos de Tibulle (vers 19‑20 de l’élégie citée) peut se traduire plus simplement en :

« Par mes vers, je cherche un facile accès à ma maîtresse.
Allez-vous-en donc, Muses, s’ils ne valent rien ! »

Ici comme ailleurs, il est difficile de se convaincre que ces galanteries futiles émanent bel et bien de l’esprit de Guy Patin.

69.

Cet article est une broderie des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin empruntée aux :

Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine. Par Louis le Comte de la Compagnie de Jésus, {a} mathématicien du roi. Tome second. {b}

Le prélèvement figure dans la lettre xiv (page 514‑515), adressée à Monsieur l’abbé Bignon, Idée générale des observations que nous avons faites dans les Indes, et à la Chine :

« Il n’y a pas jusqu’aux sauterelles qui ne soient extraordinaires. On en voit à Siam {c} qui naissent dans les branches de certains arbres, et qui en sont, si je l’ose dire, en quelque manière, les fruits : car les feuilles, conservant leur figure et leur couleur naturelles, s’épaississent un peu ; leurs côtés jettent à droit<e> et à gauche des espèces de filaments verts ; une des extrémités de la feuille s’allonge en queue, et l’autre s’arrondit comme une tête ; tout cela devient, dans la suite, animé, et se métamorphose en sauterelle. C’est ainsi que le rapportent les gens du pays, qui les détachent eux-mêmes des branches. Nous en avons vu plusieurs, et il est vrai que la feuille y paraît tout entière avec ses fibres, ou du moins, que rien n’est plus semblable à une feuille que le corps de ce petit animal. Si cela est, cet arbre n’est guère moins admirable que celui dont les feuilles, en tombant dans la mer, se changent en peu de temps en canards, comme quelques naturalistes nous le veulent faire croire. » {d}


  1. Louis Le Comte (Bordeaux 1655-ibid. 1728), mathématicien et missionnaire, a séjourné en Chine de 1687 à 1691.

  2. Paris, Jean Anisson, 1696, in‑12 de 536 pages, pour la première de plusieurs éditions.

  3. Ancien nom de la Thaïlande.

  4. Cette autre extravagance végétale et animale est racontée et illustrée par le Portrait de l’arbre qui porte des feuilles, lesquelles tombées sur terre se tournent en oiseaux volants, et celles qui tombent dans les eaux se muent en poissons, à la page 316 de la curieuse :

    Histoire admirable des plantes et herbes émerveillables et miraculeuses en nature : même d’aucunes qui sont vrais zoophytes ou plantes animales, plantes et animaux tout ensemble, pour avoir une vie végétative, sensitive et animale : avec leurs portraits au naturel, selon les histoires, descriptions, voyages et navigations des anciens et modernes Hébreux, Chaldéens, Égyptiens, Assyriens, Arméniens, Grecs, Latins, Africains, Arabes, Nubiens, Éthiopiens, Sarrasins, Turcs, Mores, Persans, Tartares, Chinois, Indiens, Portugais, Espagnols, Français, Flamands, Anglais, Polonais, Moscovites, Allemands et autres. Par M. Claude Duret, président à Moulins en Bourbonnais. {i}

    1. Paris, Nicolas Buon, 1605, in‑8o de 341 pages.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : L’Esprit de Guy Patin (1709), Faux Patiniana II-5

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(Consulté le 12/10/2024)

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