Nullo fata loco possis excludere quum mors
venerit, in medio Tibure Sardinia est. [4][15]
Gassionæa domus literis ac præsidet armis,
maxima quæ gemino Iura dat Imperio. [11]
Actéon eut la tête cornue
Pour avoir vu Diane nue.
Ô combien plus cornu sera
Celui qui l’épousera. [16][58][59]
Egnatius, quod candidos habet dentes et Egnati, Opaca quem bonum facit barba, et dens Ibera defricatus urina : si urbanus esses, aut Sabinus, aut Tyburs, etc., aut Transpadanus, ut meos quoque attingam, aut quilibet qui puriter lavit dentes ; tamen renidere usque te nollem, nam risu inepto res ineptior nulla est, etc.
Pag. 28, in‑8o. Vide Gasp. Scioppium in Elementis philosophiæ stoicæ moralis, pag. 155. [18][62][63]
Du cardinal, la braguet[te]
M’a fait perdre La Goulette. [20]
Si mihi privato fas indulgere dolori, etc. [27]
V. notes :
Ami de Montaigne, Henri i de Mesmes (1532-1596), sieur de Roissy, père de Jean-Jacques i (v. note [24] du Borboniana 2 manuscrit), avait été maître des requêtes, conseiller d’État, chancelier du royaume de Navarre, lieutenant civil du Châtelet de Paris, etc.
« comme des maîtres tombés du ciel par un câble en or » ; page 149 de la Præfatiuncula de Jean Passerat, contre les jésuites : {a}
Gratuita doctrina illis est pro hamo, vel potius pro reti-iaculo, quo callidi piscatores cuncta conuerrunt cum pulvisculo. Stolidi parentes, qui suos iis credunt liberos, eadem opera columbas accipitribus, pullos miliviis et oves committent lupis. Sed quid tandem isti, per aureum funem de cælo delapsi magistri, discipulis suis tradunt ? nihil sapere, ritus Hispanos, odium legum instituitque patrii, et, ut priscis utar verbis, imbelliam, imbalnitiem, impolitiam, imparentiam, meramque cum Lavernæ sacris babariem : quam consulto huc invexerunt, opinor, ut eam soli docerent.[L’instruction gratuite leur tient lieu de hameçon, ou plutôt de ce filet que lancent les pêcheurs pour rafler tout sans rien laisser. Les stupides parents qui leur confient leurs enfants, agissent de la même façon que s’ils livraient des colombes aux faucons, des poussins aux milans et des brebis aux loups. Mais que professent enfin à leurs élèves ces maîtres tombés du ciel par un câble en or {b} ? C’est de ne rien savoir : le rituel espagnol apprend la haine des lois et du patrimoine, et, pour employer de vieux mots, l’impuissance, la saleté, l’insouciance, la désobéissance, et la pure barbarie, conformes à l’adoration de Laverne ; {c} et je pense qu’ils l’ont délibérément importée ici pour être les seuls à l’enseigner].
- Præfatiuncula in disputationem de Ridiculis, quæ est apud Ciceronem in lib. ij de Oratore [Petite préface sur la discussion à propos des plaisanteries, qui est au livre ii de l’Art oratoire (de Cicéron), Ioannis Passeratii… Orationes et Præfationes [Discours et Préfaces… de Jean Passerat] (Paris, 1606, v. note [9], lettre 33, ouvrage que Guy Patin a lui-même réédité en 1637, v. note [7] de la même lettre).
- Mise en exergue de l’emprunt du Borboniana.
- Déesse des voleurs, v. note [8] du Faux Patiniana II‑7.
V. note [12], lettre 33, pour Charles i Duret, sieur de Chevry, président des Comptes, fils puîné du célèbre médecin Louis Duret (v. note [10], lettre 11) et frère de Jean Duret, professeur royal de médecine (v. note [3], lettre 149).
Du second mariage de Charles i avec Françoise Rémy était né Charles ii Duret de Chevry (1614-1700), qui hérita de la présidence paternelle ; il fut conseiller au parlement de Metz, puis à celui de Paris (en 1636, Popoff, no 1128). Tallemant des Réaux a parlé de lui dans son historiette sur son père (tome i, page 173) :
« [Charles i] mourut contrôleur général des Finances et président des Comptes. Sa femme avait eu beaucoup de biens, lui n’était pas gueux et avait quelque chose de patrimoine. Au prix de ce temps-ci, il ne fit pas une grande fortune. Son fils a vendu la Grange {a} et sa charge de président des Comptes ; il a de l’esprit, mais peu de cervelle ; il se ruine. »
- La terre de la Grange du Milieu, près de Grosbois, avait été acquise par Charles i Duret, qui y avait fait construire un château, connu depuis le milieu du xviiie s. sous le nom de château du maréchal de Saxe.
« Pourquoi cette ruineuse dépense ? J’ai bien ici de quoi l’instruire ».
« Il n’y a pas de lieu sur Terre où tu puisses échapper à ton destin ; quand la mort vient, la Sardaigne se trouve au beau milieu de Tibur » (Martial, v. note [17], lettre 75).
Dans ses Notes et documents pour servir à l’histoire de Lyon, sous le règne de Charles ix (1560-1574) (Lyon, Mougin-Rusand, 1842, in‑4o) Antoine Péricaud, bibliothécaire de la ville de Lyon, a fourni (volume 1 de la collection, pages 2‑3) des informations détaillées sur Francesco Giuntini (Franciscus Iunctinus, Florence 1523-Lyon 1590), dont le nom est ici francisé en François Junctin :
« 1561. – Avril 18, à 2 h. et demie après midi, François Giuntini, astrologue, né à Florence le 7 mars 1522, arrive à Lyon. – Voici en quels termes le P. Ménestrier parle de ce personnage dans ses Notes chronologiques : {a}“ Giuntini, qui prenait la qualité de docteur théologien, était un carme apostat. S’étant retiré à Venise, comme en un lieu de liberté, il y exerça, pour subsister, l’office de correcteur de livres, avec celui d’astrologue judiciaire, dont il faisait profession. […] Il y fit connaissance avec Jacques Nardi, citoyen de Florence, {b} qui avait composé l’histoire de son pays depuis l’an 1444 jusqu’à 1551, et qui la lui donna à transcrire. Giuntini en fit deux copies et en retint une pour lui. Un libraire de Venise, Louis Delli Avanzini, qui voulait réimprimer la description de toute l’Italie, de Frère Alberti de Bologne, chargea Giuntini, en 1559, du soin de revoir cette nouvelle édition et d’y faire quelques nouvelles additions ; {c} mais des affaires fâcheuses obligèrent le moine apostat de quitter Venise et de venir chercher en France un asile plus sûr que celui d’une ville où il commençait à être trop connu. Arrivé à Lyon, il eut recours à son exercice ordinaire de correcteur de livres […]. Et comme il y avait plusieurs marchands florentins riches et puissants, il trouva accès auprès d’eux et, tant par ses corrections de livres que par sa profession d’astrologue judiciaire, il amassa des sommes d’argent assez considérables. Il fit imprimer par Thibaud Ancelin, en 1582, l’Histoire de Nardi et la dédia al molto magnifico M. Nicolo Arrighi, gentilhuomo Fiorentino. Il ajouta à cette Histoire un Discorso suopra lo stato della magnifica citta di Lione et le dédia à un autre Florentin, M. Zenobe Giovanini, nobil Fiorentino. Giuntini prend, dans cette dernière dédicace, le titre de dottore theologico. {d} C’est au commencement de ce discours que, pour faire le philosophe et l’esprit fort, {e} il dit qu’il a fait le changement de la demeure de Florence à celle de Lyon d’autant plus volontiers qu’il sait que les anciens philosophes ont dit que tout le monde, à quiconque y naît, n’est qu’une ville, parce que le sage se fait son pays, en quelque endroit qu’il se trouve ; que partout l’année est divisée en quatre saisons ; que le soleil s’y lève le matin et s’y couche le soir ; que les étoiles se découvrent de tous les endroits où l’on est ; que l’homme naît et meurt partout, et qu’ainsi, il ne voit pas quelle différence, en cela, il peut y avoir entre Florence et Lyon […]. ”Ménestrier aurait pu ajouter que Giuntini fit l’horoscope des principaux personnages de Lyon, […] tous assez bons ou assez simples pour croire à l’astrologie judiciaire, science à laquelle Giuntini, bien certainement, ne croyait pas, et qu’il n’exerçait que pour s’enrichir à leurs dépens. »
- Recueil manuscrit (jamais imprimé à ma connaissance) du P. Claude-François Ménestrier (v. note [2], lettre 748).
- L’écrivain Jacopo Nardi (Florence 1476-Venise 1563), banni de sa patrie en 1530 pour des raisons politiques, n’avait pas de lien familial direct avec Giovanni Nardi (v. note [9], lettre 283).
- Descrittione di tutta l’Italia et Isole pertinenti ad essa. Di F. Leandro Alberti Bolognese… [Description de toute l’Italie et des îles qui s’y rattachent, par le F. Leandro Alberti de Bologne (1479-1552)…] (Venise, Gio. Maria Leni, 1577, in‑4o ; réédition ibid. Gio. Battista Porta, 1581, in‑4o).
- Le Historie della Citta di Fiorenza di M. Iacopo Nardi Cittadino Fiorentino. Le quali con tutta quella particolarita che bisogna, contengono quanto dal’ anno 1494 fino al tempo dell’anno 1531 e successo. Con un catalogo de Gonfalonieri di Giustitia, che hanno seduto nel supremo magistrato della Citta di Fiorenza. Et Nella fine un discorso sopra lo stato della magnifica Citta di Lione. Nuovamente poste in luce.
[L’Histoire de la cité de Florence de M. Jiacopo Nardi, citoyen florentin. Dans laquelle, avec tout le soin nécessaire, est contenu ce qui est arrivé de 1494 à 1531. Avec un catalogue des gonfaloniers de justice qui ont siégé dans la magistrature suprême de la cité de Florence. {i} Avec, à la fin, un discours sur l’état de la magnifique cité de Lyon. {ii} Nouvellement publié]. {iii}
- Qui portaient ce titre de gonfalonier ou gonfanonier : qui porte l’étendard de l’Église […]. Chez les Florentins il y a eu un magistrat qu’on appelait le gonfalonier de la justice » (Furetière).
- Le Discorso sur Lyon (23 pages non numérotées) de Francesco Giuntini Dottore Theologo est adressé al molto magnifico M. Zanobi Giovannini, nobili Fiorentino [très magnifique M. Zanobi Giovannini, noble florentin] et daté du 15 septembre 1582.
- Lyon, Theobaldo Ancelin, 1582, in‑4o de 464 pages ; avec épître de Francesco Giuntini, datée de Lyon, le 6 septembre 1582, adressée al molto magnifico M. Niccolo Arrighi gentilhuomo Fiorentino [au très magnifique M. Niccolo Arrighi, gentilhomme florentin].
- V. seconde notule {a}, note [1] du Faux Patiniana II‑4.
Le plus fameux ouvrage de Junctin est le :
Speculum Astrologiæ, universam mathematicam scientiam, in certas classes digestam, complectens. Autore Francisco Iunctino Florentino S.T.D. ac Eleemosynario Serenissimi Principis Francisci Valesii, Christianiss. Francorum, ac Poloniæ Regis fratris unici, Andegavensis Ducis, etc. Accesserunt etiam Commentaria absolutissima in duos posteriores Quadripartiti Ptolemæi libros, innumeris observationibus referta, et certissimis aphorismis (quatenus ex siderum positione liceat Christiano more aliquid coniicere) ex probatissimorum Astrologorum scriptis depromptis insignita. Quid in priori et posteriori Tomo contineatur, Elenchus post epistolam ad Lectorem subiunctus, indicabit. Omnia sub censura sanctæ Ecclsiæ Catholicæ Romanæ.[Miroir de l’astrologie, contenant toute la science mathématique, répartie en classes bien définies. Par Franciscus Iunctinus, natif de Florence, docteur en théologie sacrée et aumônier du sérénissime prince François de Valois, duc d’Anjou, {a} etc., frère unique du roi très-chrétien de France et de Pologne. {b} On y a aussi ajouté des commentaires très complets sur deux livres du Quadripartitum de Ptolémée, {c} remplis d’innombrables observations, et remarquables pour les très sûrs aphorismes (dans la mesure où la coutume chrétienne autorise à conjecturer sur la position des astres) tirés des écrits des astrologues les mieux établis. Le sommaire qui suit l’’épître au lecteur, procure le contenu du premier et du second tome. {d} Le tout a été soumis à la censure de la sainte Église catholique romaine]
- v. note [13] du Borboniana 3.
- Henri iii.
- Ou Astrologie de Ptolémée (v. note [4], lettre 584).
- Elenchus Tractatuum… [Sommaire des traités…] (2 pages).
- Lyon, Q. Phil. Tinghus, natif de Florence, et Simphorianus Beraud, 1581, 2 tomes in‑fo illustré (avec portrait de l’auteur en couverture) : tome premier (1 313 pages) ; tome second (1 170 pages) ; première édition en 1573.
« un style pire que lipsien, et plutôt africain ».
Dans sa lettre à Claude ii Belin du 16 décembre 1652 (v. sa note [5]), Guy Patin a aussi tenu le latin du prolifique Théophile Raynaud (v. note [8], lettre 71) pour « barbare et africain », et pire que celui de Juste Lipse. On lit à peu près la même chose dans sa lettre à André Falconet du 27 avril 1660 (v. sa note [18]).
De la famille et de la jeunesse du P. Raynaud, seul est bien connu le lieu de sa naissance : Sospel (écrit Lespel dans le manuscrit), dans le comté de Nice (v. note [15], lettre 63), à 20 kilomètres au nord de Menton. Ce propos de Nicolas Bourbon est à tenir pour rare et précieux, mais en contradiction avec ce qu’il en a dit dans le Borboniana 2 manuscrit (v. sa note [59]), qui parle d’origines sociales bien plus humbles.
V. note [10], lettre 45, pour Maurice de Savoie, qui fut cardinal de 1621 à 1642, puis abandonna l’état ecclésiastique. La Savoie, alliée des Habsbourg, était alors en guerre avec la France (depuis 1635).
V. note [7], lettre 205, pour les Erotemata de malis ac bonis libris, deque iusta aut iniusta eorumdem confixione. [Interrogations sur les bons et les mauvais livres, et sur leur composition correcte ou incorrecte] du P. Théophile Raynaud (Lyon, 1653, in‑4o), avec un exemple de son latin dans la note [5], lettre 308.
On dit « qu’un homme n’est pas à un mot, pour dire qu’il parle beaucoup : “ ce n’est pas un homme à un mot, il vous ennuiera deux heures avec son babil ”. Il est du style familier » (Académie, 1762). Aucun des nombreux titres du P. Raynaud publiés avant 1650 ne contient le mot eucharistia, mais il en a abondamment écrit puisque le sixième tome entier de ses Opera omnia [Œuvres complètes] (Lyon, 1665, 19 volumes in‑fo, v. note [6], lettre 736) porte le titre d’Eucharistica [Eucharistiques] et contient six traités sur la transsubstantiation (v. note [5], lettre 952), question primordiale dans les disputes liturgiques entre catholiques et protestants :
V. notes :
V. note [2], lettre 474, pour l’historien allemand Johann Philippson Sleidan, dont les ouvrages traitent abondamment du règne de Charles Quint (mais je n’y ai pas trouvé le propos que lui attribuait ici le Borboniana).
Custodi-nos est une locution latine, signifiant « garde-nous », que le français a adoptée au xvie s. pour désigner, au sens restreint, en droit canonique, un « confidentiaire », c’est-à-dire celui qui prête son nom au titulaire légitime d’un bénéfice, « pour en recueillir les fruits, et qui est prêt aussi de lui en donner la résignation toutes fois et quantes qu’on la lui demandera » (Furetière) ; et au sens plus large, « ceux qui occupent des offices et qui les gèrent pendant le temps que celui qui en est pourvu est en bas âge, et qu’il ne peut pas exercer ; ce mot est bas, on dit quelquefois par mépris, ce n’est qu’un petit custodi-nos » (Trévoux).
Être « pape et empereur tout ensemble » convenait à la lettre pour Charles Quint, mais ne s’appliquait à son fils Philippe ii qu’en remplaçant « empereur » par « roi d’Espagne ».
« ils n’ont rien de bilieux. »
La théorie humorale prédisposait les atrabilaires à l’étude (v. note [5], lettre 53), et les bilieux, à la guerre (v. note [2], lettre 66).
Je n’ai pas trouvé de sens précis à l’expression « un résultat de terre » : ce n’est pas une référence aux humeurs, en tant qu’expressions des quatre éléments, puisque l’atrabile (qui ne caractérisait pas les Portugais) correspondait à la terre. Peut-être faut-il y lire le sens de « fruit (produit) du sol », et comprendre que ce peuple serait semblable à la terre aride et désolée de son pays. Ce préjugé (sommaire et méprisant) du Borboniana trouve du moins un écho dans sa triade 77 sur les aimants de la France (v. sa note [40]) : la péninsule ibérique tout entière (mais le Portugal plus encore que l’Espagne) tirait alors son insolente richesse des Amériques, et non de son sol, ce qui provoquait la vive jalousie (fardée en dédain) des autres pays d’Europe.
« Que prédomine la Maison de Gassion sur les lettres et les armes, elle qui donne la plus grande légitimité à sa double souveraineté » : lointaine imitation possible d’Ovide (Fastes, livre iii, vers 85‑86) :
Mars Latio venerandus erat, quia præsidet armis ;
arma feræ genti remque decusque dabant.[Le Latium vénérait Mars parce qu’il préside à la guerre ; pour cette nation farouche, dans la guerre seule étaient la gloire et la puissance].
V. notes :
Ils appartenaient à une « ancienne Maison de Béarn, qui a donné son nom au château de Gassion, dans la même province, et y a produit, depuis plusieurs siècles, des personnes distinguées, entre autres un maréchal de France, divers lieutenants généraux des armées du roi, deux évêques et plusieurs autres officiers de marque, tant dans l’épée que dans la robe » (Dictionnaire de la noblesse, tome vii, page 116).
« tant comme chef que comme soldat, [Gassion] inspirait la frayeur aux Espagnols ».
V. notes :
V. notes [54] infra, seconde notule {c}, pour la confession, et [27], lettre 183, pour le siège de La Rochelle (1627-1628), épisode le plus sanglant de la guerre que Louis xiii et Richelieu menèrent contre les protestants français.
Cette victoire fut suivie, en 1629, par l’établissement d’un collège jésuite à La Rochelle. Ces pères défendaient certes les intérêts politiques de Rome et de l’Espagne en France, et on les accusait régulièrement de vouloir y semer le trouble pour en extirper le protestantisme ; mais, sauf à échafauder des arguties fort tortueuses, je peine à comprendre leur intérêt et celui du roi d’Espagne à favoriser la résistance de La Rochelle car, bien au contraire, ses soutiens militaires venaient des puissances réformées (Angleterre et Provinces-Unies). Le fait indiscutable est que pendant les « guerres civiles » (guerres de Religion), l’Espagne et les jésuites avaient « fomenté » (comploté) en faveur de la Ligue.
Jules Michelet, Histoire de France au dix-septième siècle. Richelieu et la Fronde (Paris, Calmann Lévy, 1899, pages 27‑28) :
« Nos jésuites, moins guerriers d’action que ceux d’Allemagne, l’étaient aussi d’esprit. L’âme d’Ignace, romanesquement aventurière, autant que patiente et rusée, vivait toujours dans l’Ordre. Plusieurs, dans leurs chambrettes de la maison professe, rue Saint-Antoine, créaient des flottes, des armées sur papier. D’autres, au grand Collège de la rue Saint-Jacques, {a} la verge en main, faisaient la guerre aux hérétiques absents, sur le dos de leurs écoliers. Rome répondait peu à cette ardeur guerrière. Sa piètre politique de neveux ne menait pas à grand-chose. […] Richelieu, au contraire, après le coup de La Rochelle, était exactement l’idéal, le messie de leur désir, le prêtre militant, le prêtre cavalier, n’ayant d’aides de camp que des prêtres et, pour arrière-garde et réserve mettant partout des régiments de jésuites. Par lui, ils firent leur entrée triomphale à La Rochelle, plus tard dans toutes les villes huguenotes du Languedoc et de Poitou. Il les fourra aux armées mêmes, “ pour donner des remèdes et des bouillons aux soldats ”. »
Sylla (Lucius Cornelius Sulla, 138-78 av. J.‑C.), aristocrate, général et consul romain, engagea la République, ébranlée par les guerres civiles (dont la plus célèbre opposa Sylla à Marius, v. notule {a}, note [31] du Borboniana 10 manuscrit), dans sa transition vers l’Empire, en réformant les lois et en devenant le premier dictateur de Rome (de la fin de 82 à la mi‑81). Jules César (v. note [18], lettre 34), né en 100, reprit ce titre à partir de l’an 49, mais s’échina à souiller la mémoire et dénigrer les mérites de son prédécesseur. Les historiens antiques (comme Salluste, Tite-Live ou Plutarque, dans sa Vie de Sylla, v. notule {b}, note [4], lettre 831) ont nourri cette mauvaise réputation, mais le Borboniana adhérait à l’opinion de ceux qui la jugeaient imméritée.
L’opposition entre « retenir » et « rendre » s’entend comme garder le pouvoir pour soi-même et le restituer au peuple romain. « Heureux » est à prendre au sens de « chanceux » quand Nicolas Bourbon dit de Sylla qu’il a été « bien plus sage que chanceux » (en pensant l’inverse pour César).
Je n’ai pas trouvé l’origine de ce conte qui mêle ironiquement raison et foi, mais sans relation claire avec les articles du Borboniana entre lesquels il est placé.
Nicolas Bourbon pourrait être l’auteur de ce quatrain que je n’ai lu nulle part ailleurs.
Actéon (Fr. Noël) :
« Fils d’Aristée et d’Autonoé, fille de Cadmus, et grand chasseur. Un jour, il surprit Diane {a} qui se baignait avec ses Nymphes. La déesse indignée lui jeta de l’eau au visage, le métamorphosa en cerf, et ses propres chiens le dévorèrent. Ce malheureux prince fut pourtant reconnu après sa mort pour un héros par les Orchoméniens, {b} qui élevèrent des monuments en son honneur. »
- Diane (Artémis des Latins) était(ibid.) :
« fille de Jupiter et de Latone, {i} et sœur d’Apollon. Jupiter l’arma lui-même d’arc et de flèches, la fit reine des bois, et composa son cortège de soixante Nymphes, appelées Océanies, et de vingt autres, nommées Asies, dont elle exigeait une chasteté inviolable. Son occupation la plus ordinaire était la chasse, ce qui la fit regarder comme la divinité spéciale des chasseurs, et même des pêcheurs, et en général de tous ceux qui employaient des filets. La biche et le sanglier lui étaient particulièrement consacrés. On lui offrait en sacrifice les premiers fruits de la terre, des bœufs, des béliers, des cerfs blancs et quelquefois même des victimes humaines. On la peint en habit de chasse, les cheveux noués par derrière, la robe retroussée avec une seconde ceinture, le carquois sur l’épaule, un chien à ses côtés, et tenant un arc bandé dont elle décoche une flèche. Ses jambes et ses pieds sont nus, ou couverts d’un brodequin. Elle a le sein droit découvert. Les poètes la dépeignent se promenant sur un char traîné par des biches ou des cerfs blancs, tantôt montée elle-même sur un cerf, tantôt courant à pied avec son chien, et presque toujours entourée de ses Nymphes, armées comme elle d’arcs et de flèches, mais qu’elle dépasse de toute la tête. »
V. note [55] du Borboniana 1 manuscrit pour l’histoire de la prise de Cambrai par les Espagnols en 1595 et pour tous ses protagonistes ici nommés.
Diane d’Estrées, seconde épouse (dès 1596) de Jean ii de Montluc, le pitoyable vaincu de Cambrai, était la sœur de François-Annibal, maréchal et marquis de Cœuvres (v. note [7], lettre 26) et de Gabrielle (v. note [7], lettre 957), la plus célèbre maîtresse du roi Henri iv. Diane eut trois fils de ce premier lit ; une fille naquit de son second mariage avec Jean-Louis de Nogaret de La Valette, duc d’Épernon (v. note [12], lettre 76).
Marie Le Jars de Gournay (Paris 1556-ibid. 1645), femme de lettres autodidacte, est surtout connue pour avoir été l’admiratrice et l’amie de Michel de Montaigne ; {a} elle a publié un récit qu’il lui fit dans :
Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne. Par sa fille d’alliance. Édition troisième plus correcte et plus ample que les précédentes. {b}
Parmi d’autres ouvrages, on a aussi d’elle :
« Si ce livre me survit, jé défends à toute personne, telle {i} qu’elle soit, d’y ajouter, diminuer, ni changer jamais aucune chose, soit aux mots ou en la substance, sous peine à ceux qui l’entreprendraient d’être tenus, aux yeux des gens d’honneur, pour violateurs d’un sépulcre innocent. Et je supprime même tout ce que je puis avoir écrit hors ce livre, réservé {ii} la Préface des Essais en l’état que je la fis imprimer l’an mil six cent trente-cinq. Les insolences, voire les meurtres de réputation, que je vois tous les jours faire en cas pareil dans cet impertinent siècle, me convient à lâcher cette imprécation. » {iii}
- Quelle.
- Hormis.
- Je me suis seulement permis de moderniser l’orthographe.
« Profane, ces écrits n’ont qu’un mot à te dire :
Tu n’auras chez Gournay que louer ni que lire. »
Marie Le Jars était demoiselle de Gournay (aujourd’hui Gournay-sur-Aronde en Picardie, dans le département de l’Oise). Ses biographes l’ont dite très liée aux Balagny, mais sans signaler sa présence auprès d’eux lors du désastre de Cambrai en 1595 (v. supra note [16]). Les lettres de Juste Lipse (édition d’Avignon, 1609, v. note [12], lettre 271) en contiennent trois à Maria Gornacensis, dont celle qu’il lui a écrite à Cambrai, datée de Louvain le 24 mai 1593, où il déplore la mort de Montaigne (pages 535‑536). Tallemant des Réaux a laissé une fort méchante historiette à son sujet (tome i, pages 379‑380), dont le début résume le ton :
« Mademoiselle de Gournay était une vieille fille de Picardie, et bien demoiselle. Je ne sais où elle avait été chercher Montaigne, mais elle se vantait d’être sa fille d’alliance. Elle savait et elle faisait des vers, mais méchants. »
« “ Egnatius, tout ce que tu as de bien est ta barbe épaisse et cette denture, que tu frottes d’urine ibérique : quand bien même tu serais Romain, ou Sabin, ou Tiburtin, ou Transpadan, ou enfin d’un pays, quel qu’il soit, où on se lave les dents proprement, je ne te permettrai toujours pas de rire à tout propos, car rien n’est plus sot qu’un sot rire, etc. ” Page 28, in‑8o. {a} Voyez Caspar Scioppius dans les Elementa philosophiæ stoicæ moralis, page 155. » {b}
- Le Catulle (v. note [8], lettre 52) in‑8o est l’édition donnée par Joseph Scaliger (Anvers, 1582, v. note [2], lettre latine 426). Cette citation mélange les vers de deux poèmes qui s’y trouvent aux pages 20‑21. Je les donne ici dans la transcription latine établie par Scaliger et en mettant en exergue les emprunts du Borboniana.
- Deux des quatre derniers vers du poème xxvii, parlant des habitués d’un bordel :
Tu præter omnis une de capillatis
Cuniculosæ Celtiberiæ fili
Egnati, opaca quem facit bonum barba,
Et dens Hibera defricatus urina.[Toi, Egnatius, fils de la Celtibérie, {i} où pullulent les lapins, seul entre tous les hirsutes, tout ce que tu as de bien est ta barbe épaisse et cette denture, que tu frottes d’urine ibérique].
- Six vers épars du poème xxix, Contre Egnatius, (où j’ai remplacé dentis [« dent » au cas génitif singulier] par dentes [« dents » à l’accusatif pluriel]) :
Egnatius, quod candidos habet dentes,
Renidet usquequaque : eu ad rei venium est
Subsellium, quum orator excitat fletum,
Renidet ille : seu pii ad rogum filii
Lugetur, orba quum flet unicum mater,
Renidet ille : quicquid est, ubicumque est,
Quodcumque agit, renidet. Hunc habet morbum
Neque elegantem, ut arbitror, neque urbanum.
Quare monendus es mihi. Bone Egnati,
Si urbanus esses, aut Sabinus, aut Tiburs,
Aut porcus Vmber, aut obesus Hetruscus,
Aut Lanuvinus ater, atque dentatus,
Aut Transpadanus, ut meos quoque attingam,
Aut quilibet, qui puriter lavit dentis :
Tamen renidere usquequaque te nollem.
Nam risu inepto res ineptior nulla est.
Nunc Celtiber in Celtiberia terra
Quod quisque minxit, hoc solet sibi mane
Dentem, atque russam defricare gingivam,
Ut quo iste vester expolitior dens est,
Hoc te amplius bibisse prædicet lotii.[Egnatius, parce qu’il a les dents blanches, rit en toute occasion. Vient-on au banc d’un accusé, au moment où l’avocat fait verser des larmes, Egnatius rit ! Gémit-on près du bûcher d’un bon fils, d’un fils unique que pleure une mère désolée, il rit encore ! En toute occasion, en quelque lieu qu’il soit, quoi qu’il fasse, il rit ! C’est là sa manie, mais elle n’est, à mon sens, ni de bon goût ni polie. Je dois donc t’avertir, mon bon Egnatius, que quand bien même tu serais Romain, ou Sabin, ou Tiburtin, ou un porc d’Ombrie, ou un Étrusque obèse, ou un brun Lavinien aux dents bien plantées, ou, pour dire aussi un mot de nos compatriotes, Transpadan, {ii} ou enfin d’un pays, quel qu’il soit, où on se lave les dents proprement, je ne te permettrais toujours pas de rire à tout propos, car rien n’est plus sot qu’un sot rire. Mais tu es Celtibérien et, en Celtibérie, {i} chacun a coutume, le matin, de se frotter les dents et les rouges gencives avec ce qu’il a pissé ; si bien que plus tes dents ont d’éclat, plus elles proclament que tu as bu d’urine].
- La péninsule ibérique, alors peuplée par des Celtes.
- Tous ces habitants sont dans l’ordre : ceux de Rome (Urbs) ; de la région de Rome (Sabins) ; de Tibur (Tivoli, faubourg de Rome, v. note [17], lettre 75) ; d’Ombrie (région de Pérouse, au nord de Rome) ; d’Étrurie (actuelle Toscane) ; de Lavinium (Pomezia, au sud de Rome) ; du Transpadum (pays situé au nord du Pô), car Catulle était originaire de Vérone ou de Sirmione, sur le lac de Garde.
- Casp. Scioppii Elementa philosophiæ stoicæ moralis. Quæ in Senecam, Ciceronem, aliosque Scriptores, Commentarii loco esse possint,
[Éléments de philosophie stoïque morale de Caspar Scioppius. {i} Ils pourraient tenir lieu de commentaire sur Sénèque, Cicéron et autres écrivains] ; {ii}
Conclusio, page 155 ro et vo) :
Scit nimirum Sapientiam non renunciare munditiæ, et si cuiquam, Philosopho certe convenire nihil in se sordidum sinere ; nihil uspiam corporis apertum, immundum pati ac fætulentum, præsertim os, cuius in propatulo et conspicuo usus homini creberrimus, sive ille cum quiquam sermocinetur, sive in auditorio disertet, sive in templo preces alleget. Omnem quippe hominis actum sermo præit, qui, ut ait poeta præcipuus, e dentium muro proficiscitur : ita ut nonnullos de mundulis istis Palatinis illuviei suæ merito pudere debeat, qui si scirent, quantam alieno naso molestiam exhibeant, ieiunam et hircosam ac contaminatam suam animam, vel Mephitin verius exhalando, vomitumque iis, quibus cum consistunt aut fabulantur, excutiendo, næ illi faxo in Stoici alicuius disciplinam traditi, exotico etiam pulvere dentes emundare, animæque vitium emendare discerent, nisi quidem malint Iberorum ritu, sua sibi urina,Dentem atque russam pumicare gingivam.Neque vero ad hæc modo levicula et minima nihil ab Aulicorum moribus demutabit Sapiens, etiam libris nonnunquam de manu depositis (quamvis se beatos multi reputent, si possint iis perpetuo affixi.
[Fuge magna, licet] sub paupere tecto
Regei et regum vita præcurrere amicos.)[Le philosophe sait assurément que la sagesse ne fait pas renoncer à la propreté ; et contrairement à certains, il lui sied bien sûr de ne rien tolérer de crasseux sur sa personne : ne rien souffrir, n’importe où sur son corps, qui soit ostentatoire, immonde et puant ; « en particulier la bouche que l’homme emploie à tout instant, en public et au grand jour, soit pour discourir devant un auditoire, soit pour prier au temple, car tout acte de l’homme est précédé de la parole, qui, comme dit le plus grand des poètes, sort de derrière le rempart des dents. » {iii} Aussi doit-il, pour leur saleté, couvrir de honte certains de ces élégants courtisans. S’ils savaient comme ils incommodent le nez des autres, comme leur haleine vile, impure et sentant le bouc ou, pour le dire plus véritablement, leur exhalaison méphitique, {iv} donne envie de vomir à ceux qui sont assis près d’eux ou causent avec eux, je leur apprendrais, sans parler de les initier à la discipline de quelque stoïque, à corriger le vice de leur souffle, et même à se nettoyer les dents avec une poudre exotique ; {v} à moins qu’ils ne préfèrent la coutume des Espagnols et, < ut ait Catullus, > sua sibi urina,
Dentem atque russam pumicare gingivam. {vi}Dans la mesure où cela est futile et sans importance, le sage ne changera rien aux mœurs des courtisans, car les livres leur tombent fort souvent des mains (beaucoup s’estimeraient pourtant heureux d’avoir en permanence ces vers sous les yeux :
< Fuge magna, licet > sub paupere tecto
Regei et regum vita præcurrere amicos)]. {vii}
- V. note [14], lettre 79.
- Mayence, Ioannes Albinus, 1606, in‑8o de 336 pages ; le titre est suivi de deux citations :
- S. Hieron. in x. Isaiæ.
Stoici nostro dogmati in plerisque concordant. [Saint Jérôme sur le 10e livre d’Isaïe.
Sur bien des points, les stoïques s’accordent avec notre dogme].- M.T. Cicero iv. Tuscul.
Licet insectemur Stoicos, metuo ne soli Philosophi sint.[Cicéron, livre v (sic pour iv) des Tusculanes.
Bien que nous pourchassions les stoïques, j’ai bien peur qu’ils ne soient les seuls philosophes].- Sans le mettre en exergue typographique, Scioppius a pris mot pour mot (quoique non intégralement) tout ce passage latin, ici traduit entre guillemets, au chapitre 7 de l’Apologie d’Apulée (v. note [33], lettre 99). Le « plus grand des poètes » est Homère : ερκος οδοντων [erkos odontôn, le rempart des dents] se lit dans L’Odyssée (chant v, vers 22).
- Méfitis (ou Méphitis) était la déesse romaine des exhalaisons pestilentielles.
- Métonymie désignant les dentifrices en lien avec leur composition, qui utilisait volontiers des substances venues de contrées lointaines (Furetière) :
« remèdes avec lesquels on se frotte les dents. Il y en a de secs, dont quelques-uns sont en façon d’opiate [v. note [6], lettre 81] ou de poudres sèches grossement pulvérisées, comme coraux, pierre ponce, du sel, de l’alun, coquilles d’œufs, d’escargots et d’écrevisses, corne de cerf, os de seiche, ou de racines cuites avec alun, et séchées au four. D’autres sont humides, tirés par distillation d’herbes desséchantes et de médicaments astringents. On fait des opiates de ces poudres, en y ajoutant du miel. Les Hollandais disent que le meilleur opiate ou dentifrice, qui conserve les dents belles, est de les frotter avec du beurre. Les Espagnols les frottent avec de l’urine. »Notre édition cite six substances végétales exotiques (et jadis onéreuses) propres à satisfaire l’antique désir de s’améliorer l’haleine : la myrrhe (v. note [3], lettre 436), le cachou (v. note [6], lettre latine 341), le galanga (v. note [65], lettre latine 351), le lentisque (v. note [73], lettre latine 351), le bétel (v. notule {b}, note [30] de la Leçon sur le laudanum et l’opium), le citron (v. notes [27] et [28] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).
- « [comme dit Catulle], de se frotter les dents et les rouges gencives avec leur propre urine » : nouvel emprunt (mais cette fois non dissimulé) à l’Apologie d’Apulée (chapitre 6) ; la référence à Catulle (omise par Scioppius, et que j’ai ajoutée entre chevrons) porte sur l’antépénultième vers du poème cité dans la notule {a‑2} supra).
- « [Fuis les grandeurs : il t’est permis,] sous un humble toit, de vivre plus heureux que les rois et que les favoris des rois » (Horace, Épîtres, livre i, 10, vers 32‑33).
Ce texte illustre à la fois le latin difficilement intelligible de Scioppius et sa haineuse misanthropie (qui lui a valu quantité d’ennemis), ainsi que l’exécrable façon qu’avaient certains écrivains de faire des centons (ou rhapsodies), c’est-à-dire de coudre ensemble des fragments tirés d’autres auteurs, sans citer leurs sources, et même sans toujours indiquer qu’il s’agissait d’emprunts (v. supra notule {iii}).
Antoine Perrenot de Granvelle (Ornans, près de Besançon 1517-Madrid 1586) était fils de Nicolas et petit-fils de Pierre Perrenot (v. infra note [23]). Après des études de théologie à la Sorbonne et grâce à la puissante influence de son père, Antoine fut nommé évêque d’Arras (1538), cardinal et archevêque de Malines (1561), puis de Besançon (1584). Il assura d’éminentes fonctions politiques et diplomatiques au service de Charles Quint puis de Philippe ii. Instruit et polyglotte, le cardinal eut le jeune Juste Lipse pour secrétaire (de 1567 à 1570, v. note [8], lettre 36).
Charles Quint (v. note [32], lettre 345), empereur de 1519 à 1558 et roi d’Espagne de 1516 à 1556, eut pour successeurs, de son vivant et sur sa volonté : à la tête de l’Empire, son frère cadet, Ferdinand ier de Habsbourg (v. la fin de la note [19] du Borboniana 8 manuscrit) ; et pour les royaumes d’Espagne, son fils Philippe ii (v. note [13], lettre 152). L’aigle était l’emblème du Saint-Empire romain germanique (v. note [7], lettre 21).
Tout cela donne leur sens aux deux vers concernant le cardinal de Granvelle :Jean-François Le Petit (v. infra note [21]) a aussi cité ce distique anonyme (v. la notule {c} du dernier extrait cité dans la note [24] infra). Notre glossaire donne le sens exact qu’avait le mot braguette au xvie s.
La Goulette est le port fortifié qui commande l’accès à la ville de Tunis, capitale du royaume de même nom, en Barbarie (v. note [26], lettre 406). Charles Quint avait pris La Goulette en 1535, et le Grand Turc, Sélim ii (v. note [14] du Borboniana 4 manuscrit), l’avait reprise à Philippe ii en septembre 1574.
« [Il] {c} eut pour grand-père (car plus avant il n’est connu) un maréchal de la ville de Nozereth en la Franche-Comté, {d} duquel le nom est supprimé, pour avoir été d’un métier tant abject. Son père fut Nicolas Perrenot (qui premier prit le surnom de Granvelle, d’une seigneurie qu’il acheta) {e} ayant été simple clerc de pratique et, depuis, subtil et cauteleux procureur postulant en la Cour de parlement à Dole qui, pour son esprit vif, par la recommandation du chancelier de Bourgogne, fut avancé en état de secrétaire à Madame Marguerite, duchesse douairière de Savoie, tante de l’empereur Charles v ; {f} où il fit si bien ses affaires qu’après le trépas du chancelier, il entra au service de l’empereur, non seulement en qualité de secrétaire, mais bien de conseiller principal ; et petit à petit, vint en tel crédit qu’au prix de lui, {g} tous les autres n’étaient rien ; tellement qu’il eut beau moyen d’amasser grandes richesses qu’il laissa à ses enfants. »
« Aussi, afin que les princes et rois remarquent les humeurs de cette ambitieuse sorte de gens qui se nomment ecclésiastiques, lesquels seront aisés à connaître, si on considère leur vie, celle de ce cardinal servira de modèle et préavertissement ; et tout d’un même chemin, qu’ils se représentent les grands maux et très dangereux inconvénients qui sont survenus à la chrétienté par quelques cardinaux signalés. {h} Dont le premier fut Julian qui, rendant son maître Ladislas, roi de Pologne et de Hongrie, parjure en la paix faite avec Amurat, sultan des Turcs, fut cause de la mort de ce prince, au grand détriment de toute la chrétienté, < mais de la > prospérité et accroissement de ce Barbare et de sa postérité jusques aujourd’hui. {i} Le second, Charles, cardinal de Lorraine a, par l’espace de plusieurs années que son crédit a duré sous les rois Henri ii, François ii, Charles ix et Henri iii, mis la France à feu et à sang, fait infinis maux à ses maîtres et sujets, comme maintes histoires publiées le vérifient distinctement. {j} Et pour le troisième, Antoine Perrenot, cardinal de Granvelle, qui à son trépas (ayant par ses mauvais conseils et pire conduite) laissé tout les Pays-Bas en tels troubles et désordres, comme nous les voyons, sera cause de la perte générale et indubitable d’iceux pour la postérité de son maître, mort sans y avoir pu mettre ordre. »
- Par Jean-François Le Petit (1545-1615), « greffier de Béthune en Artois » (selon le Salut de l’imprimeur aux lecteurs).
- Saint-Gervais, Jean Vignon, 1604, in‑8o de 1 582 pages.
- Antoine de Granvelle (v. supra note [19]) dont est présentée la généalogie (« descente »).
- Pour Le Petit, Pierre Perrenot (v. infra note [23]) était un maréchal-ferrant originaire de Nozereth, ancien nom de Nozeroy, ville située à 15 kilomètres au nord-est de Champagnole, dans l’actuel département du Jura.
- La seigneurie de Granvelle, acquise par Nicolas Perrenot (v. infra note [23]), se trouvait sur l’actuelle commune de Grandvelle-et-le-Perrenot (à 20 kilomètres au sud-ouest de Vesoul, dans l’actuel département de la Haute-Saône).
- Marguerite d’Autriche (1480-1530), tante de Charles Quint, gouverna les Pays-Bas de 1507 à sa mort, et fut duchesse de Savoie de 1501 à 1504, année où mourut son époux, Philibert ii de Savoie, ce qui lui valut dès lors le titre de duchesse douairière.
- Par comparaison avec lui.
- Mes petites retouches ont rendu la phrase intelligible, mais sans rendre élégant le style de Le Petit.
- Sur le conseil du cardinal Julian (Giuliano) Cesarini (1398-1444), Ladislas iii Jagellon (1424-1444), roi de Pologne en 1434 et de Hongrie en 1440, ne respecta pas la trêve de dix ans qu’il avait signée avec le Grand Turc Amurat ou Mourad ii (1404-1451). Le cardinal et le roi furent tués par les Ottomans au cours de la bataille de Varna (10 novembre 1444).
- Charles de Lorraine (1524-1574) fut nommé cardinal en 1547. À la mort de son frère aîné, François ier de Lorraine, duc de Guise (1563, v. note [156], lettre 166), Charles devint le chef de la Maison de Guise, et l’un des ardents défenseurs du catholicisme dans sa lutte contre le protestantisme.
« Nous y avons {c} depuis peu de jours le comte de Cantecroix, neveu et héritier du feu cardinal Granvelle, ambassadeur ordinaire pour l’empereur : {d} il y est venu avec un ameublement correspondant à ses richesses, car ceux qui ont vu les meubles qu’il a apportés les évaluent à deux cent mille écus. Cela donne à discourir à quelques curieux, qui s’imaginent qu’on ne lui ait pas donné cette ambassade sans quelque grande occasion ; mais si c’est pour embarquer cette République à la guerre contre le Turc, j’oserais assurer qu’il y perdra son temps. Aussi crois-je qu’il ait désiré cette charge pour sa commodité, sans regarder plus loin que de se rendre l’empereur favorable en un grand procès qu’il a contre quelques siens parents. »
« Le comte de Cantecroix est arrivé secrètement et ne se veut point laisser voir qu’il ne soit guéri de sa goutte. Ceux qui ont vu ses meubles disent qu’il en a apporté pour plus de deux cent mille écus. Ce grand apparat donne sujet à quelque curieux de s’imaginer qu’il soit envoyé pour grandes occasions, et même pour traiter une ligue contre le Turc ; mais je n’en crois rien, l’empereur ayant été fraîchement refusé d’une petite somme qu’il demandait en prêt. Il a dit à un des miens, par lequel je l’ai fait visiter, qu’il avait une commission pour ses fiefs qui relèvent de l’Empire par toute l’Italie, pour recevoir les profits, aveux et dénombrements, et donner les investitures. Je crois que s’il eût eu autre charge extraordinaire, il ne l’eût pas celée. Il dit avoir demandé permission à l’empereur de me voir souvent, pour avoir beaucoup de parents et d’amis en France, et que l’empereur l’assura qu’il le trouvait bon et qu’il était en bonne amitié avec Sa Majesté, {f} et ne craignait rien de sa part ni de ses ministres. »
« Le comte de Cantecroix, qu’on appelle ici l’ambassadeur de la Blanque parce qu’il ne parle d’autre chose que d’une blanque {g} qu’il veut faire de ses bagues, me vint voir hier, au sortir d’une grosse maladie qui l’a pensé emporter, dont il est encore si faible qu’il ne peut mettre un pied devant l’autre, pour me prier de supplier très humblement Votre Majesté lui faire savoir si vous auriez agréable qu’il se pourvoie par requête en votre Conseil, pour se plaindre du déni de justice que lui fait l’archiduc Albert, {h} n’ayant jamais voulu permettre qu’il exécute un jugement qu’il a obtenu au Conseil de l’empereur contre le sieur de Thoraise ; {i} et si, ledit déni bien vérifié, Votre Majesté lui octroiera lettre de marque contre les sujets du dit archiduc ; parce qu’en ayant votre parole, il est résolu de se retirer en France et épouser votre service avec la même fidélité qu’il a portée jusqu’ici à la Maison d’Autriche ; résolution que je trouve d’autant plus extravagante qu’en tous ses propos il se montre plus espagnol que les Espagnols, et exalte la grandeur de ce roi-là {j} avec des hyperboles si plates qu’il s’y rend insupportable, avec ce, qu’il dit avoir une pension de lui de trois mille écus ; mais je crois que ce qui le presse, c’est qu’il n’aime point ses vrais héritiers et désire laisser son bien à deux petits bâtards qu’il a avec lui, et pour cela désire les mettre en votre protection, n’ayant pas peut-être opinion de la faire longue, comme les médecins le lui promettent, ou s’il continue sa vie désordonnée. Il y a quelque temps qu’à la même prière du dit comte, j’avais touché quelque chose de cette sienne intention ; mais il désire une assurance plus particulière sur laquelle il se puisse résoudre d’abandonner tout ce qu’il a sous l’obéissance du dit archiduc. Il dit que sa mère était héritière de la Maison de Bréderode et avait l’honneur de vous appartenir. {k} Je supplie très humblement Votre Majesté me commander ce qu’il lui plaît que je lui réponde. »
- Paris, veuve de Mathurin Du Puys, in‑4o de 677 pages.
- Christophe de Harlay, comte de Beaumont, était ambassadeur ordinaire de France en Angleterre ; fils d’Achille i (v. note [19], lettre 469), il mourut en 1615 (Popoff, no 106).
- Ici, à Venise.
- Rodolphe ii (v. note [39] du Borboniana 3 manuscrit).
- Nicolas i de Neufville, v. note [5] du Borboniana 8 manuscrit.
- Henri iv, roi de France.
- Loterie.
- Albert d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas (v. notule {b}, note [23] du Grotiana 2), frère de l’empereur Rodolphe ii.
- Marguerite Perrenot de Granvelle, fille aînée de Nicolas, avait épousé Jean d’Achey, baron de Thoraise. Il s’agissait probablement de leur fils Antoine : ce cousin germain du comte de Cantecroix avait hérité de tous les biens de leur oncle, le riche abbé Charles Perrenot de Granvelle.
- Philippe iii, roi d’Espagne.
- Thomas Perrenot, le père du comte de Cantecroix, avait épousé Hélène de Bréderode, issue d’une noble famille hollandaise de vieille souche, qui luttait alors pour l’indépendance des Provinces-Unies, avec le soutien de la France.
« Sur ce Granvelle, voyez son éloge dans les Elogia cardinalium de Nic. Sanderus, tome 3, pages 78, 103, 119, 126, 140. »
L’ouvrage cité n’est pas de « Nic. Sanderus », {a} mais du littérateur religieux flamand Antonius Sanderus (Antoon Sanders, Anvers 1586-Affligem 1664) :
Antonii Sanderi presbyteri, Iprensis Ecclesiæ Canonici, Elogia cardinalium, sanctitate, doctrina, et armis illustrium…[Éloges des cardinaux qui se sont illustrés par leur sainteté, leur doctrine et dans les armes. Par Antonius Sanderus, prêtre et chanoine de l’église d’Ypres…]. {b}
- Nicholas Sanders, v. note [32] du Faux Patiniana II‑7.
- Louvain, Cornelius Coenesteynius, 1626, in‑4o de 454 pages.
Ce livre n’est pas divisé en tomes, mais en dix decades [décades]. La pagination fournie par le Borboniana est tout aussi déroutante car Antonius Perenottus, Card. Granvellanus est le sujet du dixième éloge de la Decas secunda (pages 169‑178). Il est tiré de son oraison funèbre prononcée par un dénommé Ioan. Baptista Saccus : c’est un tissu de louanges sans autre intérêt pour nous que deux détails biographiques.
Cumulatæ insuper in ipso dignitatibus dignitates, usque eo, ut invitus fere, certe non ambiens in Sacrosanctum Collegium cardinalium a Pio iv Pont. Max. omnium suffragiis, ac ipso pæne cælo appluadente fuerit allectus, anno a partu Virginis m. d. lxi tertio Kal. Mart.[Les dignités se sont accumulées sur sa personne, jusqu’à ce que, presque à son insu et certainement sans qu’il l’eût brigué, le pape Pie iv {a} le reçût, à l’unanimité des suffrages, dans le sacré Collège des cardinaux, le 27 février de la 1561e année suivant l’accouchement de la Vierge].
Homo enim septuagenarius dum quadragesimale jejunium huius sæculi anni m. d. lxxxvi. eadem qua antea consueverat, severitate a se exegit, non modo pulpamentis omnibus, sed etiam ovis et lactariis abstineus, primo ad imbecillitatem maximam redactus est : deinde in febrim quandam assiduam, et insidiosam incidit, ex qua septimum tandem post mensem totus contabuit. Quæ quidem pietatis officia citra ullam prorsus tristitiam atque hypocrisin (a qua fuit alienissimus) exequebatur. Qua autem constantia, animique magnitudine tam diutinum morbum pertulerit, quærere non est necesse, postea quam adeo fortis ad extremum usque persistit, ut de sua quoque ipsius morte nonnihil cavillaretur : siquidem satagentibus medicis, ut tam pertinacis morbi causam inquirirent ; scitote, inquit, non aliam esse, nisi quod temporius ad hanc vitam surrexerim, innuens se iam longævum esse. Quo magis autem appropinquare mortem intelligebat, eo magis intrepidus hanc expectabat, et alacer quasi emeritorum stipendiorum rudem accepturus. Et ut omnibus testatum relinqueret, quanto amore prosequeretur Franciscum Perenottum fratris filium, in quem fortasse nonnullis visus erat durior, ipsum ad se vocatum incredibili pietate complexus sic alloquitur : Gnate (neque enim alius es mihi) præteritorum inter nos mutua sit amnestia : quandoquidem adolescentiæ tuæ, amori meo quidquid offensarum utrimque est, condonandum censeo posthac te ipse reverere ; tu tibi monitor sis, et castigator. Cui ille : Pater (quando me filium ducis) nulla mihi abs te orta est injuria : quin si quid ego licentius feci, parce. Dehinc operam dabo, ne mihi unquam excidant præcepta tua. Obortis vero præ sympathia animi utrique lachrymis, mutuis amplexibus tacitis indulgebant. O egregium pietatis certamen ! Posthæc studebat Antonius ut quam minimum relinqueret morti, de quo triumphare posset. Itaque compositis rebus suis, extrremaque voluntate testata, spes et cogitationes omnes suas in Deo defixit. Postremo, anima sæpius iam expiata, veniaque a domesticis petita, si cui forte gravior fuisset, sacræ summæque perunctioni se totum tradidit. Fama interim certissima, diu prius dissimulata imminentis Antonio fati ad Philippum Regem pervenit : qui tam terribili nuncio perculsus, statim e Laurentino secessu litteras propriis articulis exaratas ad ægrotum dedit, ipsius ægritudine amantissimis verbis miserans, ac solans ; simul quam liberalissime studium opemque suam vivo et mortuo deferens : Quas moribundus senex exosculatus perlegit, et ipsis quam officiosissime respondit, fratris filios, et domesticos suos Regiæ benignitati commendans. Exinde triduum adhuc superstes fuit, piis semper meditationibus incumbens. Adfuit enim assiduus languenti Ioseph Angles Valentinus, monachus Franciscanus, vir pietate ac doctrina insigniter excultus, ideoque Episcopatui Bosanensi designatus, cui, quasi eius certaminis agonotheti strenuus athleta pænitentiæ suæ, fidei, spei egregium testimonium dedit, nusquam labans, nusquam nutans, nusquam hæsitans, quousque in Domino placide obdormuit, die Mattheo sacro xx. ante lucem. Qui finis ne omine quidem caruit : quoniam animadversum est, simili quoque die obiisse Carolum v. Imperatorem, cuius ut viventis, sic et morientis vestigia secutus est cardinalis. Nec defuit suus honos extincto ; siquidem populus certatim ad expositum cadaver, quasi ad Sanctorum pulvinaria confluxit.[L’homme était en effet septuagénaire quand il se soumit au carême de l’an 1586 avec la sévérité qui lui était coutumière : l’abstinence des viandes, mais aussi des œufs et des laitages, le mit d’abord dans un état de très grande faiblesse ; ensuite, il tomba dans une fièvre lente et continue, qui finit par le dessécher entièrement au cours des sept mois suivants. Il ne cessa certes pas d’observer ses devoirs de piété, sans la moindre marque de tristesse ou d’hypocrisie (sentiments qui lui étaient tout à fait étrangers). Il est inutile de s’interroger sur la constance et la grandeur d’âme avec lesquelles il a enduré jusqu’au bout cette si longue maladie, après qu’on l’a vu conserver jusqu’au bout son grand courage, sans cesser de plaisanter sur sa propre mort. Ainsi, quand les médecins se démenaient pour comprendre la cause d’un mal si opiniâtre, « Sachez, leur dit-il, que ce n’est rien d’autre que d’être né trop tôt », voulant dire par là qu’il avait déjà vécu bien assez longtemps. Plus il voyait son trépas approcher, plus il était intrépide et allègre à l’attendre, comme s’il allait recevoir le solde bien mérité des campagnes qu’il avait menées. Et pour laisser à tous un témoignage de la grande affection qu’il avait pour François Perrenot, fils de son frère, {b} laquelle a pu sembler insupportable à certain, il l’appela près de lui, l’embrassa avec incroyable bonté et lui dit : « Mon fils (car tu n’es rien d’autre pour moi), oublions tous deux ce qui s’est passé entre nous. Quand bien même ta jeunesse et mon amour y auraient provoqué quelques heurts, je pense qu’il faut nous en faire grâce après que tu en seras convenu. Sois plus attentif et plus strict envers toi-même. » L’autre lui répondit : « Mon père (puisque vous me tenez pour un fils), vous êtes loin de me faire injure. Épargnez-moi donc si j’ai agi trop hardiment envers vous. Désormais, je veillerai à ne jamais m’écarter de vos préceptes. » Les larmes aux yeux, pour marquer la profonde et réciproque entente qui les liait, ils s’embrassèrent alors silencieusement. Ô l’admirable duel de piété ! Dès lors, Antoine s’évertua à concéder le moins possible de triomphe à la mort : ayant mis ordre à ses affaires et exprimé ses dernières volontés, il voua toutes ses espérances et toutes ses pensées à Dieu. À la fin, s’étant déjà maintes fois confessé et ayant demandé pardon à ceux de sa maison, s’il avait pu se montrer trop sévère envers quelqu’un, il reçut l’extrême-onction, saintement et de toute son âme. Entre-temps, l’annonce très certaine de la mort imminente d’Antoine, qu’on avait tue jusque là, parvint au roi Philippe. Profondément ébranlé par une si terrible nouvelle, depuis sa retraite de l’Escurial, {c} il écrivit une lettre au malade, de sa propre main, déplorant et pleurant, en mots très affectueux, sa propre désolation, et lui offrant fort généreusement, qu’il fût encore vivant ou déjà mort, ses soins et son aide. Le vieil homme qu’il chérissait, tout près du trépas, la lut entièrement et lui répondit avec la plus grande obligeance, recommandant ceux de sa maison et les fils de son frère à la bienveillance du roi. Le cardinal survécut encore trois jours, plongé dans de pieuses méditations. Dans son agonie, il fut assidûment assisté par Joseph Angles, moine franciscain natif de Valence, homme emprunt de piété et de doctrine remarquables, qui a en conséquence été nommé évêque de Bosa ; {d} comme à l’arbitre d’un combat, notre intrépide athlète lui a donné l’éminent témoignage de son repentir, de sa foi, de son espérance, sans jamais défaillir, ni chanceler, ni hésiter, jusqu’au moment où il s’est paisiblement endormi dans les bras du Seigneur, avant l’aube du 20e du mois, jour de la Saint-Matthieu. Un signe n’a pas manqué d’accompagner sa fin car on a remarqué que l’empereur Charles Quint était aussi mort à cette même date, et que le cardinal avait suivi ses pas, tant durant sa vie que dans la mort. {e} Les honneurs ne firent pas défaut au défunt homme : le peuple vint en foule se prosterner devant sa dépouille comme devant les gisants des saints]. {f}
- V. note [5], lettre 965.
- La générosité du cardinal à l’égard de son neveu François, fils de Thomas Perrenot, comte de Cantecroix (v. supra note [21]), fut la source de longs litiges au sein de sa famille.
- Le nom espagnol complet de l’Escurial (v. note [8], lettre 1003) est San Lorenzo de El Escorial, ce qui lui valait d’être ici nommé Laurentinus secessus.
- Alghero-Bosa est un diocèse situé sur la côte occidentale de Sardaigne (alors rattachée à la Couronne espagnole) ; Josè Anglès (1550-1588) en a été nommé évêque peu avant sa mort.
- Charles Quint, en 1558, et Granvelle, en 1586, étaient tous deux morts un 21 septembre, fête de l’apôtre saint Matthieu. J’ai corrigé le texte qui donne xx pour xxi.
- Étant donné les goûts de luxe et les mœurs libres d’Antoine de Granvelle (v. la dernière citation de la note [24] infra), l’Église n’a jamais envisagé sa béatification. Il mourut en laissant trois enfants naturels.
« comme raconte Sleidan, page 630 ».
- Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, contenant l’idée générale de la Noblesse et le Nobiliaire du dit comté, l’Histoire des comtes de Bourgogne des maisons de Valois et d’Autriche ; de l’Administration de la justice, de son parlement et de sa réunion au royaume de France ; l’Histoire de toutes les révolutions et faits remarquables arrivés en cette province jusqu’au temps présent. Avec figures en taille-douce. Par M. F.I. Dunod de Charnage, {i} écuyer, ancien avocat au parlement et professeur royal en l’Université de Besançon. {ii}
- François-Ignace Dunod de Charnage (Saint-Claude 1679-Besançon 1752), juriste et historien.
- Besançon, Jean-Baptiste Charmet, 1740, in‑4o de 783 pages
« Le quatorzième de mars, l’empereur donna réponse aux ambassades des protestants par Corneille Scepper, {c} qui était assez bénigne mais tellement ambiguë qu’on n’eût su entendre s’il voulait leur donner la paix. S’étant donc un peu retirés par le congé de l’empereur, ils retournent et le prient de suspendre le procès de la Chambre, et de leur octroyer la paix. À quoi l’empereur fit réponse qu’il n’avait autre chose à leur dire pour lors, et qu’il y aviserait davantage. Cette réponse fut récitée dix jours après à Smalcalde. {d} Le lendemain de Pâques, qui était le vingt-neuvième de mars, les princes vinrent là.De ce temps, l’envie et inimitié s’enflammaient entre Granvelle et Helde, qui prirent fin parce que Helde, {e} chassé de cour, fut renvoyé en sa maison ; car Granvelle était en plus grand crédit et accusait Helde de ce que, en ses délibérations et dépêches, il était trop véhément, et avait quasi mis l’empereur en guerre malgré lui, sans y penser. Et parce que ledit Granvelle montrait apertement qu’il demandait la paix et tranquillité publiques, étant requis des protestants, il mania tellement l’empereur qu’il le fléchit à désirer la paix. […] Les demandes {f} étaient assez raisonnables ; et toutefois, elles donnaient à entendre que l’empereur se persuadait presque qu’ils n’avaient égard à la religion et ne demandaient la paix de bon cœur ; mais prétendaient seulement à s’emparer des biens ecclésiastiques, se repaissant d’écrits et de contentions, ayant mauvais vouloir contre l’empereur, et enclins au parti de ceux qui manifestement sont ses ennemis. Ces choses lui avaient été rapportées, partie par les adversaires, partie par les Français, comme on tient pour tout vrai. Car du temps que l’empereur passait par France, et qu’il semblait que l’amitié fût indissoluble, {g} on lui révéla quelques secrets, et lui présenta-t-on les lettres des protestants adressées au roi. Aucuns disent que le roi fit cela ; les autres en accusent le connétable {h} qui lors gouvernait tout, et avait grand désir de les mettre d’accord, étant cependant mal intentionné envers les protestants, pour la religion.
Les protestants firent réponse bien au long à ces demandes, l’onzième d’avril, sous tels propos : en premier lieu, nous remercions Granvelle, qui a toujours induit l’empereur de vider cette cause par raison, qui est une vertu grandement louable ; et prions Dieu lui accroître et conserver ce tant bon et noble courage ; car y a-t-il chose plus singulière que d’appointer les fâcheries et contentions publiques par prudence et modestes conseils, sans effusion de sang ? Nous prions tous en général n’estimer que prenions plaisir aux inimitiés et dissensions des Églises, ou qu’y cherchions quelque profit particulier ; ou bien que, par quelque obstination, nous soyons séparés des autres et, par insolence et rébellion, ayons rejeté la coutume invétérée par plusieurs centaines d’ans. Nous ne sommes tant dépourvus de sens, d’endurer témérairement et sans raison la haine si aigre des adversaires, tant de travaux et fâcheries, tant de frais et pertes, tant de périls par plusieurs ans. Mais quand le différend de la doctrine s’est élevé aux Églises (chose par le passé souvent advenue), il ne nous a été loisible de résister à la vérité, pour entrer en la bonne grâce des hommes, et beaucoup moins, d’approuver les faits de ceux qui, par cruauté excessive, tourmentent les innocents. Pour ces causes de si grande importance, force nous est leur résister et nous séquestrer d’eux. Car il est tout notoire qu’ils défendent de grandes et intolérables erreurs, non seulement par parole, mais aussi par violence d’armes. Or, l’office du magistrat est de conserver les siens contre les injustes efforts ; et parce que nous sommes dénigrés et blâmés, comme si nous prétendions à notre profit et commodité, et non à l’amendement de l’Église, nous supplions Granvelle de nous en purger envers l’empereur. »
- V. supra note [8].
- Sans lieu, Jean Crespin, 1557, in‑4o de 947 pages : traduction du latin par Robert Le Prévost.
- Cornelius de Schepper (mort en 1555), conseiller et ambassadeur de Charles Quint.
- Schmalkalden en Thuringe.
- Rivalité entre Nicolas Granvelle et Matthias Helden, autre conseiller de Charles Quint.
- Les demandes des confessionnaires (luthériens).
- Durant la trêve de deux ans conclue entre Charles Quint et François ier en 1538, qui permit aux troupes espagnoles de traverser pacifiquement la France pour aller apaiser les troubles des Pays-Bas.
- Anne de Montmorency, v. note [7], lettre 522.
« Sur l’issue du mois d’août, Granvelle, qui ne faisait qu’arriver de Besançon à Augsbourg, alla de vie à trépas, au grand regret de l’empereur, selon qu’on dit. Il avait succédé au cardinal Mercurin, comme il a été dit au septième livre : < dé>jà par vingt ans, il avait été le plus avancé et savait, quasi tout seul, les secrets et le profond du cœur de l’empereur. Antoine, son fils, évêque d’Arras, homme de grande érudition, tint sa place et succéda à son office ; lequel avait déjà accoutumé de manier les affaires en l’absence du père, et était fort prisé de l’empereur. »
« comme raconte Sanderus. {a} Voyez Famianus Strada de Bello Belgico, décade i, pages 93, 94, 95, etc. {b} Voyez les Elogia Belgica de Miræus, in‑4o, page 3, et le Vesontiones de Jean-Jacques Chifllet, pages 317 et suivantes. » {c}
- V. supra note [22] pour Antonius Sanderus sur le cardinal de Granvelle.
- Famiano Strada a abondamment parlé du cardinal de Granvelle dans son « Histoire de la guerre de Flandre ». {i} La référence à l’édition latine indiquée par le Borboniana correspond à la biographie de Granvelle, ornée de son portrait (pages 79‑87) :
« Antoine Perrenot naquit à Besançon, ville du comté de Bourgogne, et eut pour père Nicolas, seigneur de Granvelle, qui sortait d’une famille d’entre le peuple et qui, selon quelques-uns, était fils d’un serrurier […]. Mais, comme Antoine de Granvelle avait l’esprit excellent, et qu’il était aidé par les sciences qu’il avait apprises avec applaudissement dans les plus célèbres académies de l’Europe, il acquit facilement, sous la conduite de son père, cette parfaite prudence qui est requise dans les affaires ; de sorte qu’ayant été appelé à l’administration de l’État, il fit connaître à l’empereur qu’il n’était pas tant appuyé par les mérites de son père que par sa propre vertu. Il l’égala en beaucoup de choses, et le surpassa en beaucoup d’autres, principalement par la vivacité de son esprit, ayant bien souvent lassé cinq secrétaires en leur dictant en même temps des lettres en diverses langues, car il en savait sept parfaitement. Mais surtout, il surpassa son père par son éloquence, en quoi l’on dit qu’il ne cédait à personne de son siècle. Il n’avait que vingt-quatre ans et son père vivait encore lorsque, étant déjà évêque d’Arras, il parla si hautement et avec tant de force dans le concile de Trente pour l’empereur Charles Quint. Il fut reçu entre les principaux conseillers de l’Empire et de Flandre ; il accompagna l’empereur dans ses fameuses expéditions, et paya quelquefois de sa personne dans les occasions de la guerre. Il fut envoyé en ambassade aux princes et aux républiques, et exécuta beaucoup de choses par la seule force de son éloquence, qu’il savait conduire avec une merveilleuse sagesse, sans qui l’éloquence est une abondance importune, et la maladie d’un esprit qui ne saurait se retenir. Lorsque l’empereur se fut dépouillé de l’Empire, il passa de son service au service du roi Philippe, avec un témoignage glorieux de son mérite et de sa vertu, car on publiait en ce temps-là que l’empereur avait dit, en partant de Flandre, {ii} qu’Antoine de Granvelle était le seul dont il aurait souhaité que son fils se fût servi dans ses plus importantes affaires. »Plus proche conseiller de Marguerite de Parme, qui gouverna les Pays-Bas de 1559 à 1567, le cardinal ne parvint pas à y maintenir la paix entre la Couronne d’Espagne et les Flamands protestants, partisans de la sécession des provinces du nord. En 1564, le roi Philippe ii lui donna congé. Il se retira en Franche-Comté ; mais en 1575, le souverain le rappela à ses côtés, à Madrid, où il demeura principalement chargé des affaires d’Italie jusqu’à sa mort, en 1586. Historien jésuite, Strada a conclu le séjour flamand de Granvelle par cette explication, partiale mais intéressante, de son échec dans une phase cruciale de la naissance des Provinces-Unies (pages 86‑87) :
« Tous ceux à qui le désir de régner était plus considérable que la religion connivaient avec les hérétiques qu’on y voyait venir de tous côtés, nourrissaient secrètement les conspirations des séditieux, et faisaient enfin toutes choses pour faire connaître combien c’était mal à propos que le roi confiait tous les Pays-Bas à l’orgueil de Granvelle. Ils tâchaient, par même moyen, ou de lui faire perdre le gouvernement de la Flandre, et peut-être la faveur du roi, ou de le tenir toujours enveloppé dans les soins {iii} des troubles et des émotions populaires. Enfin, ils virent l’un et l’autre effet et, outre cela, une chose que plusieurs d’entre eux ne méditaient pas : ils virent que par la faction des hérétiques, qui commençait à s’élever, et par la licence des séditieux qui s’était augmentée, on se dépouilla peu à peu de la modestie et de la crainte des lois ; que beaucoup de provinces des Pays-Bas sortirent du respect et de la fidélité qu’elles devaient au prince ; et qu’un grand nombre de personnes de condition ayant été attirées au même parti, on excita dans les Flandres de si horribles embrasements qu’on n’a pu depuis les éteindre, ni par le sang des peuples, ni par la ruine des villes, ni par la désolation des provinces. […] Il est vrai que plusieurs d’entre les nobles souhaitaient ces séditions et méditaient, il y avait longtemps, quelque changement et quelques nouveautés dans le gouvernement des Pays-Bas. Et ceux-là étaient de deux sortes : les uns, par un désir d’une plus grande liberté, ou par la persuasion de leurs femmes, qu’ils avaient épousées dans quelques villes d’Allemagne infectées par l’hérésie, perdaient de jour en jour la révérence et le respect de la religion catholique ; et penchant par ce moyen vers le parti des hérétiques, ils le fomentaient {iv} sans honte et souhaitaient qu’il devînt le plus puissant à la ruine de la religion. Les autres, ayant dissipé leurs biens et leurs richesses, avaient besoin des troubles de l’État pour soutenir leur condition et leur dignité : en effet, un grand nombre de nobles, s’imaginant qu’il eût été honteux aux Flamands de se laisser vaincre par des étrangers, et principalement par les grands d’Espagne, en la magnificence des habits et des armes, en la quantité des serviteurs et suivants, au nombre et en l’équipage des chevaux, avaient, dans ces combats d’honneur, épuisé de grandes richesses, avec plus de perte que les Espagnols, qui étaient pour la plupart beaucoup plus riches que les Flamands. C’est pourquoi, comme ils n’avaient plus de fonds ni de patrimoines capables de continuer ces dépenses, ne laissant pas néanmoins, avec un petit bien, d’avoir encore un grand courage {v} qui voulait conserver son estime ; et que d’ailleurs, les hérétiques promettaient aux nobles, et principalement aux gouverneurs des villes où ils s’étaient retirés, de grandes sommes d’argent s’ils les voulaient prendre en leur protection et empêcher qu’ils ne fussent chassés ou punis, comme on l’observait en ce temps-là, quelques-uns se résolurent de soutenir la cause de ces hérétiques ; et considérant leur intérêt plutôt que le salut et la tranquillité des peuples, ils abusaient par leurs feintes et par leurs dissimulations la gouvernante et Granvelle, qui ne pensaient de leur côté qu’à pacifier tant de tumultes. Enfin, ils n’étaient pas fâchés de ces troubles et de ces séditions où ils faisaient un commerce qui leur était si profitable. »
- Traduite en français par Pierre Du Ryer (Paris, 1644, v. note [33], lettre 192).
- Abdication de Charles Quint en 1555 (v. note [39] du Grotiana 2).
- Soucis.
- Soutenaient.
- Une grande ardeur.
- Cette fort opulente, mais instructive et rare bibliographie sur les Perrenot de Granvelle se conclut par deux citations qui renvoient à des panégyriques inconditionnels du cardinal, louant sans retenue sa très brillante carrière politique et ecclésiastique :
- Les Elogia Belgica d’Aubertus Miræus (Aubert Le Mire) {i} contiennent le bref éloge de Granvelle (pages 3‑5) ;
- sous le nom d’Antonius ii, Granvelle est le 86e prélat de la seconde partie (pages 317‑322), de archiepiscopis Bisontinis, et aliis Civitatis Bisontinæ Ecclesiasticis rebus [des archevêques bisontins, et les autres affaires ecclésiastiques de la cité de Besançon], des :
Ioan. Iac. Chiflletii Patricii, Consularis, et Archiatri Vesontini Vesontio Civitas Imperialis libera, Sequanorum Metropolis. Plurimis, nec vulgaribus Sacræ, Prophanæque historiæ Monumentis illustrata, et in duas partes distincta, [À Besançon, Cité impériale libre, capitale des Séquanes, {ii} de Jean-Jacques Chifflet, {iii} gentilhomme conseiller et archiatre bisontin. Illustrée par les ouvrages, nombreux et peu communs, de l’histoire sacrée et profane, et divisée en deux parties] ; {iv}
Pour équilibrer et terminer ce long portrait d’un éminent politique hispano-germanique du xvie s., j’emprunte à Jean-François Le Petit (Histoire des Pays-Bas, v. supra note [21]) ce paragraphe violemment accusateur, intitulé Quelle a été la vie privée du cardinal (pages 33‑34) :
« Nous avons récité en somme les artifices, dextérités et pratiques de notre cardinal à se faire grand, lui et les siens, et à s’y maintenir sans aucun respect ni du service de son prince, ni du bien public, ni de la justice et bonne police ; ni même de la religion, qui lui servait d’un manteau à double fourrure, et dont il se voulait montrer si grand zélateur, et tant bien en tout et partout s’en savait prévaloir, comme si sans lui toute religion et piété s’en fût envolée hors du monde, encore qu’en lui n’y eut qu’athéisme. Car si on considère en particulier quelle, combien débordée, lascive et détestable a été toute sa vie, jusques en sa grande vieillesse, on n’y trouvera que toute vilenie, ordure, infamie, et les plus puants, infects et abominables vices qu’on saurait décrire de nul autre. Ses paillardises, adultères, son orgueil insupportable, et ses autres perfections {a} de corps et d’esprit, le firent chasser de Milan, de Rome et de Naples. Toutefois, cela ne diminua en rien son crédit en la cour d’Espagne. Tant que finalement, pendant qu’il employait tous les nerfs de ses sens à tout troubler et à nous tourmenter par deçà, {b} par ses lettres et instructions, il acquit, à son très grand déshonneur, et perte non jamais recouvrable du roi son maître, ce beau proverbe, Du cardinal, la braguette a fait perdre la Goulette. {c} Sa vie était partout si dissolue, et si manifestement, que sa maison était une sentine et cloaque de toute vilenie. Il se montra extrêmement animé contre les abatteurs et briseurs d’images, dont il montrait avoir quelque occasion ; {d} car il en faisait si grand cas qu’en tous les endroits de sa maison, sous prétexte d’être grand amateur de l’art statuaire et des pièces antiques ou rares, on y voyait force statues et images, tant de fonte que de taille, en bosse ou de plat, {e} les plus lascives et impudiques qu’on eût su trouver, de personnages d’hommes et de femmes nus. Davantage, en son cabinet, sous les figures de Vénus, Pallas, Junon, Cérès, etc., il avait, portraitées au vif, nues, toutes les plus qualifiées dames, damoiselles et bonnes bourgeoises desquelles il avait abusé. Quant à la somptuosité de son logis, des délices des viandes et d’autres appâts de lubricité, on n’en parle point, car elles ont été assez connues à un chacun qui a hanté sa maison. Feignant se montrer curieux des secrets de nature et de la mathématique, il couvrait honnêtement sa magie, où il était maître passé ; avec laquelle il entremêlait les sorts, vénéfices {f} et empoisonnements, desquels il se savait fort dextrement aider ; jusques à avoir abreuvé de ses drogues, par charge de son maître, ce bon prince, l’empereur Maximilien second, lorsqu’il n’était encore que roi des Romains, {g} comme ledit sieur le déclara à ses amis, mais ne l’osa publier. Depuis, le cardinal accourut de Naples à Rome pour empoisonner ce jeune seigneur de grande espérance, Charles, prince de Clèves, pour seulement avoir fait quelque peu de difficulté de baiser la pantoufle du pape. {h} Au reste, il se montrait si zélé à la parole de Dieu qu’ordinairement elle lui servait de farcerie, {i} comme il lui échappait assez souvent des traits de la bouche, qui témoignent suffisamment l’impiété cachée en son cœur. » {j}
- Accomplissements.
- Ici en Flandre : Le Petit, « greffier de Béthune », ne dissimulait pas son adhésion à la Réforme.
- V. supra note [20].
- Chaque fois qu’il en avait occasion. Le refus des représentations artistiques du corps humain est une caractéristique du calvinisme le plus rigoureux, qui les tient pour une forme d’idolâtrie ou de débauche.
- Tant en métal moulé qu’en pierre taillée, tant en haut-relief qu’en bas-relief.
- Sortilèges.
- Maximilien de Habsbourg (1527-1576), fils aîné de l’empereur Ferdinand ier et donc neveu de Charles Quint, a été élu roi des Romains en 1562, puis a régné sur l’Empire de 1564 à sa mort, sous le nom de Maximilien ii. Ce prince, attiré par la Réforme (mais qui demeura catholique toute sa vie), avait adhéré à la faction qui s’opposa à Charles Quint pour entraver son dessein de céder ses deux couronnes à Philippe d’Espagne, son fils. Quand en 1552, Maximilien était tombé malade, on avait accusé son cousin Philippe d’avoir tenté de l’empoisonner (avec l’aide de Granvelle), mais c’était dix ans avant que Maximilien fût sacré roi des Romains.
- Charles-Frédéric de Clèves (1555-1575), fils aîné de Guillaume le Riche, duc de Clèves, de Juliers et de Berg, mourut de la variole à Rome lors d’un pèlerinage auprès du pape Grégoire xiii. Les historiens n’ont pas accrédité ce qu’en disait ici Le Petit.
- Moquerie.
- Après Georg Horn, Guy Patin, dans sa lettre du 28 septembre 1655, a donné Granvelle en exemple du séjanisme (v. sa note [21]) et l’a rangé parmi les plus insignes « sangsues du peuple ».
« d’un père qui était mort de colique néphrétique, en la force de l’âge, et d’un banqueroutier qui était encore en vie. »
Le transcripteur du Borboniana, en remplaçant avoque [et d’un grand-père] par atque [et], {a} a rendu incompréhensible la première phrase de l’autobiographie de George Buchanan (page 3) : {b}
Georgius Buchananus in Levinia Scotiæ provincia natus est ad Blanum amnem anno salutis Christianæ millesimo quingentesimo sexto, circa Calendas Februarias in villa rustica, familia magis vetusta quam opulenta. Patre in iuventæ robore ex dolore calculi extincto, avoque adhuc vivo decoctore, familia ante tenuis pene ad extremam inopiam est redacta.[George Buchanan est né dans la province de Lennox en Écosse, au bord du Blanus amnis, {c} en l’an de grâce 1506, vers le 1er février, dans une ferme, d’une famille bien plus ancienne qu’opulente. Par son père, qui était mort de colique néphrétique, {d} en la force de l’âge, et par son grand-père, banqueroutier qui était encore en vie, {e} sa famille, déjà pauvre auparavant, avait presque été réduite à l’extrême indigence].
- Ce détail infime prouve que le scribe non identifié du Borboniana ne travaillait pas sous la dictée de Guy Patin, mais recopiait son manuscrit original, en n’étant pas toujours parfaitement attentif à ce qu’il transcrivait.
- Georgii Buchanani Vita ab ipso scripta biennio circiter ante mortem, quam obiit Edinburgi anno Domini m. d. lxxxii. Septembris die xxviii. paulo post horam v. matutinam.
[Vie de George Buchanan, écrite par lui-même environ deux ans avant sa mort, survenue à Édimbourg, le 28 septembre 1582 peu après 5 heures du matin]. {i}
- Sans lieu ni nom, copie de l’édition imprimée à Francfort-sur-le-Main en 1598, 1608, in‑8o de 15 pages ; ce texte figure aussi au début des Poemata de Buchanan, pages 5‑13 (Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65).
- Levinia (vallée de Leven) est le nom latin de l’ancienne province écossaise de Lennox, aujourd’hui comté de Stirling (Stirlingshire), au nord de Galsgow. Le Blanus amnis est la Blane, affluent de l’Endrick water ou river Endrick, laquelle se jette dans le loch Lomond, à peine un kilomètre après avoir coulé au sud d’un ancien château qui porte le nom de Buchanan castle, proche de Drymen. Sans s’embarrasser de ces détails, les biographies modernes de Buchanan le font naître à Killearn. {i} D. Macmillan {ii} a commenté ce point (page 2) :
The village of Killearn, in Stirlingshire, claims the honour of being Buhanan’s birthplace, but it was two miles beyond it, near the river Blane, on the lands of Moss or Mid-Leowen, that he was born. Nothing now remains of the house ; but a table and a chair, made from one of the oaken rafters, are still shown in the more modern structure which has taken its place.[Le village de Killearn, dans le Stirlingshire, revendique l’honneur d’avoir été le berceau de Buchanan, mais c’est à trois kilomètres de là qu’il est né, près de la rivière Blane, sur les landes de Moss ou Moyenne-Leven. Il ne reste plus rien de la maison ; mais, dans la construction qui l’a remplacée, on montre encore une table et une chaise en chêne qu’on a faites avec sa charpente].
- Au sud de la rivière Endrick, environ 8 kilomètres à l’ouest de Drymen.
- George Buchanan, a Biography, Édimbourg, George A. Morton, 1906, in‑8o de 292 pages.
- La « douleur de la pierre », dolor colica, renvoie à une lithiase urinaire (v. note [11], lettre 33), maladie dont la colique néphrétique est la seule manifestation qui puisse entraîner la mort par anurie (blocage de l’écoulement de l’urine sécrétée par les reins).
- Mise en exergue de la phrase citée et écorchée par le Borboniana.
« cette jeune fille au nez plutôt laid, amie du banqueroutier de Formies » : Catulle (poème xli, vers 3‑4), contre une débauchée qui lui réclamait dix mille sesterces ; Formies (aujourd’hui Formia) est un port antique du golfe de Gaëte, dans le Latium (Lazzio).
Dans sa Vita, George Buchanan n’a pas cité ces vers, que ce fût à propos de son grand-père banqueroutier ou de quelque autre : il s’agit d’un aparté du Borboniana.« dans l’édition de Saumur, deuxième partie, page 144, et commence ainsi… »
Poemata omnia [Poèmes complets] de George Buchanan (Saumur, 1621, v. note [25] du Borboniana 2 manuscrit), page indiquée (144) :
Patricio Buchanano Fratri.Si mihi privato fas indulgere dolori,
Ereptum frater te mihi jure fleam :
Nostra bonis raros cui protulit artibus ætas,
Et nivea morum simplicitate pares.
At si gratandum lætis est rebus amici,
Gratulor immensis quod potiare bonis.
Omnia quippe piæ vitæ et sinceriter actæ
Præmia securus non peritura tenes.[À Patrick Buchanan, mon frère.
Mon frère ! quand la bonté divine me ferait la grâce d’ôter la douleur que je ressens, je pleurerais quand même ton trépas. Parmi ceux que notre époque a portés aux belles-lettres, bien peu t’ont égalé dans l’éclatante candeur de tes mœurs. Et s’il faut se féliciter pour les joyeux accomplissements d’un être cher, je te sais gré de nous avoir surpassés par l’immensité de tes bonnes actions. Sois tranquille, tu as en main toutes les impérissables récompenses d’une vie pieuse et loyalement menée].
Dans sa biographie de George Buchanan, D. Macmillan (v. notule {c}, note [25] supra) donne le prénom de deux de ses quatre frères, Alexander et Patrick. Comme George, Patrick Buchanan avait des dispositions pour les lettres, qu’il étudia en sa compagnie à Saint-Andrews ; il le suivit ensuite dans ses voyages académiques, notamment à Coimbra (v. note [61] du Borboniana 2 manuscrit), et mourut jeune.
V. notes [6], lettre 119, pour le cardinal Baronius (Cesare Baronio), et [1], lettre 29, pour la Congrégation de l’Oratoire et sa maison fondatrice de Rome.
Quoique surprenant, le mot « rentrée » est le seul qui puisse correspondre à ce que porte le manuscrit : ce n’est pas un qualificatif qu’il est ordinaire d’appliquer aux institutions religieuses, mais l’explication qui le suit laisse comprendre que la congrégation était « refermée sur elle-même », c’est-à-dire « recluse ». Ailleurs qu’à Rome et à Naples, les oratoriens n’étaient pas astreints à vivre retirés du monde.
« L’ouvrage scélérat de l’apostat Scioppius contre notre famille m’est passé entre les mains. Ce parasite du cardinalat a été aidé par plus de cinquante sodomites, qui ont alimenté cet égout d’invectives. Les cardinaux, dont il lèche les plats, ont poussé ce vaurien à l’entreprendre. L’un d’eux est l’auteur des Annales, fils d’un porteur de guêtres, etc. »
La note [10] (fragment 3), lettre 104 de Guy Patin, cite plus longuement celle où Joseph Scaliger, écrivant à Isaac Casaubon en 1606, a ainsi fustigé Caspar Scioppius (v. notes [18] supra, notule {b}, et [37] infra), le cardinal Baronius et ses « Annales ecclésiastiques ».
V. notes [46] du Naudæana 1 pour le sens du mot latin perones (chausses ou guêtres portées par les paysans), et [30] infra pour les origines plutôt aristocratiques de Baronius.
« Voyez {a} l’éloge de Baronius dans Ciaconius, page 1886, {b} et sa vie au début de l’Epitome de Sponde. » {c}
- Les deux références qui suivent renvoient à des textes fort longs. J’y ai limité ma lecture aux origines familiales du cardinal Baronius.
- Les Annales ecclesiasti Cæsaris Baronii in Epitomem redacti [Annales ecclésiastiques de Cæsar Baronius mises en Abrégé] de Henri de Sponde {i} commencent par un éloge De illmo et Rmo cardinale Baronio Annalium ecclesiasticorum conditore [Sur l’illustrissime et réverendissime cardinal Baronius, premier auteur des Annales ecclésiatiques], avec ce paragraphe iv de la 2e page, intitulé Baronii patria et parentes [Patrie et parents de Baronius] :
Ut autem a patria et familia initium ducam ; est Sora Campaniæ civitas, Episcopatus honore et Ducatus titulo decora ; haud procul ab Arpino […]. In ea a multis sæculis coalescens familia Baroniana, (quam olim de Barono dictam, novissime noster Cæsar Romano more in cognomentum Baronii derivavit :) non paucos protulit continua serie viros egregios, qui Ecclesiasticis ac civilibus muneribus patriæ suæ splendori fuerunt ; nonnulli etiam pietatem domesticam in locupletandis sacris monasteriis, posteris testatam relinquerunt. Ex hac igitur familia originem duxit Camillius Baronius, primariis suæ civitatis officiis perfunctus, et paternis opibus quamquam non multum affluens, quod ad reliquos septem fratres et sorores plurima pars hereditatis pervenisset, tamen ita præditus ut honestum civem decebat. Ex quo et uxore eius Porta Phœbonia, religiosissima femina, natus est Cæsar noster Baronius, qui non modo parentes, familiam, patriam, sed et universam Christi Ecclesiam, non tam dignitate et eruditione, quam Christianarum virtutum luce decoraret[Pour commencer par la patrie et la famille, elle est originaire de Sora, cité de Campanie qui est honorée d’un évêché et du titre de duché, à peu de distance d’Arpino (…). {ii} C’est là que, depuis de nombreux siècles, s’est enracinée la famille Baronio (jadis appelée de Baronio, nom dont notre Cesare avait depuis peu dérivé, à la mode romaine, le patronyme de Baronio). Elle a produit, en lignée continue, un nombre non négligeable d’hommes remarquables qui, par leurs charges ecclésiastiques et civiles, ont contribué à la splendeur de leur terre natale. Certains ont même laissé à la postérité le témoignage de leur piété en embellissant de saints monastères. C’est donc de cette famille qu’est issu Camilio Baronio, qui a rempli les premières charges de sa cité. Bien qu’il n’eût pas beaucoup joui des richesses de son père, car la plus grande partie de son héritage a été répartie entre ses sept autres fils et filles, Camilio fut pourvu de ce qui convenait à un honnête citoyen. {iii} De lui et de sa très religieuse épouse, Porta Phœbonia, naquit notre Cesare Baronio, qui, moins par sa dignité et son érudition que par l’éclat de ses vertus, a fait honneur non seulement à ses parents, sa famille et sa patrie, mais aussi à l’ensemble de l’Église du Christ].
- Mayence, 1623, v. notule {c}, note [54] du Borboniana 3 manuscrit.
- Sora est une ville qui appartient aujourd’hui à la région du Latium (Lazzio), aux limites de la Campanie, des Abruzzes et de la Molie. Elle est située à une centaine de kilomètres au sud-est de Rome, et à 10 kilomètres au nord de la petite ville d’Arpino, pays natal de Cicéron.
- Sauf à ne pas croire ce qu’écrivait Sponde, il est médisant de tenir le père du cardinal pour un « pauvre paysan ».
- Dans les Vitæ et gesta summorum pontificum et S.R.E. cardinalium [Vies et actes des souverains pontifes et des cardinaux de la sainte Église romaine] d’Alfonso Chacon {i} (tome second, colonne 1886, pontificat de Clément viii, année 1596), l’addition à celle de Baronius débute par un récit de sa sainte enfance (résumant le paragraphe v de la préface de Sponde citée dans la notule {b} supra) :
Cæsar Baronius, […] anno salut. 1538. 3. Kal. Novem. honestis, ac piis parentibus, Camillo Baronio, et Portia Phœbonia, ortus est. Clausus in matris utero, cum illa ad Dei Genitricis Templum accederet aliquando, inusitato motu maternum illum carcerem, (ut ita dicam) concussit, mater natum sanctissimæ eidem Virgini dicavit, commendavit : duos annos agentem, mortifero correptum morbo ad eiusdem delatum Ædem non moriturum, agnovit, ignota voce referente, Filius tuus non morietur. Advena, alio tempore, (quem nonnulli felicem Angelum sub peregrini specie latitantem existimarunt) infantulum in Crucis figura, communivit, et dixit : In eam curam diligenter incumbite, ut puer optime educetur ; magnus enim vir erit in Dei Ecclesia.[Cesare Baronio (…) est né le 30 octobre 1538 d’honnêtes et pieux parents, Camilio Baronio et Portia Phœbonia. Il était enceint dans le ventre de sa mère quand, un jour, celle-ci s’étant rendue dans le sanctuaire de la Vierge Mère, {ii} il avait heurté avec une vigueur inaccoutumée les parois de sa prison maternelle (si je puis m’exprimer ainsi) ; quand il vint au monde, sa mère le dédia et recommanda donc à la très Sainte Vierge. À l’âge de deux ans, comme il était atteint d’une maladie qui pouvait l’emporter, elle le mena à la même église et pria pour qu’il restât en vie ; une voix qu’elle ne connaissait pas lui dit alors : Ton fils ne mourra pas. Une autre fois, un étranger (que d’aucuns ont estimé être un ange de bon augure, caché sous l’apparence d’un voyageur de passage) dessina une croix sur le front du garçonnet et dit à sa mère : Applique tous tes soins à parfaitement élever cet enfant car il deviendra un grand personnage en l’Église de Dieu].
Ludovico Iusto xiii Regi Christianissimo. Ad Christianæ rei Patrocinium. Dedicat Fr. Thomas Campanella, Ordin. Prædicat. tres hosce libellos, videlicet : Atheismus triumphatus, seu Contra Antichristianismum, etc. De Gentilismo non retinendo. De Prædestinatione et Reprobatione et auxiliis divinæ gratiæ Cento Thomisticus.
[Le Frère Tommaso Campanella {a} de l’Ordre des prêcheurs, {b} pour la protection qu’il exerce sur la chrétienté, dédie ces trois opuscules au roi très-chrétien, Louis xiii le Juste, à savoir : L’Athéisme triomphalement vaincu, ou Contre l’Antichristianisme, etc. ; Le Rejet du Paganisme ; un Centon {c} tiré des œuvres de saint Thomas d’Aquin sur la Prédestination, la Réprobation et les secours procurés par la grâce divine]. {d}
- V. note [12], lettre 467.
- Dominicains.
- Florilège de citations.
- Paris, Toussaint Dubray, 1636, in‑4o en deux parties de 273 et 334 pages.
Cette citation est tirée du premier des trois traités, chapitre xiii (première partie, page 184) ; {a} un plus long extrait (à la fin duquel j’ai mis en exergue l’emprunt du Borboniana) permet de mieux cerner le propos de Campanella :
Qui autem ab Astutia vel a Diabolo missi sunt, conveniunt. Inter Philosophos, vidi Protagoram, Gorgiam, Aristotelem, Epicurum, Hippiam, Homerum, Arium, Calvinum, Lutherum, et consimiles, qui ut lucrarentur honores vanos, ac divitias, et maioribus imcommodarent, scripserunt : et loquuti sunt de rebus, quas ignorabant. Religionem ludibrio exposuerunt ; et quicquid ipsi nescierunt, falsitatem, et vanitatem esse existimarunt : Quin et fraudulentiam, persimilem vafritiei ipsorum. Inter Legislatores, plurimos astutos invenio, qui aut ex ambitione propria, aut quia existimarunt, acta aliorum Legislatorum ex astutia manasse, et simulationes prudentum esse miracula, quo Populos in officio detinerent, deceptione quadam amorosa, aut perniciosa, finxerunt et ipsi sese a Deo missos esse, et miracula falsa fecerunt, et legem dederunt. Itat sentit Varro de cunctis Legislatoribus, et Prophetis. Averroes quoque, et Aristoteles putant, Legislatores omnes esse simulatores vafros, et prudentes propter sui utilitatem, aut populorum excitos. Hanc sententiam mordicus tuetur Machiavellus et liber de Tribus impostoribus impiissimus fovet.[Mais ceux que la Ruse ou le Diable {b} a envoyés sont d’accord entre eux. Parmi les philosophes, j’ai lu Protagoras, Gorgias, Aristote, Épicure, Hippias, Homère, Arius, Calvin, Luther et leurs semblables, {c} qui ont écrit pour bénéficier de vains honneurs et de richesses, et pour importuner leurs prédécesseurs ; mais ils ont parlé de choses qu’ils ignoraient. Ils ont tourné la religion en dérision, et estimé que tout ce qu’ils ne savaient pas n’était que vanité et fausseté ; mais que dire de leur fourberie, qui n’a d’égale que leur subtilité ! Parmi les législateurs, {d} je trouve plusieurs fourbes : mus soit par leur ambition personnelle, soit par l’idée que la duperie avait seule permis de répandre les accomplissements des autres législateurs, et que leurs miracles n’étaient que feintes de gens bien avisés, pour tenir les peuples en respect, ceux-là, par quelque aimable ou pernicieuse tromperie, ont imaginé avoir été les envoyés de Dieu, et ont accompli de faux miracles et prononcé une autre loi. Voilà ce que Varron a pensé de tous les législateurs et de tous les prophètes. De même Averroès et Aristote estiment que tous les législateurs sont de rusés simulateurs, sagement animés par leur propre intérêt ou par celui des peuples. Machiavel défend cette opinion, qu’encourage le livre des trois Imposteurs, le plus impie de tous]. {e}
- Intitulé :
Proponitur examen de persona Christi, aliorumque Legislatorum Nationum cæterarum : et inquirendas esse notas : quibus, quem Deus miserit, quem Diabolus, quem ratio, aut astuta propria, pernoscatur. [Où sont présentés un examen portant sur la personne du Christ et sur celles d’autres législateurs des autres peuples, ainsi que des questions à explorer, parmi lesquelles : qui Dieu ou le diable ont-ils envoyé ? comment discerner entièrement la bonne raison ou la malignité particulière qu’ils lui ont conférée ?]- Le diable, ou malin, personnifie la ruse.
- À l’exception d’Arius, fondateur de l’arianisme (v. note [15], lettre 300), l’index de notre édition renvoie vers les notes qui concernent tous ces auteurs, que Campanella jugeait impies, comme tous ceux qu’il a cités plus loin.
- Mot à prendre au sens de ceux qui fondent les doctrines religieuses.
- V. infra note [32].
« disait Puccius. Ces trois imposteurs étaient Moïse, le Messie, Jésus-Christ, et Mahomet ».
Puccius soutint son idée dans un livre qui fut aussitôt contré par les théologiens catholiques et protestants, puis entraîna l’arrestation de son auteur, intitulé :
De Christi servatoris efficacitate in omnibus et singulis hominibus, quatenus homines sunt, assertio catholica æquitati divinæ et humanæ consentanea, universæ Scripturæ S. et PP. consensu spiritu discretionis probata, adversus scholas afferentes quidem sufficentium Servatoris Christi, sed negantes ejus salutarem efficaciam in singulis, ad S. Pontificem Clementem viii. Omnia subjiciuntur judicio Sanctæ, Catholicæ, Apostolicæ ac Romanæ Ecllesiæ. Per Franciscum Puccium Filidinum Dei et Christi servum.[L’efficacité du Christ à sauver tous et chacun des hommes, sans exception : Déclaration universelle conforme à l’équité divine et humaine, que l’accord de la Sainte Écriture et des Pères de l’Église démontre par l’esprit de discernement ; contre les écoles qui certes approuvent le pouvoir salvateur du Christ, mais nient son efficacité pour tous les hommes. Adressé au souverain pontife Clément viii. Tout y est soumis au jugement de la sainte, catholique et apostolique Église romaine. par Franciscus Puccius Filidinus, esclave de Dieu et du Christ]. {b}
- François André Adrien Pluquet, tome second, page 506, des Mémoires pour servir à l’histoire des égarements de l’esprit humain par rapport à la religion chrétienne, ou Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes… (Paris, Nyon, Barrois et Didot, 1764, in‑8o de 652 pages).
- Gouda, Ioannes Zassenus Hoenius, 1592, in‑8o de 102 pages, avec ce verset (4:10) de la première Épître de saint Paul à Thimothée en exergue du titre :
In hoc laboramus et maledicimur, quia speramus in Deum vivum qui est Salvator omnium hominum, maxime fidelium. [Nous peinons et combattons parce que nous espérons en Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes, et surtout des croyants].
« Ce Franciscus Puccius était un laïc. Il finit par tomber dans une hérésie qu’il prêcha partout, croyant que Dieu l’avait envoyé pour réformer l’Église et convertir tous les impies ; mais comme ses harangues heurtaient les volontés de la cour pontificale, les inquisiteurs l’attrapèrent et le jetèrent en prison ; condamné comme hérétique, on le brûla vif à Rome. Nous n’accordons donc aucun crédit à cet infidèle quand il calomnie le très docte Muret, que tous protestent avoir été un excellent homme. » {a}
- Puccius n’a pas fait imprimer ce qu’il a dit de Marc-Antoine Muret à Tommaso Campanella.
« Dieu me garde d’avoir jamais lu cet épouvantable livre des trois Imposteurs ! À mon avis, Campanella est très gravement en faute quand, dans son Atheismus triumphatus, {a} il répertorie trop complaisamment les attaques et les sophismes impies et hérétiques de telles gens contre la religion chrétienne, tout comme ont fait Garasse en sa Doctrine curieuse {b} et Vanini en ses dialogues, {c} car ils paraissent enseigner les maux qu’ils décrivent. » {d}
- Outre le passage de l’« Athéisme triomphalement vaincu » (Paris, 1636) de Thomas Campanella qui est cité dans la note [31] supra, il y a parlé du Livre des trois imposteurs dans le chapitre xi, § xxviii, page 167, en vantant la supériorité du christianisme :
Nunc libra omnes Mundi Religiones cum ista, et videbis tantum distare eas ab ista, quantum Auricalcum ab Auro : quod impius Boccacius non consideravit, nec qui de tribus impostoribus scripsit.[Compare maintenant toutes les religions du monde avec lui, et tu verras seulement qu’il est aussi éloigné d’elles que l’or l’est du laiton : c’est ce à quoi ni l’impie Boccace {i} ni celui qui a écrit sur les trois imposteurs n’ont pas soigneusement considéré].
- L’auteur du Décaméron, v. note [11] du Naudæana 3.
- V. note [1], lettre 58, pour la Doctrine curieuse du P. François Garasse (Paris, 1624).
- V. notes [41] du Naudæana 4 et [4] du Patiniana I‑2 pour les « dialogues » de Giulio Cesare Vanini (quatre livres de Admirandis Naturæ Arcanis [sur les admirables secrets de la Nature], Paris, 1616) qui firent monter leur auteur sur le bûcher de Toulouse.
- Sous ombre de les condamner, ces trois livres ont recensé par le menu toutes les abominations que les plus hardis « libertins » osaient alors proférer contre la religion chrétienne et ses zélateurs. Le dialogue contradictoire était la forme la plus propice à ce genre d’exercice, sans que l’auteur dévoilât le parti qu’il prenait.
Nicolas Bourbon a eu pour collègue au Collège des Grassins Jacques Dupont, qui y régentait en philosophie.
Charles Magnien est l’éditeur de :
La Vie illustre et exemplaire du parfait religieux, dans le cloître et dans la cour : Pratiquée par le Rév. Père François Fernandez, {a} cordelier observantin, confesseur de la reine très-chrétienne Anne Maurice d’Autriche : Contenant plusieurs choses, belles, dévotes, doctes et remarquables ; utiles aux âmes qui professent la haute et sublime vertu. Dédiée à Sa dite Majesté par par le R. P. F. Charles Magnien, religieux du même Ordre, docteur en théologie de la Faculté de Paris, et vicaire au grand couvent des Pères cordeliers de la même ville. {b}
- Dans son épître, Magnien dit avoir été le disciple et l’adjoint, depuis 27 années (1627), de Francisco Fernandez (1568-1653), qui avait été pendant 37 ans directeur d’Anne d’Autriche (alors âgée de 53 ans, et établie en France depuis l’âge de 15 ans, v. note [8], lettre 38).
- Paris, Étienne Pepingué, 1654, in‑8o de 211 pages.
Rien de ce que j’ai lu sur Dupont et Magnien ne m’a permis de savoir si le « Chalons » dont parlait le Borboniana était Châlons-en-Champagne ou Chalon-sur-Saône (avec une nuance orthographique qui n’était alors pas toujours respectée).
« Juste Lipse a mentionné ces trois Imposteurs dans ses Monita et exempla politica, chapitre iv, livre i, page 31. »
V. note [49] du Naudæana 4 pour ce passage des « Conseils et exemples politiques » de Juste Lipse (Anvers, 1605) sur l’impiété de l’empereur Frédéric ii Barberousse.
« Voyez Jules-César Scaliger, Poetices, libre vi, chapitre iv, page 730, édition in‑8o, 1607 : “ C’est en athée qu’il a souffert le supplice de la flamme ; le feu ne l’a pourtant pas purifié, car c’est plutôt lui qui en a souillé les flammes. ” »
V. notes :
Le rédacteur du Borboniana (Guy Patin) ne faisait plus ici parler Nicolas Bourbon à la première personne de conjugaison, mais rapportait ses propos à la troisième.
« et que n’est-il pas encore ? »
Contrairement à « fils de putain », qui a conservé toute sa force injurieuse (jusqu’à étonner dans la bouche de Nicolas Bourbon), « garnement » s’est beaucoup adouci dans la langue moderne : au xviie s. ce mot signifiait « méchant homme et dangereux, qui est disposé à faire toutes sortes de crimes » (Furetière).
Guy Patin a parlé de la conversion de Caspar Scioppius (v. supra notes [18], notule {b}, et [29]) en termes très proches (mais sans les injures) dans sa lettre du 13 juillet 1649 à André Falconet. V. note [3], lettre 446, pour Saint-Gall (Sankt Gallen), ville et canton de Suisse.
V. la fin de la note [10], lettre 104, pour les Oporini Grubinii Amphotides Scioppianæ… [Oreillettes scioppiennes d’Oporinus Grubinius (pseudonyme de Caspar Scioppius)…] (Paris, 1620), recueil pseudonyme de pamphlets contre Joseph Scaliger, et la prétendue noblesse et antiquité de sa famille. Leurs pièces liminaires contiennent une liste de 40 titres , signée Grubinius et datée de Roschach (nom de ville factice), le 15 janvier 1610, et intitulée Indiculus librorum post tempus scriptæ præfationis auctior factus. Quorum qui adhuc exstant, Augustæ apud Sebastianum Mysium Bibliopolam inveniri poterunt [Petit index des livres, qui a été augmenté après que la préface a été écrite. Ceux qui sont encore en vente pourront se trouver chez le libraire Sebastianus Mysius] ; leurs dates de parution vont de 1595 à 1611.« Voyez ce jugement vers la fin de ses livres de la Doctrine civile, dans les notes sur le premier livre des Politiques. »
La longue note de Juste Lipse sur le chapitre ix, De Memoria rerum [Le Souvenir des faits], livre i de ses Politicorum [Politiques] {a} contient une critique des principaux historiens antiques, suivie de ces considérations sur trois modernes : {b}
Sunt et ævi nostri Historici duo, quos tangam. Franciscus Guicciardinus, prudens peritusque scriptor, et qui tales lectores suos facit, liber est et verax ; ab affectibus immunis ; si tamen ab odio, quod retegere mihi non semel videtur in Ducem Urbinatem. Sententias bonas utilesque inserit, sed parum astrictas. Vitia duo propria huius ævi non effugit, quod et iusto longior est, et quod minutissima quæque narrat, parum ex lege aut dignitate Historiæ : quæ, ut Ammianus ait, discurrere per negotiorum celsitudines assueta, non humilium minutias indagare caussarum. Sed nec orationes eius satis vegetæ mihi, aut castigatæ : languent sæpe, aut solute vagantur. Denique, uno verbo, inter nostros, summus est Historicus : inter veteres, mediocris.Paulus Jovius multorum iudicia magis acerba, quam libera experitur. Acriter valde in virum eunt. Ego de eo sic censeo. Stilo bonum gravemque esse, et plane ad historiam : iudicio ac fide, ambiguum. Ubi affectus non distrahunt, rectum ; ubi illi adsunt, obnoxium. Ad gratiam scilicet se dat et auram. Laudationum nec causam sæpe habet, nec modum. Genti suæ, Vastio, Medicæis, nimis ex professo addictus ; his quidem ita, ut Laurentium Medicem parricidii reum velut apud iudices agat. Orationibus quoque aut frigidus interdum, aut ineptus. Laudandus tamen legendusque ob multiplicem et variam rerum seriem, quas redegit composite et dilucide in unum Historiæ corpus. Imo nec in Persicis aut Turcicis tam vanus, quam videri volunt : et fidem ei in plerisque adstuunt Turcici Annales, qui nuper prodierunt.
De Petro Bembo aliquid addam ? Illustri dignitate et fama vir fuit : quam tamen Historia sua Veneta apud me non auxit. Iacet in narrationibus, vel friget : in verbis affectatiunculas habet materie aut viro serio parum dignas. Nulla vox nisi ex Tulliano aut Iuliano penu : et quæ sic dici non possunt (quippe nova, vel iis ignota) miro verborum ambitu comprehendit. Ipsa etiam tota scriptio et formulæ sic compositæ, quasi hæc omnia Romæ gesta, et republica illa stante. Sunt in quibus rideam ; sunt in quibus indigner. Et cum tam curiose a verbis sibi caverit, reperio alibi, quæ, non dicam Tulliana non sint, sed vix Latina.
[Je dirai un mot sur deux historiens de notre temps. François Guichardin, {c} écrivain prudent et connaisseur, et qui rend ses lecteurs tels, est libre et authentique, dénué de passions, sinon qu’il m’a plus d’une fois paru ne pas cacher sa haine envers le duc d’Urbino. {d} Il insère de bons et utiles jugements, mais ils sont pauvrement justifiés. Il n’échappe pas à deux défauts propres à notre temps : il est plus long qu’il ne convient, et il se perd dans les moindres détails, ce qui s’accorde mal avec les règles et la dignité de l’histoire ; laquelle, comme dit Ammien, {e} a coutume de considérer les affaires de haut, et non de ramasser les miettes de leurs humbles causes. À mes yeux, son discours n’est ni assez vif, ni assez châtié : souvent il se traîne, ou erre sans bride. Pour finir et un mot, parmi les modernes, c’est un éminent historien, mais il est médiocre si on le compare aux anciens.
Paul Jove {f} s’essaie à juger quantité de choses avec bien plus d’âpreté que d’indépendance, il s’attaque très vivement aux hommes. Voici ce que je pense de lui : son style est bon et grave, conforme à ce que doit être l’histoire, mais ses avis et sa fidélité sont ambigus ; il est juste quand ses sentiments ne l’égarent pas, mais fâcheux quand il les exprime, car alors, il se laisse aller à la complaisance et à l’adulation, et ses louanges n’ont ni raison ni mesure. Il est trop visiblement soumis à ceux de sa patrie, à Vasto, {g} aux Médicis ; quant à ceux-là, il va jusqu’à plaider, comme s’il était devant un tribunal, l’innocence de Laurent de Médicis accusé de parricide. {h} Son discours est aussi parfois fade ou maladroit. Néanmoins, il faut le louer et le lire pour la richesse et la diversité de sa narration, qu’il a ramassée avec méthode et clarté en un seul corps historique ; et il ne s’égare pas en disant des Turcs et des Persans qu’ils veulent avant tout paraître, en quoi les annales turques, tout récemment publiées, lui donnent généralement raison. {i}
Ajouterai-je quelque chose sur Pietro Bembo ? {j} Bien qu’il ait été un personnage de haut rang et de grand renom, son Histoire de Venise ne m’a rien apporté : ses narrations sont viles ou ennuyeuses ; son vocabulaire est plein d’afféteries peu dignes d’un homme sérieux et de la matière qu’il traite. Il n’emploie aucun mot qui ne soit tiré du lexique de Cicéron ou de Jules César, et il assemble en un surprenant fatras ceux qu’on ne peut pas tenir pour tels (car nouveaux et inconnus de ces deux auteurs). Toute sa manière d’écrire et les élégances qu’il en façonne donnent l’impression que tout se passe à Rome, et que la République y est encore debout. Tantôt il me fait rire, tantôt il m’indigne ; et tandis qu’il prend tant de soin à choisir ses mots j’en trouve, ici et là, certains qui, sans parler de n’être pas cicéroniens, peuvent difficilement être tenus pour latins].
- V. note [22], lettre 177, ici appelées de la Doctrine civile.
- Édition d’Amsterdam, 1632, 2e partie, pages 25‑26.
- V. note [14], lettre 816.
- V. note [40] du Naudæana 3.
- V. note [33] du Borboniana 3 manuscrit.
- V. note [2], lettre 533.
- Alfonso d’Avalos, marquis de Vasto (1502-1546), condottiere hispano-italien, natif d’Ischia.
- Allusion aux multiples et sanglants différends qui opposèrent Laurent de Médicis, dit le Magnifique (1449-1492), à la papauté.
- Une note marginale renvoie aux : Historiæ Musulmanæ Turcorum, de monumentis ipsorum excsriptæ, libri xviii. Opus Jo. Leunclavii Amelburni, lectu dignissimum : quod gentis originem, progressus, familias et principatus diversos, res Osmaneas a Suleimane Schacho, ad Suleimanem ii memoria nostra, cum aliis maxime raris, et hactenus ignotis, continet…
[Dix-huit livres d’Histoire musulmane des Turcs, tirés de leurs propres écrits. Ouvrage de Johannes Leunclavius {i} parfaitement digne d’être lu, contenant l’origine et l’expansion de leur peuple, leurs dynasties et diverses principautés, les affaires ottomanes de notre temps depuis Soliman le Magnifique {ii} jusqu’à Sélim ii, {iii} avec d’autres faits fort remarquables et jusqu’ici inédits…]. {iv}
- Johann Löwenklau, historien allemand, 1541-1594.
- Régnant de 1520 à 1556.
- Régnant de 1566 à 1574.
- Francfort, héritiers d’Andreas Wechelus, 1591, in‑fo de 898 colonnes.
- Comme historien, le cardinal Pietro Bembo (v. remarque 1, note [97] du Naudæana 1) a surtout publié les Rerum Venetarum Historiæ Libri xii [Douze livres de l’Histoire de Venise] (Paris, Michael Vascosanus, 1551, in‑8o).
Sauf subtilité qui m’aurait échappé, cette anecdote veut faire voir que la sottise du roi Jacques ier (v. note [17], lettre 287) valait bien sa pédanterie (dont se moquait ici Henri iv).
Bien que la date indiquée par le Borboniana (« 15 ») soit tronquée et prête à confusion, le cardinal Jacques Davy Duperron {a} semblait vanter ici la :
Sainte Bible en français. {b}
- Mort en 1618, Duperron avait été élevé dans la religion réformée et s’était converti au catholicisme en 1577 (v. note [20], lettre 146).
- Lyon, Sébastien Honoré, 1558, in‑8o.
Ce volumineux ouvrage cumule 1 075 pages pour l’Ancien Testament et 261 pages pour le Nouveau. Les abondantes notes philologiques et références croisées sont toutes imprimées dans les marges, et agrémentées de plusieurs index et tables. Aucune préface ne permet d’en connaître les traducteurs et les éditeurs, ni de dire qu’ils étaient protestants. Le Borboniana est affirmatif sur ce point, mais un doute naît en y regardant de plus près.
La Sainte Bible, contenant le Vieil et Nouveau Testament. traduite de latin en français {a} par les théologiens de l’Université de Louvain, comme appert par l’Épître suivante, d’un des premiers docteurs d’icelle. {b} Avec une docte Table faite française de la latine de M. Jean Harlemius, {c} docteur en ladite Université, de la Compagnie de Jésus. {d}
- Le texte ne diffère que sur d’infimes détails de l’édition de 1558.
- Daté de Louvain 15 mars 1572, le Lectori S. [Salut au lecteur] est signé par le théologien catholique Jacques De Bay (vers 1531-1614 :
Quemadmodum plurimum utilitatis accedere posse Ecclesiæ Dei, prudentissime censuerunt sacri Concilii Tridentini Patres, si ex omnibus Latinis editionibus quæ circumferuntur, sacrorum librorum, quænam pro authentica habenda sit, innotesceret : (statuerunt vero et declaraverunt, ut ipsa vetus et vulgata editio, quæ longo tot seculorum usu in ipsa Ecclesia probata est, in publicis lectionibus, disputationibus, prædicationibus, et expositionibus pro authentica habeatur, prout in Ecclesiæ legi consuevit, et ut nemo illam rejicere quovis prætextu audeat vel præsumat :) ita viri quidam sapientissimi non mediocrem Ecclesiæ fructum accessurum existimaverunt, si quoque ex tanta varietate editionum Gallicarum quæ passim manibus teruntur, unam eligerent, quam Reverendiss. Antistes aut Inquisitores secure eis concedere possint, quos intellexerint ex huiusmodi lectione non damnum, sed fidei atque pietatis argumentum capere posse. Porro dum nulla occurreret quæ vulgatæ Latinæ editioni per omnia responderet, operæ pretium duxerunt Theologos aliquot Lovanienses deligere, quibus curæ esset ut versio aliqua Gallica, vulgatæ Latinæ fideliter responderet, quæ, tanquam sano textu absque ullo liceret uti periculo, quod in hac translatione Gallica quorundam Theologorum Lovaniensium opera et labore maximum præstitum est. Dum autem ut hoc opus fideliter et emendate typis mandari posset, industrium Typographum desideramus, Christophorus Plantinus ultro ad eam rem suam obtulit operam, cui libenter annuimus, confidentes eum haud minore diligentia, parique studio Biblia hæc Gallica in lucem emissurum, quo sæpius Biblia Latina excudit, et recentissime Bibliorum Complutensium impressionem absolvit : quia etiam nostrum conatum suo tam rogatu quam sumptu, quantum potuit, exstimulavit, neque enim aut sumptus, aut molestias refugit in iis quæ cum ædificationi morum, tum augmento fidei profutura arbitratur. Quanti autem laboris fuerit translationem hanc absolvere, expendendum cuique relinquimus, Deum optimum maximum obnixe precantes, ut hos nostros labores et studium probare dignetur, quod speramus Ecclesiæ ipsius fructum uberrimum allaturum. Tu autem, Christiane lector, nostrum hunc conatum boni consule, eoque fruere, ac vale.[Dans leu très grande prévoyance, étant donné que l’Église de Dieu peut en tirer grand profit, les pères du saint concile de Trente {i} ont décidé que soit identifiée, parmi toutes les éditions latines des Saintes Écritures qui circulent, celle qui est à tenir pour authentique (mais ils ont statué et déclaré que la vieille édition dite vulgate, {ii} qu’un long usage de tant de siècles a approuvée dans ladite Église, soit tenue pour authentique dans les leçons publiques, thèses, prédications et exégèses, dans la mesure où elle s’est accoutumée à la loi de l’Église et où personne n’ose ou n’envisage de la rejeter sous quelque prétexte que ce soit). De très sages personnages ont donc estimé que l’Église gagnerait beaucoup si, parmi l’immense diversité des éditions françaises qui passent de main en main, {iii} ils en choisiraient une à laquelle les révérendissimes prélats ou inquisiteurs puissent sans danger accorder leur consetement, en entendant qu’il n’y a pas péché à la lire, mais qu’on peut y alimenter sa foi et sa piété. N’en ayant trouvé pourtant aucune qui répondît en tout point à l’édition vulgate latine, ils ont été amenés à choisir quelques théologiens de Louvain, qui prendraient le soin d’établit une traduction française qui corresponde fidèlement à la vulgate latine et dont le texte soit si intègre qu’il puisse être lu sans aucun péril ; et c’est ce qu’ont de leur mieux accompli les soins et le travail dees dits théologiens de Louvain dans cette version française. Pour qu’elle puisse être fidèlement et correctement imprimé, nous avons souhaité faire appel à un typographe éprouvé. Christophe Platin {iv} s’est offert pour l’entreprendre et nous y avons volontiers consenti, étant assurés qu’il mettrait au jour cette Bible française sans épargner ni son talent ni sa diligence, car il a très souvent imprimé des bibles latines et qu’il a tout récemment achevé l’impression des bibles d’Alcala. {v} Tant par ses sollicitations qu’à ses propres dépens, il a même mis tout son possible pour aiguillonner nos efforts, n’épargnant ni ses peines ni son argent pour ceux qui, juge-t-il, seront utiles tant à l’édification des mœurs qu’à la démonstration de la foi. {vi} Nous laissons chacun juge de l’énorme travail accompli pour venir à bout de cette édition, priant fermement Dieu tout-puissant qu’il daigne approuver le labeur et les soins qui furent les nôtres, car nous espérons offrir ici le plus riche fruit que possède l’Église. Vale, lecteur, juge notre accomplissement d’un bon œil et tires-en profit].
- 1545-1563, v. note [4], lettre 0430
- V. note [6], lettre 183.
- Toutes étaient jusque là protestantes ou réputées telles, à l’exception remarquable de la toute première à avoir été imprimée, la Bible d’Anvers (1530), traduite par Jacques Lefèvre d’Étaples, humaniste catholique français dont l’édition fut interdite par la Sorbonne (mais inspira celles qui suivirent).
- Imprimeur d’Anvers (1514-1589), v. note [8], lettre 91.
- Référence erronée à la Biblia poliglota (en trois langues antiques, Alcala, 1520), confondue avec la Biblia Sacra (en trois langues antiques) dite de Philippe ii, que Plantin avait en effet imprimée en 1572 : v. premières notules {a} et {b}, note [17], lettre 293.
- La toute première édition de la Sainte Bible de Louvain a paru à Anvers, Plantin, 1578, in‑fo non illustré en deux parties de 860 et 216 pages.
- Johan Willemsz (Haarlem 1538-1578), jésuite, professeur d’hébreu et d’Écriture sainte à Louvain.
- Lyon, 1585, in‑fo richement illustré en trois parties de 494 pages (première partie de l’Ancien testament), 400 pages (seconde partie de l’Ancien testament) et 268 pages (Nouveau Testament) ; précédente édition (avec les mêmes illustrations de plus grand format) ibid. Étienne Michel, 1582, in‑fo en deux parties de 1 133 et 299 pages.
Les textes de ces deux éditions sont si semblables qu’on en vient à se demander si les théologiens n’ont pas faussement daté leur travail (achevé en 1572 et imprimé pour la première fois à Anvers en 1578), car il est difficile d’imaginer qu’ils aient pu simplement recopier l’édition lyonnaise de 1558.
« comme à son habitude ».
V. note [3], lettre 548, pour la Conférence doctrinale de Fontainebleau (avril 1600).
Jean Gontery (ou Gontier, Turin 1562-Paris, 1616), entré chez les jésuites en 1584, théologien, prédicateur et controversiste religieux, a laissé de nombreux ouvrages pour la défense du catholicisme contre la Réforme (contre-réforme).
« de la pierre. »
V. notes :
« dans les affaires temporelles. »
Le livre d’Isaac Casaubon contre les Annales de Baronius (v. supra note [42]) commence par une épître dédicatoire longue de 33 pages (fos a 2 ro‑e 2 ro) Serenissimo Potentissimoque Principi, Iacobi, Dei Gratia, Magnæ Britanniæ, Jiberniæ, etc. Regi, Fidei defensori [Au sérénissime et très puissant prince Jacques, roi de Grande-Bretagne, d’Irlande, etc., défenseur de la foi]. Il y développe des arguments, tirés de la Bible et de l’histoire, qui nient le pouvoir du pape sur les chrétiens. Sans aller aussi loin dans la contestation, les catholiques de France pouvaient y puiser quantité d’arguments pour défendre le gallicanisme (richérisme des théologiens de la Sorbonne, v. note [27], lettre 337) : le pouvoir du pape est purement spirituel et ne s’étend pas au domaine temporel (politique). Ce passage de l’épître (fo a [4] ro‑vo), partant de l’adoration, jugée superstitieuse, des images par les catholiques et les orthodoxes, donne le ton :
Quarum innovationum tot et tantarum, ne aliquid suboleret populis Christianis, inaudita prius Satanæ fraude, divina eloquia non solum laicis, sed etiam cleri maxima parti sunt adempta : eoque tandem perventum est furoris, ut grex Christi, Testamentum Christi, Pastoris illius sui boni, neque domi curaret, vel auderet legere, neque publice lectum aliena lingua, posset intelligere. Accessit tot malis cumulus ingens, dominatio terribilis unius, in Ecclesiam pretioso sanguine Christi liberatam, ab aliquam multis seculis introducta. Sedes enim Romana, quæ prima inter Patriarchales quondam satis habebat censeri ; Domina Ecclesiarum esse atque agnosci dudum est cum voluit. Et Rom. Pontifex, postquam potestatem suam in rebus spiritualibus ad ultimum fastigium perduxerat ; pertæsus fortunæ suæ, quasi nihil dum egisset, ad temporalem dominationem animi mentem convertit. Cui ubi semel inhiare cœpit, nunquam ex eo prius conquievit, quam in illud culmen sublime terrenæ potentiæ vidit se evectum, unde postea Imperatores, Reges et Principes, longe infra se positos, superbe despicere, et quoties luberet, aut rebus ipsius expediret, pedibus posset conculcare. Has pœnas longe gravissimas, Ecclesiarum in Europa Principes populique dederunt, non diligenter vindicatæ Veritatis adversus Satanæ molitiones. Lux Evangelica versa est in tenebras ; veræ pietatis aurea simplicitas, in superstitiones Libycæ arenæ instar numero carentes ; Libertas Christiana in horrendam servitutem : Ecclesiæ jura omnia, cum ipsis Imperatorum ac Regum coronis, unius Monarchæ tiaræ sunt subjecta ; qui dandi et auferendi imperia regnaque, instituendi et destituendi Mundi potestates, jus sibi uni et soli vindicat. Sileo nunc alias calamitates omnis generis, et dirissima bella, quibus toties concussa est Europa, dum passim neglecta, et in profundum demersa latet Veritas. Sed o vim illius admirandam, o consiliorum Dei abyssum altam ! Quo maxime tempore artes cœlesti Veritati contrariæ regnum in Europa obtinebant, cœpit illa vim suam exerere.[Afin que le peuple chrétien ne subodore rien de tant et tant d’inventions, par une fourberie sans précédent, Satan a privé de la divine parole non seulement les laïcs, mais aussi la plus grande partie du clergé ; et cela a atteint un tel degré de furie que les brebis du Christ ne peuvent comprendre le Testament du Christ, leur bon Pasteur, par interdiction de le garder en leur maison, d’oser le lire ou de l’entendre lire publiquement, traduit dans leur langue. Une gigantesque accumulation de maux en a résulté et, depuis bon nombre de siècles, la terrible domination d’un seul homme s’est introduite en l’Église qu’avait libérée le précieux sang du Christ. Le Siège romain, qui s’était jadis contenté de tenir le premier rang parmi les patriarches, a depuis lors voulu être le maître des églises, et reconnu comme tel. Après avoir établi jusqu’à l’absolutisme son pouvoir sur les affaires spirituelles, las de sa bonne fortune et comme personne ne l’avait jamais fait, le pontife romain a ambitionné la domination temporelle des esprits. Il a entrepris, avec constance et sans la moindre relâche, de convoiter ce dont il se voyait exclu dans la toute-puissance terrestre, méprisant superbement, comme lui étant très inférieurs, les empereurs, les rois et les princes, afin, à toute occasion, de pouvoir les fouler aux pieds et de régler ses propres affaires comme bon lui semblait. Les chefs des églises et les peuples d’Europe ont subi de très lourdes peines pour n’avoir pas scrupuleusement défendu la Vérité contre les entreprises de Satan. La lumière évangélique a été reléguée dans les ténèbres ; la simplicité dorée de la véritable piété, rejetée dans les sables de Libye, {a} comme par défaut de fidèles ; et la liberté chrétienne, transformée en horrible servitude. Toutes les lois de l’Église, comme les couronnes mêmes des empires et des royaumes, ont été assujetties à la tiare d’un monarque unique, revendiquant pour lui seul le droit de donner et d’ôter le pouvoir aux souverains, d’établir et de destituer les puissants de ce monde. Je passe ici sous silence les autres calamités en tous genres, et les très funestes guerres dont l’Europe a été ébranlée toutes les fois que la Vérité est partout méconnue et gît engloutie dans les profondeurs. Que sa force est pourtant admirable et comme est insondable l’abîme de la sagesse divine ! Bien longtemps après que les ruses qui lui étaient contraires eurent établi leur emprise sur l’Europe, voici que la Vérité céleste a entrepris de montrer sa force].
- Le Sahara, qui occupait tout le sud de la Libye antique (v. notule {c}, note [28] des Triades du Borboniana manuscrit).
Il est difficile d’être plus clair sur les profonds motifs de la Réforme ; et aussi du gallicanisme, mais de manière moins radicale et sans revendiquer la libre lecture de la Bible.
Je ne me suis pas échiné à trouver l’édition des œuvres de Joachim Du Bellay (mort en 1560, v. note [14], lettre 739) à laquelle renvoyait cette référence curieusement formulée. Ces vers appartiennent au poème intitulé Contre les pétrarquistes (imitateurs de Pétrarque, mort en 1374, v. note [17], lettre 93), qui est l’un de ses Divers jeux rustiques.
On pouvait alors le lire, par exemple, dans les Œuvres françaises de Joachim Du Bellay, gentilhomme angevin et poète excellent de ce temps. Revues et de nouveau augmentées de plusieurs poésies non encore auparavant imprimées. Au roi très-chrétien Charles ix (Paris, Fédéric Morel, 1569, in‑8o, fo 26 ro‑29 ro).V. notes :
Charles ii de Bourbon (1562-1594), dit le cardinal de Vendôme (deuxième du nom, sacré en 1583), était fils de Louis ier, prince de Condé (v. note [16], lettre 128) et cousin germain de Henri iv. Il a été administrateur de l’évêché de Bayeux (1586-1590, puis archevêque de Rouen (de 1590 à sa mort). Il était successeur ecclésiastique et neveu de Charles i de Bourbon (v. note [64] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).
V. infra notes [57] et [58] pour une analyse détaillée du « tiers parti » que Charles ii avait conçu durant la Ligue.
Le cardinal Duperron a publié un très grand nombre d’ouvrages de piété, de politique d’histoire ou de poésie, principalement en français.
Je n’ai pas trouvé la remontrance des huguenots au roi Charles ix qui a paru dans une édition française ou latine (nécessairement posthume, mais antérieure à la mort de Duperron en 1618) des œuvres de Jean Calvin.
Renaud (Regnault) de Beaune de Samblançay (Tours 1527-Paris 1606), évêque de Mende, et archevêque de Bourges puis de Sens, a été l’un des grands soutiens catholiques du roi Henri iv. Sa traduction latine et française des 150 Psaumes de David (Paris, Gilles Beys, 1587, in‑8o de 750 pages) a été rééditée de nombreuses fois. Ce passage de son épître « Au roi » pouvait être ce que Duperron y trouvait d’admirable :
« Le psaume est un colloque avec Dieu, communication avec les anges, repos du travail de jour, déchassement {a} de toute frayeur ou crainte de nuit, règle pour les jeunes, aide pour ceux qui < dé>jà sont avancés en la connaissance de Dieu, assurance et force à ceux qui sont parfaits. Bref, l’usage en est aussi nécessaire que de l’aspiration de l’air, de la clarté du soleil, de la chaleur du feu, et de toute autre chose qui sert à la vie. Il se chante en l’église au milieu de la prière et adoration publique, et encore il se médite en la maison, aux champs, en solitude, parmi le labeur et travail, {b} en prison, en maladie, en tous lieux et occasions. Ce sont les fruits et utilité de ces psaumes que j’ai traduits, suivant le commandement de Votre Majesté, en langue française la plus facile et intelligible que le sujet de prophétie et poésie divine me l’a pu permettre. »
- Expulsion.
- Peine.
V. notes [53]‑[55] du Borboniana 9 manuscrit pour de riches compléments sur Renaud de Beaune.
« Là se traitent de merveilleuses questions, et souvent des choses frivoles, et qui surpassent l’entendement humain, etc. Entre eux, il y a quelques bons esprits, mais ils mériteraient autre compagnie et meilleure instruction. »
Ces deux phrases sont extraites du paragraphe sous-titré Parisienses in theologia primum totius Europæ orbis locum obtinent. Disputationes Baccalaureorum [Les Parisiens occupent le premier rang de la théologie en toute l’Europe. Disputations des bacheliers] (année 1521, livre iii, page 65), dans les Ioannis Sleidani Commentariorum de statu Religionis et Reipublicæ, Carolo Quinto Cæsare, libri xxvi… [Vingt-six livres des Commentaires de Johann Sleidan sur l’état de la religion et des affaires publiques au temps de l’empereur Charles Quint], {a} sur la condamnation des livres de Martin Luther par la Sorbonne (avec mise en exergue des passages cités par le Borboniana) :
Post multam vero lectionem eorum quæ scripserit, reperire se, doctrinam illius esse perniciosam et dignam, quæ flammis ultricibus vindicetur, ipsum vero, ut eam destestetur, atque revocet, cogendum esse. Huic illorum decreto respondet deinde Melanchton sed et Lutherus, verum iocose. Porro, theologi Parisienses primum totius Europæ locum in eo genere sibi vendicant : duo habent præcipue collegia, Sorbonam et Navarram, eoque confluere solent ex omnibus prope gentibus, doctrinæ percipiendæ causa. Candidati huius professionis, qui vulgo dicuntur baccalaurei, per totam æstatem multis exercentur disputationibus, et per horas duodecim, argamentis omnium ut respondeant, oportet. Hic miræ sunt digladiationes, ac plerumque de rebus aut frivolis, aut quæ captum humanum excedunt, magnis agitur clamoribus, et certamen fere finitur auditorum streptitu, cum ex disputatoribus alter, vel inepte vel prolixe nimium agit : foris per cancellos auscultant theologi doctores qui magsitri nostri dicuntur : hi sunt omnis doctrinæ censores, et plane regnum possident. Nam rei thologicæ nemo quicquam audet evulgare, nis de ipsorum permissu, plerique vero sectantur ocium. Eoque videntur ad gradum illum aspirare, ut suaviter vivant et aliis imperent. Sunt quidem in iis nonnulli præclaris ingeniis verum alii digni contubernio et meliori cultura.
J’ai emprunté leur traduction aux Œuvres de Jean Sleidan…, {b} tome premier, page 36 vo :
« Finalement, après avoir tout bien examiné, ils trouvent que sa doctrine est pernicieuse et digne d’être mise au feu, et que l’auteur d’icelle doit être contraint de l’abjurer et détester. Mélanchthon {c} répondit à cette censure, et Luther aussi, mais plaisamment. Quant aux théologiens de Paris, ils se prisent par-dessus tous ceux de cette profession qui sont en Europe. Ils ont deux collèges principaux, Sorbonne et Navarre, {d} où abordent des gens de toutes nations pour apprendre. Ceux qui sont reçus en cette Faculté de théologie (ils les appellent communément bacheliers) sont exercés par maintes disputes tout l’été ; et faut qu’en un certain acte (qu’ils nomment sorbonique), {e} ils répondent aux arguments de tous leurs compagnons par douze heures sans bouger. Là se traitent de merveilleuses questions, et souvent des choses frivoles, et qui surpassent l’entendement humain. On y crie à puissance, et les disputes se finissent le plus < souvent > par le bruit et tintamarre des auditeurs, quand l’une des parties est trop longue ou trop inepte. Les docteurs, qui ont le nom de nos maîtres, écoutent au dehors par des treillis. {f} Ceux-ci sont les censeurs de toute doctrine, et comme petits rois, car nul n’ose rien publier de théologie sinon par leur permission. La plupart d’entre eux vit en oisiveté, et < ils > semblent aspirer à ce degré pour être à leur aise et commander aux autres. Entre eux, il y a quelques bons esprits, mais ils mériteraient autre compagnie et meilleure instruction. »
- Strasbourg, Theodorus Rihelius, 1612, in‑8o de 872 pages.
- Genève, 1597, v. note [2], lettre 474.
- V. note [12], lettre 72.
- V. notes [5], lettre 19, et [21], lettre 207.
- V. note [4], lettre 674.
- « Clôture d’une porte ou d’une fenêtre, faite de barreaux de fer, ou de bois, ou d’osier, entrelacés, dont les uns montent et les autres les traversent en forme de mailles » (Furetière) : pour entendre et voir sans être vu.
« Sur Johann Sleidan, voyez de Thou, tome i, page 542, {a} et la Chronologia de Génébrard, page 737 : {b} cet historien mourut en 1556. »
- Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou, livre xvii, règne de Henri ii, année 1556 (Thou fr, volume 3, page 75) :
« Jean Sleidan, qui a écrit avec beaucoup d’exactitude et de fidélité l’histoire de son temps, mourut d’une maladie épidémique sur la fin d’octobre, âgé de cinquante et un ans. Il était né à Sleidan, dont il portait le nom, ville de la dépendance de Cologne, peu éloignée de Duren. {i} Il s’était rendu illustre dans ce siècle, non seulement par son érudition, mais par le talent qu’il avait pour les affaires. Il passa presque toute sa jeunesse en France, attaché à la Maison Du Bellay, et fit de grands progrès sous les yeux du cardinal de ce nom ; {ii} mais ensuite, comme l’on commençait à punir en France ceux qui étaient suspects de luthéranisme, il se retira en Allemagne et s’attacha à la République de Strasbourg. C’est là qu’il commença à écrire les choses dont il avait été lui-même témoin, et celles que des gens dignes de foi lui avaient apprises. »
- Sleidan, alors dans le duché de Luxembourg, porte aujourd’hui le nom de Scleiden (Rhénanie-du-Nord). Sa voisine, Düren, est située à 37 kilomètres au sud-ouest de Cologne.
- Le cardinal Jean Du Bellay (v. notule {b‑3}, note [15] du Faux Patiniana II‑3).
- Gilb. Genebrardi Theologi Parisiensis Divinarum Hebraicarumque Literarum Professoris Regii Chronographiæ Libri quatuor. Priores duo sunt de rebus veteris populi, et præcipuis quatuor millium annorum gestis. Posteriores, e D. Arnaldi Pontaci Vasatensis Episcopi Chronographia aucti, recentes historias reliquorum annorum complectentur.
Hac postrema editione accuratius emendati, et ad annum 1599 perducti.
Universæ historiæ speculum, in Ecclesiæ præsertim sæculo, a mendaciis, malis, imposturis Centuriatorum, aliorumque hæreticorum detersum. In reliquis contra Iudæos, Paganos, Saracenos, Christianæ religionis antiquam veritatem perennitatemque, repræsantans. Subjuncti sunt libri Hebræorum Chronologici, eodem interprete.[Quatre livres de Chronographie de Gilbert Génébrard, {i} professeur royal d’Écriture Sainte et d’hébreu. Les deux premiers traitent des affaires de l’ancien peuple et de ce qui s’est principalement passé pendant les quatre premiers millénaires. Les deux derniers, qui sont une augmentation de la Chronographie de M. Arnauld de Pontac, évêque de Bazas, {ii} embrassent l’histoire des années plus récentes.
En cette dernière édition, ils sont plus soigneusement corrigés et prolongés jusqu’à l’an 1599.
Miroir de l’histoire universelle, principalement au temps de l’Église, débarrassé des mensonges méchancetés, impostures des centuriateurs {iii} et autres hérétiques. Pour le reste, il représente l’antique et éternelle vérité de la religion chrétienne contre les juifs, les païens, les mahométans. Y sont adjoins les livres chronologiques des hébreux, par le même traducteur]. {iv}Livre quatrième, page 713, sur l’origine du luthéranisme :
Anno 1517. PP. promulgavit per universam Christianorum ditionem, remissionem peccatorum iis, qui sua bona expeditionem Turcicam erogarent, quæ Cruciada vocabatur. Eius rei cura in Germania Alberto Moguntinensi Episcopo a PP. demandatur, qui elegit Ioannem Tetzellium Dominicanum : quod ita ostendit Augustinianos, maxime Staupitium ordinis generalem per Germaniam, genere clarum ac disertum : Martinum etiam Lutherum, ut ipse contra tales Indulgentias eodem anno tonare cœperit, fretus Frederico Saxoniæ Duce quem suarum partium reddiderat : 95. propositiones edidit quibus oppugnabat Indulgentias. Ex hac lite ortum est illud Luteranæ hæreseos incendium, quo tota pene Europa conflagravit.[L’an 1517. En toute la chrétienté, le pape {v} a publié la rémission de leurs péchés à ceux dont la générosité a financé l’expédition contre les Turcs, appelée la Croisade. En Allemagne, le pape en a confié le soin à Albert, évêque de Mayence, qui a désigné le dominicain Johann Tetzel, {vi} parce qu’il s’était opposé sur ce sujet aux augustiniens, et surtout à Staupitz, le noble et éloquent supérieur général de leur Ordre en Allemagne, {vii} et aussi à Martin Luther, qui avait entrepris, la même année, de tonner contre de telles absolutions. Sous la protection de Frédéric, duc de Saxe, qu’il avait acquis à ses opinions, il publia les 95 thèses attaquant les indulgences. {viii} De ce différend naquit l’incendie de l’hérésie luthérienne qui a enflammé presque toute l’Europe].
- V. note [7], lettre 308.
- De 1572 à 1605, v. note [7], lettre 836.
- Auteurs des Centuries de Magdebourg, v. note [48] du Naudæana 1.
- Lyon, Ioannes Pillehotte, 1599, in‑fo en deux parties de 852 et 83 pages.
- Léon x, v. note [7], lettre 205.
- Le cardinal Albert de Brandebourg (1490-1545) confia à Johann Tetzel (1465-1519) le marché des indulgences destinées à financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome (v. note [64] du Naudæana 1).
- En 1506, comme supérieur de son Ordre, Johann von Staupitz (1460-1524) avait longuement confessé et vainement tenté de ramener dans le droit chemin le jeune moine augustinien Martin Luther (v. note [15], lettre 97).
- Frédéric iii dit le Sage (1463-1525), duc-électeur de Saxe, soutint les 95 thèses fondatrices de la Réforme que Luther placarda sur la porte de l’église de la Toussaint à Wittemberg le 31 octobre 1517.
« Voyez les Elogia de Paul Jove, page 181. »
Andrea Navagero (Andreas Naugerius, Venise 1483-Blois 1529) a mené une triple carrière de diplomate, de poète latin et de botaniste. Paul Jove l’a peu encensé dans ses Elogia [Éloges], {a} page 145 :
Andreas Naugerius patritii ordinis, Sabellico Venetiis profitente, Latinas literas, Græcas autem a Marco Musuro Cretense Patavii hausit : sed Latinis delectu ac observatione præceptore diligentior, illum, quem superior ætas insalubri, atque aspera styli novitate delectata contempserat, candorem antiquæ puritatis assecutus est : ut funeribus Liviani ducis et Principis Lauredani laudationibus apparet. Proposito quidem Cicerone ad imitandum, quem Politianus, et Hermolaus fastidisse videbantur, utpote qui omnis eruditionis exundante copia instructi, aliquid in stylo proprium, quod peculiarem ex certa nota mentis effigiem referret, ex naturæ genio effinxisse nobilius putarint, quam servili imitatione enata ad novam frugem ingenia distorsisse. Magno tum quidem probro erat doctis, ridendis pares simiis videri. Eodem quoque præstanti iudicio, quum Epigrammata lepidissime scriberet, non falsis aculeatisque finibus, sed tenera illa, et prædulci prisca suavitate claudebat, adeo Martiali severus hostis, ut quotannis stato die Musis dicato, multa eius volumina tanquam impura cum exercitatione Vulcano dicarentur. Nec minore felicitate Etruscos numeros attigit : sed in Liviani contubernio castra secutus, studiorum diligentiam remisit, et salubri quidem remedio, quum ingenium bilis atra, veterum lucubrationum vigiliis accersita, haud leviter afflixisset. Propterea scribendæ Venetæ historiæ munus a senatu demandatum, acceptoque liberali stipendio, susceptum præstare non potuit : quanquam non desint, qui cum in ipso statim limine feliciter exordientem, religiosi operis gravitate deterritum existiment, quum infinita curiositate, summoque labore, et pertinaci memoria tantarum rerum notitia paranda videretur. Verum in ea cogitatione, ut Reipublicæ operam præstaret, a Senatu ad Carolum Cæsarem in Hispaniam missus, infaustam legationem suscepit, quum in id tempus incidisset, quo Italiæ Principes servitutis metu ad arma consternati, affectanti dominatum Italiæ Cæsari restitissent. Secunda autem suscepta legatione, quum exitiali festinatio, mutatis ad celeritatem iumentis in Galliam percurrisset, vix dum salutato rege, Blesio in oppido ad Ligerim febre correptus interiit quadragesimo septimo ætatis anno, omnique cum funeris honore, Rex Musarum amicissimus, nec sine luctu prosequutus est.[Andreas Naugerius était de noble ascendance. Disciple de Sabellicus à Venise, qui lui a appris le latin, et du Crétois Marcus Musurus, {b} pour le grec ; mais, préférant et admirant la latinité, il s’y est montré plus assidu que son maître. Il estimait que le siècle précédent, charmé par les malsaines et rugueuses nouveautés du style, avait méprisé cette langue ; il y reproduisit donc l’éclatante blancheur de la pureté antique, comme il apparaît dans ses éloges funèbres du duc de Liviano et du doge Loredano. {c} Il s’était donc proposé d’imiter Cicéron, ce que Politien et Hermolao avaient regardé avec immense dégoût : {d} en hommes dotés d’une prodigieuse et universelle érudition, ils avaient pensé que le style de Cicéron renvoyait en quelque façon l’image de son propre génie, et trouvaient plus noble d’exprimer leurs pensées avec naturel que de tourmenter leur esprit à le copier servilement, car ils étaient nés pour innover. Il faisait la grande honte des gens instruits, qui riaient de ceux qu’ils comparaient à des singes. Dans la même idée, quand il écrivait ses très charmantes épigrammes, il ne les achevait pas sur des vers hypocrites et piquants, mais sur des mots tendres, d’une très douce et antique suavité. Il était si profondément hostile à Martial {e} que chaque année, au jour qu’il avait établi comme dédié aux Muses, il vouait aux flammes de Vulcain quantité de ses éditions, qu’il tenait pour impures. Il ne se mit pas avec moins de bonheur aux vers toscans ; {f} mais parti à la guerre, dans la suite de Liviano, il délaissa son assiduité pour les études, et ce remède fut salutaire, car la bile noire, accumulée par les veilles de ses élucubrations {g} invétérées, lui avait rudement délabré l’esprit. Quand le Sénat lui confia la charge d’écrire l’histoire de Venise, en lui offrant de généreux émoluments, il ne put en venir à bout : {b} il ne manque pas de gens qui, après avoir heureusement entrepris cette tâche méticuleuse, s’en sont détournés en raison de sa lourdeur, car on voit qu’il faut d’infinies recherches, un travail acharné et une mémoire infatigable pour dresser le récit de tant d’affaires. Dans cette même intention de le mettre au service de la République, le Sénat l’envoya auprès de Charles Quint en Espagne. Son ambassade fut malheureuse car elle tombait au moment où les princes d’Italie, poussés à prendre les armes, dans la crainte d’être asservis, tentaient de résister à l’empereur qui cherchait à mettre l’Italie sous sa domination. {h} Il entreprit ensuite une seconde ambassade, dont la précipitation lui fut fatale : ayant chevauché à vive allure jusqu’en France, il eut à peine le temps de saluer le roi, à Blois, sur les bords de Loire, qu’il fut saisi d’une fièvre lente et mourut en sa quarante-septième année d’âge. Tous les honneurs lui furent rendus pour ses funérailles, et le roi, qui était fort ami des Muses, y assista non sans chagrin]. {i}
- Bâle, 1577, v. note [27], lettre 925.
- Deux des maîtres de Navagero furent : Marcus Antonius Sabellicus (Marco Antonio Coccio, dit Sabellico (Vicovaro, près de Rome 1436-Venise 1506), historien dont Navagero a prolongé l’Histoire de Venise, ensuite achevée par Pietro Bembo (v. supra notule {h} note [38]) ; et Marcus Musurus (Markos Mousouros, Réthymnon, Crète vers 1470-Rome 1517), littérateur et poète grec et latin.
- Les Andreæ Naugerii… Orationes duæ, Carminaque nonnulla [Deux Discours et quelques Poèmes d’Andreas Naugerius…] (Venise, Ioan. Tacuinus, 1534, in‑4o) contiennent son Oratio habita in funere Bartholomæi Liviani [Discours prononcé pour les funérailles de Bartolomeo Liviano (duc de Saint-Marc, le 10 novembre 1515)] (fos i‑x) et son Oratio habita in funere Leonardi Lauretani Venetiarum Principis [Discours prononcé pour les funérailles de Leonardo Loredano, sérénissime prince (doge) de Venise (le 25 juin 1521)] (fos xi‑xxiiii).
- V. notes [7], lettre 855, pour Politien (Angelo Poliziano), et [41], notule {c}, du Faux Patiniana II‑1, pour Hermolaus (Hermolao Barbaro).
- V. note [17], lettre 75, pour Martial, l’un des plus piquants poètes satiriques latins.
- La Toscane est le berceau de la plus pure langue italienne.
- Fruits des veilles studieuses (v. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639).
- La sixième guerre d’Italie (1521-1525) engagea Charles Quint, allié à l’Angleterre et aux États pontificaux, contre la France, alliée de Venise et du royaume de Navarre. Elle se termina par la victoire impériale de Pavie et par l’emprisonnement du roi François ier à Madrid pendant une année (v. note [15], lettre 88). Navagero a séjourné en Espagne de 1524 à 1528.
- François ier régna jusqu’en 1547. Ces détails situent indiscutablement la mort de Navagero en 1529 (le 8 mai). On a publié plus tard Il Viaggio fatto in Spagna, et in Francia, dal magnifico M. Andrea Navagiero, fu oratore dell’illustrissimo Senato Veneto alla Cesarea Maesta di Carlo v, con la descrittione particolare delli luochi, et costumi delli popoli di quelle Provincie [Le Voyage qu’a fait en Espagne et en France le magnifique M. Andrea Navagero, feu ambassadeur de l’illustrissime Sénat de Venise auprès de Sa Majesté l’empereur Charles Quint, avec la description particulière des lieux et des coutumes des peuples de ces pays] (Venise, Domenico Farri, 1563, in‑8o). Le voyage de France est celui qui le ramena d’Espagne à Venise (mai-septembre 1528), en passant par Paris et Lyon. Il repartit en hâte pour Blois peu de temps après son retour.
La biographie donnée par le Borboniana était anachronique en deux endroits : Navagero mourut en 1529 (et non 1512), et son ambassade en France eut lieu sous le règne de François ier (et non de Louis xii, son beau-père et prédécesseur, mort en 1515).
La parenthèse chronologique est une addition marginale.
Jacob Spon a donné cette version des mésaventures de Spifame dans son Histoire de Genève, {a} année 1566, livre iii, pages 47‑48 :
« Jacques-Paul Spifame, évêque de Nevers, ayant quitté son évêché et quarante mille livres de rentes, s’était retiré à Genève pour y vivre selon la doctrine des protestants. Il y avait présenté requête pour être reçu bourgeois, ce qu’il avait obtenu, ayant même été mis du Conseil des Deux-Cents et des Soixante. La Seigneurie {b} et les personnes de lettres faisaient état de lui pour son érudition. Quelque temps après, il fut envoyé en France pour y servir en qualité de ministre ; {c} mais on eut avis qu’il tâchait secrètement de rentrer en quelque autre évêché ; ce qui fut cause qu’à son retour on éclaira sa conduite de plus près, et on éplucha sa vie passée. On découvrit qu’avant son mariage, il avait eu un enfant de celle qu’il avait épousée ; et afin qu’il ne fût déclaré bâtard, il avait fait faire un faux contrat de mariage antidaté et, de même, des faux sceaux pour l’autoriser davantage et rendre son fils capable de succéder à son hérédité, qui était assez ample. Pour toutes ces causes, il fut emprisonné, et ayant tout avoué, il fut décapité à la place du Molard, avec une grande repentance de ses fautes, qu’il témoigna par une belle remontrance qu’il fit au peuple sur l’échafaud. {d} Quelques-uns ont voulu dire que ces accusations ne furent que le prétexte de cette condamnation, mais que ce fut en effet pour complaire à Catherine de Médicis, qui avait gagné des syndics en ayant été sollicitée par le pape ; mais Scaliger, qui était alors à Genève, est plus croyable. Il dit donc, dans le petit livre intitulé Scaligerana, que Spifame fut décapité pour avoir entretenu chez lui une femme trois ans durant, son mari même étant encore vivant, et que ce fut Monsieur Servin, à qui il rendait de mauvais offices auprès de l’amiral de Châtillon, {e} qui fut cause de sa perte, étant venu exprès à Genève pour l’accuser. »
- Histoire de la Ville et de l’État deGenève depuis les premiers siècles de la fondation de la ville jusqu’à présent : tirée didèlement des manuscrits par Jacob Spon, {i} docteur médecin agrégé au Collège de Lyon. Seconde édition revue et corrigée. Tome ii. {ii}
- V. note [12], lettre 16, pour les conseils de la Seigneurie de Genève.
- Pasteur réformé.
- Le violet de la robe que Spifame aurait portée pour aller au supplice était la couleur de celle des évêques catholiques.
- Dans le Secunda Scaligerana (page 578), Servin est qualifié de patruus Regii Advocati [oncle (sic pour père, pater) de l’avocat du roi].
V. note [156], lettre 166, pour Gaspard ii de Châtillon, amiral de Coligny, meneur protestant.
Dans un article érudit (pages 14‑18), A. de Trémault {a} a extrait des archives ces informations sur Claude Servin, père de Louis : {b}
« natif de Mondoubleau, {c} il était fils d’un boucher, et avait d’abord exercé l’état de compagnon couturier. Il fut des premiers qui en France adoptèrent les opinions de la Réforme, dont il embrassa le parti avec ardeur. Il passait même pour avoir pris une part active aux premiers troubles religieux qui éclatèrent dans le Vendômois, et pour s’être approprié une croix d’argent lors du pillage de l’église Saint-Bienheuré de Vendôme, se fondant sur ce passage du Symbole : Crucifixus etiam pro nobis. {d} Une pareille conduite dut avoir une notoriété fâcheuse dans une ville où les catholiques étaient encore en majorité, et ce fut peut-être l’un des motifs qui le déterminèrent bientôt après à se rendre à Châteaudun. Là, son zèle pour la Réforme lui mérita la confiance des nouveaux religionnaires, qui lui donnèrent la charge de contrôleur de leur bourse commune. Cette fonction lui ouvrit la maison d’un habitant nommé Deschamps, qui avait quelque bien et deux filles, dont il ne tarda pas à épouser l’aînée, nommée Madeleine. Ce mariage le fixa d’abord à Châteaudun, qu’il ne tarda pas à quitter pour aller à Paris habiter le faubourg Saint-Germain. […]C’est en 1555, pendant qu’elle habitait le faubourg Saint-Germain, que Madeleine donna le jour à Louis Servin. Ce premier fruit de son union fut baptisé à Saint-Sulpice. L’enfant n’en fut pas moins élevé dans la religion réformée, à laquelle ses parents étaient attachés ; et que l’on ne s’étonne pas de ces faits contradictoires car ils se produisaient fréquemment dans ce temps où l’on criait alternativement “ Vive le roi ! Vive la Ligue ! ” Cependant, Claude Servin était alors plein de zèle pour la Réforme ; il devint même un agent du parti protestant et dut se retirer à Genève, où il demeura avec Jacques Spifame. […]
Théodore de Bèze {e} passait pour […] avoir été profondément jaloux [de Spifame], pour l’avoir fait épier et rendu suspect aux protestants comme en relations secrètes avec les catholiques et la reine, de qui il cherchait à obtenir de nouveau un évêché. On le soupçonnait aussi de négocier avec le duc de Savoie {f} pour lui livrer la ville de Genève et la faire entrer sous l’autorité de ce prince. C’est dans ces circonstances que Servin, auquel il portait ombrage auprès de l’amiral de Châtillon et qui connaissait toutes ses menées, vint à Genève et le dénonça au Sénat. Il porta contre lui une accusation d’adultère et de contrefaçon d’un contrat de mariage […].
Avant le temps où il fut mêlé à cette tragédie, Claude Servin avait été attaché à Antoine de Bourbon, roi de Navarre et duc de Vendôme, et avait fait partie de la noblesse qui suivait ce prince. Il fut ensuite secrétaire de la reine Jeanne d’Albret. {g} Dans son acte de foi et hommage qui lui fut rendu pour la terre de Pinoches, on le trouve qualifié de noble homme et de contrôleur de la gendarmerie du roi, charge alors purement honorifique, que lui avait valu son mérite, et qu’il occupait encore quand il périt, emporté par un boulet de canon à l’un des sièges que soutint la ville de La Charité (avant 1574). » {h}
- Biographie de Louis Servin : Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, Vendôme, Lemercier, 1871, tome x, in‑8o.
- Avocat général au Parlement de Paris, mort en 1626, v. note [20], lettre 79.
- Capitale du Perche vendômois, dans l’actuel département du Loir-et-Cher, à mi-chemin entre Le Mans et Orléans, et à 28 kilomètres au nord-est de Vendôme.
- « Il a aussi été crucifié pour nous » (Credo catholique).
- Emmanuel-Philibert, dit Tête de fer, duc de Savoie de 1553 à 1580.
- V. note [28], lettre 176.
- Jeanne d’Albret, reine de Navarre de 1555 à 1572, et Antoine de Vendôme étaient les parents du futur roi Henri iv.
- Voilà une glorieuse façon de mourir pour le titulaire d’une « charge purement honorifique ».
« Voyez à son sujet la Gallia Christiana de Cl. Robert, page 434. »
Claude Robert (Chesley, près de Chaource, vers 1564-Chalon-sur-Saône 1637), chanoine de la Chapelle-au-Riche de Dijon et grand vicaire du diocèse de Chalon-sur-Saône, doit son légitime renom à son précieux dictionnaire catholique :
Gallia Christiana, in qua Regni Franciæ ditionumque vicinarum Diœceses, et in iis Præsules describuntur. Cura et labore Claudii Roberti Lingonensis Presbyteri. Fœlicibus auspiciis Illustrissimi et Reverendissimi D.D. Andreæ Fremyot, Archiepiscopi Patriarchæ Bituricensis Aquitaniarum Primatis.[France chrétienne où sont décrits les diocèses du royaume de France et des pays voisins, et leurs prélats. Par les soins et le labeur de Claude Robert, prêtre de Langres. Sous les heureux auspices de l’illustrissime et révérendissime M. André Frémiot, patriarche-archevêque de Bourges, {a} primat d’Aquitaine] {b}
- Natif de Dijon (1573-1641), archevêque de Bourges de 1603 à 1621.
- Paris, Sebastianus Cramoisy, 1626, in‑fo en deux parties de 662 et119 pages : première des nombreuses rééditions et augmentations successives, principalement assurées par les bénédictins de Saint-Maur-des-Fossés (mauristes).
L’article sur Spifame est numéroté 100 dans la liste des évêques de Nevers (page 434) :
Jacobus Spifamius, ex Libellorum supplicum Magistro, et Ecclesiæ Parisiensis Canonico, Cancellarioque Universitatis, ac sancti Marcelli suburbani Decano, necnon sancti Pauli Senonensis Abbate, atque Vicario generali Caroli cardinalis Lotharingi Remensis Archiepiscopi. Ingreditur urbem solemniter 1548. 14. Octob. At, ô impudentem, et imudicam imprudentiam : ducta uxore, vel potius concubina 1559.Hic vir Apostolicus, post vilis Apostata factus.(quod Arator de Iuda proditore cecinit) ad hæreticos Genevenses Lemanæ paludis accolas, ab Ecclesiæ Catholicæ castris transfugit, ibique tanquam perduellis capite minuitur 1565. 25. Martii, quof forte tanti sceleris pœnitentia ductus Catholicis favere credentur. Quod si verum est, nimis false in eius necem hi Gallici versus vulgati fuere :
Spifame ne s’étant contenté de raison,
Combien qu’il fût des rois conseil, et gouvernail,
De Nevers à Genève attira sa maison,
Et là, d’évêque, fut à la fin cardinal. {a}[Jacques Spifame, ci-devant maître des requêtes, chanoine de Notre-Dame, chancelier de l’Université de Paris, doyen du faubourg Saint-Marcel, abbé de Saint-Paul de Sens, vicaire général du cardinal Charles de Lorraine, archevêque de Reims, {b} a fait son entrée dans la ville le 14 octobre 1548. Mais, ô l’impudente et impudique imprudence, il prit femme, ou plutôt concubine en 1559.
Cet homme apostolique, ensuite devenu vil apostat,(comme a chanté Arator au sujet du traître Judas), {c} s’est enfui des obédiences de l’Église catholique pour rejoindre les hérétiques genevois, riverains du lac Léman. Et là, tenu pour ennemi, on lui a tranché la tête le 25 mars 1565. {d} Les catholiques se plaisent à croire qu’il a pu être conduit à cela pour punition de son grand crime. Si tel est le cas, c’est très faussement que ces vers français ont été publiés sur sa mort (…)]. {e}
- Claude Robert ne prisait apparemment pas l’ironie du dernier vers, où le bonnet rouge des cardinaux était une métaphore du sang qui jaillit quand on décapite un condamné.
- V. supra première notule {g}, note [21].
- Arator est un poète latin chrétien du vie s.
- Les biographies de Spifame donnent ordinairement 1566 comme l’année de son exécution, sans doute par référence au vieux style de datation (calendrier julien) où l’année pouvait précisément commencer le 25 mars.
Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou, livre xxii, règne de Henri ii, année 1559 (Thou fr, volume 3, pages 363‑364), à la suite du lit de justice du 15 juin, où le roi était venu tâter le pouls du Parlement sur ses sentiments à l’égard de la Réforme, dont les Églises étaient en train de s’organiser en France :
« Le lendemain, les chambres s’étant assemblées par ordre du roi, on rapporta le procès criminel de Jacques Spifame, évêque de Nevers qui, s’étant marié secrètement, s’était retiré à Genève. Après qu’on eut lu les informations, il fut décrété de prise de corps. {a} Ces exemples de sévérité n’empêchèrent pas les ministres des Églises, qu’ils appelaient réformées, de s’assembler à Paris le 28 juin dans une maison du faubourg Saint-Germain, sans craindre les supplices dont ils étaient menacés. François Morel présida cette conférence, {b} où il se fit des règlements sur leurs synodes, sur ceux qui y présideraient, sur l’abolition du despotisme épiscopal et sur celle du titre de prince de l’Église, sur l’élection et les fonctions des ministres, sur les prêtres et les diacres, sur les censures et la correction des mœurs, sur les degrés de parenté et d’affinités, et sur la manière de contracter des mariages et de les dissoudre. On ajouta que ces lois ne seraient point invariables, et qu’elles pourraient être changées suivant la nécessité des conjonctures et des temps, comme les Églises le jugeraient à propos, pourvu qu’un synode général approuvât ces changements. »
- Arrestation et emprisonnement.
- Premier synode national français, présidé par le ministre (pasteur) François de Morel, dit de Collonges.
« voyez la Gallia Christiana de Robert, pages 72 et 73 ».
Hermannus de Veda, ex Comitibus de Morsa 1515. administrator Paderburnensis 37. coronavit Carolum 5. Aquisgrani 1520. et Ferdinandum 1531. Habuit Concilium provinciale 1536. tomo 4. Conciliorum. At tandem fuit excommunicatus, et pulsus ob hæresim Lutheranam a Paulo. 3. Papa, cum tentasset Ecclesiam suam per Bucerum deformare.[Hermann von Wied, ci-devant comte de Morsa, nommé en 1515, administrateur de l’évêché de Paderborn en 1537, a couronné Charles Quint à Aix-la-Chapelle en 1520 et Ferdinand en 1531. {a} A réuni un concile provincial en 1536 (v. tome 4 des Conciles) ; mais fut finalement excommunié et chassé par le pape Paul iii pour hérésie luthérienne, ayant essayé de corrompre son église par l’intermédiaire de Bucer]. {b}
Salentinus Isemburgius Comes, electus 1567. 23. Decembris. Eligitur quoque Paderburnensis, sed iisdem Episcopatibus in Convetu Canonicorum resignatis, duxit uxorem 1577. non consecratus, dispensante Pontifice. Eius symbolum testudo alata his verbis inscripta : Amor addidit.[Salentin von Isenburg-Grenzau, comte impérial, nommé archevêque le 23 décembre 1567, et aussi évêque de Paderborn ; mais ayant résigné ces deux prélatures devant l’assemblée des chanoines, il se maria en 1577, sans sacrement, avec dispense pontificale. Avait pour emblème une tortue ailée avec ces mots : L’Amour en sus]. {c}
- Ferdinand ier de Habsbourg (v. supra note [19]), frère cadet de Charles Quint, couronné roi des Romains en 1531, empereur en 1556.
- Martin Bucer (1491-1551), théologien luthérien alsacien.
V. notes [45] du Naudæana 3 pour le pape Paul iii, et [54] infra pour d’autres informations sur Hermannus Veda.
- Marié à Bonn avec la comtesse Antonia Wilhelmina von Arenberg, qui lui donna deux fils, Salentin von Isenburg mourut en 1610.
Cet article continuant celui qui précède, je l’ai transposé ici, depuis le haut de la page suivante (page 35 du manuscrit).
Jacques Sadolet est le nom français de Jacopo Sadoleto (Modène 1477-Rome 1547), prélat catholique et prolifique écrivain latin, qui fut nommé, en 1517, évêque de Carpentras, capitale du Comtat-Venaissin, {a} et cardinal en 1520. Il a notamment laissé 16 livres de lettres (Epistolarum libri sexdecim), qui sont dans ses Opera omnia, {b} édition à laquelle se référait apparemment le Borboniana (avec une erreur sur le premier chiffre de la première page) : la lettre xiv (et avant-dernière) du livre xiv, pages 359‑363, datée de Carpentras le 29 novembre 1541, est la seule du recueil qui soit adressée Hermanno Archiepisc. Coloniensi [Hermann (von Wied), archevêque de Cologne]. {c} Sadolet lui donnait son opinion sur le livre qu’il venait de lire, une des éditions des :
Canones Concilii Provincialis Coloniensis, sub Reverendiss. in Christo Patre D. Hermanno S. Coloniensis Ecclesiæ Archiepiscopo, etc., anno m d xxxvi celebrati. Item Enchiridion Christianæ Institutionis opus omnibus Christianæ pietatis cultoribus longe utilissimum. Diligentiam, qua nos in operis castigatione usi sumus, prudens lector per se ipse facile (si volet) animadvertet. Indicem in calce quærito.[Règles du concile provincial de Cologne, réuni, au nom du Christ notre Père, sous la direction du révérendissime Hermann, archevêque de l’Église de Cologne, etc., en l’an 1536. Et aussi le Manuel de l’Institution chrétienne, {d} ouvrage de loin le plus utile à tous les pratiquants de la foi chrétienne. Le sage lecteur remarquera aisément (s’il veut bien) le soin que nous avons mis à le corriger. L’index se trouve à la fin]. {e}
- Appartenant alors aux États pontificaux, v. note [10], lettre 601.
- Iacobi Sadoleti Card. et Episcopi Carpentoractensis viri disertissimi, Opera quæ exstant omnia : ad Eloquentiam, Philosophiam, ac Theologiam pertinentia. Nunc primum e variis Bibliothecis simul edita et aucta….
[Toutes les Œuvres qui existent du très éloquent M. Jacques Sadolet, cardinal et évêque de Carpentras : elles touchent à l’éloquence, la philosophie et la théologie. Éditées et augmentées pour la première fois, tirées de diverses bibliothèques…]. {i}
- Mayence, Balthasarus Lippius, 1607, in‑8o de 1 336 pages.
- V. supra note [53].
- Ce « Manuel » (Enchiridion) était ce que le Bornoniana appelait le catéchisme pour son diocèse « qui contenait la somme de notre religion ». Le mot purgatorium [purgatoire] (v. note [28], lettre 79) ne s’y lit en effet nulle part. Il vaut la peine de s’y attarder car le débat porte sur une distinction théologique radicale entre le dogme catholique et celui des protestants, alors en gestation.
- Vérone, Antonius Putelletus, 1541, in‑8o de 646 pages.
Cum legissem commentarios, quos tu de concilio episcoporum provinciæ tuæ, more maiorum per te habito actoque, de corrigendis moribus sacerdotum, deque Ecclesiæ sacramentis eruditissime scriptos, in lucem edisti : equidem commotus admiratione tui præstantissimi consilii, eiusque actionis, qua nulla maior hoc tempore, nec christianæ Reip. utilior suscipi potuit : auxi maiorem in modum benevolentiam erga te meam, quam aliquot de causis conceptam antea habebam : teque et magnum virum et optimum antistitem, omnique honore ab omnibus dignissimum iudicavi. Non enim solum tu primus aliquot iam seculorum spatio eam ad rite et sancte gerendum sacerdotium tuum, viam tibi aperuisti, quæ antea ob diuturnam desuetudinem, tanquam impeditissimis stirpib. penitus erat obsepta : sed etiam cæteris exemplum illustre præbuisti, ut te imitarentur, si qui vellent, et si quorum in cordibus pietas et religio Christianæ locum aliquem haberet. Nec tamen omnibus hoc liberum fortasse, nec par atque eadem cunctorum conditio est. Vidi enim ego, cum in Urbe essem, et cum in senatu nostro hæc de communi omnium Episcoporum concilio habendo, causa ageretur : multa revera ostendi impedimenta, quæ Pontificis Maximi studium retardarent. Sed tamen ego et tunc ita sensi, et tunc sentio, aut una hac ratione concilii rite congregandi, subveniri posse his tot incommodiiis quotidianisque detrimentis, quibus urgetur et ad interitum agitur Christiana Respub. aut si hoc remedium non sit profuturum, nullo alio hominum consilio a peste summi exitii Remp. posse prohiberi. Non enim si concilium caste legitimeque habitum non proderit, alia erit expectanda medicina quæ opem ferat. Sed illud certe ab omnibus nobis existimandum, Deum infensum delictis nostris, reposcentemque à nobis scelerum et peccatorum pœnas, quæ ipse ad summum intelligat esse perducta, supremum iam decretum de interitu nostro fecisse. Quapropter occurrere illius iracundiæ nos oportet, et precibus atque operibus quæ a vera humilitate in nobis, vera religione, vera pœnitentia veterum malefactorum, novaque insequentis vitæ integritate et iustitia proficiscantur, antevertere vindicantis severitatem, cuius lenitatem tolerantis tamdiu despeximus. Hoc enim si egerimus, et confugerimus ad ipsius misericordiam, gemitusque eos ediderimus, quos acer peccati dolor a nobis expresserit : flectetur ipse, et ut bonus est infinite, ac misericors, converteretur ab ira sua, simul ac nos conversos a peccato senserit. Quo nobis reconciliato atque placato, cessabunt continuo ista quæ domi forisque perturbant, non solum hostilis arma crudelitatis, sed etiam venena domesticæ perfidiæ. Verum hæc reconciliatio nullo alio prorsus pacto universa et integra commode fieri potest, nisi generalis concilii quodam quasi feriendo fœdere sanciatur. Nam si uniuscuiusque arbitrio (id quod fere nunc sit) suæ vitæ correctio permittatur : primum, haud ita multi sunt, qui sua sponte moveantur ad pie religioseque vivendum. Deinde, quam multos esse existimamus, qui iter rectum nesciant : quam multos, qui in hoc vitiorum regno, quæ nostra hac ætate plurimum pollent vigentque, multa sibi arbitentur licere, quæ tamen improba et reprehenda sint. De quibus etsi possint a sacris literis, et earum gnaris ac peritis doctoribus admoneri : tamen in hoc pene communi generis humani ad vitia consensu, obstrepit bonis et veris admonitionibus mala consueduto, magisque plerisque mores suos ex pravis eorum qui præsunt moribus, quam ex eorundem proba oratione effingunt : cum præsertim severa lex nulla sit, quæ homines a delinquendo coerceat.[Quand j’ai lu les commentaires, si doctement rédigés, que vous avez publiés sur le concile des évêques de votre province que, suivant la coutume de nos prédécesseurs, vous avez réuni et présidé, quant à la nécessité de réformer les mœurs des prêtres et les sacrements de l’Église, {a} j’ai été frappé d’admiration pour votre très remarquable sagesse et pour son efficacité, qui n’a pas pu être égalée en notre siècle, ni avoir plus grande utilité pour les intérêts de la chrétienté. La bienveillance que j’avais déjà quelques raisons de nourrir à votre égard s’en est considérablement accrue et je vous ai pareillement jugé comme étant un grand homme et un excellent prélat, tout à fait digne d’unanime louange. Non seulement, le premier depuis fort longtemps, vous avez pris ce chemin qui conduit à mener rigoureusement et saintement votre sacerdoce, et qu’une désuétude prolongée avait presque barré jusqu’alors ; mais vous avez aussi montré aux autres un brillant exemple à imiter, s’ils en ont la volonté, et si la piété et la religion chrétiennes tiennent quelque place en leurs cœurs. Cependant, tous n’ont peut-être pas cette liberté, et tous ne sont pas de même et égale condition. En effet, lorsque j’étais à Rome et que notre consistoire envisageait de réunir un concile général des évêques sur ces questions, j’ai vu qu’en vérité maints obstacles freinaient le zèle du souverain pontife. {b} Toutefois, je pensais alors et je pense encore que convoquer solennellement un concile sur cette seule question pourrait aider à contrer tous les fâcheux assauts qui accablent quotidiennement la communauté chrétienne et la poussent vers sa destruction ; mais aussi que, si ce remède n’y aidait pas, nulle autre concertation des hommes ne pourrait empêcher que cette peste ne l’anéantisse. De fait, si un concile honnêtement et légitimement réuni est sans effet, il ne faudra attendre aucun secours de quelque autre médecine que ce soit. Cela dit, tous les nôtres n’estiment pas que Dieu, furieux de nos fautes, réclamant la punition de nos crimes et de nos péchés, qu’il sait avoir atteint leur comble, a déjà prononcé la sentence suprême de notre disparition ; et qu’il nous faut donc aller au devant de sa colère, et que, par nos prières et nos efforts, émanations de notre véritable piété, de notre véritable religion, de notre véritable repentir des fautes invétérées que nous avons commises, et par la nouvelle intégrité et justice de notre vie future, nous devons prévenir la sévérité de sa vengeance, lui dont nous avons de si longue date méprisé la tolérante mansuétude. En agissant ainsi, en nous réfugiant dans sa miséricorde, en poussant ces gémissements que l’amère douleur d’avoir péché fait monter de nos cœurs, il fléchira ; et comme il est infiniment bon et miséricordieux, sa rage se dissipera à mesure qu’il sentira le repentir de nos fautes. Une fois que nous aurons retrouvé son amour et l’aurons apaisé, cessera ce qui sème le trouble au dedans comme au dehors : et la cruauté des armées en guerre, et les poisons de la perfidie qui hante nos maisons. En vérité, cette universelle et entière réconciliation ne peut convenablement s’obtenir par nul autre pacte que l’accord, ratifié et comme dûment scellé, d’un concile général. Car si chacun règle à sa guise la réforme de sa propre vie (liberté qui n’existe guère aujourd’hui), alors, premièrement, ceux qui adopteront spontanément une existence pieuse et religieuse ne seront pas légion ; ensuite, nous estimons que quantité de gens ignorent le droit chemin, et que beaucoup, en cette souveraineté des vices qui prévalent et fleurissent de nos jours, se jugent autorisés à commettre une abondance de fautes qui sont pourtant malhonnêtes et répréhensibles. Les Saintes Écritures et les docteurs qui les connaissent et les maîtrisent pourraient le leur rappeler, mais dans cette complaisance pour les vices, qui est commune à presque tout le genre humain, la mauvaise habitude fait obstacle aux bonnes et sincères mises en garde : la plupart des gens règlent bien plus volontiers leurs propres mœurs sur celles, dissolues, de ce ceux qui les dirigent, que sur leurs vertueux discours ; car, surtout, nulle loi, si sévère soit-elle, ne contraint les hommes à ne pas fauter].
Unum tantum in tuo libro est, quod ego desiderarim, quodque mihi percontatione dignum visum sit. Sum enim tacitus me cum nonnihil admiratus, quod tu capite eo libri tui, in quo de sacramento pœnitentiæ verba facis : ubi ad tertium illum membrum, quod satisfactio est, venitur nullam prorsus in eo mentionem purgatorii facias, cum et hoc maxime locus ille requirere videatur, et nos cum catholica ecclesia, una teneamus, illa satisfactionis opera non tam ad declinandas temporias pœnas, quas in hac vita a nobis pro peccatis nostris Dei severitas reposcit, quam ad levandas illas et mitigandas, quæ in altera vita nobis purgandis proponuntur vim habere. Nisi hoc fortasse tu eodem modo intelligis, in pœnasque temporarias etiam eas includis, quæ subeuntur in purgatorio igne. Est enim temporarium, quicquid non est æternum. Verumtamen (ut mihi videtur) oportuit in eo loco aliquam purgatorii fieri mentionem : ne adversariis in hac re fidem catholicæ ecclesiæ impugnantibus, quasi quodam silentio victoria traderetur : qui iniuste certe et sine ratione insimulant ecclesiam. […] Deinde multi, qui gravia et improba multa admiserunt, postquam redierunt ad cor, et ex pœnitentia in gratiam sunt restituti, pœnas tamen hasce in hac vita effugerunt : in quo esset quædam quasi iniustitia summi iudicis, si nullas usquam hi solverent peccatorum pœnas, et nimirum nisi pœnæ in purgatorio abeuntibus his ex hac vita, quanquam a culpa absolutis, sint propositæ (si tamen pœnæ appellandæ sunt, quæ non puniunt, sed purgant) videatur vacillare Dei severitas, et iustitia : cuius ratio reddi idonea nulla potest, quamobrem ex eodem scelere hic in hac vita a Deo puniatur, ille impunitus evadat : nisi, quod et impium est ita de Deo cogitare, et in purgatorio æqua sit omnium compensatio. Deinde, cuius esset erroris accersere sibi quempiam præsentia corporis incommoda, ut futura in hac eadem vita devitaret : ieiunare, algere, sudare, bona sua elargiri : ut paupertatem in posterum effu Tout cela n’aurait pas de sensgeret, ut ærumnam, ut vigiliam, ut famem, præsertim quæ forsitan non essent eventura, sicut non omnibus qui peccarunt eveniunt ? Non cohærerent ista, si effugiendarum huius tantum vitæ temporalium pœnarum causa pœnas quasdam nobis in satisfactione, voluntarias adscisceremus. Sed hæc opera satisfactionis suscipiuntur omnia, primum obedientiæ et humilitatis causa : Deo enim et sacerdoti præcipienti obtemperamus : deinde, ut aliquo nostri hic corporis incommodo aut tollamus omnino, si forte datum sit, aut certe minuamus alterius vitæ purgatorias pœnas : earumque aut magnitudinem, aut longinquitatem contrahamus. Quæ potior mihi ratio ex sententia ecclesiæ semper visa est, quare nobis sacerdos confessis peccata nostra, opera illa satisfactoria post absolutionem imperet : quæ etsi valent, aptaque sunt ad nos in bono more recteque pieque agendi, magis confirmandos, quod et confiteor, et tecum una, cumque ecclesiasticis cæteris doctoribus sentio : tamen id potissimum in illis spectatum est, ut quoad possumus, post extremum diem, semper abundante erga nos Dei misericordia, aut nulla aut levia purgatorii ignis cruciamenta perferamus, cum eorum iam nonnullam in hac vita eiusmodi operibus subierimus partem.[Votre livre ne m’inspirerait qu’un seul regret, qui me semblerait digne d’enquête. {d} La section où vous parlez du sacrement de pénitence m’a en effet laissé muet d’étonnement : {e} dans son troisième chapitre, qui traite de l’expiation, vous ne faites absolument aucune mention du purgatoire, alors qu’il m’aurait semblé y trouver parfaitement sa place, et que nous soutenons, avec l’ensemble de l’Église catholique, que cet acte de rémission a moins le pouvoir d’éviter les punitions temporaires, que la sévérité de Dieu exige de nous en cette vie pour nos péchés, que celui d’alléger et d’atténuer les peines que nous devrons purger dans l’autre vie. Si vous n’entendez pas les choses de la même façon, peut-être est-ce parce que vous incluez dans les punitions temporaires celles qu’on subit dans le feu du purgatoire, car est temporaire tout ce qui n’est pas éternel. {f} Néanmoins (me semble-t-il), il fallait à cet endroit mentionner le purgatoire, afin de ne pas concéder, par ce silence, un semblant de victoire à ceux qui attaquent la foi de l’Église catholique sur ce point de doctrine. (…) Par conséquent, beaucoup de ceux qui ont confessé leurs nombreuses et lourdes fautes, après avoir sondé le fond de leur cœur et être revenus dans la grâce par le repentir, n’ont plus à en être punis en cette vie ; mais il y aurait là comme une injustice du suprême juge, s’ils étaient définitivement lavés de leurs péchés : la sévérité et la justice de Dieu paraîtraient vaciller si ceux qui quittent cette vie, bien qu’ils aient été absous de leur faute, n’en subissaient pas le châtiment dans le purgatoire (s’il convient pourtant d’appeler châtiment ce qui ne punit pas, mais ce qui nettoie). Aucun raisonnement ne peut convenablement rendre compte de cela, car alors, ici-bas, pour un même crime, Dieu punirait l’un et absoudrait l’autre ; {g} à moins que, pour Dieu, tous n’acquittent une dette égale dans le purgatoire, ce qu’il est profondément impie de penser. {h} Ensuite, qui refuserait de recourir à son enveloppe charnelle actuelle pour expier sa faute, afin d’éviter qu’elle ne lui soit de nouveau reprochée dans l’au-delà ? Jeûner, souffrir le froid et le chaud, dispenser ses biens en vue d’échapper plus tard à la pauvreté, au dénûment, à la faim, à l’insomnie, toutes choses dont la survenue est particulièrement incertaine, n’est-ce pas ce à quoi se plient tous ceux qui ont péché ? Cela n’aurait pas de sens si, dans le seul but d’éviter les peines temporaires de cette vie, nous tirions entière satisfaction de punitions que nous nous infligeons volontairement. Obéissance et humilité sont les fondements de tous les actes de contrition : nous nous soumettons à Dieu et au prêtre qui prescrit la sanction ; ensuite, par quelque pénitence infligée ici-bas à notre corps, soit nous supprimons entièrement, si telle grâce peut jamais nous être donnée, soit, plus sûrement, nous diminuons les souffrances du purgatoire en l’autre vie, en en réduisant la rigueur ou la durée. La raison avancée par l’Église m’a toujours paru plus sensée : quand nous avons confessé nos péchés, après l’absolution, le prêtre ordonne leur expiation ; et quelle qu’en soit la dureté, elle est propre à nous raffermir dans la droite et pieuse résolution d’adopter de meilleures mœurs. Voilà ce que je pense et proclame, tout comme vous et comme les autres docteurs de l’Église. Néanmoins, eux ont regardé comme essentiel le fait que, passé le dernier jour, par l’inépuisable miséricorde de Dieu à notre égard, et selon notre mérite, soit nous échapperons aux légères tortures des feux du purgatoire, {i} soit nous les endurerons, n’ayant subi qu’en partie ici-bas l’expiation de nos fautes].
- À la différence des conciles généraux ou œcuméniques, convoqués par le pape et réunissant tous les évêques et cardinaux de l’Église romaine, les conciles provinciaux rassemblent les ecclésiastiques d’une province, sur décision du prélat local, pour statuer sur l’organisation, la discipline et les pratiques sacerdotales des diocèses. Celui de Cologne, en 1536, avait outrepassé ses droits en examinant des questions cruciales de dogme et en publiant des canones [règles], tandis que l’Allemagne était dans la pleine ébullition des idées réformatrices luthériennes, dont une revendication matérielle était la suppression des lucratives indulgences que Rome vendait à son profit pour abréger les souffrances du purgatoire.
- En 1541, le concile que méditait Rome pour contrer la Réforme était celui de Trente (1545-1563, v. note [4], lettre 430). Le pape du moment était Paul iii (v. note [45] du Naudæana 3).
- La confession des péchés (sacrement catholique de la pénitence) était un point majeur de discorde entre catholiques et protestants : avec des nuances entre luthériens et calvinistes, et sans vouloir être exhaustif sur la question, la confession existe chez les réformés, mais le pardon (rémission) est un don gratuit de Dieu, qui ne s’assortit pas obligatoirement d’une déclaration singulière (auriculaire, v. note [6], lettre 25) des péchés à l’officiant, et exclut formellement les notions de purgatoire et d’indulgences.
- Dans la section des Canones du concile de Cologne (Vérone, 1541) consacrée aux « sacrements du Nouveau Testament » (De Sacramentis Novi Test.), venant après le baptême et l’Eucharistie, la confession (De Pœnitentia) occupe les chapitres xxx‑xxxix (pages 115‑133).
- Il me semble qu’ici, pour éviter toute allusion agressive à l’Inquisition romaine, le cardinal n’a pas innocemment préféré le mot percontatio à inquisitio, « enquête », son plus banal synonyme.
- Le cardinal offrait une esquive à l’archevêque : dans la foi catholique, le purgatoire est certes temporaire, comme la vie terrestre, mais il appartient à la vie céleste, où il est un passage intermédiaire facultatif, entre l’enfer et le paradis, qui sont les deux séjours possibles des âmes après la mort, et pour l’éternité.
- Relativité et fragilité de l’absolution prononcée par un confesseur, que doit confirmer ou infirmer celle que Dieu prononce après la mort, quand l’âme du défunt se présente à lui.
- Le dogme catholique établit que certaines âmes pures de péché montent directement au paradis sans passer par le purgatoire.
- Les flammes du purgatoire sont tenues pour moins cruelles que celles de l’enfer. Leur perspective reste néanmoins effrayante, et les indulgences procurées par l’Église pour en soulager les fidèles sont donc particulièrement bienvenues. Le concile de Trente allait bientôt établir définitivement le dogme catholique du purgatoire : il ne figure pas dans la Bible, mais a été conçu par les Pères de l’Église, comme moyen de renforcer la crainte du péché chez les fidèles.
La chancellerie de France était une charge inamovible, mais le roi pouvait ôter au chancelier la garde des sceaux qui lui était ordinairement confiée. Dans sa relation des transferts de sceaux, la plume du Borboniana s’est emmêlée sur deux points (marqués par trois < sic >) : (1) François i de Montholon ne fut pas chancelier, et (2) Chiverny ne succéda pas directement à François ii de Montholon dans la garde des sceaux en 1589.
« Voyez de Thou, sous Henri iii, 2e partie, page 333. »
Transcription fidèle (hormis l’abréviation des prénoms) de l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou, livre xcii, règne de Henri iii, année 1588 (édition de Genève, 1620, page 333), dont la relation se continue comme suit :
… Quippe fastidire eum ceperat Franciscus, sicut et statim suppuduit Regem assumpti ad eandem dignitatem filii, quam ille delatam, paullum abfuit, repudiavit, sed ab amicis et præcipue a Nivernio, qui eum summe diligebat et Regi evocandi eius auctor fuisse putabatur, confirmatus ad aulam venit, ubi ita se gestit, ut potius ad Regis imperia obsequium, quam ad tantum magistratum pares dignitato animos attulisse videretur.
Thou fr donne cette traduction de l’ensemble (volume 10, pages 371‑372) :
« Après avoir exilé le chancelier, {a} le roi donna les sceaux à François de Montholon, avocat général au Parlement de Paris. {b} C’était un homme d’une droiture, d’une probité admirables ; mais qui d’ailleurs, n’avait d’esprit et de génie que pour le barreau. Aussi eut-il le même sort que son père : François ier, qui commençait à se dégoûter des gens de mérite, l’avait fait venir après la disgrâce de Guillaume Poyet, et il y exerça le même emploi pendant quelques mois, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, arrivée fort à propos pour ce magistrat, qui pouvait passer pour un fort honnête homme, mais qui n’avait d’ailleurs aucun talent pour les affaires. En effet, le roi commençait déjà à s’en lasser. De même, Henri n’eut pas plus tôt mis le fils dans la même place qu’il eut honte de son propre choix. Montholon lui-même fut sur le point de la refuser, mais ses amis, surtout le duc de Nevers {c} qui l’aimait fort, et à la sollicitation duquel on crut qu’il était redevable de sa nouvelle dignité, l’encouragèrent si bien qu’il se rendit à la cour, où il fit voir par toute sa conduite beaucoup de soumission pour les ordres du roi et fort peu de talent pour une charge de cette importance. »
- Chiverny ; j’ai mis en italique la traduction du passage transcrit par le Borboniana.
- Contrairement à son père, François i, François ii de Montholon ne fut pas avocat général, mais simple avocat au Parlement de Paris.
- Louis de Gonzague, v. note [18], lettre 760.
Cet article du Borboniana manuscrit et les suivants se trouvent (plus ou moins châtrés) dans le Borboniana imprimé (Paris, 1751).
« Il y avait déjà longtemps que le cardinal de Bourbon {c} s’était mis dans la pensée de faire un parti de catholiques qui fût différent de la Ligue et de ceux qui suivaient le roi. {d} Ce dessein avait pris naissance en lui de ce qu’il voyait que le roi, par son obstination à ne se point vouloir convertir, ne se rendait pas seulement difficile à soi-même la possession du royaume, mais privait encore toute la famille royale des justes prétentions qu’elle avait à l’hérédité de la Couronne, dont tous ceux de la Maison étaient exclus à cause qu’ils suivaient un prince hérétique. Aussi se parlait-il déjà parmi les ligueurs de rompre la loi salique, {e} et de faire tomber le sceptre entre les mains d’autres princes que de ceux du sang royal de France. À quoi vraisemblablement le cardinal de Bourbon avait plus d’intérêt que pas un autre, pource que le Prince de Condé, son cousin, bien à peine sorti du berceau, {f} était élevé dans la religion huguenote ; et que d’ailleurs, le Prince de Conti, son aîné, avait des défauts qui ne le rendaient pas beaucoup propre au gouvernement, outre qu’on ne croyait pas qu’il dût avoir des enfants, ayant été taillé de la pierre en ses premières années. {g} De manière que, se fondant là-dessus, il se persuadait d’être celui de tous que la Couronne regardait de plus près ; outre que le comte de Soissons, troisième des frères, était moins âgé que lui, {h} et le duc de Montpensier beaucoup plus éloigné qu’eux du vrai degré de la succession. {i} Ces considérations, jointes aux déplaisirs de son âme, {j} y firent naître un désir, qu’il y nourrit peu à peu, d’aller au devant de l’inconvénient qu’il prévoyait, et de former un parti par le moyen duquel il se pût faire élire roi ; car ni le pape ne pouvait s’opposer à la personne d’un cardinal, ni le roi catholique {k} le rejeter comme hérétique, ni la Ligue lui refuser l’obéissance qui se doit aux souverains. »
- V. note [24], lettre 98.
- Paris, Pierre Rocolet, 1657, 2 tomes in‑4o ; traduite d’italien en français par Jean Baudoin (v. note [33], lettre 469), troisième édition.
- Charles ii de Bourbon, autrement nommé le cardinal de Vendôme (v. supra note [45]).
- Henri iv régnait depuis 1589.
- V. note [55] du Borboniana 4 manuscrit.
- Le prince Henri ii de Condé, né le 1er septembre 1588 (v. note [8], lettre 23).
- V. note [64] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii pour le prince de Conti, François de Bourbon, né en 1558 (soit de quatre ans plus âgé que le cardinal de Vendôme), et pour sa taille de vessie (vers 1570).
- V. note [11], lettre 105, pour Charles, comte de Soissons, né en 1566, et demi-frère du cardinal de Vendôme.
- Henri de Bourbon, duc de Montpensier (v. note [11] du Borboniana 9 manuscrit), cousin éloigné du cardinal.
- À son tempérament malveillant.
- Le roi d’Espagne, Philippe ii.
Joannes Tuchardus, magni vir ingenii et animi, humaniores literas cum in Navarræ Gymnasio, cujus alumnus erat, tum in aliis magna Scholasticorum frequentia professus est. Gallicam poesim, quæ tum magno in pretio habebatur, præsertim excoluit ; deinde Theologiæ se dedit, et anno mdlxxii. publicam instituit disputationem, qua in Baccalaureorum numerum cooptatus est. Quam et hoc actu et in docendis politioribus literis famæ celebritatem sibi comparavit, illa non multo post effecit, ut e pluribus in Caroli Borbonii, qui cardinalis Vindocinus postea dictus fuit, præceptorem legeretur. Accedebant facta ab Joanne Pelletario probitatis commendatio, festiva dicendi vis et oris venustas atque gravitas, quæ naturæ dotes aliorum animos alliciunt, et plurimum conciliant auctoritatis. Tuchardus cum votis omnium respondit, tum inprimis Caroli Borbonii, Rotomagensis Archiepiscopi, cui nepotis educatio maximæ erat curæ, et Joannis Pelletarii, supremi regiæ Navarræ Moderatoris, qui literariorum adolescentum, et potissime Principum, moribus et studiis invigilare nusquam desistebat. Ergo discipulum ita ad omnem virtutem et disciplinam instituit atque erudiit, ut egregius Catholicæ fidei defensor, et optimarum artium fautor extiterit. Hinc omni conatu intercessit iis, qui anno mdxcii. nefarium de constituendo in Gallis Patriarcha consilium inierant ; inde refertissimam exquisitissimis libris Bibliothecam confecit. In uno perniciosissimum schisma, priusquam nasceretur, sua pietate et auctoritate extinxit ; in altero quanti et literas et literatos faceret, ostendit. Adde quod quibus eos potuit, Beneficiis et Sacerdotiis ornarit. Ex tam nobili institutione id consecutus est Ludimagister, ut Bellosanensis Abbas efficeretur, et apud Carolum gratia semper atque auctoritate valeret. Ejus ope factum est, ut Carolus ille cardinalis Jacobum Perronium, qui tum partim ejurata Calvinianorum doctrina, partim acri ingenio, et in versibus Gallice pangendis felici eminere cœperat, in suam familiam reciperet. Sunt qui utrum Tuchardum et Perronium faciant auctores illius secretæ inter Regis fautores coitionis eorum, qui secto in duabus factionibus Regno, subsecivam ex altera circa annum mdxci. conflarunt : et præterea scribant delectum a Tuchardo Scipionem Balbanium, Lucensem virum, qui tertiæ hujus coitionis, cujus caput credebatur cardinali Borbonius, confirmationem a Pontifice quæsiturus, Romam proficisceretur. Quapropter ab iis vapulat, diciturque homo stolide ambitiosus, qui ad ignoratum Pædagogi munus aulicas fraudes adjecisset. Sed varia in hujus temporis historicis studia et affectus, varias et sæpe falsas eorum, qui Catholicam fidem sartam tectamque vellent præ ceteris, accusationes et vituperationes pepererunt, quæ unis placent, alteris displicent ; et vice versa, quæ his probantur, aliis confestim improbantur. Nec desunt argumenta, quibus quæ singuli seorsim faciunt, recte facta suadere sibi videantur. Tuchardus Ludovico Brezæo, regiæ Palatii Capellæ Thesaurario, et Meldensiu Episcopo, vita functo, constitutus est brevi Thesaurariius ; et post annorum plus minus quinque interstitium designatus ab Henrico iv. Meldensis Episcopus : ante possessionem adeptam migravit. Id contigit circa annum mdxcvi. quo generalibus Regni Comitiis interfuit. Jacobus Dubletius, Monasterii sancti Dionysii Monachus, qui et Tuchardum et res ætatis illius probe noverat, illum insignibus virtute et doctrina viris adnumerat, et nominatum ab Rege Meldensem Episcopum scribit lib. iv. Sandionysiacarum Antiquitatum cap. lx. Poema Gallicum cecinit, cui nomen est :Allégresse chrétienne de l’heureux succès des guerres du royaume.[Jean Touchard, homme de grande intelligence et de grand esprit, a enseigné les belles-lettres à une multitude d’étudiants, tant dans le Collège de Navarre, {c} où il avait lui-même été écolier, qu’en d’autres collèges. Il a surtout cultivé la poésie française, qui était alors tenue en très haute estime ; ensuite, il s’est consacré à la théologie et, en 1572, il a disputé un acte public qui l’a fait accéder au grade de bachelier. Tant par cette thèse que par son enseignement des lettres, il s’était acquis une telle réputation que, peu de temps après, il fut préféré à nombre d’autres pour être précepteur de Charles ii de Bourbon, qui a ensuite été nommé cardinal de Vendôme. Sa probité, qu’avait recommandée Jean Pelletier, sa capacité à régenter plaisamment, et la beauté et la gravité de son éloquence, dons de la nature qui séduisent les esprits des autres et procurent grande autorité, lui avaient valu cette charge. Touchard répondit aux vœux de tous, et en tout premier à ceux de Charles i de Bourbon, archevêque de Rouen, {d} qui prêtait la plus grande attention à l’éducation de son neveu, et de Jean Pelletier, principal du Collège de Navarre, qui surveillait sans relâche la bonne instruction morale et littéraire des jeunes écoliers, et plus encore quand ils étaient de famille princière. Touchard forma et instruisit donc si bien son élève à la vertu et au savoir qu’il fit de lui un remarquable défenseur de la foi catholique et un promoteur des meilleures disciplines. Tous ses efforts furent interrompus en 1592 par ceux qui nourrissaient le funeste dessein d’établir un patriarche en France. {e} Le cardinal se vouait alors à assembler une bibliothèque remplie des livres les mieux choisis ; mais, d’un côté, par sa piété et son autorité, il étouffa dans l’œuf le très dangereux schisme qui se tramait, et de l’autre, il fit voir combien il pourrait être utile aux lettres et aux lettrés. Ajoutez à cela qu’il a honoré ceux qu’il a pu de bénéfices et de dignités sacerdotales. En une si noble détermination, Charles n’oublia pas son précepteur, qu’il fit abbé de Bellozane, {f} en le protégeant toujours de sa faveur et de sa puissance. Par son aide, il advint que ce cardinal de Vendôme reçût en sa maison Jacques Duperron, {g} qui avait alors commencé à se signaler, en partie pour son abjuration du calvinisme, et en partie pour son intelligence acérée et son fécond talent à composer des vers français. Il en est qui font de Touchard et de Duperron, vers 1591, quand le royaume était scindé en deux factions, les deux auteurs de cette coalition secrète de partisans du roi qui ont voulu se placer entre elles ; ils écrivent aussi que Touchard a choisi Scipio Balbani, originaire de Lucques, pour qu’il se rende à Rome et demande au pape l’approbation de ce tiers parti, qu’on croyait dirigé par le cardinal de Bourbon. {h} C’est pourquoi ces gens l’éreintent, en le qualifiant d’avoir été un homme follement ambitieux qui, oubliant qu’il n’était qu’un pédagogue, s’est lancé dans les intrigues de cour. Cependant, le zèle et les sentiments varient chez les historiens de cette période : inconstantes et souvent fausses parmi ceux qui voudraient par-dessus tout maintenir la foi catholique intacte, elles ont engendré des accusations et des blâmes, qui plaisent aux uns et déplaisent aux autres ; et à l’inverse, ce qu’approuve ceux-ci est immédiatement désapprouvé par ceux-là ; et nul ne manque d’arguments qui semblent convaincants quand on les sort de leur contexte. Peu de temps après la mort de Louis de Brézé, trésorier de la Sainte-Chapelle et évêque de Meaux, {i} Touchard lui succéda dans la charge de trésorier et, environ cinq ans plus tard, Henri iv le désigna pour l’évêché de Meaux, mais il est décédé avant d’en prendre possession. Cela s’est passé vers 1596, année où il a participé à l’Assemblée des notables du royaume. {j} Jacques Doublet, moine du couvent de Saint-Denis, qui a parfaitement connu Touchard et les affaires de son temps, l’a compté parmi les hommes remarquables pour leur vertu et leur savoir ; et quand il a été nommé évêque de Meaux, il a écrit quatre livres d’Antiquités dionysiennes, avec, dans le chapitre lx, un poème français de sa composition, intitulé Allégresse chrétienne de l’heureux succès des guerres du royaume]. {k}
- Paris, veuve d’Edmundus Martinus, 1677, deux parties en un volume in‑4o de 1 114 pages.
- V. note [9], lettre 91.
- V. note [21], lettre 207.
- V. note [64] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii pour Charles i de Bourbon, cardinal de Vendôme (premier du nom), oncle de Charles ii.
- Jean de Launoy, voulant (comme on le verra clairement plus bas) ménager la mémoire de Jean Touchard et de son disciple, le cardinal de Vendôme, a employé une curieuse litote, « patriarche », pour parler du nouveau souverain que le tiers parti voulait faire monter sur le trône de France en 1592, à la place de Henri iv.
Launoy s’attarde ensuite dans une digression (que j’ai préféré conserver) sur les qualités du cardinal, avant de revenir sur le tiers parti.
- L’abbaye Notre-Dame de Bellozane, placée sous l’obédience des prémontrés, était sise à Brémontier Merval en Normandie (Seine-Maritime).
- V. supra note [40].
- L’Histoire de Davila (ibid. supra première notule {a}, page 201) explique qui était Scipio Balbani et donne un éclairage différent sur le projet du cardinal de Vendôme :
« Toutefois, avant que de passer outre, il s’avisa de communiquer son dessein à Jean Touchard, Abbé de Bellozane, qui, dès ses premières années, l’avait élevé dans les belles-lettres ; personnage qui, à vrai dire, n’avait ni un savoir pédantesque, ni un esprit bas et faible, mais plein de vivacité, et qui n’ignorait rien de la façon de vivre qui se pratique à la cour. Celui-ci donc, se représentant qu’il travaillerait pour son avancement propre s’il contribuait de ses soins à la grandeur de son maître, ne manqua point de fomenter les prétentions du cardinal, ni de les régler par les bons avis qu’il lui donna, en lui conseillant surtout d’être secret, d’agir avec adresse jusqu’à ce qu’il se fût acquis plusieurs confidents, et de se servir des conjonctures du temps pour en faire naître, comme il lui enseigna, des occasions utiles et favorables. Davantage, pour avoir quelqu’un qui lui servît comme de second à jeter le plan d’un si haut et si plausible dessein, l’ayant communiqué à Jacques Davy, sieur Duperron, jeune d’années, mais qui, pour être doué d’une profonde connaissance des bonnes lettres, était considéré dans la maison du cardinal ; et pareillement à Scipio Balbani, Lucquois, homme qui, de la profession de marchand par lui exercée durant plusieurs années avec assez de mauvaise fortune, était passé à celle d’agent de la cour de divers princes. Il fit avec eux toute sorte d’efforts imaginables pour former ce troisième parti. »Le soutien du pape était jugé déterminant pour le succès de l’entreprise. Balbani était probablement un agent pontifical.
- Louis de Brézé a été évêque de Meaux de 1533 à 1564, puis de 1571 à sa mort, le 15 septembre 1589. Il avait été nommé trésorier de la Sainte-Chapelle de Paris (v. note [38], lettre 342) en 1570.
- L’Assemblée des notables (distincte d’états généraux car les députés n’en étaient pas élus, mais désignés par le roi) eut lieu à Rouen de novembre 1596 à janvier 1597. Son but était de rétablir les finances du royaume en levant de nouveaux impôts.
Dans le même temps, Henri iv avait désigné Jean Touchard pour l’évêché de Meaux, mais des méandres politiques et religieux l’empêchèrent de jamais y être intronisé. Il mourut vers 1602.
- Jacques Doublet (1560-1648), moine bénédictin de Saint-Denis :
Histoire de l’abbaye de S. Denis en France. Contenant les Antiquités d’icelle, les Fondations, Prérogatives et Privilèges. Ensemble les tombeaux et épitaphes des rois, reines, enfants de France, et autres signalés personnages qui s’y trouvent jusques à présent. Le tout recueilli de plus sieurs Histoires, Bulles des papes, et Chartes des rois, princes et autres documents authentiques…Le chapitre lx du livre iv (pages 1358‑1373) est consacré à la vie et à la sépulture du roi Henri iv. Jean Touchard et, avec beaucoup plus grande insistance, le cardinal de Vendôme y sont mentionnés, mais je n’ai pas vu le poème cité par Launoy.
- Paris, Jean de Heuqueville, 1625, in‑4o de 1 377 pages, divisées en 4 livres
Ce paragraphe désigne nommément Nicolas de Bourbon (« M. de B ») comme conteur de l’histoire (relatée par Guy Patin).
V. notes :
Catherine de Bourbon (1559-1604), duchesse d’Albret, sœur unique du roi Henri iv, était cousine germaine de celui qu’elle aimait, Charles de Bourbon, comte de Soissons (v. note [11], lettre 105). Le prudent roi (qui n’avait pas encore d’héritier légitime) lui fit épouser, en 1598, le marquis Henri de Pont (1563-1624), qui devint le duc Henri ii de Lorraine en 1608. Aucun enfant ne naquit de cette union. Le duc Charles iv de Lorraine (v. note [37], lettre 6) était neveu de Henri ii.
L’Histoire de Davila (v. supra note [57]) a conté différemment l’intervention de Jacques Davy Duperron dans la révélation du tiers parti à Henri iv (tome second, livre douzième, année 1591, page 202) :
« Mais comme les choses qui se communiquent à plusieurs peuvent difficilement être cachées, celles-ci vinrent enfin à la connaissance du cardinal Philippe de Lenoncourt, ancien dépendant de la Maison de Navarre, qui, pour être du parti du roi, demeurait aussi à Tours et entrait dans le Conseil. {a} Or, pource qu’il n’était guère en bonne intelligence avec le cardinal de Bourbon, il fut le premier qui avertit le roi de ce qui se passait, en lui représentant en général les choses qui se tramaient contre lui, de la façon qu’il les avait pressenties. Le roi, qui ne doutait point qu’il n’y eût de l’émulation entre ces deux cardinaux, ne voulut point d’abord croire entièrement ce que Lenoncourt venait de lui dire ; et ne laissa pas pourtant de s’en mettre en peine, ni de penser aux moyens qu’il pourrait tenir pour se mieux éclaircir ; à quoi la Fortune le sembla conduire d’elle-même par la voie la plus extraordinaire qu’il eût jamais pu s’imaginer. Car étant advenu fortuitement à Balbani, arrivé déjà en Italie, de rencontrer en son chemin le sieur Des Portes Baudouin, secrétaire du duc de Mayenne, {b} qui s’en allait aussi à Rome pour ses affaires ; il fit amitié avec lui, comme c’est la coutume de ceux qui sont dans les intérêts d’une même nation. En suite de quoi, ou par imprudence, ou pour semer un nouveau rejeton de la Ligue, {c} il lui découvrit le sujet pour lequel le cardinal l’envoyait vers Sa Sainteté, et lui fit voir, dans un papier distinctement écrit, tous les articles de la commission, qu’on lui avait donnés pour s’instruire. À quoi Des Portes, adroit au possible et savant dans les négociations, se rendit si complaisant et lui sut si bien tâter le pouls par son accortise {d} à l’amadouer que, non seulement, il pénétra dans le fond de l’affaire et apprit quels étaient les confidents du cardinal, mais encore, il lui tira des mains une copie de sa commission, qu’il envoya promptement au duc de Mayenne, par deux mêmes lettres diversement adressées. Mais le malheur voulut qu’il y en eût une d’interceptée par la garnison d’Auxerre, et qu’ainsi elle tombât entre les mains du roi, avec une pleine instruction de tout le traité. À cet avis qu’on avait eu par le moyen de la lettre du sieur Des Portes, servit encore, depuis, d’un grand éclaircissement Jacques du Quesnay, gentilhomme de Normandie, qui avait été nourri page du duc de Longueville. {e} Celui-ci se trouvant un soir au coucher de son maître (façon de faire la cour aux grands, qui se pratique ordinairement en France) et ne pouvant être vu à cause des rideaux qui l’empêchaient, ouït, sans y penser, un grand discours que fit sur le même sujet le sieur Duperron, {f} et le dit fortuitement à Jean d’Épinay, son proche parent, qui, pour être huguenot et d’un esprit pénétrant, ne manqua point d’en avertir aussitôt le sieur de Chasseron, son capitaine, de qui le roi apprit depuis plus distinctement toutes les particularités et les circonstances de l’affaire. »
Revanche de Henri iv après délibération avec ses conseillers particuliers (ibid. page 204) :
« Le roi ne trouva point de meilleur expédient que celui-ci, qui fut encore approuvé par le maréchal de Biron, à l’avis duquel on se rapportait de toutes les grandes affaires. Tellement qu’à l’heure même, il écrivit au cardinal de Bourbon et aux autres seigneurs du Conseil qu’ils ne manquassent point de le venir promptement retrouver au camp, où il avait besoin de leurs soins et de leur assistance. Cela fait, il ôta au comte de Soissons le gouvernement de Poitou et de Touraine, pour le donner au prince de Conti, qui ne trempait point à cette faction, ses frères mêmes l’ayant exclu de leur intelligence. Car, outre que le comte de Soissons, secrètement dépité de ce que le roi, après lui avoir plusieurs fois promis en mariage la princesse Catherine, sa sœur unique, refusait maintenant de la lui donner, s’était jeté pour cette raison dans la ligue du cardinal ; il l’avait fait encore sur cette espérance qu’à lui-même, bien que plus jeune, mais séculier, pourrait échoir l’élection que les catholiques feraient d’un prince du sang pour l’élever à la Couronne. {g} D’où il advint que le cardinal, s’étant rendu au camp devant Chartres {h} et continuant toujours d’aller au Conseil, eut le déplaisir de se trouver présent à l’édit qui fut fait en faveur des huguenots, {i} auquel il s’opposa directement, et par ses paroles et par son action, ne cessant depuis d’en faire de mauvais contes, afin de persuader ainsi aux catholiques de se lier d’intelligence avec lui. »
- Philippe de Lenoncourt (1527-1592), cardinal en 1586. Paris étant aux mains de la Ligue, Henri iv séjournait alors à Tours.
- Charles de Lorraine, un des meneurs de la Ligue (v. note [6], lettre 445).
- Sans doute pour poser un jalon du côté de la Ligue, afin de se ménager une porte de sortie si sa mission au service du tiers parti échouait.
- Adresse.
- La phrase devient plus intelligible si on en inverse les propositions : « Jacques du Quesnay, gentilhomme de Normandie qui avait été nourri page du duc de Longueville, servit encore, depuis, d’un grand éclaircissement à cet avis qu’on avait eu par le moyen de la lettre du sieur Des Portes. »
- Duperron ne serait donc pas venu raconter le tiers parti directement au roi, mais au duc Henri ier de Longueville, l’un des fidèles soutiens de la Couronne durant la Ligue (v. note [39] du Borboniana 4 manuscrit).
- Le lien que Nicolas de Bourbon établissait entre le mariage contrarié de Catherine de Bourbon et le tiers parti n’était donc pas fortuit.
- Assiégée depuis le 21 février 1591 par l’armée royale, la ville de Chartres se rendit à Henri iv le 19 avril suivant.
- En réplique à l’excommunication de Henri iv réitérée par Rome, l’édit royal de Mantes, le 4 juillet 1591, confirmait ceux de Poitiers (1577) et de Nérac (1579) qui avaient déclaré la liberté du culte réformé dans le royaume, et révoquait ceux de Nemours (1585) et de Rouen (édit d’union, 1588) qui l’y avaient interdit. Le tiers parti s’était ouvertement déclaré à cette occasion, par la bouche du cardinal de Vendôme.
« Je peine à croire que ce soit l’ouvrage d’un seul homme. »
V. notes :
Élie du Fresnes de Mincé, originaire d’Anjou, docteur (1617) et plus tard (1666) doyen de Sorbonne, était curé de l’église Saint-Pierre de Gonesse (v. note [27], lettre 166). En 1655, à l’âge de 77 ans, il prit la défense d’Antoine ii Arnauld (v. note [40], lettre 428), mais se résigna peu après à signer la censure que la Sorbonne prononça contre le plus virulent zélateur du jansénisme. Il mourut fort âgé vers 1670 (Dictionnaire de Port-Royal). En 1663, un collaborateur de Jean-Baptiste Colbert a ainsi dépeint ce fidèle zélateur du gallicanisme :
« l’esprit et l’âme d’un vieux gentilhomme français, aimant son prince et son autorité, et haïssant tout ce qui y est contraire. Incapable de fourbe ; dont le sens commun et la présence d’esprit dans les occasions pour tourner une affaire dans le bon sens, et se défaire de tout ce qu’on peut lui opposer pour lui faire de la peine, est {a} sans contredit extraordinaire, aussi bien que sa fermeté. » {b}V. notes :
- Sic.
- Texte figurant aussi dans les Recherches historiques sur l’Assemblée du Clergé de 1682, par Charles Guérin, juge au tribunal civil de la Seine (Paris, Lecoffre fils et Cie, 1869, in‑8o de 571 pages), Appendice A‑iv, Les Docteurs de la Maison de Sorbonne, page 490.
« Voyez {a} les Elogia de Sainte-Marthe et Jacques-Auguste i de Thou, sous François ii ; {b} Joachim Du Bellay en son recueil de sonnets, page 139. » {c}
V. note [52] du Patiniana i‑4 pour le très érudit président Aimar de Ranconnet, qui s’était volontairement donné la mort en 1559, tandis qu’il était emprisonné sur une suspicion d’attentat aux bonnes mœurs.
« D’un grand Budé les uns diront la gloire,
D’un grand Baïf les autres chanteront,
Ceux-ci Danays, et ceux-là vanteront
D’un Castellan la louange notoire ; {i}Mais, quant à moi, tant que les pas de Loire,
De mes chansons leur courbe borneront ;
Toujours leurs flots à leurs bords sonneront
D’un Ranconnet la fameuse mémoire.Ils sonneront que le grave romain,
Le grec subtil et le docte germain,
Le grand arabe et le docte chaldée,Ne furent onc de chose studieux
Que cestui-ci n’ait apprise des dieux
Pour être en lui divinement gardée. »
« pour procurer à son estomac une indigestion mortelle, […] afin que s’éteignît plus vite tout ce qui lui restait de chaleur innée. »
« Voyez Sennert, chapitre sur la dysenterie, question 2. »
Adamantem venenatum esse, pulveremque eius dysenterima excitare plurimi statuunt. […] Abunde hactenus diximus quibus addere liber quæ hac de re habet Zacutus Lusitanus, de Prax. Med. lib. 2. obs. 16. Is de Adamante ita sensit, eum venenum non esse ; cum experientia constet, plurimos citra noxam illum furtim devorasse, et deinde cum excrementis deiecisse. Ergo solum nocere putat, cum in frustra dissectus, vel impolitus devoratur. Tum enim, vitri instar, asperitate sua, intestina pungere, ferire, vulnerare, et exulcerare, et vulnera ab eo inducta esse lethalia. Cum enim altius depascant et penetrent, illico oborta putedrine, fieri ulcera sordida. Idque probat exemplo servi cuiusdam Mercatoris, qui cum malo dolo tres adamantes impolitos devorasset, in tormina postridie lapsus est, et ob intestina vulnerata cruenta deinceps eiecit, febricitate cœpit, et nullis remediis convalescere potuit, sed ulcere magis ac magis sordido facto, tabefactus obiit. Ex quibus patet, Adamantem potius vulnerando, quam ut venenum nocere. Verum in hac historia hoc adhuc dubii occurrit, annon Adamantes illi politi acuti, atque ad vulnerandum apti sunt, quam impoliti.[Maints auteurs déclarent que le diamant est un poison et que sa poudre provoque la dysenterie. (…) À l’abondant exposé qui précède, j’ajouterai ce qu’en a écrit Zacutus Lusitanus, dans sa Praxis Medica, livre ii, observation xvi. {d} Lui pense que ce n’est pas un poison, comme prouve l’expérience de nombreuses gens qui en ont avalé pour les voler : ils n’ont pas été malades et les ont ensuite expulsés dans leurs excréments. Il croit donc que l’absorption de diamant ne peut nuire que quand il est réduit en miettes ou quand il n’a pas été poli ; car alors, à l’instar du verre, ses aspérités percent, meurtrissent, blessent et ulcèrent les intestins, et les plaies qui en résultent sont mortelles : quand elles coupent et pénètrent plus profondément, une putréfaction se déclenche aussitôt et donne naissance à des ulcérations purulentes. C’est ce que montre le cas du commis d’un marchand qui avait frauduleusement ingurgité trois diamants non polis : le lendemain, il eut mal au ventre ; comme ils avaient blessé les intestins, il les évacua ensuite avec du sang et commença à avoir la fièvre ; aucun remède ne put en venir à bout, un abcès se développa peu à peu et il mourut tabide. {e} On en déduit que le diamant est plus nuisible en blessant qu’en empoisonnant ; mais cette histoire mène à se demander si les diamants taillés en pointe n’ont pas la même aptitude à blesser que les diamants non polis].
- V. note [21], lettre 6.
- V. note [8], lettre 147.
- Lyon, 1650, v. note [20], lettre 150.
- V. note [7], lettre 68, pour la « Médecine pratique » (Lyon, 1637) du médecin portugais Abraham Zacutus, où cette observation xvi (page 186), que Sennert a très fidèlement reprise, est intitulée Ex Adamante impolito devorato, cruenta deiectio, tabes, mors [Déjection sanglante, tabès, mort après avoir avalé un diamant non poli] ; le commis était obèse et avait bien ingurgité trois diamants dérobés à son maître.
- V. note [9], lettre 93.
Dans le tome 1 de son Histoire de France sous les règnes de… Charles ix… (Paris, 1631, v. note [10] du Patiniana I‑1), Pierre Matthieu a parlé, sans mâcher ses mots, du conflit entre Don Carlos et le roi Philippe ii, son père, dans le livre v, pages 305‑307 :
« Comme sa mère mourut lorsqu’il entra au monde, {a} aussi il sortit du monde quand il entreprit d’en chasser le roi son père. Il fut longuement veillé sur ce malheureux dessein : {b} il avait toujours deux pistolets en ses poches, deux épées au chevet de son lit, des arquebuses en ses coffres ; le livre de ses prières avait des feuillets d’acier, instrument propre pour assommer quelqu’un ; il couchait seul en sa chambre et, par certains ressorts, ouvrait la porte sans bouger de son lit. Les avis de ses desseins conférés à ses actions, et ses actions à ses paroles, on n’y trouva rien qui allât droit au bien et qui ne fît croire ce qui semblait incroyable ; et que le même esprit qui le portait à mépriser les lois de la religion contre son Dieu, le porterait à violer celles de la nature contre son père. Il découvrit une partie de son dessein à D. Juan d’Autriche, {c} et le rendit capable d’en deviner le tout ; car lui ayant demandé s’il ne serait pas pour lui contre qui que ce soit, D. Juan lui donna parole de le servir contre tous, le roi son père excepté ; et le prince, répliquant brusquement et impiement {d} qu’il n’exceptait personne, découvrit assez jusqu’où allait cette malheureuse extension.Il la voulait exécuter la veille < de la > Saint-Sébastien {e} […]. D. Juan alla trouver le roi, et comme il fut rencontré par un gentilhomme qui lui dit Que venant sans avoir été mandé, le roi s’étonnerait de sa venue, il lui répondit Que la cause lui donnerait encore plus d’étonnement. Il {f} découvre ce qu’il savait ; le roi, qui connaissait le naturel ambitieux et hardi de D. Juan, et qu’il avait eu l’audace de lui dire en sa jeunesse qu’il avait un aussi bon père que lui, ne crut pas légèrement cet avis et le menaça de lui faire trancher la tête s’il se trouvait menteur. Il s’achemine à Madrid et le laisse à l’Escurial jusqu’à ce que la vérité de son accusation fût connue. La nuit du 18e janvier le roi d’Espagne, suivi de Ruy Gomez, duc de Silva, {g} […] ayant fait lever le ressort qui fermait la porte par le dedans, par un Parisien qui en avait été l’inventeur, entra dans la chambre du prince, le surprit endormi si profondément qu’il ne s’éveilla pas à la première parole que lui dit le duc de Silva ; on se saisit de ses armes, de ses papiers ; et étant éveillé, dit Ce fils de putain m’a fait une trahison, parlant de D. Juan ; mais ayant le front tout couvert de confusion, ne pouvant supporter la présence de son père, le reproche que la nature faisait à son ingratitude et les remords de sa conscience, il dit Qu’il était mort, et pria qu’on le fît mourir.
Le roi lui dit Je ne suis pas ici pour cela, je t’ai donné une fois la vie, je te la donne encore, et me suffit que ton ingratitude et ta méchanceté fassent connaître que tu es indigne. On le fait lever et habiller d’une robe noire et d’un bonnet noir ; les tapisseries sont détendues et les lits changés ; les fenêtres, murées, et la chambre convertie en prison. Son désespoir s’étant converti en fureur, et voyant que toutes issues, et de la captivité et de la vie, lui étaient fermées, il tenta plusieurs sortes de violence pour se défaire, {h} jusqu’à manger des charbons et se jeter dans le feu. À la fin, comme le roi vit qu’il n’y avait point d’espérance d’amendement, et qu’il n’userait jamais bien de la liberté, et qu’à la longue, sa captivité pourrait apporter du trouble, il assembla son Conseil de conscience et lui proposa : Si, reconnaissant le mal où son fils se portait, il se rendrait coupable des calamités que ses peuples ressentiraient s’il ne le punissait. Il lui fut répondu Que sa clémence ne pouvait avoir de plus juste objet que la faute de son fils ; mais que s’il croyait qu’elle fût injurieuse au public, il devait préférer le service de Dieu à l’amour de son fils, et le salut de son peuple à son propre intérêt.
Sur ce, le roi remit le prince au jugement des inquisiteurs, les exhortant de ne faire état de l’autorité du père plus que du moindre du royaume, et de considérer la qualité du fils comme du seigneur et maître présomptif de ses États, et ne la séparer de celle des accusés, jusqu’à ce qu’ils connussent que l’énormité du crime l’en rendait indigne, se remettant du tout {i} à leur conscience, et déchargeant la sienne. Toutes choses considérées, les inquisiteurs le déclarèrent hérétique et parricide : le premier, pour avoir traité avec les ennemis de sa religion, la reine d’Angleterre, le prince d’Orange et l’Amiral de Châtillon, {j} et entrepris d’assister les rebelles de Flandres ; le second, pour avoir conspiré contre la vie de son père. Et partant, le condamnèrent à la mort, remettant au roi la forme de la peine. Il fit une extrême violence à son cœur pour ordonner cette mort car, quoi qu’il fît, il trouvait toujours qu’un père mourait en faisant mourir son fils, et qu’il se condamnait en sa même sentence. On donna le choix au condamné de la forme de sa mort, mais il déclara qu’il n’avait point de mort à choisir, et qu’elle lui était indifférente. On mit sa conscience au meilleur état que l’on put et, pour un matin, quatre Mores le saisirent, et le cinquième l’étrangla avec un lacs de soie. {k} Cette mort étonna toute l’Espagne et effraya les Pays-Bas, voyant que celui qui n’avait pardonné l’ingratitude à son fils n’oublierait < pas > la rébellion des sujets. Le pape Pie v {l} le loua de ce que, pour le zèle de la religion, il avait préféré l’esprit au sang, et n’avait permis qu’il pardonnât à son fils unique. »
- Marie-Manuelle de Portugal, première épouse de Philippe ii, était morte en 1545, quatre jours après avoir accouché de leur premier enfant, Don Carlos.
- « Il mûrit longuement ce malheureux dessein ».
- Bâtard de Charles Quint (légitimé par Philippe ii en exécution des dernières volontés de leur père), Don Juan était à peu près de même âge que Don Carlos.
- Avec impiété.
- Fêté le 20 janvier (cela se passait en 1568).
- Don Juan.
- Influent courtisan portugais de Philippe ii et intendant de Don Carlos.
- Mettre fin à ses jours.
- Entièrement.
- Élisabeth ire, en Angleterre, Guillaume le Taciturne, en Hollande, et l’amiral de Coligny, en France, étaient une souveraine et deux rebelles protestants.
- Les historiens divergent sur la cause du décès de Don Carlos, le 24 juillet 1568, invoquant un empoisonnement ou une mort naturelle par consomption (comme a fait le pieux jésuite Famiano Strada, v. infra note [65]).
- Pape de 1566 à 1572, v. note [3], lettre 61.
« Voyez aussi de Bello Belgico du jésuite Famianus Strada, livre vii, page 740. “ La cause de la mort de Carlos a été fort incertaine et fort obscure : voilà pourquoi les écrivains l’ont explorée avec tant d’avidité et d’obstination, car la plupart des hommes prennent plaisir à fouiller ce qui est secret et à passer outre ce qui saute aux yeux ” (Fam. Strada, page 425). »
V. supra note [24] (notule {b}) pour l’« Histoire de la guerre de Flandre » de Famiano Strada traduite en français (Paris, 1644) où la référence fournie par le Borboniana correspond à la page 355 :
« Ce malheureux prince qui, peu auparavant, se voyait environné d’un grand nombre de seigneurs dont il recevait les adorations, et qui était alors assiégé d’un petit nombre de personnes odieuses qui observaient ses paroles, sa contenance et, pour ainsi dire, ses pensées, enfin, après six mois si malheureusement écoulés, et sans que son père inébranlable pût être touché par les ambassades de tous les princes de l’Europe, ni par les prières de toute l’Espagne, mourut d’une maladie qui lui fut causée en partie pour avoir refusé de prendre de la nourriture, en partie pour en avoir pris avec excès et avoir mis de la neige dans son breuvage, ou enfin par la douleur de l’esprit, s’il est vrai néanmoins qu’il n’y ait point eu de violence. Quatre jours devant sa mort, ayant refusé jusque-là les remèdes du corps et les remèdes de l’âme, il se changea tout d’un coup, par une grâce divine ; il demanda lui-même un confesseur, et après s’être confessé avec beaucoup de douleur et avoir envoyé à son père pour lui demander pardon de ses fautes, il expira constamment, tenant en sa main un cierge béni. Je sais que ces choses, de la façon que je les ai rapportées, ne plairont pas à ceux qui, sans se soucier de la vérité, reçoivent avec joie tout ce qui se dit en mauvaise part des actions des princes. »